La Rochelle, de notre envoyé spécial. L'université du PS à La Rochelle s'est ouverte vendredi sur fond de tensions grandissantes entre les députés frondeurs et le gouvernement. Les militants interrogés sont eux partagés, pour ne pas dire un peu perdus. Qu'ils soutiennent la nouvelle ligne plus libérale du gouvernement ou qu'ils la contestent, tous s'accordent ce premier jour à dire qu'il faut ouvrir le débat. Pendant ces trois journées, nous rendrons compte des témoignages de militants.
- « On parle de social-libéralisme, j'enlèverai le mot social »
Gilles Harau, 52 ans, membre du Parti socialiste depuis 1981, fonctionnaire territorial.
« Depuis lundi il y a eu un tournant brutal de la politique menée. On parle beaucoup de social-libéralisme, personnellement j'enlèverai le mot social. À partir du moment où quelqu'un qui se dit de gauche se fait ovationner par le Medef, ça pose un problème. Plus ça va, plus la ligne politique de François Hollande s'écarte des soixante engagements pour lesquels il a été élu. Je ne suis pas anti-entreprise, au contraire, mais si l'idée c'est que les Français se sacrifient pour que les multinationales augmentent leurs dividendes, alors là c'est inacceptable.
Franchement quand je discute avec des militants, un certain nombre sont vraiment remontés, même ceux qui ne se situent pas à gauche du parti. J'en connais même plusieurs qui pensent à quitter le PS à cause de cette ligne économique. C'est dramatique parce que cela profite au Front national. Aujourd'hui, on n'entend pas assez les adhérents. C'est précisément alors que les cotes de popularité de l'exécutif s'effondrent qu'il faut ouvrir le débat, on ne peut pas cadenasser les gens qui ont d'autres propositions. »
- « On s'est retrouvé talonné par le Front national »
Michèle Gauthier, retraitée de l'éducation nationale, sympathisante socialiste de Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme)
« J'habite dans une ville très ancrée à gauche. Aux dernières élections on s'est retrouvé au coude à coude avec le Front national, notamment dans mon quartier, c'était une première et je sais de quoi je parle puisque je m'occupe d'un des bureaux de vote. Le problème c'est que les gens aujourd'hui attendent des résultats trop vite, ils sont dans l'immédiateté. Bien sûr que le chômage et la pauvreté de certains sont un drame mais on ne peut pas attendre des dirigeants un coup de baguette magique.
J'entends de plus en plus de discours de gens qui ont perdu tout espoir en la politique. Ils ne voient plus la différence entre la droite et la gauche. Le risque chez cet électorat qui n'est pas très politisé, c'est qu'il se retrouve à voter FN. Je connais une ancienne chef de section du parti socialiste qui a rendu sa carte et qui adhère maintenant aux idées de Marine Le Pen. Il ne faut pas oublier que l'on fait partie des rares pays en Europe qui, malgré la crise économique, ont réussi à conserver leur modèle social. Personnellement, je n'adhère plus au Parti socialiste parce que je trouve qu'il n'y a pas assez de débat. Même au niveau local, il y a les béni-oui-oui et ceux qui veulent l'ouvrir se font dézinguer. »
- « Il y a une forme de hold-up politique qui est menée »
Mathurin Levis, 23 ans, membre du bureau national du mouvement des jeunes socialistes (Yvelines), étudiant en master d'histoire
Il faut que l'on arrive à s'extraire de cette vision selon laquelle l'exercice du pouvoir conduit nécessairement à se séparer d'une partie de sa base militante. Aujourd'hui, l'orientation politique est très éloignée de ce pour quoi on s'est battus pendant la campagne présidentielle de 2012. La gauche au pouvoir ne doit pas être synonyme de reniement. Avec la nomination d'Emmanuel Macron comme ministre de l'économie, le symbole donné est désastreux et forcément une fracture est en train de se créer entre les militants et le gouvernement.
La réalité électorale, c'est que l'on a perdu 8 millions de voix entre 2012 et les élections municipales de 2014. Au lieu d'ouvrir le débat, le premier ministre répond de façon autoritaire. Nous n'avons pas élu François Hollande pour qu'il mène une lutte aveugle contre les déficits. Selon moi, la première des erreurs est de dire qu'il n'y a pas d'autre politique possible.
Quand on entend que certaines revendications sur les hausses salariales sont considérées comme des réflexes pavloviens, je pense au contraire qu'il faut arrêter d'avoir des réflexes libéraux quand on est de gauche. Je suis d'accord avec Manuel Valls quand il dit que la gauche peut mourir, la responsabilité aujourd'hui est de réussir à fédérer les forces de gauche, sinon le rapport de force entre les différents courant (EELV, Front de gauche, PS) ne peut que s'accentuer. »
- « Tous les moyens de lutte contre le chômage ont échoué »
Jean-Paul Chartron, adjoint à la mairie de Firminy, « hollandais » de longue date et adhérent socialiste depuis 1968.
« Moi, je suis sans état d'âme. On a un vrai problème de chômage en France. L'emploi des jeunes, ça mériterait une union nationale des politiques, c'est une question qui va au-delà des courants droite-gauche. Et ce que dit Manuel Valls est peut-être ce qui va permettre de changer la France d'ici quinze ans. Je suis élu depuis 1977 et je constate que tous les moyens pour lutter contre le chômage ont échoué. Il y a toujours eu des débats au Parti socialiste et je pense qu'au final la base militante va adhérer.
D'une manière générale, le passage au pouvoir réduit la cote de popularité mais ce qui m'inquiète tout de même, c'est la réduction du socle politique. Il n'y a plus les Verts, le Front de gauche, ça ne veut pas dire que ça ne va pas marcher. Localement, c'est vrai que l'argent devient plus rare mais ce n'est pas l'addition de politiques locales qui fait une politique nationale. On continue de travailler sur la réindustrialisation mais on est bien obligé de lutter parallèlement pour réduire les déficits. On n'a pas les moyens de faire autrement. J'aimerais que Valls soit le premier ministre qui a endigué le chômage. »
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