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« Si je suis dans ce box, c'est parce que je suis musulman »

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« Je me fais même contrôler en bas de chez moi dans un petit village. Un Arabe qui vit dans un pavillon, les gendarmes n’ont pas l’habitude… » Hassan rit jaune. Ce jeudi 7 août 2014, le jeune homme de 22 ans sort de l’audience de son frère Mohamed qui vient de se tenir à la cour d’appel de Paris.

Hassan vit à Beaumont-sur-Oise, une ville au nord de Paris. Le visage mat coiffé d’une mèche brune bourrée de gel, il estime subir des contrôles d’identité « parfois jusqu’à 6 fois par jour ». Le dernier en date remonte au 13 juillet à Paris. 

Cet après-midi-là, Hassan rentre d’une manifestation de soutien au peuple palestinien qui vient de s’achever place de la Bastille, dans l’est de la capitale. En fin d’après-midi, des échauffourées éclatent entre certains manifestants et des forces de police. Hassan s'apprête à repartir vers Barbès, quelques kilomètres plus au nord, accompagné de son frère Mohamed et de leur ami Renaud. Ensemble ils repartent à pied chercher leur voiture garée dans le quartier, point de départ de la manifestation.

Coiffé, tout comme son « ami blanc » Renaud, d’un keffieh qui lui recouvre entièrement la tête, Hassan est interpellé à Barbès par trois policiers pour « dissimulation de visage sur l’espace public ». 

Mohamed, 24 ans, conteste l’arrestation de son cadet avant de s'interposer. L’interpellation dégénère et seul le grand frère est finalement embarqué. Deux jours plus tard, le 15 juillet, au terme d’une audience digne d’« un mauvais film », rapportait Libération, Mohamed est condamné à 4 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Il file en prison illico. 

Ce matin, le jeudi 7 août, son cas était à nouveau examiné en cour d’appel. Une quinzaine de personnes ont fait le déplacement. Parmi elles, la famille de Mohamed et Hassan, mais aussi des militants des mouvements présents dans les manifestations. On y trouve des membres des collectifs “Victimes de contrôle au faciès” et “Soutien aux détenus des manifs pour Gaza”, mais aussi des membres du Parti des indigènes de la République.

Dans les couloirs du palais de justice de Paris, ils dénoncent « des arrestations au faciès », des « condamnations racistes », et font du cas de Mohamed, l’un des premiers manifestants jugés en juillet, un symbole de leur combat contre « une justice deux poids, deux mesures ». 

À 9 h 30, Mohamed, les cheveux frisés tirés dans un chignon improvisé, entre dans le box des prévenus. Il décrit d’une voix basse ce qui ressemblerait à une agression policière. « J’ai eu ma djellaba déchirée avant même que le contrôle ne se passe. Le policier m’a mis un coup de matraque dans la bouche, c’est là que les choses se sont envenimées. » Le prévenu s’en sort avec une journée d’ITT, aucune pour les policiers.

Durant l’altercation, on lui argue que sa religion est « sauvage », puis lui demande « tu fais quoi en France ? Si tu veux te battre pour la Palestine, va en Palestine », avance la défense. 

La partie civile ne croit pas à ces accusations et dénonce « un contre-feu tout à fait classique » de mise en cause des autorités. Les policiers présentent un jeune homme d’abord « vociférant », devenu très vite violent lors de l’interpellation d’Hassan, alors encagoulé dans son keffieh. 

M., gardien de la paix, métis, au costume impeccablement taillé, raconte : « Cet individu – il désigne Mohamed – nous a violemment repoussés sous prétexte que c’était son frère. (...) Il nous a mis un coup de poing en dessous du gilet pare-balles, c’est là qu’on a décidé de l’interpeller », ajoute-t-il au nom des trois policiers présents sur les lieux ce 13 juillet. Le troisième, C., victime du coup porté dans le ventre, était absent lors de l’audience.

Mohamed ne comprend pas : « Je faisais partie à Bastille de ceux qui défendaient les gendarmes contre les casseurs. Quel intérêt de partir à Barbès pour taper sur des policiers ? Si j’ai mis un coup, c’était quand j’étais étranglé au sol par les policiers, j’ai eu peur, c’était involontaire. » 

« Il a refusé qu’on lui passe les menottes, c’est uniquement cela qui constitue l’acte de rébellion », balaie son avocat Me Putman. La défense évoque un « sentiment de racisme sournois » dans cette arrestation, s’interrogeant sur l’absence de Renaud dans le PV, où figurent pourtant les deux frères. À l’issue de l’interpellation musclée, seule l’identité de Renaud n’a pas été relevée. 

Pourquoi ? « Il n’a pas été violent », justifie le policier. Renaud, 24 ans, musulman, a une autre explication : « Mon visage, c’est mon totem. Je suis blanc… », lâche-t-il dans les couloirs après le jugement. 

Sentiment partagé à distance par Mohamed. Cet intérimaire régulier – il dit gagner 1 400 euros par mois dans une entreprise de manutention – est en pleine période de réinsertion. L’homme vient déjà de purger un an de prison ferme pour tentative de braquage. Libre depuis octobre 2013, il laisse couler quelques larmes à la fin de ce nouveau procès : « Vous pouvez me mettre 3, 5, ou 6 mois de prison, je suis innocent, je changerai pas mon discours. Si je suis dans ce box aujourd’hui, c’est parce que je suis musulman et que je soutiens la Palestine. » 

Le tribunal, qui l’aura longuement laissé s’exprimer, confirme sa culpabilité pour les faits de rébellion. La condamnation s’élève à trois mois de prison ferme, sans maintien en détention « eu égard à sa réinsertion réussie ». Mohamed sera libre dans la journée et verra sans doute sa peine commuée en travaux d'intérêt général (TIG). 

Le public venu assister à l’audience semble à moitié soulagé. À la sortie, Hassan affiche son écœurement des institutions. Son père le reprend. À côté d'eux, les collectifs communautaires présents annoncent détenir chacun des dizaines de témoignages similaires à celui de Mohamed depuis le début des manifestations contre la situation en Palestine. Leurs membres évoquent le cas d'étudiants, de mères de famille ou de femmes de 60 ans arrêtés après des rassemblements. Tous arabes. Souvent sans histoires.

Critiquée après ces vagues d'arrestations, la préfecture de police de Paris avait annoncé l'interpellation prochaine des casseurs les plus durs grâce à l'exploitation des images de surveillance. Le premier d'entre eux, un Algérien de 32 ans, a été condamné mardi dans la soirée pour avoir détruit puis incendié un bus de la RATP dans une manifestation le 19 juillet. Il a écopé de trois ans de prison ferme. La peine la plus lourde prononcée jusqu'ici.

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