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Les défilés pour la Palestine fracturent le PS et embarrassent les écologistes

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Au cas où l'on ne s'en serait pas aperçu, le président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) rappelle avec insistance aux journalistes où ils se trouvent : dans la salle “Alfred-Dreyfus” du siège parisien de la LDH. Dreyfus, le capitaine juif faussement accusé de trahison à la fin du XIXe siècle, héraut du combat contre le racisme et l'antisémitisme. Tout un symbole, en ces temps de confusion généralisée.

Dans la salle “Alfred-Dreyfus”, ce mardi 22 juillet, plusieurs associations, syndicats (CGT) et partis de gauche (EELV, le PCF, le Parti de gauche, Nouvelle Donne, le NPA, etc.) réunis sous la bannière du Collectif pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens (l'ensemble des signataires est à lire ici) ont appelé à manifester ce mercredi, à 18 h 30, de Denfert-Rochereau aux Invalides, en solidarité avec le peuple palestinien, contre l'arrêt des bombardements de l'armée israélienne sur Gaza, pour la levée du blocus imposé par Israël.

« Les images de Gaza sont horribles, l'Union européenne a des moyens d'agir », a lancé l'eurodéputé communiste Patrick Le Hyaric. « Il y a un oppresseur et un opprimé. Israël est en train de faire payer à tout un peuple sa logique colonisatrice et militaire. L'État d'Israël viole le droit international depuis des années », a insisté Pascal Durand, député européen écologiste, venu parler au nom de la secrétaire nationale, Emmanuelle Cosse. Pour la LDH, Pierre Tartakowsky a exigé un « engagement plus clairement lisible du gouvernement français en faveur du processus de paix, contre le blocus et l'occupation ».

Le parti socialiste n'appelle pas à manifester. Mais deux députés PS, Pascal Cherki et Alexis Bachelay, étaient présents et ont pris la parole. Mardi, avec une trentaine de collègues, ils ont signé un appel invitant, contre l'avis de leur parti, à manifester mercredi. « La France est membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, cela lui donne plus de responsabilités que d'autres États, a rappelé Pascal Cherki. Tout ce qui contribue à déséquilibrer la position de la France nuit à sa possibilité de se poser en médiateur. » Une allusion à l'alignement de François Hollande sur la politique du gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou, qui semble rompre avec la doctrine traditionnelle de la France : deux États, dans les frontières de 1967, contre la colonisation et l'occupation israéliennes.

Depuis le début de l'offensive de l'armée israélienne à Gaza le 8 juillet – d'abord aérienne, puis terrestre, elle a fait plus de 550 morts côté palestinien et 27 Israéliens ont été tués, des soldats pour l'essentiel – le Collectif a déjà appelé à manifester à deux reprises à Paris, les 11 et 16 juillet. Ces rassemblements avaient été autorisés par la préfecture de police. « Nous avons aussi organisé de nombreuses manifestations partout en France », rappelle Taoufiq Tahani, président de l'association France Palestine Solidarité.

Conférence de presse des organisateurs de la manifestation du 22 juillet.Conférence de presse des organisateurs de la manifestation du 22 juillet. © MM

Samedi dernier, ces organisations n'étaient pas de la manifestation interdite de Barbès, lancée à l'appel de l'Union des juifs français pour la paix (UJFP), des Indigènes de la république (PIR), du Mouvement des jeunes palestiniens (PYM) ou du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) – même si certains de leurs militants étaient présents.

D'abord pacifique, ce cortège a dégénéré. Depuis, une autre manifestation interdite à Sarcelles (Val-d'Oise) a elle aussi donné lieu à des affrontements violents. Une épicerie casher a notamment été attaquée. De nombreux responsables socialistes, du premier ministre Manuel Valls au président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, disant craindre l'importation du conflit israélo-palestinien sur le sol français, ont unanimement dénoncé une flambée de l'antisémitisme. Lundi, François Hollande a reçu des responsables religieux, accréditant le sentiment d'un affrontement communautaire.

C'est aussi la gestion par l'exécutif, accusé d'exacerber les tensions, que les organisateurs ont tancée. « Les fous ont pris le contrôle de l'asile », commente un participant, avant la conférence de presse. Taoufiq Tahani, de France Palestine Solidarité, dénonce la « violence verbale du président de la République et du premier ministre, qui assimilent ce conflit politique à un affrontement religieux ou qualifient le mouvement de solidarité à la Palestine d'antisémite ». « Ramener la manifestation de solidarité avec Gaza aux seules manifestations d'antisémitisme, c'est extrêmement réducteur, soutient Pierre Tartakowsky de la LDH. C'est le fait d'avoir interdit certaines manifestations qui a favorisé tous les excités. La manifestation de mercredi sera pacifique, responsable, permettra je l'espère d'animer un débat démocratique, ni hystérique ni communautaire. »

À une journaliste de télévision très insistante, ce militant des droits de l'Homme assure : « Il n'y aura pas de propos antisémites dans cette manifestation, nous n'avons jamais manifesté aux côtés des antisémites. Ce n'est pas demain que nous allons commencer. » « Il est inacceptable que la France, via son gouvernement, ait interdit une manifestation de se dérouler », dit Pascal Durand (EELV). Claude Nicolet (MRC, parti de Jean-Pierre Chevènement), constate les « dérives de la diplomatie française ». Christophe Ventura (parti de gauche, PG) assure que le « gouvernement n'a fait qu'attiser les réflexes communautaires ».

« Le deux poids, deux mesures, quand il s'agit d'Israël ou de la Palestine, est dramatique car il humilie des millions de nos contemporains », poursuit Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne). Le trajet initial déposé en préfecture (République-Opéra) a été modifié sur demande de la préfecture de police. À cause de la présence de « plusieurs magasins de luxe à Opéra », assure Taoufiq Tahani, et non en raison de la présence d'une synagogue non loin du trajet. La sécurité sera assurée par le NPA et les expérimentés services d'ordre de la CGT, du PG, du PCF.

En soutenant la manifestation de mercredi, le parti de gauche et le parti communiste, les principales composantes du Front de gauche, sont en phase avec ce qu'ils ont toujours défendu. Mais les attaques israéliennes à Gaza ont fait apparaître au sein du PS et, dans une moindre mesure, chez les écologistes, des clivages marqués.

C'est du côté du parti que François Hollande a dirigé pendant dix ans que la tension est la plus forte. Au parti socialiste, l'alignement du pouvoir sur la ligne du premier ministre Benyamin Netanyahou, à rebours des positions habituelles du parti, consterne militants et élus. Comme pris en tenaille, le PS n'a publié depuis le début de l'intervention militaire de l'armée israélienne à Gaza que trois communiqués, dont aucun n'a condamné explicitement la politique du gouvernement israélien. En 2009, lors de l'opération Plomb durci à Gaza, le PS, alors dans l'opposition, avait tenu des positions beaucoup plus fermes, dénonçant explicitement « l’offensive militaire israélienne », et demandant « le retrait des troupes israéliennes hors de Gaza ».

Publiée lundi 21 juillet, une lettre de cent militants et élus socialistes de terrain témoigne de l'étonnement de ces socialistes de base, pour beaucoup trentenaires et issus de l'immigration, face à la ligne présidentielle. Même s'il a été édulcoré depuis par d'autres propos évoquant la « souffrance » des Gazaouis, le premier communiqué de François Hollande, assurant, le 9 juillet, qu'il « appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces », les a choqués. 

« Nous avons été véritablement stupéfaits en apprenant votre position qui consistait à apporter un soutien ferme et absolu au gouvernement israélien d’extrême droite dirigé par Benjamin Netanyahou », écrivent-ils. Se disant « indignés », ils dénoncent un « soutien unilatéral sans condamnation aucune à l’égard d’Israël », évoquent l'« affront fait à celles et ceux qui œuvrent depuis longtemps pour la construction d’une paix durable au Proche-Orient ». « En cela, vous rejoignez totalement la position personnelle de votre prédécesseur Nicolas Sarkozy qui se disait être “l’ami d’Israël” plutôt que l’ami du droit international et de la paix, écrivent-ils. Vous, un cran au-dessus, vous recherchez des “chants d’amour” pour un État qui viole chaque jour un peu plus le droit d’un peuple à son indépendance, des “chants d’amour” pour un peuple qui colonise une terre à la barbe de la communauté internationale sans que personne n’arrête cette ignominie. » 

« Militants sincères, militants respectueux de nos débats internes et des règles de notre parti, nous n’aurions jamais imaginé interpeller ainsi l’homme que nous avons porté collectivement à la tête de notre pays de manière publique. Malheureusement, aucun débat interne n’a lieu et notre parti est devenu une sorte de fantôme qui hoche la tête devant vos errements », poursuivent-ils.  

Une des signataires, la vice-présidente PS de la Région Bourgogne, Nisrine Zaibi, 26 ans, se dit « blessée ». « Quand le chef de l'État dit qu'Israël peut se défendre comme bon lui semble, c'est une forme de trahison », dit-elle. Elle déplore aussi l'interdiction de la manifestation de Barbès, au nom de la lutte contre l'antisémitisme. « Bien sûr qu'il faut combattre l'antisémitisme, je suis une guerrière antiracisme. Mais en interdisant cette manifestation, Valls et Cazeneuve ont pris le risque de conséquences dramatiques. Ils accentuent la division, ramènent le conflit sur le terrain du religieux ou du communautaire. Ces manifestations sont contre le gouvernement israélien, mais pas contre les Juifs ! » Pour Nisrine Zaibi, venue des réseaux DSK et qui a soutenu François Hollande à la primaire socialiste, cet épisode est aussi le signe d'un PS « sans idées ni conviction, qui a besoin se renouveler intégralement sa classe dirigeante », où « les sections se réunissent peu et les militants partent ».

Adjointe au maire de Nanterre (Hauts-de-Seine), Habiba Bigdane fait partie des initiateurs de l'appel, lancé bien avant l'interdiction de la manifestation de Barbès, ce week-end. « C'est vraiment une accumulation, raconte-t-elle. Ces dernières semaines, le PS est resté sur sa position traditionnelle d'équilibre prudent au sujet du Proche-Orient. Mais la goutte qui a fait déborder le vase, c'est le communiqué de l’Élysée, indigne de la France et des valeurs du PS. » Pour cette jeune militante, l'interdiction de la manifestation de Barbès, « nouvel affront », a « attisé les choses » et « encouragé la haine en mettant de la religion sur un conflit politique ».

En écho, une trentaine de députés socialistes ont publié mardi un texte de soutien à la manifestation. « Nous avons le devoir d’user de notre liberté d’expression et de notre droit à manifester pacifiquement ! Mais en aucun cas, nous ne tolérons d’acte ou de parole qui puisse faire ressurgir l'antisémitisme et le racisme. Nous ne laisserons pas s’instaurer un autre conflit en France, nous soutenons la paix », expliquent-ils. Ils exigent des « positions fermes » de la France : « un cessez-le-feu immédiat, un couloir humanitaire, le retrait des troupes israéliennes hors de Gaza, l’arrêt des tirs de roquette sur Israël et l’installation d’une force internationale de protection. »

Parmi eux, des membres de l'aile gauche, un proche d'Arnaud Montebourg ou les représentants du nouveau courant Cohérence socialiste du PS (Yann Galut, Karine Berger, la rapporteure du budget Valérie Rabault). Mardi, un des initiateurs de l'appel, Alexis Bachelay, s'est fait rappeler à l'ordre par le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, pour avoir qualifié l'interdiction de la manifestation de Barbès de « liberticide ». Le même Stéphane Le Foll, un proche de François Hollande, admet toutefois que le gouvernement « s'est laissé dépasser par des gens qui voulaient de toute façon manifester ».

Au sein des écologistes, historiquement très sensibles à la question palestinienne, une discrète bataille interne a opposé ces derniers jours la majorité du parti à certains élus, députés ou sénateurs. Dès le 9 juillet, EELV a dénoncé « l’escalade meurtrière entre Israël et Palestine », tout en ciblant particulièrement « l'agression militaire israélienne ». Le 15 juillet, les écologistes
ont déploré « les actes terroristes » du Hamas, mais aussi les « frappes dix fois plus meurtrières (de l'armée israélienne) qui alimentent en retour le terrorisme et la tension », tout en « condamn(ant) toute forme de violence à l’encontre des lieux de culte, des personnes ou des institutions, en France comme au Proche-Orient ». Le 18 juillet, veille du défilé, le parti a critiqué l'interdiction de la manifestation de Barbès. Le 21 juillet, après un week-end très meurtrier à Gaza, le parti en a « appelé à une action déterminée de la communauté internationale rapide et coordonnée », alors qu'« au mépris du droit international, Israël bombarde, tue, détruit ».

Mais au sein d'EELV, certains défendent une position de « rééquilibrage ». Pour le député Christophe Cavard, « il faut dénoncer l'action de l'armée israélienne, dire que la communauté internationale doit agir plus fort, mais aussi dénoncer avec autant de force la logique guerrière et meurtrière du Hamas, qui prône la guerre pour Dieu. Et cela, EELV ne le fait pas assez ».

Sur le réseau social Twitter et sur les listes internes, les échanges entre militants ont été vifs. Dans un échange interne daté du 19 juillet, le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, François de Rugy, dit « condamner tout à la fois l'enlèvement et l'assassinat des trois jeunes Israéliens, les représailles enclenchées par des Israéliens extrémistes qui ont mené à l'assassinat d'un jeune Palestinien, les tirs de roquette du Hamas et la riposte disproportionnée décidée par le gouvernement Netanyahou », une mise sur le même plan qui n'est pas du goût de tous les militants.

Dans un autre mail interne daté de ce lundi 21 juillet, le sénateur Jean Desessard déplore l'appel à manifester de mercredi, qui « ne parle que de l’arrêt des bombardements sur Gaza et pas de l’arrêt des bombardements sur Israël et demande des sanctions immédiates contre Israël. Comment Israël pourrait-il accepter de cesser son action si cela se traduit par des sanctions immédiates ? ». Des prises de position minoritaires, selon un responsable d'EELV, qui y décèle la « droitisation » d'une partie des parlementaires écologistes. L'an dernier, le voyage de plusieurs de ces parlementaires en Israël, menés par le sénateur Jean-Vincent Placé, avait suscité une polémique dans le parti.

La discussion divise d'ailleurs aussi les écologistes européens. Le 17 juillet, les eurodéputés écolos français ont voté la proposition de la Gauche unitaire européenne (GUE, communistes, gauche radicale, etc.) de geler l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, « tant qu'Israël continuera de violer les droits de l'Homme », de même que des écologistes suédois ou britanniques. Mais les eurodéputés écologistes allemands ne l'ont pas soutenue, et d'autres se sont abstenus.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : L’accélération 3D des cartes ATI radeon 7xxx avec le driver libre arrive dans Debian


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