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Asile et immigration: contrôles renforcés contre nouveaux droits

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Les deux projets de loi relatifs à l'asile et au droit des étrangers présentés mercredi 23 juillet en conseil des ministres sont à l'image de Bernard Cazeneuve et de sa manière d'exercer la fonction de ministre de l'intérieur : plus consensuels que ce qu'aurait voulu son prédécesseur, Manuel Valls, qui les a initiés, ils évitent les mesures susceptibles de focaliser – inutilement selon lui – l'attention médiatico-politique (centres semi-fermés pour les déboutés du droit d'asile notamment) ; techniques, mais pas que : ils comportent des améliorations (souvent imposées par des directives européennes) pour les demandeurs d'asile et les étrangers s'installant en France, ainsi que des contraintes renforçant les contrôles dont ces personnes font l'objet de la part de l'État.

« Le ministre cherche à réconcilier la France et ses immigrés. Pour cela, il se refuse à brandir des chiffons rouges, à crisper, à instrumentaliser. En même temps, il veut rendre les dispositifs plus lisibles, plus rapides et plus efficaces, y compris les reconduites à la frontière », indique-t-on dans son entourage. Après deux ans d'attente, les défenseurs des droits des étrangers, dans le secteur associatif, sont mitigés. Certains, comme France terre d'asile, saluent la « volonté de réforme » du ministre tout en constatant que « de nombreuses interrogations subsistent ». D'autres, comme la Cimade, sont déçus. Pour ses représentants, l'arsenal législatif proposé n'est pas à la hauteur des engagements pris par les responsables politiques de gauche, y compris au parti socialiste, lors de la précédente mandature. Insuffisant pour rompre avec la « politique inadaptée et injuste » menée sous l'ère Sarkozy, il n'est pas de nature, regrettent-ils, à « mettre en place une politique fondée sur les valeurs d'hospitalité ».

En matière d'asile, la priorité du projet de loi, qui contient 23 articles (le télécharger ici), est d'accélérer l'examen de la demande d'asile, dont la durée dépasse parfois deux ans et demi, pour la ramener à neuf mois dans le droit commun. L'objectif est de limiter l'incertitude dans laquelle sont plongés les étrangers sollicitant le statut de réfugié, tout en réduisant les coûts liés à l'hébergement et aux allocations leur revenant de droit. Environ 100 000 personnes attendent actuellement une décision. 

Outre des effectifs supplémentaires, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), autorité indépendante chargée d'examiner les dossiers, se voit attribuer des pouvoirs supplémentaires. Elle obtient la possibilité de recourir davantage aux « procédures accélérées », réputées plus expéditives et se traduisant généralement par un rejet. Le but est affiché dans l'exposé des motifs du projet de loi (à télécharger ici) : il s'agit d'« assurer un traitement plus rapide des demandes abusives » qui, d'après le ministère, se développent en raison des droits juridiques et matériels accordés aux demandeurs d'asile.

En même temps, selon les obligations inscrites dans diverses directives européennes, des garanties sont apportées au demandeur d'asile. Lors de l'entretien au cours duquel il décrit les raisons de son départ de son pays d'origine, celui-ci peut être assisté d'un avocat ou du représentant d'une association agréée. Un décret à venir déterminera si l'échange sera enregistré ou s'il fera l'objet d'une retranscription contradictoire. Les personnes reconnues comme vulnérables obtiennent un traitement spécifique.

Un temps menacée, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) conserve son rôle d'instance de recours en cas de rejet par l'Ofpra. Mais le ministère, qui souhaite « normer » ses interventions jugées trop lentes, lui met la pression en lui demandant de statuer « à juge unique » dans un délai d'un mois pour les procédures accélérées. Selon l'engagement de François Hollande, les personnes déboutées ne risquent plus, quant à elles, d'être expulsées du territoire avant d'avoir épuisé l'ensemble de leurs droits.

Une refonte globale de l'hébergement est prévue. Les centres d'accueil (Cada) étant saturés en Ile-de-France et dans les principales agglomérations, un dispositif national « directif » et « contraignant », décliné par région et géré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), est mis en œuvre afin de répartir les demandeurs sur le territoire en fonction des places disponibles. « Il s’agit d’assurer une meilleure acceptation locale des demandeurs d’asile et de mettre fin à certains effets de filières et de concentration communautaire », précise le texte. Les personnes qui refuseraient un lit ainsi attribué perdraient leur aide au logement ainsi que le pécule leur permettant de subvenir à leurs besoins (nourriture, vêtements). Une mesure initialement envisagée avait provoqué l'inquiétude des associations : l'impossibilité faite aux demandeurs de quitter leur Cada plus de 48 heures sans autorisation du préfet sous peine de voir clôturer la procédure les concernant. Ayant reconnu la « maladresse » de la formulation, les services du ministre renvoient à un décret ultérieur l'instauration d'une telle mesure de surveillance, qu'ils estiment toutefois nécessaire à la fois pour gérer les stocks de places disponibles et garder la trace des personnes en cas de rejet de leur dossier. 

Pour empêcher que les déboutés du droit d'asile ne restent en France et permettre le retour dans leur pays d'origine, Bernard Cazeneuve entend les assigner à résidence. Mais il renonce, pour l'instant tout du moins, à l'ouverture de centres spécifiques, « semi-ouverts » ou… « semi-fermés ». Son entourage justifie sa décision par son souhait de ne pas créer d'« usine à gaz ». « Des expérimentations restent envisageables. Nous en rediscuterons avec les associations », assure-t-on. L'expulsion n'est pas pour autant retardée, au contraire. Les personnes ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire (OQTF) se verront appliquer des délais de recours abrégés.

En 36 articles, le projet de loi relatif au droit des étrangers contient lui aussi son lot d'avancées et de restrictions (texte à télécharger ici). L'exigence de connaissance de la langue française est renforcée dans le contrat d'accueil et d'intégration (CAI), signé lors de son arrivée en France par l'étranger qui veut s'installer durablement en France. Un nouveau titre de séjour pluriannuel, remplaçant les actuelles autorisations provisoires, est créé. « Cela permettra d’éviter les multiples passages en préfecture, vécus comme une contrainte et préjudiciables à l’intégration, indique le texte législatif dans l'exposé des motifs (à télécharger ici). Il est donc proposé, après un premier titre de séjour d’un an, de délivrer une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans dès lors que l'étranger aura justifié de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'État. » 

Délivrée par le préfet, cette carte reste étroitement contrôlée par lui. Des pouvoirs, « démesurés » selon la Cimade, lui sont confiés puisqu'il acquiert la possibilité de vérifier l'exactitude des informations dont il dispose « auprès d'interlocuteurs aussi divers que les fournisseurs d'énergie et de télécommunication, les banques, les entreprises de transport des personnes, la Sécurité sociale, les collectivités territoriales, les hôpitaux ou les écoles ». « Au risque de dénaturer leurs missions », insiste l'association qui intervient dans plusieurs centres de rétention. 

Bernard CazeneuveBernard Cazeneuve © Reuters

En vue d'accroître l'attractivité de la France, Bernard Cazeneuve prétend améliorer l'accueil des « talents » (chercheurs, investisseurs, travailleurs hautement qualifiés, salariés en mission, etc.), via la simplification des titres de séjour proposés et, pour les étudiants titulaires d'un master, la possibilité d'accéder à un emploi correspondant à leurs compétences ou de créer une entreprise. Quant au droit au séjour des étrangers malades, il sera délesté des freins imposés précédemment, promet l'entourage du ministre.

Côté répressif, les ressortissants européens pourraient être visés par une interdiction temporaire de circulation sur le territoire en cas d'« abus de (leur) droit de libre circulation » ou de « menace à l'ordre public ». Les services du ministre démentent cibler les populations roms, mais ils admettent vouloir limiter les déplacements de ceux dont les allers-retours sont considérés comme contrevenant au droit. À certaines conditions, les étrangers extracommunautaires peuvent être punis d'une interdiction de retour sur le sol français d'une durée maximale de trois ans, selon la transposition de la directive européenne dite « retour ».

Pour « lutter contre l'immigration irrégulière », le projet de loi privilégie, en cas d'OQTF, l'assignation à résidence, mesure moins coercitive que le placement en rétention administrative. Cet assouplissement est néanmoins compensé par la possibilité donnée aux forces de l'ordre de conduire les personnes sous la contrainte au consulat pour obtenir le laissez-passer nécessaire à leur retour forcé, voire d'aller les chercher à leur domicile pour les acheminer vers le lieu de départ. 

Pour accélérer les procédures, le délai de recours contre une OQTF peut être réduit. En cas d'enfermement, la possibilité, ouverte par la loi Besson de 2011, qu'une personne soit expulsée avant que la légalité de la procédure de rétention ne soit examinée n'est pas abolie. Cette mesure, qui a récemment encore provoqué la colère d'un juge des libertés (JLD) du tribunal de grande instance de Meaux (Seine-et-Marne), avait pourtant été combattue pied à pied par la gauche. « Telle est la position du gouvernement, mais une modification lors des débats au Parlement n'est pas exclue », indique le ministère de l'intérieur qui crée, enfin, un droit d'accès autonome (sans parlementaires) des journalistes aux centres de rétention (les refus devront être motivés et pourront être contestés), afin que ceux-ci puissent y exercer leur métier et garantir aux personnes enfermées un droit d'expression. 

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