Il y a ceux qui répètent inlassablement qu’il faut sauver l’UMP. Et ceux qui ont déjà acté sa disparition. Non contente de nourrir des divisions d’égos et d’idées, l’opposition s’est trouvé depuis quelques semaines un nouveau terrain de discorde : celui de l’avenir du mouvement, né il y a douze ans de la fusion du RPR (Rassemblement pour la République) et de l’UDF (Union pour la démocratie française), elle-même fruit d’une confédération de partis.
Jean-Pierre Raffarin, l'un des trois anciens premiers ministres qui assurent la présidence de l'UMP par intérim en attendant le congrès de novembre, a beau écrire sur son blog que « l’éclatement (du parti) serait une impasse pour toutes les ambitions », ce scénario est désormais privilégié par plusieurs responsables de l'opposition, à commencer par les soutiens de Nicolas Sarkozy. « En 2012, on croyait avoir atteint le pire avec la guerre Copé-Fillon, rappelle un élu sous couvert de “off”. Mais ils n'étaient que deux à l'époque. Aujourd'hui, ils sont tous à se tirer dans les pattes ! L'UMP était déjà affaiblie. Ils l'ont achevée. Et cela arrange bien les affaires de Sarko. »
Aux sempiternelles batailles d'égos et à l'absence manifeste de leader, s'ajoutent désormais bien d'autres problèmes : le couperet de la justice avec l'affaire Bygmalion d'abord, mais aussi une dette colossale de 74,5 millions d’euros, une machine à idées rouillée et des règlements de comptes à tous les étages de la rue de Vaugirard. Autant d’éléments qui menacent la survie de l’UMP et induisent, pour beaucoup, la question suivante : quel est l’intérêt, aujourd’hui, de sauver un parti si moribond ?
Pour y répondre, l’entourage de la direction transitoire met en avant trois atouts : « la capacité électorale de l'UMP » (selon les calculs du Monde, 98 000 des 212 974 conseillers municipaux élus en mars dans les communes de plus de 1 000 habitants sont étiquetés de droite), « sa base militante » (l’UMP comptait fin juin 161 000 adhérents à jour de cotisation, contre 124 000 à la même époque, il y a un an), « et surtout les recettes de l’État » (les dotations publiques s'élevaient à 19 870 370 euros en 2013).
« Sur le terrain, l’UMP fonctionne, confirme un proche de Bruno Le Maire. Ce qui ne fonctionne pas, c’est sa tête. » Candidat à la présidence du parti en novembre, le député de l'Eure multiplie depuis un an les déplacements à travers la France. « Les réunions publiques qu'il organise rassemblent des centaines de personnes, se réjouit-on dans son entourage. La mobilisation est là. C’est un actif qu’il ne faut pas dilapider. »
Changer le nom de l’UMP, son logo, voire son siège… Chaque responsable de l’opposition a sa petite idée sur la façon dont le parti doit se métamorphoser. « Il y a un véritable effort de communication à faire », reconnaît Gérald Darmanin, député du Nord et membre de la “team XB” (pour Xavier Bertrand). « Oui, la marque UMP est abîmée, poursuit son collègue filloniste Jean-François Lamour. Mais le fait de trépigner en disant qu'on va changer de nom, ça ne règle pas le problème ! »
La direction transitoire de l'UMP répète à l'envi vouloir organiser dans quelques mois « un congrès transparent et démocratique, irréprochable », selon les mots de Jean-Pierre Raffarin. Mais pour le reste, « ce n’est pas à elle de décider un changement de nom ou toute autre révolution de ce genre, mais au futur président », insiste un proche du triumvirat. Quant aux deux seuls candidats à ce jour déclarés pour prendre la tête du parti, Bruno Le Maire et Hervé Mariton, ils préfèrent s’en remettre aux militants.
« L’UMP n’appartient pas à un chef à plumes, mais aux militants », assène-t-on dans l’entourage du premier. « Je souhaite remettre les militants au centre du parti, qu’ils soient davantage consultés qu’aujourd’hui », plaide le second. Car s’il est un constat qui met tout le monde d’accord au sein de l’opposition, c’est bien celui de la rupture entre les élites du parti et leur base. « On s’est un peu embourgeoisé, regrette Gérald Darmanin. L’UMP traverse une fracture morale avec sa base. C'est pour cette raison que les militants demandent à la nouvelle génération de prendre le pouvoir. »
Les ambitieux de 2017 tentent par tous les moyens d’incarner ce renouveau si cher aux militants et sympathisants de droite. C’est notamment le cas de Christian Estrosi, lorsqu’il explique au Parisien que « le parti est déjà mort » et que « ce n'est pas une restructuration avec un congrès a minima qu'il faut, mais une véritable révolution ».
C’est également le cas de Xavier Bertrand, qui préconise dans Libération « un électrochoc ». « Notre mouvement est trop parisien, trop vertical, pas assez démocratique, dénonce le député et maire de Saint-Quentin. Je souhaite un mouvement décentralisé (...). Avec des primaires partout et des adhérents qui retrouvent le pouvoir. » Les deux anciens ministres de Nicolas Sarkozy sont officiellement candidats à la primaire de 2016.
Fâché que d'anciens ministres de Nicolas Sarkozy puissent aujourd'hui prendre leurs distances avec l'ex-chef d'État, un élu sarkozyste s'amuse de « ceux qui tirent sur l'ambulance et ont ainsi l'impression d’apparaître comme modernes ». « Christian Estrosi pense que l'UMP est morte, mais ça ne l'a pas empêché de pousser pour que son ex-compagne (Dominique Estrosi-Sassone, adjointe au maire de Nice et tête de liste UMP dans les Alpes-Maritimes pour les prochaines sénatoriales – ndlr) soit investie », grince également un cadre du parti.
« Si tout le monde met autant d’énergie à vouloir présider l’UMP, c’est que l’UMP ne doit pas être si morte que ça, indique pour sa part le cofondateur de la Droite forte, Geoffroy Didier. Le parti est simplement malade et c’est pour cela qu’il faut une renaissance. » Pour les soutiens indéfectibles de l’ancien président de la République, cette « renaissance » doit passer « par un renouvellement des idées et des visages », à l’exception, bien entendu, de celui de leur mentor.
« Nicolas Sarkozy reste le seul à pouvoir faire bouger les lignes et à être capable de rassembler, résume le député du Pas-de-Calais, Daniel Fasquelle, un autre fidèle sarkozyste. Les militants ont envie qu’il revienne comme leader et qu’il s’entoure de la nouvelle génération pour remettre de l’ordre dans la maison. » Geoffroy Didier ne dit pas autre chose : « Les Français veulent mettre un coup de balai aux partis politiques. Les élections municipales l’ont montré. De très jeunes maires ont été élus à cette occasion. Le seul à pouvoir résister à cela, c’est Nicolas Sarkozy, car il a l’expérience et l’autorité nécessaires. C’est encore l’exception qui confirme la règle. Une sorte de totem. »
Si son retour ne fait de doute pour personne, l’ancien président de la République a tout de même indiqué début juillet sur TF1 et Europe 1 qu’il ne s’exprimerait pas sur le sujet avant la rentrée. En attendant, ses soutiens se chargent d'alimenter le storytelling à coups de petites phrases distillées et de scénarios tout tracés. Le but : offrir à Nicolas Sarkozy l’occasion de jouer, en novembre prochain, son propre congrès d’Épinay, qui avait permis en 1971 à François Mitterrand de prendre le contrôle du PS, sur une ligne d'union de la gauche. Et d’apparaître ainsi comme le candidat naturel du parti à l’élection présidentielle.
« Il faut pousser les murs : comprendre pourquoi les gens votent FN, parler à des gens qui sont de gauche et qui sont désœuvrés, se tourner vers ceux qui ne vont plus voter… », détaille Geoffroy Didier, avant d’ajouter : « Pour créer un projet alternatif crédible et sérieux, il faut au moins deux ans. Nicolas Sarkozy est parfaitement dans les temps. » Les soutiens de l’ancien président parlent de calendrier politique, sans jamais évoquer le calendrier judiciaire qui attend pourtant leur mentor, récemment mis en examen pour « corruption active », « trafic d'influence » et « recel de violation du secret professionnel » (lire ici notre article). « Tout cela va se dégonfler », veut croire Daniel Fasquelle.
Parce qu’ils craignent d’irriter le noyau dur du parti qui reste encore très sarkozyste, rares sont les responsables de l’opposition à évoquer ouvertement le véritable problème que pose le retour de l'ex-chef d'État à la tête de l’UMP : le risque annoncé de vivre jusqu'en 2017 au rythme des rebondissements judiciaires des différentes affaires qui visent Nicolas Sarkozy et son entourage. En “off”, les propos se font toutefois plus acerbes : « Sarko ne veut revenir que pour une seule chose : se protéger judiciairement en prenant le parti comme bouclier, s’agace un cadre de la rue de Vaugirard. Sur le fond, il n’a absolument pas changé. Il ne changera donc ni l’UMP ni ses vieilles pratiques. »
« Toujours ramener la survie de l’UMP au retour de Nicolas Sarkozy, c’est mortifère pour le parti, ajoute le filloniste Jean-François Lamour. On risque de ne pas s’en sortir à cause de cela. » Pour le député de Paris, l’avenir de l'UMP est surtout conditionné à deux éléments : « un socle de pensée solide » et « un mode de gestion transparent ». « Certains appellent cela des règlements de comptes, mais il faut aller au fond des problèmes, ajoute-t-il. Mettre la poussière sous le tapis, ce serait la pire des choses. Si nous feignons d’oublier ce qu’il s’est passé, la justice et les électeurs ne manqueront pas de le rappeler à notre bon souvenir. »
Sur le seul plan des idées, Nicolas Sarkozy s'est pour l'heure contenté d'une tribune dans Le Point consacrée à l'Europe et d'une discussion avec Jean-Marie Rouart dans Paris Match sur la littérature. Dans ses bureaux parisiens de la rue de Miromesnil, l'ancien président reçoit beaucoup de jeunes élus, mais pour l'un d'entre eux – un nouveau maire filloniste ayant participé à un déjeuner mi-juin –, l'ex-chef d'État « drague davantage la nouvelle génération qu’il ne l’écoute ».
C’est pourtant bien dans le vivier des jeunes têtes pensantes que la plupart des candidats (à la présidence de l’UMP ou à la primaire de 2016) puisent pour mettre en marche la rénovation du parti (lire ici et là nos enquêtes). « On n’a pas attendu Sarkozy pour avoir des idées, rappelle un autre jeune élu, proche des cercles de Bruno Le Maire. Le travail qu’on a initié depuis son départ en 2012 mérite à lui seul qu’on sauve l’UMP. »
BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes interrogées dans cet article ont été rencontrées ou jointes par téléphone les 15 et 16 juillet.
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