Pour la première fois depuis le début de la nouvelle intervention militaire israélienne à Gaza, une manifestation de soutien à la cause palestinienne est interdite dans une grande capitale occidentale. Prévu ce samedi à Paris, le rassemblement a été interdit par la Préfecture de police, avec l’accord du ministère de l’intérieur, « au vu des risques graves de trouble à l'ordre public qu'engendrerait sa tenue dans un contexte de tension accrue », a fait valoir la Préfecture. Cette dernière a également annoncé samedi que les personnes se rendant tout de même au rassemblement pourraient être interpellées. En revanche, les manifestations prévues en province (deux ont été interdites en début de semaine à Lille et à Nice) devraient pouvoir se dérouler normalement. « J'ai demandé aux préfets de regarder au cas par cas les manifestations prévues à cet égard », a expliqué le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, sans plus de précisions.
À Paris, la décision a fait l’objet d’un appel dit « référé-liberté » des organisateurs auprès du tribunal administratif. Mais le tribunal a confirmé l'interdiction vendredi soir. Quel que soit le résultat de la procédure judiciaire, le risque que la situation s’envenime est très grand, ainsi que l’ont expliqué les organisateurs lors d’une conférence de presse, vendredi matin à Paris.
Pour Youssef Boussoumah, responsable du Parti des indigènes de la République (PIR), « cette interdiction achève de stigmatiser une population en la rendant coupable d’actes qu’elle n’a pas commis ». Les organisateurs disent avoir proposé un nouveau tracé, de Barbès à la place de l’Opéra, en vain. Rappelant que les associations et partis ayant appelé au rassemblement n’auront « pas le droit de faire de service d’ordre, sous peine d’être condamnés », Tarek Beniba (militant à Ensemble, une organisation du Front de gauche) ne cache pas son inquiétude : « Il est évident que, vu l’escalade à Gaza et l’intervention terrestre en cours, la colère va être très grande et voudra s’exprimer. Les gens vont converger malgré tout à Barbès, et là, que va faire le gouvernement ? Une nouvelle bataille d’Alger en plein Paris ? »
Ce vendredi soir, le NPA explique dans un communiqué appeler « tout de même, avec les forces politiques, syndicales et associatives attachées aux respects des droits démocratiques et révoltées par les crimes commis à Gaza, à se rassembler pour protester publiquement ».
Selon l’avocat des organisateurs, Maître Hosni Maat, qui a déposé le « référé-liberté », « la possibilité de troubles à l’ordre public ne suffit pas à l’interdiction d’une manifestation, tous les étudiants en deuxième année de droit le savent depuis l’arrêt Benjamin (CE, 1933). On l’a déjà vu lors des manifestations contre le mariage pour tous, qui ont largement pu se tenir, malgré des contre-manifestations ». D’autres ont cité les exemples des manifestations de chauffeurs de taxi, d’agriculteurs ou des opposants à Notre-Dame-des-Landes, « qui ont toujours pu se tenir alors qu’elles n’ont pas toujours été calmes ». L’avocat insiste : « Si l’interdiction définitive est prononcée, les associations ne manifesteront pas, car nous sommes légalistes, mais il ne faut pas compter sur un “appel au calme” de notre part. Que l’État et le gouvernement, qui ont le monopole du contrôle de la violence, assument leurs actes. »
Du côté du ministère de l’intérieur, on explique que l’arrêté d’interdiction a été pris en raison des « tensions vives » que suscite le conflit au Proche-Orient en France, singulièrement à Paris, des « heurts » à l’issue de la précédente manifestation, dimanche, et de « risques forts d’affrontements entre éléments radicaux de part et d’autre, et incontrôlables », un samedi, jour où les synagogues sont très fréquentées. « Mais ce n’est que la troisième mesure d’interdiction que nous prenons. Hier (jeudi – Ndlr), 44 rassemblements ont eu lieu, avec un total de 11 000 personnes et tout s’est bien passé », précise-t-on dans l’entourage de Bernard Cazeneuve.
Sauf que cette fois, le ministère, avec la Préfecture de police, a jugé que les risques d’incidents violents entre la Ligue de défense juive (LDJ – extrême droite) et certains éléments propalestiniens, notamment des partisans de Dieudonné et d’Alain Soral, étaient trop élevés. Les forces de l’ordre ne seraient donc pas en mesure de protéger toutes les synagogues présentes à proximité du parcours. « Le degré de tension est extrêmement élevé dans la société. Beaucoup plus que les années précédentes », explique-t-on place Beauvau.
« Qu’il y ait de l’émotion, qu’il y ait de la part d’une partie de nos compatriotes l’envie d’en appeler aussi au cessez-le-feu, je peux comprendre. Mais il ne peut y avoir des manifestations qui se font face et qui représentent des risques pour l’ordre public. Nous ne pouvons rester indifférents lorsque les objectifs ne sont pas simplement de manifester », a expliqué depuis le Niger, où il était en déplacement, le président de la République François Hollande.
D’après Le Figaro, toujours bien informé sur le ministère de l’intérieur, les services de police et de renseignement n’ont pas renâclé à la tâche cette semaine, et environ 200 « individus à risques » ont été mis sur écoute, avec une « “attention particulière” portée sur certains activistes politiques d'extrême gauche, suspectés de souffler sur les braises ». « On n'a pas vu ambiance aussi malsaine au ministère de l’intérieur depuis Guy Mollet ! » ironise Tarek Beniba (Front de gauche).
Et comme les effectifs de police sont réduits en cette fin juillet, le gouvernement a préféré prendre le risque de heurter toute une partie de la population française. « Des crimes contre l’humanité sont perpétrés tous les jours à Gaza, et le gouvernement français n’a comme seule préoccupation que d’empêcher l’émotion de s’exprimer ! » reproche Youssef Boussoumah.
Les organisateurs de la manifestation, reçus jeudi plus de deux heures à la Préfecture de police, sont d’autant plus furieux qu’ils dénoncent avec force « l’intox » et la « manipulation médiatique » dont ils s’estiment victimes depuis les affrontements de dimanche dernier, à la fin de la dernière manifestation parisienne, près de la synagogue Isaac Abravanel, rue de la Roquette. Ils pointent notamment le rôle, jusqu’ici très peu dénoncé dans la classe politique, de la Ligue de défense juive.
Dimanche dernier, la manifestation de soutien à Gaza a d’abord fait l’objet d’un traitement médiatique essentiellement résumé en une attaque de synagogues. Suite à la dépêche AFP rendant compte de « heurts » à la fin de la manifestation, Manuel Valls et SOS-Racisme ont très rapidement condamné les « actes antisémites » et les « tentatives d’importation » du conflit israélo-palestinien (lire ici et ici). Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui a depuis été reçu en milieu de semaine par François Hollande puis Manuel Valls, comme le grand rabbin de France, Haïm Korsia, ont tous deux évoqué sans ménagement une ambiance de « Nuit de Cristal » (lire ici et ici), en ajoutant aux deux synagogues « attaquées » celle d’Aulnay-sous-Bois (victime toutefois d’une « canette Molotov »).
Mais après une intense mobilisation sur les réseaux sociaux et les blogs dits communautaire à propos du « LDJgate » (comme Al-Kanz, par exemple), plusieurs médias sont revenus sur leurs versions premières pour évoquer désormais les deux versions de débordements auxquels aucun journaliste n’a assisté (dont l’AFP, ainsi que le raconte Arrêt sur images). Et depuis, le scénario de dimanche semble nettement plus complexe que sa présentation initiale. Plusieurs vidéos montrant les scènes d’affrontements entre la Ligue de défense juive (LDJ) et des militants pro-palestiniens, ainsi que des captures d’écran de messages sur les réseaux sociaux, mettent désormais à mal la version initiale d’une attaque délibérée de la synagogue par certains éléments de la manifestation.
Les nombreuses vidéos (dont celle-ci, mise en ligne par le site Citizenside) ayant fleuri sur internet ont été « visionnées » par les organisateurs à la Préfecture, jeudi, en compagnie des autorités policières. Alain Pojolat (NPA) explique qu’« à aucun moment durant notre entretien, la police n’a parlé d’“agression de la synagogue” » et que plusieurs « silences gênés » ont accompagné leurs questions sur le maintien de l’ordre rue de la Roquette.
Aux dires des organisateurs, « durant toute la manifestation, notre coopération avec notre officier de police référent s’est très bien passée », citant l’exemple de « la demande policière que nous mettions en place un service d’ordre à l’entrée de la rue de la Roquette, ce que nous avons fait immédiatement ». Michèle Sibony, de l’Union juive française pour la paix (UJFP), qui avait appelé à la manifestation de dimanche, évoque de son côté plusieurs provocations durant le défilé comme à l’angle de la rue du Pas de la Mule (« 4 ou 5 types de la Ligue de défense juive montés sur un banc, complètement entourés et protégés par deux rangs serrés de CRS, qui jetaient insultes et projectiles sur la foule et les services d’ordre, et les responsables calmant les manifestants : “Ne vous énervez pas ne répondez pas aux provocations, c’est ce qu’ils attendent” »).
Pour eux, pas de doute : la LDJ est venue provoquer les manifestants, et a fini par susciter des incidents à proximité d’une synagogue, sans que les forces de police n’aient anticipé quoi que ce soit (lire à ce sujet la contre-enquête d’i>Télé). Quitte à parfois minimiser l’attitude belliqueuse d’une frange minoritaire de militants pro-palestiniens au moments des affrontements. « La station de métro étant fermée à Bastille, les gens ont emprunté la rue les menant la station Voltaire. Et ils sont tombés sur la LDJ », affirme ainsi l'un des organisateurs.
Serge Benhaïm, président de la synagogue Don Isaac Abravanel, située Rue de la Roquette, a longuement témoigné sur I-télé et démenti à la fois que le lieu de culte ait été attaqué, et que la LDJ ait d'abord attaqué les manifestants. « Pas un seul projectile lancé sur la synagogue », dit-il. « A aucun moment, nous n’avons été physiquement en danger », explique-t-il. Il raconte également ne pas avoir vu les militants de la LDJ venir provoquer les manifestants, du moins après l'arrivée des forces de l'ordre, au-delà d'un secteur allant de 150 m à droite et 150 m à gauche de la synagogue. Benhaïm ajoute que si les gens de la Ligue de Défense Juive sont des « électrons libres et incontrôlés », elle doit être dissoute. Selon ses termes, « ce n’est pas parce qu’ils sont juifs qu’ils ont l’autorisation d’être incontrôlables, ou incontrôlés ». Le président estime aussi que ce n'était pas des affrontements entre musulmans et juifs, mais entre « petits voyous contre les juifs » - voir la vidéo sur le site d'i-télé.
Groupuscule très rarement atteint par les condamnations, encore moins les menaces d’interdiction, malgré des violences répétées en France (lire ici), la LDJ est aujourd’hui au centre des discussions, et des étonnements quant à son impunité. L’organisation d’extrême droite, interdite en Israël (après le massacre du caveau des patriarches par Baruch Goldstein, en 1994) et aux États-Unis, a récemment été adoubée comme un « service de protection » par le grand rabbin Haïm Korsia, dans une interview dans Libération. Pour le Crif également, « les jeunes juifs présents devant la synagogue de la rue de la Roquette n'ont fait que protéger les personnes participant à une réunion ». Il y a dix jours, la LDJ a pourtant davantage été à l’initiative que dans la « protection », en venant perturber la fin d’un premier rassemblement de soutien, à la fontaine des Innocents (voir ici).
Pour beaucoup de militants pro-palestiniens, le sentiment de déséquilibre, de “deux poids, deux mesures”, est renforcé par les vidéos postées sur Youtube (qui sont des scènes instantanées, sans que nous en connaissions l’avant ni l’après) de ces militants de la LDJ scandant : « Sale arabe » et « Sale nègre » devant des CRS. Ils éprouvent aussi une impression de complicité policière face aux images donnant l’impression d’une protection des CRS (« Si vous continuez à charger, on ne pourra plus rien faire pour vous »).
Ils ne comprennent toujours pas non plus l’attitude de la Préfecture. Comment a-t-elle pu accepter un tracé de manifestation passant par deux synagogues, dont une avait prévu « un rassemblement de soutien à Israël » à la même heure que l’arrivée de la manifestation ? Pourquoi aucun cordon de forces de l’ordre n’a filtré l’entrée de la rue de la Roquette, pour éviter que la synagogue soit menacée ? Et ce, alors que de nombreux messages circulaient sur les réseaux sociaux, avant le défilé, appelant à la confrontation.
Après leur débriefing jeudi à la Préfecture de police, les organisateurs ont expliqué qu’eux-mêmes et les forces de police « ont été surpris par l’affluence », attendant tous deux « quelques centaines de personnes » au lieu des 15 000 finalement réunies. Les manifestants sont également restés pantois à la lecture de l’audience qui a conduit à la condamnation à quatre mois de prison ferme d’un des protestataires de dimanche, pour « rébellion » (lire l'hallucinant compte-rendu d'audience de Libération), et dénoncent le fait que les arrestations n’aient visé que des militants propalestiniens.
Les organisateurs jurent aussi n’avoir entendu aucun manifestant crier « mort aux Juifs » pendant la manifestation. Le président du Crif, Roger Cukierman, a pourtant affirmé dès dimanche soir que cet appel à la haine raciale avait été prononcé. Mardi, le journaliste de Radio J et de LCP, Frédéric Haziza, s’appuyait aussi sur ce slogan pour dénoncer les « nazislamistes ». Sans toutefois écrire l’avoir entendu de ses oreilles. Mercredi encore, Cukierman a expliqué sur i>Télé que ces phrases ont été prononcées « au micro » lors de la manif. Une affirmation réfutée sur le site même du Crif, dans le texte présentant son interview…
Surtout, sur les nombreuses vidéos de la manifestation mises en ligne, on ne parvient pas à trouver une preuve d’un tel slogan à l’intérieur du cortège ou lors des rixes proches de la synagogue. Sur cette vidéo du collectif Cheikh Yassine, on voit un drapeau israélien brûler, on entend beaucoup de fois le mot « sioniste » et beaucoup de monde chante « Hamas résistance, Djihad résistance, Palestine résistance, citoyens résistance ! ». Mais pas « mort aux Juifs ». Cela ne veut pas dire que des propos violemment antisémites n’aient pas été prononcés dimanche à l'intérieur de la manifestation, mais aucun élément matériel n’est jusque-là venu en attester. D’ailleurs, l’argument est repris désormais comme une phrase souvent prononcée sur les réseaux sociaux, et non plus dans les manifestations.
Pour beaucoup, la seule présence de l’Union des juifs pour la paix (UJFP) atteste de l’impossibilité à se livrer à de tels dérapages. Présente à la conférence de presse des organisateurs, l’une de ses militantes, Emmeline Fagot a tenu à affirmer : « Non seulement je n’ai entendu aucun slogan antisémite, mais nous avons reçu un accueil très chaleureux. Ce type de manifestation permet justement de lutter contre les amalgames. » Les organisateurs ne comprennent pas non plus pourquoi Bernard Cazeneuve se revendique de son statut de « ministre des cultes » pour justifier l’interdiction de défiler (lire ici). « Nous ne sommes pas dans le cadre d’affrontements intercommunautaires, explique Alain Pojolat, du NPA, mais dans la cadre d’un problème politique international. »
Toutefois, un organisateur confie qu’il y a « un problème dans la mobilisation parisienne », regrettant la prudence, par crainte de se retrouver mêlées à des mouvements islamistes, d’organisations politiques traditionnellement engagées dans les manifestations de soutien à la cause palestinienne. « Les “islamos”, il vaut mieux les avoir avec nous et les canaliser, que de les laisser seul », dit-il, tout en s'inquiétant de l’influence des décisions gouvernementales sur les effectifs des “soraliens” (proches d’Alain Soral, essayiste d’extrême droite, proche de Dieudonné).
Dans la manifestation de dimanche dernier, si l’on a pu voir des photos de “quenelles” ou de maquettes de roquettes siglées de la croix de David ensanglantée (ici), les organisateurs assurent avoir « toujours été extrêmement clairs sur notre refus de récupération de l’extrême droite dans nos manifestations », ce que de nombreuses organisations participantes ont fait savoir par communiqué. « On a même passé la semaine à déminer un appel à rassemblement à Bastille pour samedi, où l’on demandait de venir avec des drapeaux français, des masques et des fumigènes », explique-t-on.
À l’heure actuelle, l’association France-Palestine (pourtant active dans les rassemblements en province) est en retrait, ainsi que des partis de gauche comme les écologistes (EELV) ou le parti communiste français (PCF). Ceux-ci, sans appeler à manifester, dénoncent vendredi soir l’interdiction de la manifestation (lire ici et ici). Dans un autre style, et sans appeler non plus à défiler, le parti de gauche (PG) a quant lui demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur les affrontements rue de la Roquette (lire ici). Quant au parti socialiste, impossible de connaître le fond de sa pensée, faute de prise de parole claire sur le sujet.
La semaine dernière, le président de la République a totalement repris à son compte le récit israélien (lire notre article), dans un communiqué qui défendait le droit d’Israël à assurer sa sécurité sans évoquer les victimes palestiniennes, et sans appeler à un cessez-le-feu. Le texte, publié après des pressions du cabinet de Benjamin Netanyahou, selon Le Monde, a heurté les militants de la cause palestinienne mais également de nombreux socialistes et une grande partie du Quai d’Orsay, attachée à la doctrine dite « gaullo-mitterrandienne », qui s’appuie sur les résolutions de l’Onu pour demander deux États, ayant chacun Jérusalem pour capitale, dans les frontières de 1967.
Dès le lendemain, l’Élysée a tenté de rattraper sa bévue, en publiant un second communiqué, et le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian a redonné durant le week-end la position officielle de la France.
Mais la déclaration première de François Hollande n’est pas une simple bévue. Et pour une bonne raison : elle est un signe de plus de la proximité du chef de l’État avec le gouvernement israélien, pourtant dirigé par la droite alliée à l’extrême droite. Dès son arrivée à l’Élysée, le président français a donné des gages à Benjamin Nétanyahou. Quelques mois plus tard, il a hésité jusqu’au bout à ce que la France vote oui à la reconnaissance de la Palestine à l’Onu. Il est également réticent à l’étiquetage des produits fabriqués dans les colonies, mis en œuvre dans plusieurs pays européens.
En novembre dernier, lors de sa visite en Israël, François Hollande avait de nouveau affiché sa bonne entente avec Nétanyahou, et les deux hommes s’étaient tutoyés lors de leur conférence de presse commune – ils partagent notamment la même focalisation sur les dangers du programme nucléaire iranien. Lors du dîner d’État, le président français avait porté un toast qui avait suscité une polémique, après sa diffusion sur Canal Plus : « Si on m'avait dit que je viendrais en Israël, et qu'en plus de faire de la diplomatie, j'aurai été obligé de chanter… Je l'aurais fait ! Pour l'amitié entre Benjamin et moi-même. Pour Israël et pour la France. (…) J'aurais toujours trouvé un chant d'amour pour Israël et pour ses dirigeants. »
Lors de son discours à la Knesset, le président français avait finalement rappelé la position française défendant deux États, mais n’avait pas évoqué les frontières de 1967 ni la détérioration constante des conditions de vie des Palestiniens (lire notre reportage). Deux points évoqués par Nicolas Sarkozy en son temps. Surtout, jusqu'à la dernière minute, le discours de Hollande a fait l’objet d’aller-retours incessants (une trentaine de versions, selon une source diplomatique).
En cause : la sensibilité personnelle de François Hollande. De ses années à la tête du parti socialiste, il a conservé la réputation d’être plutôt “pro-israélien”, en tout cas d'être un modéré. Sa formation politique, historiquement proche du parti travailliste israélien, s’est d’ailleurs toujours divisée sur ce conflit. En 2011, au début du débat sur la reconnaissance de l’État palestinien à l’Onu, les chefs de file du PS avaient étalé leurs divergences : parmi les adversaires d’un tel vote, Manuel Valls, l’actuel premier ministre, et plusieurs proches de François Hollande.
Les mêmes lignes de fracture se retrouvent aujourd’hui au sein de l’exécutif. Au sein du gouvernement, Valls mais aussi des ministres comme Bernard Cazeneuve sont très sensibles au discours des Israéliens sur leur droit à défendre leur sécurité et aux menaces liées aux islamistes radicaux. Le ministre de l’intérieur est d’ailleurs monté très vite au créneau pour demander l’interdiction de manifestations de solidarité avec Gaza.
À l’Élysée, plusieurs conseillers diplomatiques du chef de l’État sont sur la même ligne, quand d’autres sont plutôt catalogués dans la catégorie « propalestiniens ». Le député Gwendal Rouillard, très proche de Jean-Yves Le Drian, est aussi très proche de plusieurs dirigeants du Fatah. Le Quai d’Orsay est traversé des mêmes fractures et plusieurs diplomates se sont inquiétés ces derniers mois du départ de spécialistes de la région, plutôt perçues comme propalestiniens, remplacés par des figures de la division des affaires stratégiques, réputée plus néoconservatrice et pro-israélienne.
Au PS, c’est l’embarras. Sa seule expression sur la situation française se résume à une critique de « l’attaque de la synagogue d’Aulnay-sous-Bois », pour rappeler que « les socialistes seront toujours en première ligne du combat contre l'intolérance et la violence ». Quant à la situation à Gaza, seul deux communiqués, équilibrés, sont venus, au début des tensions, puis ce vendredi, après l’intervention terrestre de Tsahal à Gaza (intitulé « Le PS appelle à la paix »). Seule autre activité en lien avec le conflit, une rencontre à Paris entre Jean-Christophe Cambadélis et son homologue Isaac Herzog, chef du parti travailliste (très affaibli aujourd’hui, qui pèse entre 10 % et 15 % de l’électorat israélien).
Parmi les députés, ils ont été trois à s'affranchir du communiqué unilatéral de François Hollande : Razzy Hammadi, Alexis Bachelay et Pouria Amirshahi. Ces deux derniers se sont aussi rendus au rassemblement à proximité de l’Assemblée nationale, mercredi, comme l’eurodéputé Edouard Martin a manifesté à Strasbourg. Ils sont par ailleurs deux de plus (avec Pascal Cherki et Yann Galut) à dénoncer l’interdiction de manifester ce samedi, « une mesure d’exception disproportionnée ».
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