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Pour finir, une petite réforme pénale

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Équilibrée selon les uns, trop modeste pour d’autres, la réforme pénale de Christiane Taubira a été enfin adoptée définitivement jeudi matin, à l’issue d’une procédure accélérée qui s’est avérée assez complexe, et après un passage en commission mixte paritaire. Tous les groupes de gauche du Sénat ont soutenu le texte, contre lequel se sont prononcés les sénateurs UMP – à l'exception de Jean-René Lecerf, qui a voté pour – et les centristes. Très prudent sur le fond comme sur la forme, ce texte (on peut le lire en détail ici) s’intitule – de façon assez révélatrice – « projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ». Très encadré par l’Élysée, il n'a pas paru enchanter outre mesure la ministre de la justice, qui aurait aimé défendre un texte plus ambitieux, et dont l'avenir place Vendôme semble toujours incertain.

La mesure phare du texte, espérée depuis l’élection de François Hollande en mai 2012, n’est en fait qu’une abrogation, celle des peines planchers instaurées sous Nicolas Sarkozy. Ces peines de prison quasi automatiques pour les récidivistes restreignaient la liberté d’appréciation des magistrats, et n’ont eu aucun effet constaté sur la délinquance, tout en continuant pourtant à remplir les prisons – dont on sait qu'elles sont criminogènes. La surpopulation carcérale continue d’ailleurs à être préoccupante : le nombre de personnes détenues est de 68 295 au 1er juillet, pour 57 712 places.

Manuel Valls et Christiane TaubiraManuel Valls et Christiane Taubira © Reuters

L’autre mesure importante du texte est la création d’une mesure de « contrainte pénale », également appelée « probation ». Il s’agit d’une nouvelle peine en « milieu ouvert ». L’idée est de « mieux encadrer le condamné » et de « le soumettre à un programme de responsabilisation » après une phase d’évaluation de sa personnalité par les services d’inspection et de probation. À l’origine, cette peine était censée être différente et complémentaire du sursis avec mise à l’épreuve, qui est lié à un éventuel retour en prison. La contrainte pénale visait plutôt les personnes ayant « besoin d‘un accompagnement, afin de leur éviter de s’ancrer dans la délinquance », ce qui se produit souvent à l’occasion d’un court séjour en prison. Mais les débats parlementaires ont eu raison des belles idées nées de la conférence de consensus. Au bout du compte, la contrainte pénale restera connectée à la notion de retour en prison, et elle se rapproche grandement, du même coup, du sursis avec mise à l’épreuve déjà existant.

De même, les visées généreuses des sénateurs PS, qui souhaitaient que certaines infractions parmi les moins graves (des infractions routières notamment) ne soient plus sanctionnables que par la contrainte pénale (à défaut d’être dépénalisées), ont été remisées dans les armoires.

En revanche, l’automaticité de la révocation des sursis simples en cas de récidive a été supprimée, à la grande satisfaction du monde judiciaire. De même, plusieurs dispositions techniques, adoptées sous Nicolas Sarkozy, qui retardaient et compliquaient les demandes d’aménagement de peines et de réduction de peines ont été abrogées.

À l’Union syndicale des magistrats (USM, modérée et majoritaire), on juge que dans l’ensemble le texte final est « équilibré ». L’USM se dit notamment soulagée que la contrainte pénale ne soit pas étendue systématiquement à certains délits, ce qui aurait fait craindre une possible asphyxie du système. En première ligne, les services de probation et d‘insertion (SPIP), ainsi que les juges de l’application des peines, auront en effet un surcroît de travail avec cette réforme, dès septembre, sans que l’on sache s’ils pourront y faire face.

Au Syndicat de la magistrature (SM, gauche), on déplore en revanche le manque d’audace du texte et les occasions perdues. Ainsi, les tribunaux correctionnels pour mineurs, créés ex abrupto en août 2011, et qui fonctionnent très mal, ne sont finalement pas supprimés. Leur abrogation est renvoyée à une hypothétique réforme du droit des mineurs en 2015, annoncée comme un lot de consolation par la ministre de la justice, mais à laquelle pas grand-monde ne croit chez les professionnels.

Autre sujet de déception du milieu judiciaire, la mesure dite de « rétention de sûreté », créée en 2008, et qui permet de ne pas libérer un détenu en fin de peine au motif de sa dangerosité supposée, est finalement maintenue. Ce malgré les très nombreuses critiques qui l’accablent : celles du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) notamment, mais aussi de l'universitaire Mireille Delmas-Marty.

SM et USM se rejoignent, en revanche, pour s’inquiéter des diverses mesures de contrôle des personnes sortant de prison qui seront accordées aux « états-majors de sécurité » et aux « conseils locaux de prévention de la délinquance » (regroupant élus, préfecture, police, justice, et plusieurs administrations). Même si une partie des dispositions les plus sécuritaires a été abandonnée, les états-majors de sécurité auraient toujours un rôle de surveillance et de contrôle, au nom duquel ils pourraient devenir partie prenante du processus d’application des peines, et demander des informations aux magistrats sur les personnes sorties de prison.

Un véritable glissement de compétences de la justice vers l’administration qui semble dangereux, voire inconstitutionnel aux yeux des deux principaux syndicats de magistrats.

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