Le patron des députés UMP, Christian Jacob, a non seulement utilisé les réserves de son groupe pour voler au secours financier de l'UMP, mais il a aussi octroyé des prêts personnels à d'anciens députés. Là encore, sans en informer ses troupes. C’est ce qu’ont récemment découvert Gilles Carrez, Jean-François Lamour et Étienne Blanc, les trois parlementaires UMP missionnés fin juin pour éplucher la comptabilité du groupe. Un “détail” qu'ils n’ont pas communiqué à leurs collègues mardi 8 juillet, lorsqu'ils ont présenté les conclusions de leurs travaux.
D'après nos informations, au lendemain des législatives de juin 2012, Christian Jacob a ainsi accordé de façon discrétionnaire une avance de trésorerie à deux sortants UMP, qui venaient de perdre leur siège. « Après leur défaite, deux de nos (anciens) collègues se sont rapprochés du groupe en demandant un “prêt d’honneur” pour des raisons sociales et personnelles », explique un membre du trio parlementaire, qui ne souhaite pas communiquer l’identité des ex-élus bénéficiaires. Ces deux prêts sont certes « inférieurs à 50 000 euros », mais dénués du moindre taux d'intérêt.
Deux contrats ont été établis, signés par Christian Jacob et les intéressés, ainsi que deux actes par lesquels les anciens élus se sont engagés à rembourser les sommes dues. « Les deux prêts cumulés, il reste à ce jour environ 25 000 euros à rembourser, précise-t-on du côté du trio. Tout sera bouclé fin 2014. » Et d'ajouter : « Ces deux aides ne nous choquent pas une seconde. Un groupe politique, c’est un groupe qui s’entraide. »
Mais ces prêts individuels, qui s'ajoutent aux 3 millions d’euros fournis au parti, soulèvent à nouveau la question de l'usage que font les groupes parlementaires de leur argent, tiré pour l'essentiel des caisses de l'Assemblée nationale. Ces dotations publiques (3 millions d’euros environ pour le groupe UMP chaque année) servent théoriquement à « assurer leur fonctionnement » (comme le précise le site internet du Palais-Bourbon), et rien d'autre.
« Sauf que les députés UMP versent aussi des cotisations mensuelles à leur groupe, rappelle toutefois un élu socialiste, compréhensif. Du coup, ça n'est pas illogique qu'ils puissent exceptionnellement se tourner vers leur président, le jour où ils sont dans le besoin. »
À l'issue de leur mandat, les députés qui se retrouvent au chômage bénéficient pourtant d'une “allocation d'aide au retour à l'emploi” pendant trois ans (en théorie conditionnée à la recherche effective d'un travail). Dégressive et différentielle, cette prestation représente tout de même 100 % de l'indemnité parlementaire les six premiers mois (soit environ 5 500 euros). À ce dispositif de solidarité collective, pourquoi les groupes parlementaires devraient-ils ajouter une forme de fraternité politique ?
On peut aussi rappeler que l'Assemblée nationale accorde des prêts d'honneur à tous les députés en exercice qui en font la demande, pour un montant de 18 000 euros et un taux d'intérêt avoisinant 2 ou 3 %. D'après les comptes 2013 du Palais-Bourbon, 1,92 million d'euros ont ainsi été prêtés aux députés en 2012. En clair, un sortant inquiet de sa réélection peut toujours anticiper sa défaite et préparer ses arrières…
Les travaux comptables de Gilles Carrez, Jean-François Lamour et Étienne Blanc font par ailleurs ressortir d'autres éléments, relatifs aux contrats avec Bygmalion, qui ont stupéfait plus d’un député lors de la réunion de groupe de mardi, à huis clos. « Consternant », « irrespirable », ont lâché les élus en sortant de la salle.
Si les derniers paiements à Bygmalion remontent apparemment à 2013 (après 4,5 millions d'euros TTC versés entre 2008 et 2012 selon l'avocat de l'entreprise), les élus ont découvert qu'un drôle de contrat courait toujours pour des “bilans de mi-mandat” censés être fournis fin 2014 à 180 députés. Étrangement, la facture a été déjà réglée à 80 %, soit 280 000 euros, avant toute livraison.
Signé dans un premier temps avec la société Bygmalion, ce contrat a basculé en mars 2013 vers l'entreprise “BM Consulting” de Bastien Millot, l'un des fondateurs de Bygmalion, proche de Jean-François Copé – et qui a fini par développer ses propres activités et par quitter le groupe à l'été 2013. Alors que le premier accord prévoyait un versement mensuel de 10 000 euros pour ces futures prestations, les mensualités sont passées à 17 000 euros quand Bastien Millot a récupéré le marché.
« Nous avons fait valoir notre volonté commune de ne plus travailler avec ces gens-là », a réagi Dominique Bussereau, à l’issue de la réunion de mardi. « Il faut couper les ponts », estime également Marie-Louise Fort. « Ces avances sur prestations, ça n'est pas une forme habituelle du droit contractuel, grince un troisième parlementaire. Les députés, qui n'étaient même pas au courant, n'ont pas très envie de voir cette société dresser leur bilan cet automne. Le groupe est donc demandeur que le contrat soit annulé, mais j'imagine que ça devra faire l'objet d'une négociation. » Aucun versement n'a plus été effectué depuis la fin mai, et Christian Jacob aurait adressé un courrier à BM Consulting ces derniers jours.
Joint par Mediapart, Bastien Millot, qui a récemment changé de vie et endossé la robe d'avocat, fait mine de s'étonner. « Je n'ai pas vu de courrier, affirme-t-il. Mais tout ce qui est prévu contractuellement sera livré. » Quand on évoque la suspension des paiements, Bastien Millot prévient : « On ne peut pas suspendre des paiements pour des raisons d'opportunité. Je le répète : les prestations seront délivrées. » Autrement dit, la négociation s'annonce délicate.
Au terme de leur mission, qui n’a porté que sur les comptes de la présidence Jacob (depuis novembre 2010) et pas celle de Jean-François Copé faute d’archives (2007-2010), Gilles Carrez, Jean-François Lamour et Étienne Blanc ont avancé des propositions, toutes validées. Le groupe devrait adopter un statut d’association au plus tard le 1er octobre et désigner un trésorier, chargé de présenter un « rapport financier » annuel aux députés.
Surtout, les prochains comptes devront être certifiés par un commissaire aux comptes et une « consultation » préalable mise en œuvre pour « tout marché supérieur à 50 000 € ». Aucune publication n'est cependant envisagée. Pour purger le passé, Christian Jacob a enfin annoncé l’arrivée d’un cabinet d’audit extérieur.
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