« Depuis deux ans, on ne parle que de l’UMP pour parler des affaires. C'est une pelote de laine qui se déroule sans fin. On est en train de casser le parti » ; « Notre message politique est devenu totalement inaudible » ; « On lave du linge qui était très sale, ce nettoyage est violent mais nécessaire ». Ce sont de jeunes élus, des anciens de la direction des études, d’ex-conseillers élyséens ou de hauts fonctionnaires passés par des cabinets ministériels. Face à la crise sans précédent de l'UMP – politique, idéologique, morale, financière – ils dressent pour Mediapart un état des lieux alarmant de leur parti et expliquent pourquoi ils veulent entamer eux-mêmes sa reconstruction idéologique.
Une « vaste rénovation politique » et une « révolution morale » : c’est ce qu'ont réclamé dans une tribune publiée par L'Opinion, le 24 juin, les trois jeunes élus fondateurs de la Boîte à idées, Maël de Calan, Matthieu Schlesinger et Enguerrand Delannoy. Ce « groupe d'action et de réflexion », créé en 2012 à l’intérieur de l’UMP, appelle le parti à une opération « mains propres ».
« Après tant d’autres scandales (Cahuzac, Guéant, Buisson, Morelle, etc.), l’affaire Bygmalion témoigne en effet d’une décomposition morale de notre vie politique, qui appelle des mesures radicales », écrivent-ils en dénonçant un « système confisqué par des “professionnels de la politique” » qui ont remplacé la parole politique et la réflexion « par des “éléments de langage” » et « des sondages ». Le groupe a fait dix propositions « d’application immédiate » au triumvirat de l’UMP, notamment l’exclusion des « élus convaincus par la justice d’enrichissement personnel » et la « publication annuelle des comptes détaillés de l’UMP afin qu’on sache qui reçoit de l’argent du parti et à quel titre ».
Fédérés dans le collectif « Une droite d’avance », une douzaine d'UMP fraîchement élus réclament eux aussi « le renouveau des idées, des pratiques et des visages ». « Dégoûtés par la guerre des chefs », ils font le constat d’un parti « financièrement malade », rongé par les divisions et représenté par des « bulles médiatiques » comme Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, le tandem de la Droite forte, qui « s’arroge le renouveau générationnel et le sarkozysme » avec des « idées nocives électoralement et idéologiquement ». « On a été très marqués par la défaite de Nicolas Sarkozy et on pense que mettre des rustines ne suffit plus. On veut poser les bases de la reconquête », explique Simon Laplace, 27 ans, conseiller municipal à Niort, cadre à la Banque de France et soutien de Bruno Le Maire.
À droite, la jeune garde considère que la recomposition idéologique passe d’abord par un bilan critique du quinquennat et de cinq années de défaites électorales. « Pour qu’on avance, Nicolas Sarkozy doit dire “j’ai perdu !” La solution, c’est on brûle tout et on recommence ! » explique un gaulliste membre de l'équipe de Nathalie Kosciusko-Morizet pendant la campagne, qui s'agace : « Dans les fédérations, les militants sont totalement déprimés et on va aller leur taper vingt balles pour une adhésion ! On a un taux de renouvellement de 20-30 % quand Marine Le Pen dit en faire 1 000 par jour. »
« Le droit d’inventaire aurait tourné au pugilat, et tout le monde avait peur de se mettre Nicolas Sarkozy à dos », explique Nelly Garnier, qui a coordonné les groupes d’experts de NKM pour Paris, après être passée par la direction des études de l'UMP en 2007 puis le cabinet de Chantal Jouanno au ministère des sports. « Mais il faut savoir pourquoi, en dépassant l’excuse de la crise, on n’a pas mis en œuvre ces réformes sur lesquelles on a fait campagne. » « Le seul qui peut faire l'inventaire du quinquennat, c'est Nicolas Sarkozy », estime un haut fonctionnaire.
Une chute vertigineuse des adhérents, des fédérations endormies, peu de moyens alloués à la réflexion, des divisions idéologiques : c'est bien sous le quinquennat Sarkozy qu'a débuté la crise de l'UMP. L'impréparation de la campagne 2012 en est un indicateur. À ce moment-là, « tout le monde pense que Nicolas Sarkozy va refaire 2007, avec une équipe qui planche dès 2010 sur le projet, raconte Emmanuelle Mignon, qui fut le cerveau de ses campagnes de 2007 et 2012. Mais l'élément central, c'est le candidat qui donne le signal de départ, qui dit à une équipe "on y va", qui commande des notes hebdomadaires, fixe le tempo. Or, pour 2012, Nicolas Sarkozy n'a jamais donné ce signal ».
L’ancienne directrice des études de l’UMP rapporte que « le 25 janvier 2012, quelques jours avant que sa campagne ne commence, rien n'était prêt : pas de programme, pas d'équipe, pas de préparation, même pas un directeur de campagne. Il était isolé, tout le monde était parti ou en partance, plus grand-monde n'avait d'expérience autour de lui ». Olivier Bogillot, qui fut son conseiller santé à l’Élysée, explique l’échec de 2012 par « le rejet d’un style, la crise évidemment, le retrait de la vague – notamment médiatique – qui l’a porté » et une campagne « flash », « isolée » qui s’est « certainement portée trop vite sur les valeurs ».
Après la défaite en 2012, le parti a manqué l’occasion de tourner la page Sarkozy et d’élire un chef d’opposition lors de son congrès. « Fillon comme Copé se sont plantés. On a prévenu Fillon en disant “il faut parler aux militants sinon vous ne serez pas élu”, il avait fait un programme de premier ministre, pas de chef de parti. Jean-François Copé, lui, avait perçu cela, mais il a adopté un positionnement politique démagogique », raconte un haut fonctionnaire, qui se lamente : « On subit deux défaites et l’élection interne se fait sur “plus sarkozyste que moi tu meurs”... »
« En 2012, contrairement à 2007, il n’y a pas eu de passation à droite. Sarkozy a laissé penser qu’il reviendrait. Une partie de la droite lui fait allégeance, “si jamais il revient”. Personne n’a pris la parole de manière forte le soir de la défaite, étant donné sa popularité », explique le politologue Dominique Reynié, à la tête de la Fondapol, proche de l'UMP. « Si l'on avait élu un président à 60 % fin 2012, il aurait été un vrai chef d’opposition et il enterrait les autres », estime un jeune haut fonctionnaire passé par l’Élysée et plusieurs ministères.
Ce manque de leadership est d’autant plus problématique pour une droite où dominent le bonapartisme et la « culture du chef », à la différence d’une gauche où « les idées sont dissociées du choix du chef, souligne Emmanuelle Mignon. Entre 2004 et 2007, on avait cette culture RPR avec un chef qui arbitrait, donnait des gages aux différentes tendances, écoutait les oppositions et tranchait. Or, aujourd’hui, il n'y a pas de chef ».
« Il n’y a pas de leader sans projet, pas de projet sans leader. Il faut les deux en même temps », nuance le porte-parole de François Fillon, le député Jérôme Chartier, tandis que du côté de Bruno Le Maire, sa porte-parole Laure de la Raudière explique que les nouveaux députés comme elle, « qui n’ont pas connu le RPR », ne se reconnaissent pas dans cette « culture du chef ». Pour elle, la droite gagnera d'abord « avec un projet radicalement nouveau », qui passe par un « congrès fondateur en octobre ».
« La question n’est pas une affaire d’hommes, c’est comment on remet en route la machine à réfléchir d'un parti fragilisé sur le plan intellectuel et idéologique », estime aussi Enguerrand Delannoy, cofondateur de la Boîte à idées et élu dans la Vienne. Mais l'UMP peine à définir son socle idéologique. D'autant que « François Hollande a siphonné une partie des propositions de Nicolas Sarkozy », souligne un ancien conseiller élyséen. Bien malin qui peut dire quelle est la ligne du parti sur l’Europe, sur l’économie (réformiste ou étatiste ?) et sur les thèmes régaliens, dont s’est emparée Marine Le Pen. L'UMP n’a d’ailleurs pas tranché sur sa stratégie par rapport au Front national, qui le grignote sur sa droite.
Certains y voient les conséquences d’une présidentialisation du système français. « Les primaires ne sont pas un système satisfaisant, elles poussent à être un animal médiatique, estime Dominique Reynié. Elles induisent une compétition sur les personnes, sur la communication, l’image, et non sur les idées. » « On décide du candidat six mois avant l’échéance, donc aucun travail sur les idées n’est réalisé et les derniers arbitrages sont repoussés », regrette cet ancien de l’Élysée, qui envie le système britannique et « le travail de ressources humaines et de renouvellement d’idées réalisé par David Cameron ».
Mais ce vide idéologique s’explique aussi, selon lui, par « un vrai problème de ressources humaines à droite ». « On a tout perdu et rien renouvelé. Au-delà de Le Maire, Pécresse, Wauquiez, Bertrand, on n’a fait émerger personne depuis 2007. Nicolas Sarkozy s’est désintéressé des élections locales, il était au pouvoir, il avait gagné sur son nom et n’allait gagner ou perdre que sur son nom. Notre vision du député, c’est le godillot qui appuie sur un bouton et peut consolider un fief. » Résultat, selon lui, « il n’y a plus personne autour de Sarkozy, contrairement à Chirac ou Mitterrand à l’époque. Même Claude Guéant n’a pas été élu aux législatives ! ».
Et ce n’est pas à l’intérieur du parti qu’a été impulsé ce travail. Non seulement Nicolas Sarkozy a bien pris soin, après sa victoire en 2007, de supprimer le poste de président de l’UMP pour piloter le parti depuis l’Élysée, mais Jean-François Copé l'a ensuite lui-même « privatisé », estime-t-on à droite.
De l’avis de cet ancien de l’Élysée, le député de Meaux « pouvait se servir de la direction des études pour se constituer son programme à lui, mais il ne l’a pas fait ». Pendant les années Copé, l’UMP aurait surtout brassé de l’air : communication, éléments de langage, conventions éclair. « Aujourd’hui, c’est la caricature de 2004 : on fait des conventions avec une idée pêchue pour faire venir les médias, mais il n’y a pas la profondeur d’analyse qui était celle d’Emmanuelle Mignon en 2007, sur la discrimination positive, sur la suppression de la carte scolaire par exemple », regrette-t-il.
Chez Copé, on brandit les dizaines de conventions organisées sous la houlette d’Hervé Mariton, le délégué général au projet. « Regardez le nombre d’experts venus chez nous ! Tous les mercredis matin, Hervé Mariton réunissait le service études. Mais les médias n’en ont pas forcément rendu compte, répond un proche de l’ancien président de l’UMP, qui se souvient « d’une convention sur les retraites où un seul journaliste était présent ».
L’UMP a effectivement lancé, en 2013, autour d’Hervé Mariton, ses « États généraux de la reconquête », pour « proposer un projet de redressement national ». Mais « ces conventions s’enchaînaient toutes les trois semaines avec un rythme très soutenu, on manquait de temps pour documenter et expertiser les dossiers », déplore Maël de Calan, secrétaire national de l’UMP et cofondateur de la Boîte à idées. « On avait un problème d’allocation des ressources, qui n’étaient pas attribuées à la réflexion et la prospective, mais aussi un problème de volonté politique », poursuit le jeune élu du Finistère, qui résume : « Quand vous êtes un politique, vous n’hésitez pas entre un plateau télé et une réunion de trois heures dans un souterrain de l’UMP… »
Si ce travail de renouvellement n'a pas été réalisé, c’est, selon plusieurs têtes pensantes de la droite, comme Emmanuelle Mignon, parce qu’« il est difficile, quand vous êtes le parti au pouvoir, de réfléchir et de proposer des choses nouvelles ». « D'abord parce qu'il faut du temps, ce qui est en contradiction avec l'obligation de communiquer en permanence sur l'action du gouvernement, explique-t-elle. Ensuite, parce que toute idée nouvelle apparaît comme une critique implicite du gouvernement qui n'est pas déjà en train de la mettre en œuvre. » Ce n’était pas le cas en 2004, lorsque la directrice des études de l’UMP a commencé à plancher sur le projet présidentiel, avec la liberté d'un candidat se présentant en rupture avec la gauche et la droite.
« Après 2007, il ne se passait rien. Toutes les personnes au niveau étaient en cabinet. La réflexion, c’était en réunion de cabinet, pas dans le parti », confirme un ancien membre d’un cabinet ministériel. Qu’a apporté la convention laïcité à part dire “on va faire une loi sur la burqa” ? Le but était médiatique. Les équipes de Copé n’étaient pas au niveau. »
Selon Maël de Calan, cette refonte est tout aussi difficile dans l’opposition, parce que « les bons éléments ne vont pas dans le parti mais partent dans le privé ou les fondations » et parce qu’« il faut exister, faire l’actualité, être dans le buzz ». Pour l’élu, la droite est face à « un problème de méthode » : « L’UMP reproduit ce que le PS a fait entre 2002 et 2012, une critique systématique du gouvernement, sans expertise documentée. On n’a pas compris que l’opposition était un moment où l’on se prépare non pas à la conquête du pouvoir, mais au pouvoir. Le problème est moins 2017 que ce qu’on fait comme politique entre 2017 et 2022. Si vous ne préparez pas l’exercice du pouvoir, c’est la catastrophe », ajoute-t-il en citant en référence la réforme des universités qui fut « la plus discutée et préparée pendant la construction du projet » et qui a été « bien menée et rapidement », dès l’été 2007.
Un autre élément clé explique l'absence de réflexion programmatique : le retour de lignes de fracture difficiles à réconcilier au sein de l’UMP. C’est d’ailleurs le problème numéro un de la droite, pour cet ancien conseiller élyséen qui travaille aujourd’hui pour plusieurs prétendants. « Il y a une grande fracture entre une approche fortement réformatrice et une approche chiraco-souverainiste, interventionniste, gaulliste, telle que la porte Guaino. Sarkozy avait réconcilié ses deux hémisphères en 2007, mais personne n’incarne cette synthèse aujourd’hui », explique-t-il en redoutant, comme d'autres, un « retour à trois droites » : « centriste, rassemblée essentiellement à l’UDI ; protectionniste, souverainiste, pompidolienne ; conservatrice, notamment dans les sujets sociétaux, comme le mariage pour tous ».
Responsable des documents de campagne de Chirac en 2002, et proche conseiller de François Baroin, Stéphane Juvigny identifie lui une fracture « sur les valeurs ». « Les clivages classiques sont réapparus car Sarkozy a fait revenir à l’UMP une frange antigaulliste, comme Michèle Tabarot ou Patrick Buisson. On assiste à une résurgence du conflit de la guerre d’Algérie. » « À droite, on n’est pas divisés sur le programme mais sur les valeurs, plus qu’à gauche », note aussi un membre de l’équipe de Bruno Le Maire.
« Qu’est-ce qu’être de droite aujourd’hui ? Il faut définir nos valeurs », estime Sébastien Pilard, président de Sens commun, un mouvement associé à l’UMP et créé en décembre par d'ex-figures de La Manif pour tous. Ce trentenaire directeur d'une PME dans l'Ouest veut « réconcilier l'UMP avec la réalité du peuple » et défend deux piliers, la famille et l’entreprise. « La famille est en destruction aujourd’hui, il faut arrêter d’avoir un programme sociétal qui est celui de la gauche avec quelques années de retard. Et il faut revenir à une politique plus libérale, tout en refusant la financiarisation de l’économie. »
D’autres estiment que la fracture s’est déplacée entre « la realpolitik dans un monde globalisé » que mèneraient le PS et l’UMP d’un côté, et « le protectionnisme et le souverainisme » que défendraient les partis d’extrême droite et d’extrême gauche de l’autre. « En dehors du souverainiste Henri Guaino, il y a peu de différence entre les uns et les autres à l’UMP. Il est improbable que la droite aille sur un positionnement eurosceptique, alors qu’une partie de son électorat l’est », note Nelly Garnier.
Le politologue Dominique Reynié estime que l'UMP a manqué une fenêtre de tir sur la fiscalité depuis 2012 : « Elle n'a pas rempli son rôle de défense des entrepreneurs, elle a davantage investi dans l’opposition au mariage pour tous, laissant des collectifs protestataires (les Bonnets rouges, les pigeons, etc.) s'en charger. »
« Comment régler la question des exclus de la mondialisation, des eurosceptiques, de cette frange de l’électorat qui va vers les populismes ? interroge Nelly Garnier. L’extrême droite a accompli une véritable rénovation sur l’économie pour tenter de devenir crédible. Les Français se posent des questions sur la capacité d’action du politique. Ils votent pour des personnalités volontaristes et charismatiques, comme Sarkozy, Mélenchon, Le Pen. Il faut convaincre cet électorat-là par la question de l’emploi, car sur celle de l’immigration, ils préféreront toujours l’original à la copie. »
Le positionnement à adopter par rapport au Front national, « c’est justement la question », estime Stéphane Juvigny, dont le mentor, François Baroin, s’oppose à la ligne Buisson. Et cette interrogation a beau être balayée par les ténors de l’UMP, elle empoisonne la droite depuis plusieurs années. « L’électorat de droite ne comprend pas la logique des dirigeants de l’UMP de refuser l’alliance avec le FN alors que la gauche fait alliance avec l’extrême gauche », admet-il.
Après l’échec de 2012, la stratégie de « droitisation » élaborée par Patrick Buisson a été mise en accusation par une grande partie de l’UMP. « La ligne Buisson a fait perdre Sarkozy. En 2007, le seul moment où il a flanché dans les sondages, c’est quand il a annoncé le ministère de l’identité nationale, car l’électorat FN préfère toujours l’original à la copie, se souvient Stéphane Juvigny. Les études du Cevipof l'ont montré, les électeurs qui ont basculé ont voté pour son bilan à l’intérieur en sécurité, pas sur l’immigration. » Pour Dominique Reynié aussi, « le seul chemin pour l’UMP est la voie centrale », d’autant que, selon le politologue, « la société ne se droitise pas au sens d’une radicalisation, mais dans le sens où de plus en plus de gens se situent à droite ».
« Combien de temps faudra-t-il pour solder l'héritage de Patrick Buisson? », interroge dans Le Figaro le trio de la Boîte à idées, qui veut « en finir avec la droite des valeurs ». Pourtant l’option d’un recentrage de l’UMP a également ses détracteurs. Une partie de l’UMP s’est élevée contre la proposition d’Alain Juppé, soutenue par NKM et Jean-Pierre Raffarin, d’une « plateforme commune » avec l'UDI et le MoDem. Le 25 juin, Rachida Dati, Henri Guaino, Guillaume Peltier et Laurent Wauquiez ont lancé, dans Valeurs actuelles, un appel pour « une révolution des valeurs » dans lequel ils refusent « une droite centriste » et prônent « une droite qui assume son identité ».
Par ailleurs, la majorité de l’UMP veut conserver un discours « ferme » et craint de laisser un trop grand espace à Marine Le Pen. « Face au FN, il y a deux techniques, résume cet ancien conseiller de l’Élysée. Soit vous adoptez une approche droit-de-l’hommiste qui dit “il n’y a pas de problème”; soit vous abordez le problème. On a du mal à avoir un discours clair là-dessus à droite. »
« Tout le discours porté par Marine Le Pen est un discours de terre brûlée. Si vous allez sur des thèmes qu’elle a touchés, comme l’immigration ou l’aide médicale d’État (AME), on vous accuse de faire le jeu de l’extrême droite, regrette Olivier Bogillot, qui s'alarme d'un FN à 20 %. On n’ose plus aller sur ces sujets, on finit par avoir peur de dire la vérité, Le Pen en joue. Ce désert avance, il est de la responsabilité de la droite de le repousser. »
« Nicolas Sarkozy a proposé en 2012 le Small Business Act, une refonte de Schengen, mais il n’a pas été suffisamment audible ou écouté, il n’a pas eu le temps de faire de la pédagogie autour de ces propositions », ajoute Olivier Bogillot. Mais selon lui, « ce sont les mots qui sont à réinventer, il faut une idéologie plus fine ». Plus fine par exemple que le discours de Grenoble ou que les termes ultra-droitiers employés par une frange entière de l’UMP pendant le quinquennat.
« Droitisation » ou « recentrage », beaucoup jugent cette lecture comme un « logiciel périmé » qu'ils veulent « casser ». « On pense que le FN a fait un score élevé d’abord parce que les Français ont des problèmes économiques et sociaux », explique Maël de Calan pour qui « le débat sur la ligne n’a pas de sens » : « On fera refluer le FN quand on fera refluer le chômage et donc quand on changera de politique économique. On voit l’UMP comme une armée avec deux ailes, mais une majorité au milieu qui est un socle commun qu'il faut faire vivre. »
« Le FN devient autant un problème pour la gauche que pour la droite car il siphonne son électorat populaire », estime un ancien de l’Élysée, qui s’inquiète aussi de la diffusion d’un « sentiment qu’on berne les électeurs dans la campagne. Il y a un vrai problème de crédibilité de la classe politique dans la mise en œuvre ».
Cette question est au cœur de la réflexion de plusieurs têtes pensantes de la droite, soucieuses de ne pas reproduire les erreurs de leurs aînés. « Le corpus à idées n’a pas changé depuis 2007, la question c’est comment on le met en œuvre au pouvoir et comment redevenir crédible », estime Nelly Garnier. « Il faut arriver avec des idées et la garantie de les mettre en œuvre, sinon l'échec est au rendez-vous », insiste aussi Olivier Bogillot, qui souligne que « le quinquennat a modifié les choses » : « Quand le président arrive avec un programme mais une faible préparation idéologique, il perd du temps, c’est impardonnable. François Hollande avait un programme de 60 points mais aucun texte prêt. »
« Tout ce travail de ressources humaines se fait maintenant, les municipales ont été un premier appel d’air », rapporte un jeune élu de l’UMP. Ce travail ne pourra de toute façon véritablement commencer qu’après le congrès de l’automne qui élira un nouveau président. « Par ailleurs, on a un problème financier, pour avoir des permanents qui coordonnent ce travail sur les idées, il faut avoir un peu d’argent », précise la députée Laure de la Raudière. L'audit financier du parti présenté le 8 juillet a révélé une dette de 74,5 millions d'euros. « Avec un tel niveau d'endettement, on devrait se déclarer en cessation de paiement et tout recommencer », soupire une élue UMP.
BOITE NOIREPremier volet de notre série sur la recomposition idéologique à droite, pour laquelle avons rencontré une vingtaine de personnes : d'anciens membres de la direction des études ayant préparé la campagne victorieuse de 2007, d'ex-conseillers de Nicolas Sarkozy à l'Élysée (deux d'entre eux ne peuvent apparaître sous leur nom étant donné leur fonction actuelle), de hauts fonctionnaires travaillant sur le projet de la droite, de jeunes élus engagés dans des groupes de réflexion, les entourages des principaux prétendants, des membres de fondations.
Emmanuelle Mignon, directrice des études de l'UMP (2004-2007), directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'Élysée (2007-2008), rédactrice de ses projets de 2007 et 2012, nous a accordé un entretien de deux heures.
Contacté, Marc Vannesson, directeur des études de l'UMP, nous a répondu qu'il n'était « pas habilité à parler avec la presse ». Sollicités sur le sujet des idées, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand n'ont pas donné suite, non plus que Laurent Bigorgne, directeur de l'institut Montaigne.
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