Certains n’ont pas encore atteint l'âge de deux ans et pourtant, sont déjà appelés à choisir qui de Laurent Hénart ou de Rama Yade succèdera à Jean-Louis Borloo à la tête du Parti radical dit valoisien. L’élection pour la présidence de la principale composante de l’Union des démocrates et des indépendants (UDI) s’est ouverte lundi 16 juin dans un climat de défiance absolue. Les tensions entre les deux candidats se cristallisent autour du fichier des adhérents qui leur a été officiellement transmis la semaine dernière et que Mediapart a pu consulter.
Y figurent notamment plus d’une dizaine de personnes nées entre 1998 et 2012. Des nourrissons et une poignée de jeunes adolescents, fraîchement convertis au Parti radical, qui peuvent dont officiellement voter jusqu’à dimanche par scrutin électronique. Si l’on en croit les données contenues dans le fichier en question, les valoisiens peuvent également se targuer de compter parmi leurs fidèles adhérents une cinquantaine de centenaires, nés pour la plupart en 1900. « Sans doute des erreurs de saisie », argue-t-on dans l'entourage de Laurent Hénart. « Mais qui en disent long sur le manque de transparence qui entoure ce scrutin », rétorque-t-on du côté de Rama Yade.
Ces profils “atypiques” ont fait tiquer l’actuelle vice-présidente du parti qui s’est adressée le 11 juin à la commission permanente de contrôle du Parti radical afin de « dénoncer les irrégularités très nombreuses que contient cette liste ». À ce jour, son courrier est resté sans réponse. Et pour cause : « ses principaux membres sont partis en vacances », souffle l'ancienne ministre. La requête de la candidate sera d'autant moins examinée que « le scrutin est désormais ouvert » et qu'il n'y a « plus aucune possibilité de changer la liste », explique le président de la commission des statuts du parti, Didier Maus, joint par Mediapart.
Le constitutionnaliste rappelle en outre que le fichier des adhésions du Parti radical a fait l'objet « d'un travail assez long » et a donné lieu à « plusieurs réunions au cours desquelles les représentants des deux candidats avaient le droit de contester ». Sauf que le fichier n'a été mis à la disposition de ces derniers qu'à compter du 10 juin, soit 6 jours avant le début du scrutin. En outre, il n'est pas encore « définitif », précise Maus, dans la mesure où les « anciens adhérents » ont encore jusqu'à dimanche pour se mettre à jour de leur cotisation et pouvoir ainsi voter.
Comme l’a révélé Le Canard enchaîné la semaine dernière, le départ de Jean-Louis Borloo – retiré de la vie politique pour des raisons de santé – n’a pas découragé les sympathisants valoisiens. Bien au contraire. En l’espace de deux mois, plus de 3 000 personnes ont adhéré (ou renouvelé leur adhésion) au Parti radical. Les “nouveaux venus” « sont environ 1 300 », indique Laurent Hénart. Un chiffre conséquent au regard des 7 000 noms que comportait le fichier initial, mais qui ne surprend guère celui qui est secrétaire général du parti depuis 2006. « On est dans la moyenne des adhésions », dit-il, soutenu en ce sens par Didier Maus qui n'a pas « le sentiment qu'il y a eu un gonflement anormal. »
Pourtant, les équipes de Rama Yade n'en démordent pas : les données contenues dans le fichier posent problèmes. Outre les dates de naissance farfelues, la candidate a également pointé dans le listing un grand nombre d'irrégularités concernant les coordonnées des adhérents. Ainsi certaines adresses mail ont-elles été utilisées pour plusieurs adhésions. L’une d’entre elles correspond par exemple à 16 noms différents. Ce qui signifie, en clair, que cette seule adresse recevra le bulletin de vote électronique de 16 personnes…
D'autres “étrangetés” peuvent également être soulevées à la lecture du fichier : l’utilisation d’un même numéro de portable pour 30 personnes ou d’une adresse postale identique pour 14 adhérents qui ne portent pas le même nom de famille… Sans compter le nombre important d'adhérents venus directement de l'UDI et originaires de la Seine-Saint-Denis, le département du député et maire de Drancy Jean-Christophe Lagarde, un proche de Laurent Hénart. Sans compter non plus la centaine de Martiniquais qui se sont inscrits en même temps et après la clôture des listes électorales. Parmi eux, des familles entières – comptant jusqu’à sept membres –, pour la plupart issues de la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel, petite formation associée aux valoisiens.
Contacté par Mediapart, Laurent Hénart, « ne souhaite faire aucun commentaire » sur le sujet. « Il y a des instances qui sont chargées de gérer tout cela, je leur fais confiance », tranche-t-il. Quant à Rama Yade, elle reconnaît qu'« au minimum, tout cela n'est pas clair », mais préfère toutefois « régler ces affaires en interne ». « Si j'ai des contestations à faire, je les fais devant les commissions internes du parti, bien qu'elles soient composées à 80 % de personnes nommées par Laurent Hénart », avait déjà indiqué l’ancienne ministre au Journal du dimanche. Le problème, c'est que la réponse de ces commissions internes tient désormais en deux mots : trop tard.
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