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Avant l’épreuve du budget, Manuel Valls tente de cadenasser la majorité

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Il y a un problème Jean-Marie Le Guen. À l’Assemblée nationale, le ministre des relations avec le Parlement est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine : il fonce, il passe et tant pis si ça casse. Fin avril, il avait déjà travaillé au corps, sans finesse, les députés socialistes qui menaçaient de ne pas voter le principe de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans. Avec un succès relatif, puisque 41 s’étaient abstenus, davantage que ce qu’attendait le gouvernement.

Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen.Manuel Valls et Jean-Marie Le Guen. © Reuters


Ce mardi 17 juin, l’ancien député de Paris et lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, qui a intégré le gouvernement lors du remaniement post-municipales, a dégoupillé l'une des grenades dont il a le secret. « Qu'est-ce qu'appartenir à une majorité, de façon classique ? C'est voter un budget. (…) Si effectivement un certain nombre de députés soi-disant socialistes ne votaient pas pour le budget, il y aurait indiscutablement un problème nouveau », a-t-il lancé sur France Inter. Députés « soi-disant socialistes » ? Les députés PS qui réclament une autre politique, réunis depuis la déroute des municipales dans l’appel des 100, s’en sont étranglés. « On a des amateurs au gouvernement », peste l’un d’entre eux.

Le groupe PS a discuté mardi matin (à huis clos) des amendements du groupe au projet de loi de finances rectificatif et au budget révisé de la Sécurité sociale. Ces deux textes, qui seront discutés en première lecture à l’Assemblée nationale du 23 juin à début juillet, orchestrent le pacte de responsabilité de François Hollande, incarnation de la politique de l'offre qu'il prône désormais. Ils entérinent les premières mesures du plan massif de réduction des dépenses publiques de Manuel Valls (50 milliards sur trois ans) : poursuite du “crédit impôt compétitivité”, baisse sans contreparties de cotisations patronales et de taxes sur les entreprises, gel de certaines prestations sociales, mais aussi baisse de cotisations sociales pour certains salariés et sortie de l’impôt sur les revenus pour 3 millions de salariés.

Pour le gouvernement, c’est un paysage de sables mouvants qui se dessine. Le mois à venir, d'ici la trêve estivale de fin juillet, s’annonce politiquement très risqué : de plus en plus contestataire, une partie de sa majorité pourrait bien lui faire défaut – même si à la différence du vote du 29 avril, des abstentions sur ces textes budgétaires signeraient de fait la sortie des réfractaires de la majorité, de quoi refroidir les ardeurs. « On n’en est pas encore là », tempère Jean-Marc Germain, l'un des leaders de la contestation.

Mais en prévision, le gouvernement cadenasse. Mardi, le patron des députés PS, Bruno Le Roux, un proche de François Hollande, a fait voter, dans une ambiance parfois tendue, les amendements “autorisés” du groupe PS (portant notamment sur un dégel des pensions d'invalidité et des allocations logement). Un vote par blocs, qui n'a pas permis de discuter sur le fond les propositions alternatives de ceux qui contestent la politique menée.

Les amendements que présentera le groupe PS, avec la bénédiction du gouvernement, sont résumés dans ce document, envoyé mardi après-midi aux députés socialistes, que Mediapart s'est procuré.


« Il n’y a jamais eu plus d’un vote contre ou d’une abstention », a plastronné Bruno Le Roux à l’issue de la réunion. En réalité, seuls 150 socialistes (la moitié du groupe) étaient présents. Et les contestataires présents n’ont pas pris part au vote, confirme Pascal Cherki (aile gauche du PS). « C’était abracadabrantesque, lunaire. On ne pouvait discuter aucun amendement, alors nous n’avons pas participé », dit-il. Lui et ses collègues menacent de défendre leurs propositions alternatives directement dans l’hémicycle. En face, Bruno Le Roux n’y va pas par quatre chemins. « Le débat a eu lieu, il est clos, dit-il. La décision du groupe englobe tout le monde. Personne n’oblige un député à être membre du groupe socialiste. L’abstention est quelque chose que je n’envisage pas. » Pour la première fois, Le Roux fait même planer la menace d’exclusions du PS. « Je ne souhaite pas parler de sanctions car cela hystérise le débat et certains l’accrochent au revers comme une médaille. Mais s’il y a des comportements anormaux (sic), si la décision majoritaire du groupe n’est pas respectée, j’en référerai au premier secrétaire du PS. »

Quelques mètres plus loin, le député PS Christian Paul, un proche des réseaux Montebourg et de Martine Aubry, balaie les menaces, affectant un ton détaché. « Comportements anormaux ? Quand on a essayé la normalité en politique, il me semble que ça n’a pas été d’un bénéfice immédiat », dit-il. Une allusion au « président normal », François Hollande, que les plus critiques (et beaucoup d’autres) n’hésitent plus à défier ouvertement.

À la gauche du PS, on espère que cette longue séquence budgétaire sera l’occasion de tisser des ponts entre les socialistes contestataires, les écologistes et le Front de gauche, au moins par le biais d’amendements convergents (sur le pouvoir d’achat, les gels de prestations sociales ou les contreparties des exonérations de charges sociales pour les entreprises). Quelques contacts ont été pris, les réunions informelles commencent. Pour l’instant, les socialistes contestataires n’envisagent pas de déposer des amendements communs avec d’autres groupes. Pas question de froisser encore plus l’exécutif, au risque de devenir des parias, alors que leur mouvement exaspère certains de leurs collègues dans la ligne ou légitimistes. « Nous ne cosignerons pas d'amendements avec d'autres groupes. Mais nous gardons aussi à l’esprit que nous devons élargir notre majorité », résume Christian Paul.

Le Front de gauche et les écologistes font tout pour qu’ils changent de position. « Nos analyses ne sont pas les mêmes, mais nous souhaitons créer des points de rencontre et des convergences », martèle le président du groupe Front de gauche à l’Assemblée, André Chassaigne.

« On souhaiterait des amendements communs avec le PS et le Front de gauche, mais ça coince du côté du PS. On partage tellement de choses que ce serait dommage de ne pas arriver à se mettre d’accord », explique l’écologiste Christophe Cavard, persuadé que « pour gagner en 2017», un large arc de gauche « devra constituer une majorité au sein de la majorité actuelle. » Ces textes pourraient être une première étape, avant la discussion à, l'automne du budget 2015, qui prévoit 22 milliards d’euros d'économies et de nouvelles hausses d'impôts : un mur d'austérité qui, déjà, affole le PS, alors que celui de l'été n'est pas encore franchi.

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