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Sarkozy : les secrets d'un retour catastrophe

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«Sarkozy fait du Copé. Il dit “je reviens” comme l’autre jurait qu’il ne démissionnerait pas. Son message de retour est un signal de panique. » Il n’est pas tendre, cet élu de base, plutôt filloniste, favorable à Juppé, en colère contre Copé, et fatigué d’assister à une nouvelle guerre des chefs alors que son parti n’en finit pas d’éponger le bilan politique et comptable de la campagne de 2012.  

Plus la crise se prolonge, plus elle s’aggrave, et plus l’UMP s’enfonce dans le rituel de l’éternel retour. Un scénario obsessionnel qui se répète grosso modo depuis le 6 mai 2012. Grand 1, une catastrophe met en cause l’ancien président de la République. Grand 2, ses amis rapportent ses « confidences » et chantent sa grande sérénité. Grand 3, son come-back est annoncé. En résumé, dès qu’un événement l’éloigne, il fait dire qu’il se rapproche.

L’histoire commence d’ailleurs avec sa défaite. Il a perdu le pouvoir, mais ses partisans expliquent qu’il a gagné au vu de « l’étroitesse du score » : 51,7 à Hollande contre 48,3 à Sarkozy. C’est tellement plus puissant que le 48,2 de Giscard d’Estaing face à Mitterrand ! Des voix réclament pourtant un inventaire du quinquennat, Roselyne Bachelot fait un tabac avec son livre : aussitôt une Association des amis de Nicolas Sarkozy se constitue pour poser un garrot, ou plutôt un bâillon. Sa technique : on fait dire à des canaux médiatiques, sous couvert de confidences exclusives, que « le président » est en pleine forme, qu’il est heureux d’être éloigné des mesquineries du bas-monde politique, qu’il est féroce envers son successeur, qu’il est impitoyable avec ses anciens lieutenants, qu’il est acclamé quand il se rend aux concerts de sa femme, qu’il reçoit à tour de bras, qu’il ne souhaite pas revenir, mais qu’il y consentira si « le devoir » l’y contraint. Ces « cartes postales » sont postées par différents canaux. Le Figaro fait partie des petits télégraphistes, mais Le Parisien aussi, en semaine, et Le Journal du dimanche encore, un week-end sur trois ou quatre.

Nicolas Sarkozy se signale en deux types d’occasion : quand il est éclaboussé par une affaire, ou quand un rival potentiel paraît s’opposer à lui.

Côté scandales, la chronique lui a donné mille occasions d’assurer sa présence, et de faire part de sa forme olympique. Karachi, arbitrage Tapie, écoutes, enregistrements Buisson, rejets de ses comptes de campagne, fausses factures de Bygmalion, la liste est vertigineuse, et la défense est intangible. On dirait un mantra. Comme l’écrivent pieusement ses canaux officieux, il est scandalisé ! Il tombe des nues ! Il n’a cessé de recevoir Tapie mais n’est pas intervenu, il a adoré Buisson mais Buisson l’a trahi, il a été persécuté par le Conseil constitutionnel pour quelques milliers d’euros, mais il est rattrapé par les onze millions de l’affaire Bygmalion. Pour l’occasion, l’ancien président a fait livrer par Brice Hortefeux et Nadine Morano ce commentaire extraordinaire : « Nicolas Sarkozy est très mécontent que son nom soit cité dans cette curieuse affaire. » Il se trouve que « cette curieuse affaire » est tout bonnement sa campagne de 2012 ! Sans doute avons-nous collectivement rêvé. Sarkozy n’a jamais été candidat. D’ailleurs, il n’a pas perdu, il est heureux, il ne veut pas revenir, il donne des conférences, etc.

La preuve, c’est qu’il revient ! Il est quasiment en marche. Il l’a décidé. Il envisagerait de prendre la présidence de l’UMP (lire l'interview de Brice Hortefeux au Monde de ce jour), et il a engagé contre le triumvirat composé d’Alain Juppé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin l’une de ces contre-attaques juridiques dont il raffole quand il est acculé, et qu’il a déjà menées à maintes reprises, notamment dans l’affaire Bettencourt : faire casser un dossier pour vice de forme. On a donc entendu Claude Guéant, l’homme qui a touché le jackpot en vendant des croûtes hollandaises, s’affoler que l’UMP, qui a pourtant mis en place une double comptabilité, puisse ne pas appliquer ses statuts ! Ainsi, dans ce navire dont l’ancien capitaine, Jean-François Copé, a forcé son élection, et vient d’être emporté par un torrent d’argent douteux, les amis de l’ancien locataire de l’Élysée éprouveraient des affolements de sœurs carmélites à l’idée qu’on n’applique pas la règle !

D’où vient cet empressement soudain ? Pourquoi ce revirement ? Sarkozy avait laissé entendre que l’UMP ne l’intéressait plus, qu’il pourrait s’en passer, et que sa candidature éventuelle suffirait à créer un mouvement irrésistible, et voilà qu’il envisage de concourir à un congrès ! Il faisait répéter que les petites manœuvres internes n’étaient plus de son niveau (lui, il serre la main à Vladimir Poutine, c’est quand même autre chose !), et voilà qu’il fait alliance avec les copéistes en mettant des bâtons dans les roues d’Alain Juppé. Il avait planifié son retour pour l’année 2015, ou 2016, en passant par-dessus les primaires, et voilà qu’un état d’urgence l’oblige à se dédire, et à accélérer.

Ce qui le décide, alors qu’il est tellement heureux, tellement détaché, alors qu’il est un sage à barbe, c’est qu’il y a le feu dans sa maison. Le scandale Bygmalion est désastreux pour lui. L’éviction de Jean-François Copé, avec son déluge d’argent, l’éclabousse forcément. Non seulement la justice pourrait lui demander des comptes, non seulement la situation financière dans laquelle il a laissé son parti finit par ressembler à l’état dans lequel il a laissé la France, et par désespérer ses partisans, mais ses rivaux potentiels ont décidé de s’organiser.

Il abat donc sa dernière carte. C’est le dernier carré de ses fidèles. Ceux qui ne sont pas encore mis en examen, ou qui ne l’ont pas abandonné. Mais c’est surtout le noyau dur des militants. Bon nombre d’entre eux, dégoûtés par les guerres intestines et les affaires successives, n’ont pas renouvelé leur adhésion, mais les plus enfiévrés demeurent, et ne jurent le plus souvent que par l’ancien président, pour lequel ils éprouvent la passion du charbonnier. Si Nicolas Sarkozy parvenait à s’emparer de l’appareil, et à faire passer les grandes décisions par le vote de ces militants-là, et d’eux seuls, il aurait une chance de revenir dans le jeu. La dernière.

Son problème, c’est que le triumvirat Juppé-Fillon-Raffarin est tout prêt de prendre les clés. D’où la course de vitesse et la tentative de déstabilisation des successeurs provisoires de Copé. L’ennui pour l’ancien président, tellement zen, et tellement « au-dessus de tout ça », c’est que cette descente dans la gadoue, avec son cortège de boules puantes et de peaux de bananes, colle assez mal avec la propagande du barbu détaché.

Une fois encore, avec la somme de ses affaires douteuses, son rapport à l’argent, sa mégalomanie, son obsession de l’image, ses manigances de communication, Sarkozy est rattrapé par lui-même, et c’est ce retour qui compromet son je reviens.   

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Actualité 03/06/2014


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