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Véronique Descacq (CFDT) : « La présidence Hollande est cafouilleuse »

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Véronique Descacq a fait carrière dans la banque avant de grimper les échelons du syndicalisme et de devenir la numéro deux de la CFDT lorsque François Chérèque a transmis le flambeau à Laurent Berger il y a deux ans. Alors que le congrès de la centrale réformiste, deuxième en représentativité (29,71 %) après la CGT (30,63 %), s'ouvre aujourd'hui à Marseille jusqu'à vendredi, elle défend dans un entretien à Mediapart la position de la CFDT sur l'échiquier syndical. Certains accusent la centrale d'être devenue la courroie de transmission du gouvernement : « Nous sommes les plus indépendants car encartés dans aucun parti politique », répond-elle. Ce sera l'un des enjeux de la semaine : afficher ses distances avec un gouvernement de plus en plus impopulaire face à des militants sonnés par l'effondrement de la gauche et les scores de l'extrême droite aux élections européennes et aux municipales.

Le 48e congrès de la CFDT s'ouvre au lendemain de deux scrutins majeurs qui ont vu le parti socialiste plonger dans les abîmes et la politique menée par François Hollande lourdement sanctionnée. Emploi, retraites, pacte de responsabilité... Vous avez approuvé toutes les grandes réformes depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir. En affichant une telle unité de vue, votre position ne devient-elle pas difficilement tenable...

Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDTVéronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT © @dr

Pas du tout. Les Français n'ont pas sanctionné les réformes engagées mais l’absence de résultats. Le chômage qui empire, la croissance qui ne repart pas, le sentiment d’un pays qui s’enfonce dans un déclassement collectif, voilà ce qui déprime les salariés et qui les conduit à rejeter la politique du gouvernement. Ce n’est pas la sécurisation de l'emploi, le pacte de responsabilité, la réforme des retraites, etc. Nous portons et assumons les réformes auxquelles nous croyons à l'image de celle sur les retraites qui a pris en compte la pénibilité, un combat qu’on mène depuis de longues années. En revanche, que les salariés ne voient pas ce que concrètement ces réformes vont leur apporter, ça, cela nous préoccupe.

Mais dans le paysage syndical actuel, l'image qui colle à la CFDT est celle d'un syndicat très, voire trop, proche du pouvoir. Des poids lourds de la CFDT ont rejoint des cabinets ministériels ou ont été recasés, comme François Chérèque, nommé en janvier 2013 à l'IGAS. Ne sont-ce pas là des liaisons dangereuses ?

Les gouvernements changent. Pas nous. Nous sommes constants. Sous la droite, on nous accusait d’être proches de la droite, sous la gauche, on nous accuse d'être proches de la gauche. La vérité, c’est qu’il n’y a qu’à la CFDT où les dirigeants ne sont encartés dans aucun parti politique, complètement libres, autonomes. Au sein de la CGT, la majorité est encartée au PC ou au Front de gauche. Au sein de Force ouvrière, ils sont adhérents à l’UMP, au PS ou à des partis d’extrême gauche. La CFDT s’engage dans les réformes quel que soit l’acteur politique en face. Ce reproche nous est d'ailleurs très peu fait en interne. Des militants nous demandent simplement de veiller à ne pas apparaître proches du pouvoir. Ils se soucient de l’image mais ils savent bien notre indépendance. Cela ne va pas plus loin.

Vous revendiquez plus de 50 000 nouveaux adhérents depuis le dernier congrès. Mais dans le même temps, certains de vos militants claquent la porte, comme à La Redoute où la section CFDT qui était majoritaire a volé en éclats au lendemain de l'accord scellant la cession de l'entreprise et la suppression de plus d'un millier d'emplois (lire ici notre reportage). Craignez-vous un congrès sous tension ?

Certainement pas. La CFDT se porte très bien en interne. Qu'il y ait des tensions lors de plans sociaux douloureux comme à La Redoute ou chez le transporteur Mory-Ducros, cela a toujours existé. Et je ne jetterai pas la pierre à ceux qui ont du mal à tenir le choc quand ils doivent vivre la violence d'un plan social, une cession d’activité partielle, le drame des licenciements. Nous sommes le premier syndicat dans les entreprises privées. Il est normal qu'il y ait des désaccords mais il n'y a aucun malaise sur le fond de la signature des accords ou des réformes nationales dans nos troupes. La démocratie est toujours respectée. Vous savez, nous avons un outil de sondage interne très simple : les e-mails. Lorsque nos militants sont en colère, ils ne se gênent pas pour nous écrire et ils ont l'adresse des dirigeants. Eh bien, nous en avons très peu reçu.

Pour la première fois, le Front national est arrivé en tête aux élections européennes en France. Selon un sondage pour le journal L'Humanité, 30 % des salariés qui se sont rendus aux urnes ont voté FN. N'est-ce pas l'échec du syndicalisme qui devrait être une digue contre l'extrême droite dans les entreprises ?

Nous en portons tous la responsabilité. Mais le sondage montre la solidité de la CFDT. Nous sommes avec 17 % l’organisation la moins touchée contre 25 % en moyenne dans les autres syndicats et plus de 30 % dans certains syndicats (FO). Nos militants sont sous le choc des résultats aux européennes, préoccupés par la montée du Front national, du populisme et des replis de toutes sortes mais ils n’ont pas découvert cette réalité au lendemain des européennes ni des municipales. Ils assistent à la montée des extrêmes depuis des mois dans leurs entreprises. Le patronat aussi le constate dans ses rangs. Les salariés ne trouvent aujourd'hui ni dans la classe politique ni dans les corps intermédiaires les réponses à leurs difficultés, inquiétudes et angoisses. L'enjeu aujourd'hui est de porter une analyse de la situation de notre pays dans le monde et en Europe, et de proposer des solutions, un projet. Le syndicalisme ne peut plus se payer le luxe d’être uniquement dans la contestation systématique. Il doit faire des propositions pour sortir de la crise par le haut.

À peine installé, le nouveau ministre du travail François Rebsamen propose de céder à l'une des vieilles marottes du patronat : geler les seuils sociaux (qui imposent aux entreprises d'au moins onze salariés d'avoir des délégués du personnel et à celles de plus de cinquante salariés d'avoir un comité d'entreprise) au prétexte qu'ils sont des freins à l'embauche. Qu'en pense la CFDT ?

C’est une proposition complètement stupide, l'inverse de ce que nous prônons. C'est consternant de penser que l'on va résoudre le chômage avec de telles idées. Alors que nous faisons le pari que dans le changement de modèle, le dialogue social est primordial, on veut nous le supprimer en interne dans les entreprises ! Nous ne sortirons de la crise que si nous faisons discuter à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, ensemble, les différents acteurs, les employeurs, les salariés, au premier chef, pas en supprimant les délégués du personnel !

La politique économique et sociale du nouveau tandem exécutif Hollande-Valls, qui assume un virage pro-patronat et s'appuie désormais sur le pacte de responsabilité pour créer de l'emploi, vous satisfait-elle ?

Nous ne sommes pas là pour commenter les nominations. La CFDT s'investit dans un certain nombre de réformes car elles sont de nature à sortir de l'ornière. Notre objectif est de voir les fruits des politiques engagées indépendamment de la stratégie de ceux qui sont au pouvoir. Ce qu’on constate à ce jour, c’est que malgré l'arrivée d'un nouveau premier ministre, il n'y a toujours pas eu d’inflexion majeure dans la vie quotidienne des Français. Le climat d’inquiétude généralisée et le manque d’ambition des dispositifs font que cela ne marche pas. Le gouvernement a lancé de nombreuses mesures dans tous les sens mais il n'a pas été au bout.

Il manque un suivi et de la ténacité. Il faut maintenant passer la vitesse supérieure pour aider les chômeurs. On n'a pas misé sur la formation des demandeurs d’emploi aux métiers en tension, ni suffisamment créé d’emplois aidés pour l’insertion. Il faut aussi que le patronat y mette du sien. Il a planté les contrats de génération alors qu’il y avait là un outil. Quant au pacte de responsabilité, il va falloir être très vigilant. On exige des contreparties signées. Il est hors de question de donner des baisses de charges et d’impôts sans l'assurance de créations d'emploi et d'emploi de qualité, de maintien dans l’emploi, de formation...

Pourriez-vous vous retirer du pacte si le contrat n'est pas respecté ?

Oui, sans équivoque.

Comment qualifieriez-vous les deux premières années de la présidence Hollande ?

« Cafouilleuses » est le mot qui convient le mieux. Il y a des avancées mais aussi un tel manque de sens, de vision qu’on ne sait qu’en retirer. Parfois, cela ressemble à de l’amateurisme. La proposition de Rebsamen de geler les seuils sociaux en est un exemple. Voilà deux ans qu’on se bagarre pour que dans la négociation, on replace le dialogue social au cœur des réformes et patatras, il nous explique que le dialogue social, c’est finalement ce qui complique la vie des entreprises et que, sans DP et sans CE, on créera des emplois. C'est le contre-message typique envoyé aux salariés. On peine d’ailleurs à comprendre si cela répond à une tactique précise ou si c’est juste une gaffe.

Les relations de la CFDT ne sont pas au beau fixe avec les autres syndicats en particulier la CGT. Thierry Lepaon ne sera pas à Marseille, à l'inverse de son prédécesseur Bernard Thibault qui avait participé au congrès de Tours en 2010 et avait été ovationné en plein débat sur les retraites.…

On travaille avec tous ceux qui sont prêts à travailler avec nous. Nous l'avons fait avec la CGT au début de l’année dans l'objectif de créer un observatoire pour surveiller si les exonérations de charges servent à créer de l’emploi ou pas. Mais la CGT a eu du mal à poursuivre ses engagements et à honorer sa signature. Je ne vais pas vous apprendre que la vie interne est très compliquée à la CGT depuis le changement de gouvernance et qu’ils ont du mal à tenir une ligne.

Le congrès sera marqué par l'abandon de la référence au christianisme et l'article premier des nouveaux statuts prônera un « syndicalisme de transformation sociale ». Pour la première fois, aussi, la CFDT va élire une direction à parité. Être une femme dans le syndicalisme, c'est, comme en politique, un chemin de croix ?

Je suis frappée par les clichés autour des femmes syndicalistes dans le monde politique. Vous sentez que vous comptez pour du beurre. Vous êtes considérée comme étant là pour assurer le quota féminin, pas pour décider. Ce n’est pas dit ainsi, mais c’est ressenti ainsi. Je suis surtout très préoccupée par la situation des femmes dans le monde du travail et dans le monde en général. Les inégalités sont tenaces. L'accès à l'éducation, la lutte contre le travail informel prégnant chez les femmes, sont des sujets qui m'inviteraient à militer avec ou après la CFDT.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Actualité 03/06/2014


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