Déçu par François Hollande, qui avait promis « un effort de transparence » lors de la campagne, mais aussi par Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, qui plaçait au cœur de son projet cette « volonté de transparence » le 22 novembre 2012, Aymeric Elluin, responsable de la campagne “Armes et impunité” à Amnesty International France, souligne les lacunes du dernier rapport du ministère de la défense sur les exportations d’armement de la France.
« La transparence, c’est de mettre par écrit, clairement, quel type de matériel on a vendu et combien on en a vendu. Le rapport indique juste les montants financiers des exportations », déplore Aymeric Elluin, soulignant, à juste titre, qu’il manque dans le rapport « une cartographie exacte de ce qu’on vend (types et quantités exactes de matériels commandés et livrés, etc.) et à qui (identité des utilisateurs finaux, utilisation finale des armes). » « On est incapables de savoir de quelles catégories d’armes il s’agit ! Or on voudrait connaître la date de livraison et de prise de commande, savoir si on est passés par des intermédiaires, dans un monde où les populations civiles sont les premières victimes », s’insurge le militant d'Amnesty International.
Jean-Yves Le Drian, en déplacement à Abou Dhabi lundi 22 juillet, a vendu deux satellites espions français aux Émirats arabes unis. Un contrat à plus de 700 millions d’euros raflé aux États-Unis, une information à propos de laquelle le ministère n’a caché ni le type de matériel, ni le nombre vendu. Si le rapport annuel 2013 sur les exportations d’armement de la France paru le 19 juillet 2013 est loin de constituer un compte-rendu aussi exhaustif et « transparent », il indique quelques évolutions dans les exportations françaises d'armement.
Figurant dans le top 5 des exportateurs mondiaux de matériels de défense (derrière les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni et devant Israël), la France a comptabilisé une prise de commandes de 4,8 milliards d’euros en 2012, contre 6,5 milliards d'euros en 2011. Une baisse qui s'explique, selon le ministère de la défense, en partie par le « faible nombre de contrats de plus de 200 millions d’euros obtenus ».
« En outre, les exportateurs émergents tels que la Corée du Sud, la Turquie, la Chine ou le Brésil tendent à s’affirmer comme des concurrents sérieux sur l’ensemble des segments du marché : avions de transport, hélicoptères légers et d’attaque, sous-marins, frégates, bâtiments de prospection et véhicules blindés », alerte le ministère de la défense. Selon ce rapport, « leur ambition à devenir des exportateurs d’armements majeurs est indissociable de leur volonté d’être reconnus comme des puissances qui comptent sur la scène internationale ».
La France ne risque pas pour autant de quitter le peloton de tête car « les grands pays exportateurs de matériels de défense, États-Unis en tête, conservent leur position dominante en s’appuyant sur de solides bases industrielles et technologiques de défense et en maintenant une avance technologique importante ». Entre 2008 et 2012, l'Asie-Pacifique est devenue « la principale destination des exportations françaises avec 27,8 % des prises de commandes », derrière le Moyen-Orient (21,4 % des prises de commandes françaises) et l’Amérique latine (20,9 %). Mais l'Arabie saoudite « demeure notre premier client sur la période 2003-2012 », relève le rapport avant d'annoncer que « de nouveaux partenariats avec la Fédération de Malaisie ou le Brésil se concrétisent ». Les Émirats arabes unis arrivent en quatrième position entre 2008 et 2012.
Rappelant les réglementations habituelles et le rôle de la France dans les efforts internationaux de lutte contre les trafics, le rapport annuel 2013 annonce quelques “nouveautés” :
- La mise en place d’un système de licences dit « simplifié » : la loi 2011-702, adoptée le 30 juin 2012 sur le régime de contrôle des exportations des matériels de guerre et matériels assimilés, assure mettre en place « un système de licence plus facile à utiliser, tout en assurant une égale robustesse en matière de contrôles. Par ailleurs, le fonctionnement de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre a été adapté à la nouvelle réglementation et optimisé pour assurer plus efficacement l’examen des demandes de licences d’exportation et de transfert intra-communautaire ».
- Le renforcement du dispositif pénal contre les embargos : le 10 octobre 2007, le projet de loi relatif à la violation de l’embargo et d’autres mesures restrictives est adopté en première lecture au Sénat. Le rapport annonce que « le gouvernement souhaite son examen par l’Assemblée nationale et proposera d’en renforcer le dispositif pénal afin qu’il soit plus dissuasif ».
- La transparence : elle ne concerne que des domaines restreints et acteurs précis, via la « mise en place d'un numéro vert au profit des PME/PMI souhaitant s'informer sur la politique de soutien aux exportations, sur la réglementation relative aux contrôles des exportations, les procédures et/ou l'état d'avancement de leurs dossiers », et des « informations pratiques concernant les procédures de contrôles des exportations » consultables sur le site de la Direction générale de l'armement.
- L'entrée en vigueur le 6 septembre 2013 de la loi 2012-304 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif. « Ce texte clarifie la législation sur les armes en instaurant quatre catégories d'armes au lieu de huit », explique le rapport.
- Le contrôle des exportations de matériels de guerre et matériels assimilés et des transferts de produits liés à la défense, est exercé a posteriori par le ministre de la défense : depuis fin juin 2012, ce dernier examen de passage « a pour but de vérifier, après délivrance de la licence, que les opérations réalisées sont bien conformes aux autorisations accordées ». Une trentaine d'entreprises françaises auraient été soumises à ce contrôle depuis par les agents du cabinet ministériel.
Ce dernier volet réjouit Aymeric Elluin, qui y voit une leçon tirée des erreurs françaises durant le Printemps arabe. Malgré le manque de transparence, et le désir que le ministère de la défense « donne les bonnes informations au Parlement, c'est-à-dire les risques d'exportation des armes dans les pays destinataires plutôt que l'apport financier de la vente », le représentant “Armes et impunité” d'Amesty International observe que, depuis qu'il existe des rapports annuels sur les exportations d'armes (1998), « c'est la première fois qu'un ministre de la défense présentera ce rapport à l'Assemblée nationale ». Comme l'indique le portail du ministère de la défense, « Jean-Yves Le Drian présentera personnellement à la Représentation nationale, les conclusions de ce rapport » le 11 septembre, et Amesty International France « exhorte les parlementaires à exercer leur pouvoir de contrôle en organisant un débat et en produisant un rapport contradictoire. »
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