L’arrivée au pouvoir de François Hollande n’y a rien fait : le nombre de personnes détenues en France continue d’augmenter implacablement, mois après mois. Selon les dernières statistiques du ministère de la justice, diffusées lundi soir, quelque 68 569 personnes étaient emprisonnées au 1er juillet, dont 17 318 prévenus en attente de jugement, et 799 mineurs.
Un sombre record, qui peut faire craindre des incidents graves ou des émeutes à court terme, sachant que le nombre de places théoriques est de 57 320, et que des taux d’occupation de 200 % sont constatés dans certains établissements. Inutile de le préciser, l’encellulement individuel, instauré par la loi en 2009, n’est le plus souvent qu’un vœu pieux, et certains détenus doivent encore dormir sur un matelas à même le sol.
Les causes de cette surpopulation dramatique sont connues : depuis l’élection de Jacques Chirac en 2005, et surtout sous le mandat de Nicolas Sarkozy, le Code pénal a été durci à plusieurs reprises dans un sens très sécuritaire. Le résultat est presque mécanique : sans que l’on puisse affirmer scientifiquement que la délinquance et la criminalité augmentent, il est en revanche facile de constater que les condamnations sont de plus en plus nombreuses, et les peines prononcées de plus en plus lourdes.
Dans le même temps, les dispositifs permettant des alternatives à la prison et les aménagements de peines, comme ceux qui doivent préparer la réinsertion des personnes détenues (via les libérations conditionnelles, notamment) ont été longtemps affaiblis et dénigrés. Le point d’orgue étant constitué par l’affaire dite de Pornic, devenue un grand classique de l’instrumentalisation des faits divers à des fins politiques.
Face à cette situation, que fait Christiane Taubira depuis mai 2012 ? La gauche judiciaire retourne la question dans tous les sens. Inscrite parmi les promesses de François Hollande, l’emblématique abrogation des sinistres « peines planchers », qui instaurent des condamnations lourdes et quasi automatiques pour les récidivistes, n’a pas encore eu lieu. Le contournement de cette mesure a été recommandé prudemment par la circulaire de politique pénale de Christiane Taubira, mais rien ne s’est produit concrètement. Idem quant aux « tribunaux correctionnels pour mineurs » créés par Sarkozy pour en finir avec l’ordonnance de 1945 sur « l’enfance délinquante », dont on attend toujours la suppression.
Au ministère de la justice, on indique qu’après les travaux de la « conférence de consensus sur la prévention de la récidive », remis en février, une réforme pénale sera présentée au conseil des ministres au mois de septembre, et devrait être soumise au parlement à la fin de l’année. Rien ne filtre, en revanche, sur son contenu.
Selon des sources syndicales, la suppression des peines planchers figure bien dans le projet, mais serait contrebalancée par d’autres dispositifs, l’État PS craignant par-dessus tout un procès politique en angélisme. Ainsi, le principe de la création d‘une peine de probation serait retenu, mais sans qu’on sache encore si elle remplacera le sursis avec mise à l'épreuve ou si, au contraire, elle s’y ajoutera.
« Rien n’a encore été fait pour revenir sur les lois sur la récidive et sur les mineurs », déplore Virginie Valton, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), qui se dit déçue.
« Il faudrait une politique vigoureuse pour faire baisser la population carcérale, mais on ne la voit pas venir pour le moment », regrette également Françoise Martres, la présidente du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).
La très grande prudence du gouvernement, en matière de justice comme sur d'autres sujets, est bien une nouvelle fois au cœur des interrogations.
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