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Au centre de l'affaire Bygmalion, Sarkozy fait sonner la charge par ses lieutenants

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Pièce maîtresse de la “cellule riposte” mise en place par Brice Hortefeux pour la présidentielle de 2012, Jérôme Lavrilleux est désormais passé de l’autre côté du cordon sanitaire installé par les sarkozystes. Face à l’emballement de l’affaire Bygmalion, le directeur de cabinet de Jean-François Copé a choisi de prendre sur lui la responsabilité des « dérives » des comptes de la campagne de Nicolas Sarkozy. À l’en croire, il n’avait « jamais eu à discuter ce genre de sujet » avec l’ancien président de la République.

Nicolas Sarkozy en campagne.Nicolas Sarkozy en campagne. © Reuters

Si Jean-François Copé a pris le soin, mardi au 20h de TF1, de préciser que l’ex-chef d’État ne pouvait pas être au courant des manœuvres comptables de sa campagne, Nicolas Sarkozy, conscient que le seul fusible Lavrilleux ne suffirait pas à circonscrire l’incendie, n’a pas hésité à charger la barque de l’ancien patron de l’UMP, par la voix de son entourage. « (Copé) a nommé des hommes à lui partout, et il ne peut pas s'en désolidariser du jour au lendemain », glissait dès lundi au Figaro un proche du locataire de Miromesnil. Pas sûr que cela suffise.

« On parle de l'affaire Bygmalion, moi je pense que c'est l'affaire des comptes de campagne du candidat Sarkozy. » En une phrase, Me Patrick Maisonneuve, l’avocat de la société de communication fondée par des proches de Copé, a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire narrée depuis le mois de février et les premières révélations du Point titrées « Sarkozy a-t-il été volé ? L’affaire Copé ». Car l’affaire Bygmalion ne concerne plus seulement l’ancien patron de l’opposition : elle vise aussi directement Nicolas Sarkozy.

La garde rapprochée de l’ex-chef d’État l’a immédiatement compris. À peine la conférence de presse de Me Maisonneuve était-elle achevée, que Michel Gaudin, le directeur de cabinet de Sarkozy, et Véronique Waché, sa conseillère presse, assaillaient de coups de téléphone les proches de Copé, selon Le Canard enchaîné. « Vous êtes en train de nous trahir, a hurlé Waché au bout du fil. À quel jeu jouez-vous ? Vous voulez nous mettre dans la merde ou quoi ? »

De son côté, Nicolas Sarkozy feint le détachement. Et poursuit, comme si de rien n’était, ses séjours à l’étranger. Qu’importe son absence. Ses lieutenants politiques se chargent de jouer les pompiers médiatiques. Brice Hortefeux le premier a déclaré sur RTL que l’ex-chef d’État était « très mécontent de voir son nom associé à cette curieuse actualité ». Henri Guaino, son ancien conseiller à l’Élysée, lui a emboîté le pas en déclarant sur France Inter qu’il « n’avait jamais vu le président, à l’époque, prendre un moment pour s’occuper des questions d’intendance ». Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, sa porte-parole durant la campagne de 2012, elle a exclu sur France Info toute mise en cause de son mentor.

Nadine Morano et Christian Estrosi, fidèles parmi les fidèles, sont même allés plus loin. Pour eux, non seulement l’affaire Bygmalion n’empêche pas le retour de Nicolas Sarkozy sur la scène politique, mais plus encore, elle le précipite. « C’est peut-être le moment pour lui, s’il a une envie de retour sur la scène politique, de pouvoir le faire, a estimé le député et maire de Nice sur i-Télé. (Le congrès refondateur d’octobre), c’est sans doute le rendez-vous. » Un appel également lancé par Nadine Morano dans Le Parisien : « Notre famille politique a besoin d'un chef. Si Nicolas veut revenir, c'est maintenant. »

Brice Hortefeux, Nadine Morano et Christian Estrosi.Brice Hortefeux, Nadine Morano et Christian Estrosi. © Reuters

À l’UMP, rares sont ceux à vouloir accabler l’ancien président de la République. Officiellement, les responsables du parti recyclent les arguments utilisés pour défendre Jean-François Copé aux prémices de l’affaire Bygmalion : « respectons la présomption d’innocence », « laissons la justice faire son travail », « ne nous érigeons pas en procureurs »… Mais en coulisses, ils sont bien plus nombreux à juger que Nicolas Sarkozy devra, lui aussi, rendre des comptes. « Qui peut croire que Sarkozy et Copé ont tout ignoré ? » a lâché François Fillon à ses proches après l’intervention télévisée de Jérôme Lavrilleux, rapporte Le Canard enchaîné.

C’est aussi la question que risquent de se poser les enquêteurs. Et que l’ancienne équipe du candidat Sarkozy tente de contourner depuis deux jours. Son directeur de campagne, Guillaume Lambert ? Il s’est dit « totalement étranger aux dispositions mises en place entre Bygmalion et l’UMP ». Son trésorier, Philippe Briand ? Il jure n’avoir jamais demandé « d’imputer des dépenses de campagne sur le compte de l’UMP », affirmant être sûr de la provenance de toutes les recettes – même si l'on parle ici, en l'occurrence, de dépenses. « Cette fois-ci, il n’y avait plus de Bettencourt ! » a-t-il lancé pour étayer sa défense.

Porte-parole, conseillers, communicants, candidat… Personne n’était au courant. C’est du moins la version diffusée par les sarkozystes qui assurent que Jérôme Lavrilleux a agi en homme seul. Fini le temps où Nicolas Sarkozy remettait au directeur de cabinet de Copé l'ordre national du mérite en déclarant : « Voilà un homme qui a le talent de ne pas embêter les personnes pour qui il travaille avec des problèmes dont elles n'ont pas à connaître. » Fini aussi l’époque où Lavrilleux était présenté comme « le voltigeur » de l’ancien chef d’État.

L’homme avait peut-être « l’oreille des stratèges du président, Patrick Buisson, Jean-Michel Goudard et Pierre Giacometti », comme le rapportait Le Parisien en février 2012. Et pourtant, il ne leur aurait rien dit des « 11 millions d'euros de dépenses liées à la campagne » et facturés à l’UMP pour ne pas dépasser le plafond autorisé (22,5 millions d'euros)… Les éléments de langages sont rodés. Ils vont désormais devoir convaincre les enquêteurs.

Jérôme Lavrilleux.Jérôme Lavrilleux. © Reuters

Après Karachi en 1995 (pour la campagne d’Édouard Balladur dont il était porte-parole), Bettencourt et Kadhafi en 2007, Nicolas Sarkozy se retrouve aujourd’hui au cœur d’une nouvelle affaire de financement illégal de campagne, qui risque d’avoir des conséquences politiques, mais aussi pénales. Une fois ses comptes de campagne définitivement rejetés par le Conseil constitutionnel en juillet 2013, l’ancien chef d’État avait dû tirer un trait sur le remboursement de onze millions d'euros de frais. Le “Sarkothon” ayant permis de récolter cette somme, il n’aura pas à mettre la main au porte-monnaie. Les militants et sympathisants UMP s’en sont déjà chargés.

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