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UMP : après les fausses factures, les formations fantômes

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Après les fausses factures, les formations fantômes. Mediapart a découvert qu’une association liée à l’UMP, l’Association nationale pour la démocratie locale (ANDL), chargée de former des bataillons d’élus locaux aux frais des collectivités, a pris l’habitude de gonfler artificiellement le nombre de présents à ses séances, pour mieux surfacturer aux conseils régionaux, généraux ou municipaux. Cette fois, il s’agit directement d’argent public.

Cette piste ne manquera pas d’être creusée par les policiers chargés de l’enquête préliminaire sur les comptes de l’UMP, ouverte sur des soupçons de « faux », « abus de biens sociaux » et « abus de confiance », qui ont déjà perquisitionné les locaux de l’ANDL et saisi une masse de documents, en même temps qu’ils s’emparaient des archives de l’UMP et débarquaient au siège du micro-parti de Jean-François Copé, lundi dans la soirée.

Pour mémoire, les assemblées territoriales sont tenues de payer des formations à tous leurs membres, qui choisissent librement leur prestataire. Parmi les plus courus côté UMP, on trouve ainsi l’ANDL (d’ailleurs en concurrence sur ce marché avec une filiale de Bygmalion), qui enregistre des chiffres d’affaires florissants (d’après les comptes que Mediapart a pu consulter): 580 000 euros en 2011, puis 524 000 euros pour quelque 2 000 élus officiellement "coachés" en 2012.

À la tête de cette petite "entreprise" maison, basée au siège même de l’UMP, Jean-François Copé avait pris soin, dès 2011, de placer son plus fidèle lieutenant, la députée Michèle Tabarot (déjà menacée par plusieurs dossiers, comme nous l’avons raconté ici et ). Trois ans plus tard, une source interne décrit à Mediapart une astuce bien rodée, devenue « quasiment industrielle » : l’ANDL vend une formation à telle ou telle collectivité pour un nombre élevé d’élus UMP, tout en sachant que certains n’y assisteront jamais. Complices, ces « absentéistes » signent quand même la feuille de présence, que l’ANDL est tenue de fournir aux services de la collectivité si elle veut encaisser l’intégralité du montant facturé.

Jean-François Copé et sa numéro deux Michèle Tabarot, présidente de l'ANDL.Jean-François Copé et sa numéro deux Michèle Tabarot, présidente de l'ANDL. © Reuters

L’exemple le plus criant retrouvé par Mediapart concerne Jérôme Lavrilleux, le directeur de cabinet de Jean-François Copé récemment débarqué, qui vient de confesser son rôle actif dans le système de fausse facturation de l’UMP par Bygmalion (voir nos articles ici et ). D’après nos informations, ce conseiller général de l’Aisne s’est inscrit à une formation de l’ANDL intitulée « Tout savoir sur le budget », prévue en janvier 2011 à Laon pour huit élus locaux. Montant réglé par l’assemblée départementale : 3 997 euros, « soit 571 euros par élu » (d’après le contrat récupéré par Mediapart). Sauf que Jérôme Lavrilleux n’y a jamais mis les pieds.

D’après nos informations, l’ex-bras droit de Jean-François Copé a signé la feuille d’émargement plusieurs jours après, au siège parisien de l’UMP, produisant un document qui pourrait être qualifié de « faux ».

« J’ai eu un empêchement professionnel, j’ai dû annuler le matin même, déclare Jérôme Lavrilleux à Mediapart, pour justifier son absence. La formation était due de toutes façons, puisque je n’avais pas annulé dans les délais impartis. » Ça n’explique pas qu’il ait paraphé la feuille de présence... « J’ai signé après pour confirmer que je n’ai pas pu y aller », s’embrouille l’ex-directeur de cabinet de Jean-François Copé, qui reconnaît au passage avoir séché une seconde formation de l’ANDL, toujours au mois de janvier 2011.

En mars dernier, alors qu’il était questionné par Le Courrier picard sur les tarifs exorbitants des formations proposées par ses amis de Bygmalion, Jérôme Lavrilleux avait pourtant clamé haut et fort : « En douze ans d’activité, je n’ai jamais fait aucune demande » ! Un mensonge, donc.

Jérôme Lavrilleux, l'ancien directeur de cabinet de Jean-François Copé.Jérôme Lavrilleux, l'ancien directeur de cabinet de Jean-François Copé. © Flickr / UMP

Visiblement, ces petits arrangements foisonnent. Ainsi le conseil régional de Haute-Normandie a-t-il déboursé 3 500 euros pour une journée de formation dispensée par l’ANDL le 5 octobre dernier (six heures de cours), à laquelle Bruno Le Maire et cinq de ses collègues étaient inscrits. D’après l’assemblée régionale interrogée par Mediapart, la feuille d’émargement porte bien la signature de l’ancien ministre. Pourtant ce jour-là, Bruno Le Maire effectuait un déplacement à Vichy et Moulins, à l’autre bout de la France, comme en atteste son compte Twitter. Contacté, Bruno Le Maire ne nous a pas rappelé à ce stade.

Dans la plupart des cas, il semble que les élus "sécheurs" passent tout de même une tête pour émarger, avant de vaquer à leurs occupations réelles. « J'ai dit que je ne pouvais pas rester, on m'a donné un dossier et j'ai signé quelque chose », admet Geoffroy Didier (l’un des leaders de la Droite forte), participant fantôme d’une formation de l’ANDL organisée à Cergy le 20 avril 2013, et baptisée : « Optimisez votre mandat d’élu local ». Tarif pris en charge par sa collectivité : 2 000 euros (pour lui et une autre conseillère régionale).

Quant à son collègue francilien Roger Karoutchi (également sénateur UMP), il est venu avaler un café et signer sa feuille, le 21 septembre 2013 à Levallois-Perret, avant de rallier « un pique-nique de rentrée » mitonné par Valérie Pécresse à Issy-les-Moulineaux, où il a même délivré un discours« J'ai fait tout le premier atelier ! » proteste le parlementaire auprès de Mediapart. Facture de l’ANDL assumée par le conseil régional ? 2 000 euros (pour deux).

Roger Karoutchi au « pique-nique de rentrée » de Valérie Pécresse, le 21 septembre 2013. Roger Karoutchi au « pique-nique de rentrée » de Valérie Pécresse, le 21 septembre 2013.

En Auvergne, enfin, Brice Hortefeux était annoncé à une formation le 19 octobre 2013 à Clermont-Ferrand, acquittée par le conseil régional, mais on peine à trouver un témoin qui confirme sa présence au long de la journée. « Il est peut-être passé nous dire bonjour, c’est tout, veut bien se rappeler Jean-Pierre Galinat (UMP), "petit" conseiller municipal. Je me souviens bien de cette formation, c’est pas si souvent ! »

En tout cas, session après session, l’ANDL de Michèle Tabarot (qui enregistrait bizarrement 190 000 euros de perte en 2011, avant d’afficher 26 000 euros de bénéfice en 2012), s’est reconstitué un petit magot en abusant des budgets des collectivités locales. Sollicités par Mediapart, ni Michèle Tabarot ni le service communication de l’UMP n’ont répondu à nos questions.

« Je commence à comprendre qu'un système se serait mis en place », admet (sous couvert d’anonymat) un élu qui a séché sa formation en 2013, s’empressant d’ajouter : « Je pense que Copé n'était pas au courant… »

La sophistication du « système », à vrai dire, ne s’arrête pas là. Car l’ANDL s’efforce d’accoler ses formations pour militants UMP, théoriquement financées par les fédérations du parti, aux sessions qu’elle organise pour les élus. Objectif : essayer d’englober une partie du coût de ces “coachings” militants dans la facture supportée par les collectivités (formateurs, transports, repas, etc.).

Exemple le 9 novembre dernier, en Lorraine. Douze élus étaient inscrits à une session intitulée « Optimisez votre mandat d’élu local », dispensée à l’hôtel Mercure de Nancy. Mais ce jour-là, les élus sont peu nombreux à s’être attardés. S’ils ont signé la feuille de présence, Nadine Morano et Pascal Matteudi n’ont pas assisté, loin de là, à l’intégralité de la journée. Et pour cause : ils donnaient dans la matinée une conférence de presse pour lancer leur campagne municipale… à Toul.

Le tweet de Nadine Morano sur sa conférence de presse de lancement de campagne municipale à Toul, le 9 novembre 2013.Le tweet de Nadine Morano sur sa conférence de presse de lancement de campagne municipale à Toul, le 9 novembre 2013. © Twitter / nadine_morano

À l’heure du déjeuner, quelques militants formés en parallèle au siège de l’UMP nancéienne ont débarqué à la table des élus en partie vide, pour profiter d’un repas gratuit. Pas de petites économies.

« Il faut maintenir, autant que possible, une étanchéité entre les formations élus (...) et les formations politiques », a pourtant mis en garde Me Philippe Blanchetier, l’avocat de l’UMP, dans un courrier de février 2013 adressé à Michèle Tabarot, que Mediapart a pu consulter.

Dans cette lettre portant sur la préparation des « formations 2013/2014 », Me Philippe Blanchetier prenait soin de rappeler quelques évidences à l’ANDL : « La journée destinée à la formation des non élus pourra suivre ou précéder la séquence de formations destinée aux élus, sans se confondre avec elle. » Négliger ce principe lui paraissait « délicat ». En même temps, Me Blanchetier comprenait qu’un éloignement systématique des sessions d’élus et de militants puisse poser problème à l'ANDL « pour d’évidentes raisons budgétaires »

Sur l’organisation de ces formations comme sur le reste de sa gestion, Michèle Tabarot devra sans doute bientôt s’expliquer devant les enquêteurs.

Le choix de Jean-François Copé de porter la députée et maire du Cannet (Alpes-Maritimes), en septembre 2011, à la présidence de cet organisme clé ne doit rien au hasard. Celle qui reste encore la secrétaire générale du parti est une très proche du député de Meaux. À l’UMP comme à l’Assemblée nationale – où ils sont assis côte à côte –, le tandem reste inséparable. Michèle Tabarot lui doit toute son ascension.

C’est Copé qui permet son élection à la tête de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée, en 2009, en faisant battre Françoise de Panafieu, pourtant favorite. Un an plus tard, c’est lui encore qui la nomme déléguée générale à la formation pour lancer un vaste plan de 22 sessions destinées aux militants (et organisées par Bygmalion), lorsqu’il s’empare du parti. Lui enfin qui la propulse numéro deux, quand il est élu président.

Secrétaire départementale de la troisième fédération UMP de France, Michèle Tabarot lui a apporté ses talents de recruteuse et d’organisatrice, mais aussi sa grande « fidélité », de l’avis même de son frère Philippe Tabarot, lui aussi promu par Copé à l’UMP en 2011 (lire notre article Tabarot, encombrante numéro deux pour Copé). Après la démission du président de l’UMP mardi, sa numéro deux pourrait bien sombrer avec lui.

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