Loi des séries ? Après la disparition de 2 300 tubes contenant des échantillons du virus du SRAS, qui a suscité les foudres de deux ministres (notre article ici), l’Institut Pasteur est au centre de deux nouvelles enquêtes policières. Dans la nuit du 18 au 19 mai, des ordinateurs et des disques durs externes ont été volés dans une unité dépendant du département d’immunologie, au siège parisien de l’Institut ; de plus, un incendie criminel a été allumé dans une animalerie, provoquant la mort de centaines de souris de laboratoire qui ont été brûlées vives.
L'Institut Pasteur a porté plainte, mais n'a pas fait de communication officielle. Cette étrange histoire a entraîné l’audition par la police d’un jeune chercheur de l’unité de biologie des populations lymphocytaires dirigée par le professeur Antonio Freitas. D’après nos informations, il a été entendu par les policiers venus sur les lieux dans la nuit du 18 au 19 mai. Selon ses déclarations, le jeune chercheur se serait rendu, le soir du 18, à son bureau, situé dans le bâtiment Elie-Metchnikoff, accompagné de sa « fiancée ». Il aurait alors constaté que son ordinateur avait été ouvert et que des disques durs externes avaient disparu. Puis il aurait perdu deux ordinateurs portables qu’il avait apportés dans un sac et qui contenaient l’essentiel de ses travaux.
Le jeune chercheur dit avoir ensuite entendu des bruits dans une cage d’escalier. Son bureau se situant au cinquième étage, il est monté au sixième et a découvert un escabeau avec un disque dur posé dessus, « sous une trappe en forme de dôme de plexiglas, avec une grille ». Il a alerté les gardes de sécurité, qui ont constaté que d’autres matériels manquaient. Au total, on fait état de la disparition de douze disques durs d’ordinateur.
La suite du récit tourne au film gore. Quelques minutes avant minuit, l’alarme incendie s’est déclenchée. Le chercheur s’est rendu avec un vigile à l’animalerie, au troisième sous-sol. Ils ont découvert un feu provenant de sacs dans lesquels avaient été enfermées des souris de laboratoires, préalablement sorties de leurs cages. Il semble que des centaines de souris ont été brûlées vives avant que le chercheur et le vigile n’éteignent l’incendie, à l’aide d’extincteurs. Les pompiers sont arrivés sur les lieux peu après minuit, suivis par les policiers et un maire adjoint du XVe arrondissement.
Aucune empreinte n’aurait été retrouvée par la police scientifique, qui aurait seulement découvert une inscription et plusieurs croix tracées sur un mur. « Personnellement, je pense que les individus devaient connaître les lieux, qui sont un véritable labyrinthe », a déclaré le jeune chercheur. Il affirme aussi n’avoir aucun indice ni soupçon concernant les faits.
Le témoin a été blessé à une main, et semble avoir été choqué par les événements. Il a subi des examens médicaux le 19 mai. Mais peu après, il aurait fait une tentative de suicide. D’après nos informations, il a été hospitalisé en urgence dans le coma, puis a quitté l’hôpital à la fin de la semaine dernière. Il aurait été auditionné une deuxième fois par les policiers.
Contacté par Mediapart, le professeur Antonio Freitas, directeur de l’unité concernée, n’a pas souhaité s’exprimer à propos de l’incident. Selon un autre directeur de laboratoire de l’Institut Pasteur, « tout le campus en a entendu parler ». D’après cet interlocuteur, « il semble que ce soit un problème interne, une personne en détresse psychologique, instable, ou malade, qui a pété les plombs ».
S’agit-il d’une vengeance personnelle ? Du coup de folie d’un chercheur trop stressé ? D’un acte de vandalisme perpétré par un groupe militant ? L’incendie criminel n’a en tout cas pas donné lieu à une revendication. Si cette agression a été perpétrée par des individus extérieurs à l’Institut, y a-t-il eu des failles de sécurité ? Et peut-il y avoir un lien, même indirect, entre ce nouvel épisode et la perte des échantillons de SRAS ?
Quoi qu’il en soit, l’affaire suscite une gêne certaine au sein de l’Institut Pasteur. La direction de l’institut ne conteste ni le vol ni l’incendie, mais n’avance aucune explication. Il faudra attendre les résultats des enquêtes pour en savoir davantage.
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