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La sévérité à géométrie variable du CSM

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Pour la Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’organe de promotion et de discipline des magistrats, il est beaucoup plus grave de s’amuser comme un potache sur les réseaux sociaux que d’attenter au secret des sources des journalistes. Dans un avis d’une sévérité implacable, rendu ce lundi, et dont Mediapart a pris connaissance, la formation disciplinaire parquet du CSM recommande en effet au garde des Sceaux le déplacement d’office d’un magistrat des Landes qui avait plaisanté de façon anonyme sur le réseau Twitter avec un de ses collègues pendant un procès d’assises ou lors des suspensions d'audience, alors qu'il représentait l'accusation (lire notre article ici).

« Si le principe de la liberté d'expression bénéfice aux magistrats comme à tout citoyen, son exercice, quel qu'en soit le mode, par le magistrat, doit s'accorder avec le respect de ses obligations déontologiques », écrit le CSM. « Le prétendu anonymat qu'apporteraient certains réseaux sociaux ne saurait affranchir le magistrat des devoirs de son état, en particulier de son obligation de réserve, gage pour les justiciables de son impartialité et de sa neutralité notamment durant le déroulement du procès. L'usage des réseaux sociaux pendant ou à l'occasion d'une audience est à l'évidence incompatible avec les devoirs de l'état de magistrat. L'invocation d'une pratique d'humour sur les réseaux sociaux pour justifier ces messages est particulièrement inappropriée s'agissant d'une audience, en l'espèce de la cour d'assises », lit-on encore.

Certes, les messages échangés par ces deux magistrats n'étaient pas très raffinés (on peut les lire ci-dessous), mais ils étaient anonymes, et censés ne s'adresser qu'à quelques initiés. Le procès s'était déroulé sans aucun incident. La formation disciplinaire du CSM glisse un peu vite sur le fait que cette affaire n'aurait eu aucune conséquence sans un article de Sud Ouest, quelques jours plus tard, divulguant à la fois les identités des deux magistrats et leur tribunal, et permettant de reconnaître le procès concerné. Quant au principe de la liberté d'expression, le CSM en fait une interprétation très restrictive.


Quoi qu'il en soit, l’affaire constitue « un manquement au devoir de dignité, de discrétion, de réserve et de prudence, alors que ces messages étaient susceptibles d‘être lus, en temps réel, par des personnes extérieures à l’institution judiciaire, et qu’ils permettaient d’identifier tant leur auteur que les circonstances de leur émission », assène le CSM.

Le sort du juge assesseur qui tweetait également pendant ce procès a été fixé mercredi 30 par la formation disciplinaire “siège” du CSM. Simple assesseur lors du procès, ce magistrat n'écope que d'un blâme, rien ne prouvant qu'il ait tweeté pendant les débats.

Les deux magistrats avaient été dénoncés au procureur par un journaliste de Sud-Ouest trois jours après le verdict. Par précaution, une fois cette petite affaire rendue publique, la hiérarchie judiciaire avait décidé de rejuger le dossier initial lors d'un second procès d'assises. La carrière des deux magistrats, très bien notés jusqu'ici, pâtira à coup sûr de cette affaire.

Philippe Courroye et Nicolas SarkozyPhilippe Courroye et Nicolas Sarkozy

Dans un passé récent, le même CSM s’est pourtant montré beaucoup moins sévère avec l’ex-procureur de Nanterre Philippe Courroye, à qui il était reproché d’avoir ignoré les règles de procédure pour se procurer les factures de téléphone détaillées (fadettes) de journalistes, cela afin d'identifier leurs sources dans l’affaire Bettencourt (lire notre article ici), une affaire d'État qu'il fallait étouffer à tout prix. Il faut croire que le petit magistrat des Landes, lui, n'avait ni la même influence ni les mêmes appuis.

Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

BOITE NOIREInitialement mis en ligne mardi 29 avril en fin de journée, cet article a été complété et mis à jour mercredi 30 avec la décision concernant le second magistrat concerné par cette affaire.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Pixlr


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