La « gauche sans-gêne » en couverture du magazine Le Point de cette semaine, avec une photo d’Aquilino Morelle pour appuyer le propos. La formule est d’autant plus dure qu’elle tape dans le mille. Oui cette « gauche » peu regardante existe, oui elle a torpillé son camp en 1993, oui elle recommence en 2014.
Il ne manque qu’un détail à cette juste indignation. C’est que cette dénonciation n’aurait pas été possible sans des révélations empruntées à Mediapart, donc à un journal qui ne passe pas pour un suppôt de la droite.
Donc, sauf à faire preuve d’une approche hémiplégique de la morale, ce confrère libéral, qui n’a d’ailleurs pas hésité à révéler l’affaire Copé Bygmalion, ainsi que la presse de droite dans son ensemble, auront à cœur de dénoncer, avec la même vigueur, la « droite sans-gêne ».
Bienvenue au club, il y a du pain sur la planche !
Qui a dit, au soir de sa cinquième élection, en mars dernier : « Si on n’investit que ceux qui n’ont pas été condamnés par la justice, on n’a plus de candidats dans les Hauts-de-Seine. » C’est Patrick Balkany. Quand sera-t-il rejeté par son camp comme l’a été le conseiller de François Hollande ? Quand cette « droite sans-gêne » sera-t-elle « démissionnée », et priée de rentrer dans ses foyers ?
Et le couple Dassault-Bechter ? À quel moment a-t-il réalisé que les voix ne s’achètent pas en politique, et combien d’articles fracassants Le Figaro a-t-il consacrés à sa dérive sans-gêne ?
Et Gilles Bourdouleix, réélu maire de Cholet malgré sa condamnation pour apologie de crimes contre l’humanité, après avoir jugé que « Hitler n’avait peut-être pas tué assez de Roms » ? Quand a-t-il été montré du doigt et clairement évacué lorsqu’il a quitté l’UDI, et qu’il s’est affilié à Debout la République, le parti de Nicolas Dupont-Aignan dont l’exigence éthique transpire à chaque discours ? Et Jacques Bompard condamné pour prise illégale d’intérêt, quand les épurateurs de l’extrême droite ou de la galaxie Bleu Marine ont-ils cessé de passer des accords avec lui dans le Vaucluse ?
Et Maryse Joissains ? Et Éric Woerth ? Et Nicolas Sarkozy ? Les silences de la droite vis-à-vis de ses responsables incertains signifient-ils que son ardeur morale ne s’intéresse qu’aux dérives de la gauche, et s’arrête aux limites de son camp ? Est-ce à dire que la morale n’est pas une exigence qui transcende les partis pris mais un piège partisan dans lequel on enferme son adversaire ?
Ce qui frappe à droite, c’est cette manière d’enfourcher les grands principes quand ils desservent le camp d’en face, et de s’en accommoder quand ils dérangent les amis. De faire silence, ou d’accabler ceux qui révèlent les turpitudes. De détester Mediapart à hauts cris, quand on y parle de Karachi ou de Neuilly, et de le citer à la barre des témoins, quand on dénonce Morelle ou Cahuzac.
La droite a le vent en poupe. Elle parle haut quoi qu’il arrive, et pas seulement à propos des affaires. Prenez l’économie. Les libéraux se sont crashés sur les crises successives à partir de 2008, au point de faire la manche auprès de leurs ennemis les États, mais quelques années plus tard, jamais leur discours, porté par la Commission européenne, n’a paru plus conquérant. C’est eux qui dictent, sur la morale comme sur le réalisme, c’est eux qui savent et qui rigolent. C’est que la droite n’est pas sans-gêne, elle est décomplexée, c’est même à cela qu’on peut la reconnaître.
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