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Plaintes d'une association musulmane à Mantes-la-Ville, commune FN

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Les tensions montent à Mantes-la-Ville (Yvelines), commune à gauche depuis la Libération, passée aux mains du Front national à la suite de divisions. Dans cette unique ville frontiste d’Île-de-France, la communauté musulmane a été ciblée à plusieurs reprises, d’après l’association des musulmans de Mantes sud (AMMS). Son président, Abdelaziz El Jaouhari, a déposé en une semaine deux plaintes contre X pour “provocation non publique à la discrimination en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion”. Il explique à Mediapart qu'il s'apprête à déposer une troisième plainte.

Le 16 avril, l’association a trouvé dans sa boîte aux lettres de la « terrine de porc moisie » accompagnée d’une « odeur nauséabonde ». Un « acte raciste et provocateur », a dénoncé l'AMMS dans un communiqué. Son président a fourni les photos aux policiers du commissariat de Mantes-la-Jolie. Le lendemain, dans cette même boîte, c'est une lettre qui a été trouvée, « dont les écrits portent atteinte à la dignité du culte musulman et appellent à la haine raciale envers les personnes pratiquant ce dernier », a expliqué Abdelaziz El Jaouhari aux policiers.

« Nous souhaitons bon corage (sic) au maire Cyril Nauth, car il va avoir beaucoup de travail pour faire un bon nettoyage en particulier sur la race musulmane car elle est représentée par de la racaille qui ont fui leur pays comme des cafards après l’avoir mis à feu et à sang », écrit l’auteur de ce courrier, qui poursuit : « Ces cafards musulmans migrent vers les chrétiens pour mendier du pain et ensuite ils les égorgent pour fêter l’Aïd el Fitr... »

Cyril Nauth, élu maire de Mantes-la-Ville le 30 mars.Cyril Nauth, élu maire de Mantes-la-Ville le 30 mars. © dr

Le président de l'AMMS rapporte à Mediapart d'autres faits : « deux fidèles agressés verbalement aux abords de la salle de prière, deux jours différents », et une « tentative d'intrusion » en début de semaine dans le local qu’est en train d’acquérir l’association.

Abdelaziz El Jaouhari décrit un « climat très très tendu » dans la ville : « On essaye de ne pas répondre pour que cela ne dégénère pas. Mais tout cela n’est jamais arrivé ces dernières années. » Pour lui, la victoire du FN et son opposition au projet d’une nouvelle salle de prière aurait « libéré la parole raciste ». Il s’étonne aussi de l’absence de réaction du maire, qui « n’a pas condamné ces faits alors que nous lui avons envoyé les éléments ».

Cette affaire n’a effectivement suscité aucune réaction publique ou communiqué du maire, un professeur d'histoire-géographie de 32 ans, encarté au FN depuis 2010. Lorsque Mediapart lui demande s’il condamne ces actes, Cyril Nauth explique qu’« évidemment (il) ne les cautionne pas », mais s’interroge sur cette « chronologie étonnante » et évoque « une affaire bizarre ». « Comme par hasard, nous avons gagné et ils reçoivent cela. Force est de constater que les plaintes ont été déposées au lendemain de notre rendez-vous, au cours duquel je leur ai dit que nous restions sur notre position d’opposition au projet d’une nouvelle salle de prière. » « Je n’exclus pas que quelqu’un qui a été proche du projet ait fait cela », ajoute-t-il.

À l'origine des tensions dans cette ville de 19 000 habitants, le projet d'installation de la nouvelle salle de prière, et le refus du maire frontiste d'honorer l'engagement de la maire PS sortante. Car l'AMMS dispose d'un pavillon loué à la ville, d'une capacité de quelque 300 personnes, mais qui n’est pas aux normes. La municipalité socialiste avait donc acquis en octobre l'ancienne trésorerie de la ville, qui appartient à la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines. L'objectif: la vendre ensuite à l'association, choisie comme interlocuteur, pour aménager une nouvelle salle de prière d’environ 700 personnes. Le coût total (650 000 euros) doit être couvert par l'association. 

Mais le nouveau maire FN s’oppose à ce projet, quitte à ce que la ville soit condamnée à payer des dommages et intérêts, aux frais du contribuable, s’il annule la vente. Il accuse surtout sa prédécesseure socialiste d’avoir voulu réaliser un « coup politique pour s'attirer le vote communautaire des musulmans ».

Cyril Nauth avec Bruno Gollnisch, venu le soutenir en juin 2013 lorsqu'il était candidat à la cantonale partielle.Cyril Nauth avec Bruno Gollnisch, venu le soutenir en juin 2013 lorsqu'il était candidat à la cantonale partielle. © dr

Après la victoire du FN, l'association avait mis en garde sur la menace que pouvait représenter le maire frontiste sur le projet (lire ici). Aujourd'hui, son président dénonce « l’irresponsabilité de la nouvelle municipalité ». « Nous avons une petite salle de prière qui n’est pas aux normes. On arrive aujourd’hui à l’aboutissement d’un projet alternatif sur lequel on travaille depuis trois ans et qui est en débat depuis 25 ans », raconte Abdelaziz El Jaouhari. 

« La promesse de vente a été signée, le permis de construire déposé, les fonds rassemblés. Mais le nouveau maire en fait une bataille idéologique : il prône la suppression du projet, tout en soutenant la délibération sur la démolition du pavillon où l’on se trouve. Nous n’aurons donc plus de salle de prière, contrairement aux autres cultes. Il n’y a que les musulmans qui posent problème à Cyril Nauth », estime-t-il.

Monique Brochot, l’ancienne maire socialiste, rappelle de son côté que « lors de l'élection municipale de 2008, tous les candidats avaient pris l’engagement de proposer un nouveau lieu de prière ». L'élue déplore la « campagne du nouveau maire contre la salle de prière, alors que les gens ici, ça leur est égal ! ».

Le maire frontiste veut lui voir dans sa victoire une « hostilité des habitants à ce projet » et invoque un « danger financier ». L’AMMS rappelle pourtant que « la trésorerie de la ville n’est pas concernée, la ville ne met pas un centime. Même les frais de notaire sont pris en charge par notre association ». Alors de quel coût Cyril Nauth veut-il parler? Le maire évoque des « conséquences négatives en matière commerçante, une baisse de la valeur immobilière, des problèmes de stationnement et de circulation », qui entraîneraient selon lui « un coût qu’on ne peut pas évaluer ». Puis il lâche un autre argument : « Écoutez, c’est un problème aussi de nombre… Accueillir trente fidèles avec trente voitures, ce n’est pas pareil que 300 personnes. »

« Ce n'est pas de ma responsabilité de maire de m'occuper des lieux de cultes », ajoute-t-il. La loi permet en revanche au maire, s'il le souhaite, d'aider un projet sans le financer. En effet, la loi de 1905 interdit de subventionner les associations cultuelles, mais la loi de 1901 autorise le financement d'associations. La ville peut aussi mettre à la disposition d’une organisation religieuse un terrain pour la somme symbolique d’un euro, et celle-ci se charge de trouver les financements pour construire l’édifice religieux, en versant chaque mois un loyer souvent dérisoire à la commune.

Mais Cyril Nauth invoque des « zones d’ombre » pour justifier son refus d'aider les musulmans de Mantes à trouver un nouveau lieu de prière. « Est-ce que les musulmans veulent vraiment une mosquée? », interroge-t-il. Il évoque les « divisions très sévères de la communauté musulmane » locale et ses chefs de file qui « s’accusent de choses particulièrement graves, de tentatives d’escroquerie et de faux ». Il rapporte que la somme pour financer le projet a été réunie par l’association « de manière très subite et soudaine »« Savez-vous que Monsieur El Jahouri est un proche de Pierre Bédier (président UMP du conseil général des Yvelines, condamné en 2009 pour corruption - ndlr) ? » glisse-t-il.

L’édile affirme que son opposition au projet « n’a rien à voir avec une hostilité envers l’islam »« Ce n’est pas une obsession, on m’a imposé ce sujet », affirme-t-il. Pendant la campagne, ce thème a en tout cas fait l'objet de nombreux tracts (exemple ici). Lui-même évoque « un tract décisif » diffusé entre les deux tours, « avec le visuel de la mosquée » :

Cyril Nauth explique que le FN n’est pas le seul à refuser ce projet, des élus de l’opposition ayant selon lui fait part de leur désaccord ou de leurs réserves. « On a évoqué une éventuelle autre option, la réactivation d’un ancien plan, un site sur une commune voisine. Tout le monde veut une mosquée, mais pas sur sa commune », lâche l’élu, en expliquant que « les mosquées en France ne manquent pas ».

C'est en tout cas de la part de collectifs ouvertement anti-islam que Cyril Nauth a reçu des soutiens sans faille, jeudi 24 avril: le Bloc identitaire, par la voix de ses leaders Fabrice Robert et Philippe Vardon (par ailleurs à la tête du collectif Islamisation Basta) et Riposte laïque :

Les tweets de Fabrice Robert, président du Bloc identitaire.Les tweets de Fabrice Robert, président du Bloc identitaire.
© Twitter / Philippe Vardon


« Cyril Nauth préfère l'intérêt général au clientélisme musulman », se félicite Riposte laïque dans ce billet :

Sur le site de Riposte laïque.Sur le site de Riposte laïque.


« La communauté musulmane est remontée, l’extrême droite se lâche, déplore la socialiste Monique Brochot, qui a perdu l'élection à 61 voix près (un recours administratif a été déposé). On vivait très bien ensemble. Il y a eu un changement de climat. C’est pesant sur la ville. Que s’est-il passé ? On sent de l’inquiétude chez les gens, certains se sentent responsables car leurs enfants ne sont pas allés voter, ou ne se sont pas inscrits sur les listes. »

Un comité “de vigilance et d'action contre le Front National” est en train de se mettre en place dans la ville, composé d'élus Front de gauche et PS, et d'une dizaine d'associations. « En tant qu'élus, nous voulons tenir des permanences pour informer la population, communiquer sur les conseils municipaux, les préparer, en rendre compte », explique l'ex-maire PS.

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