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Transparence des élus : Christophe Castaner invité d'Objections

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Au parlement, la transparence fait grincer des dents. Alors que les sénateurs et députés viennent d’envoyer leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts à la Haute autorité chargée de les éplucher, des complaintes ont retenti à droite comme à gauche : « C’est con », « c’est ubuesque », etc. Certains élus ne digèrent pas la réforme indispensable qu’ils ont votée en réponse à l’affaire Cahuzac, alors même que plusieurs mesures clefs en avaient été écartées.

Pour son troisième numéro, « Objections » donne la parole à Christophe Castaner, député socialiste des Alpes-de-Haute-Provence en avance sur ces questions, qui va au-delà des seules exigences imposées par la loi. Lui met en ligne sa déclaration de patrimoine, s’efface quand l’assemblée aborde un dossier dans lequel il estime avoir des intérêts, ou publie l’usage qu’il fait de son enveloppe pour frais professionnels de 5 300 euros par mois. Il n’est certes pas le seul à gauche – en particulier parmi les « premiers mandats ». Mais son attitude reste bien minoritaire au Palais-Bourbon.

Voici le troisième numéro d’« Objections », l’émission du vendredi visible sur Mediapart et Dailymotion, présentée ici par Hubert Huertas et Mathilde Mathieu.

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Croissance : la gueule de bois des déclinistes

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À entendre la plupart des économistes, la sagesse et le réalisme conduisent à engager “la réforme structurelle”, c’est-à-dire à imposer des mesures de rigueur, comme en Allemagne. Or la France ne se porte pas bien, mais pas plus mal que son voisin, et même un peu mieux que la moyenne de l’Europe. Ce n’est pas le modèle français qui est en cause, c’est celui de l’austérité.

Tous ces savants ont donc la gueule de bois. Depuis le temps qu’ils se saoûlaient à la mauvaise nouvelle, les résultats de 2013, pourtant fragiles, leur font l’effet d’une douche glacée.

Quelle catastrophe, il n’y a pas de catastrophe !

Ils rament donc pour trouver des raisons d’espérer, c’est-à-dire de désespérer.

Dans le Nouvelobs.com, Philippe Crevel, économiste chez l’assureur Generali, met en garde comme la plupart de ses collègues contre un “risque de stagnation”, et souligne que « si le résultat est supérieur aux attentes du gouvernement, il est tout de même inférieur à sa prévision initiale, qui était de 0,9 % en janvier ».

Ouf !

Ne lui dites pas qu’en Allemagne la prévision initiale était de 1,8 % pour 2013, avant d’être ramenée à 0,8 cet automne, puis à 0,4... Il croit que la France est un cas unique en Europe.

D’ailleurs, il précise sa pensée : si la France a surpris positivement, c’est « grâce à la politique européenne » qui aurait accordé un délai pour réduire le déficit. Ne lui dites pas que les vingt-huit pays de l’Union européenne ont affronté une récession moyenne de - 0,4, donc que la France fait partie des moins malades sur un vieux continent anémique.

Dans le journal La Tribune, un éditorialiste du marché des changes a mis en ligne ses prévisions et commentaires, une heure avant la publication de l’Insee. Il annonçait « une croissance atone de 0,1 % et un résultat qui aurait pu être bien pire s’il n’y avait eu un léger mieux au niveau de la consommation des ménages ». Il a dû faire la grimace en apprenant que l’investissement des entreprises était redevenu positif après deux ans de régression, et que le nombre d’emplois salariés avait un peu progressé au dernier trimestre 2013.

Pas de quoi pavoiser, certes, et Pierre Moscovici, bien que légèrement euphorique, s’efforçait à la modestie. Mais il y a comme un contraste : quand on prédit le désastre à longueur d’éditos, comme Nicolas Baverez, une annonce à peine passable a l’air d’être une bonne nouvelle…

Au-delà de l’anecdote, c’est-à-dire de la bisbille politicienne entre un gouvernement qui essaiera de s’attribuer les mérites d’un timide redémarrage, et une opposition qui voudra les minimiser, cette modeste embellie met en avant l’une des questions les plus politiques du moment, et sans doute les plus taboues.

Le déclin de la France est devenu un discours obsédant. Une espèce d’évidence officiellement technique. Un raisonnement de bon sens, implacable dans l’énumération des faits et des réalités. Ne pas y croire, et ne pas s’y soumettre, est une forme de sacrilège. Il faudrait « ouvrir les yeux », et admettre que la France « a pris du retard », notamment vis-à-vis de l’Allemagne, en refusant de mener à bien les fameuses « réformes structurelles » qui auraient permis à notre voisin d’outre-Rhin de résister à la crise et de connaître une croissance remarquable.

Selon cette « évidence », la France devrait faire du Gerhard Schröder. Le chœur des économistes le dit, le Medef aussi, la droite le répète, et François Hollande le confirme. Pour faire court (mais à peine…), il faudrait s’attaquer à l’État-providence, en réduisant le nombre de fonctionnaires, en limitant les services, en sabrant dans les allocations (chômage, santé, ou retraites par exemple)...

Officiellement, ce programme de “réformes” pieusement dissimulé sous l’expression de “Réduction des dépenses de l’État” ne serait pas politique, mais simplement comptable. Ce serait la seule voie possible pour équilibrer le budget, réduire l’endettement, rendre aux entreprises leur dynamique, et au pays sa souveraineté. S’y opposer serait un acte idéologique et antipatriote, une manière de condamner la France. Il faudrait accepter les sacrifices, les boulots à un euro, la précarité, l’écart croissant entre les riches et les pauvres, ce serait un investissement, la preuve : l’insolente réussite de l’Allemagne !

Il se trouve que depuis trois ans, contrairement au catéchisme ambiant, l’écart ne se creuse pas entre le pays qui n’a pas su faire “la réforme”, et celui qui a su. En 2010, le différentiel de croissance entre la France et son modèle était de deux points, en 2013 il n’est plus que de 0,1 point !

Il se trouve aussi que la France n’est pas la seule à stagner, et que son fameux modèle social, ce damné, ce galeux, dénoncé comme un conservatisme et une antiquité, n’est pas un problème majeur. Le problème fondamental dont nous souffrons court à travers tous les pays d’Europe, Allemagne comprise. Ce n’est pas un “modèle social”, c’est une politique européenne qui ne ferait pas de politique mais seulement de l’économie…

La croissance mondiale repart, l’Europe est à la traîne, mais le problème viendrait de ce que la France est trop frileuse, et qu’elle ne taille pas, ou pas encore, à la Gerhard Schröder, dans ses services publics et son système de protection sociale !

Si les chiffres publiés par l’Insee ne sont pas une victoire pour le gouvernement français, ils sont une défaite cinglante pour tous ceux qui brandissent l’Allemagne comme un modèle absolu, et la France comme un repoussoir.

Se tairont-ils enfin, ces prédicateurs d’apocalypse, ou se montreront-ils modestes ? Ils parleront encore plus fort, comme d’habitude. Le désastre économique et financier de 2008, qu’ils n’ont pas vu venir, n’a fait qu’amplifier leurs demandes de “réformes” libérales, et leur mépris pour les États qu’ils ont appelés au secours.

La preuve de l’échec de leur orthodoxie ne fera donc que les galvaniser. Déjà, ce soir, ils expliquent que compte tenu de la démographie française, la croissance de 0,3 rapportée au nombre d’habitants est en fait une récession !

Sauvés, nous sommes perdus !

Déjà, ils admettent que l’Allemagne a calé en 2013, mais se tournent vers 2014, et s’enthousiasment avec une statistique toute chaude : notre pays ferait du surplace tandis que son partenaire frôlerait les 2 %.

Quand on veut tuer sa France, on dit qu’elle a l’Allemagne ! Si cette controverse officiellement économique n’est pas une immense bataille politique, une vraie guerre 14-18, c’est que Newton a capturé sa pomme au lasso, et qu’Archimède a inventé l’aéroplane. 

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Municipales: l’abstention fait peur aux socialistes

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Le ton a changé. Ces dernières semaines, les socialistes étaient encore nombreux à croire à un miracle aux municipales et à parier sur des pertes de villes limitées et compensées par quelques gains symboliques, comme Marseille. Mais depuis dix jours, la panique monte. Après les critiques du « pacte de responsabilité » de François Hollande, les derniers bugs au sommet de l’État, avec l’abandon de la loi famille et l’imbroglio sur le gel de l’avancement des fonctionnaires, leur font craindre une abstention massive le jour du vote.

Les témoignages recueillis (voir notre boîte noire) dans différentes régions et dans des villes de tailles diverses sont quasiment unanimes : l’image des maires et des équipes sortantes est souvent positive, les réunions publiques font le plein, mais de nombreux socialistes craignent que cela ne suffise plus à éviter une lourde défaite. La faute à l’abstention qui pourrait être massive et rebattre les cartes dans bien des villes. « Il y aura de l’abstention à gauche, c’est évident, assure le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, proche de François Hollande. Mais pour le reste, je suis bien incapable de dire ce qui va se passer. »

« Depuis une dizaine de jours, il y a une inflexion nette, constate le député PS Philippe Baumel, candidat en septième place à Breuil (Saône-et-Loire), la ville de 4 000 habitants dont il a été maire avant d’être élu député en juin 2012. Un poids critique est tombé dans cette campagne municipale : les bégaiements sur la loi famille ont atteint le cœur de l’électorat de gauche, qui doute fortement de la volonté du gouvernement d’aller au bout des choses. Les paparazzades de l’affaire Gayet ont atteint l’image du président. »

« Au-delà de l’image souvent très bonne des équipes municipales sortantes, la gauche risque d’être pénalisée par la désillusion de l’électorat populaire sur les attentes de résultats économiques et sociaux. Mais on a aussi troublé notre électorat de classe moyenne et de classe supérieure qui considère que la gauche est aussi là pour faire avancer la société », en référence à la loi famille, abonde Bernard Roman, député du Nord.

Une candidate socialiste aux municipales: Anne-Laure Jaumouillié (La Rochelle)Une candidate socialiste aux municipales: Anne-Laure Jaumouillié (La Rochelle) © DR

Thierry Mandon, porte-parole du groupe PS à l’Assemblée, élu de l’Essonne, fait le même constat : « Depuis des mois, notre électorat est déstructuré sociologiquement. Et entre la loi famille et le débat sur le gel de l’avancement des fonctionnaires, on ne l’a pas vraiment brossé dans le sens du poil ces derniers temps. On lui donne même des contre-gages ! Dans les réseaux militants, associatifs, bénévoles autour du PS, cela pèse. Et comme l’électorat populaire est déjà parti... »

« Les questions locales continuent de prédominer, mais depuis quelques semaines, les interpellations sur la politique nationale sont un peu plus régulières. Dans l’électorat de gauche, l’impatience, voire la déception, s’expriment de plus en plus », témoigne le socialiste Mathieu Klein, en campagne pour ravir la mairie de Nancy (Meurthe-et-Moselle) après trente ans de règne du centriste André Rossinot.

« Je ne sens pas de raidissement, mais c’est vrai que les sujets nationaux émergent dans les conversations, raconte Olivier Dussopt, député et maire PS d’Annonay (Ardèche), candidat à sa réélection. La plupart du temps, les gens font la différence entre le national et le local. Mais je ne sais pas ce que pensent ceux qui ne me parlent pas ! Dans un quartier difficile, j’ai aussi été témoin pour la première fois de quelques violentes réactions antisystème, pro-Dieudonné. »

À Reims, où le PS est en plus mauvaise posture pour garder la mairie prise à la droite en 2008, on s’inquiète. « Le vote sanction se renforce. Le fait que le gouvernement ne soit pas très populaire, cela compte. (...) Je crains qu’une partie de notre électorat ne se déplace pas », a prévenu dans le Journal du dimanche la maire sortante, Adeline Hazan. « En janvier, on ne sentait pas le poids du contexte national. Désormais, c’est bien là, explique Nicolas Marandon, premier fédéral du PS de la Marne et directeur de campagne d’Adeline Hazan. Les gens nous disent ne pas comprendre pourquoi ça tire dans un sens, puis dans l’autre. Sur la fiscalité, on prend cher, de la part des petits patrons comme des habitants des quartiers populaires. Il y a le chômage qui ne baisse pas, la loi famille. Ou récemment les salaires des fonctionnaires, on n’avait pas besoin de ça ! »

Même à Tulle (Corrèze), la ville que François Hollande a dirigée, son successeur Bernard Combes, également conseiller à l’Élysée, s’inquiète : « À ma permanence, j’ai entendu des gens qui sont venus me dire : “Si c’est pour geler nos salaires, alors on va geler le bulletin de vote !” Sur la loi famille, d’autres m’ont dit : “Cette loi nous aurait aidés” ou bien “J’ai du mal à avoir un droit de visite pour mes petits-enfants”. Certains ne comprennent pas que 80 000 manifestants ultra-orthodoxes fassent la politique familiale dans une société en mouvement. » Mais « ils me disent aussi qu’ils aimeraient me réélire », précise Combes, pas franchement menacé par la droite.

La situation est assez similaire à Rennes, une grande ville détenue par la gauche depuis 1977. Le PS, qui présente pour la première fois une jeune députée, Nathalie Appéré, est encore en position de force. Élue dans un quartier populaire de la ville, sa camarade socialiste Marie-Anne Chapdelaine voit surtout des « gens qui se concentrent sur les municipales », et qui veulent voter à gauche. Mais elle aussi a été rattrapée sur le terrain sur le gel de l'avancement des fonctionnaires, annoncé par Vincent Peillon, démenti, puis confirmé, puis démenti par Jean-Marc Ayrault, et par l'abandon de la loi famille. Vendredi, une de ses électrices l'a appelée afin de lui dire qu'elle s'abstiendrait pour ces deux raisons aux municipales. « Il va y avoir de l'abstention. Mais cela sera marginal, croit Chapdelaine. Moi, je vois aussi des gens de gauche qui vont se tourner vers l'extrême gauche. » « Pour l'électorat populaire, il faut aussi qu'on explique mieux notre politique. Par exemple qu'on dise qu'on ne va pas donner un blanc-seing au patronat avec le pacte de responsabilité », ajoute-t-elle. 

À Solférino, le Monsieur élections du PS, le député Christophe Borgel, qui reçoit de nombreux appels des candidats en campagne, confirme : « La fin de semaine dernière n’a pas été bonne. L’ambiance s’est dégradée, dans tous les milieux sociaux. Le pataquès de la loi famille a remis 100 balles dans la machine sur le mode “on est des baltringues”. Malgré les bons retours en porte-à-porte et les sondages locaux parfois excellents, cette ambiance générale peut conduire à une abstention qu’on peut ne pas voir venir. »

Bon connaisseur de la carte électorale et de l’historique des municipales, il fait le raisonnement suivant : depuis 1977, il y a plus de 100 villes de plus de 10 000 habitants qui basculent à gauche ou à droite. La tendance est même plus forte depuis les trois derniers scrutins. En 2001, la gauche en avait perdu 101 et gagné 45. En 2008, elle en avait conquis 112, pour 30 perdues.

Mathieu Klein, candidat PS à NancyMathieu Klein, candidat PS à Nancy © DR

Cette fois, le mouvement risque d’être plus ample. D’abord parce que le PS et ses alliés détiennent un nombre impressionnant de villes moyennes et de grandes villes. Ensuite parce qu’ils sont au pouvoir. Enfin parce que l’électorat de François Hollande est déboussolé, voire déstructuré, entre les ouvriers qui souffrent massivement du chômage, les classes moyennes agacées par les impôts et déçues par les reculs sociétaux, les quartiers populaires, qui se sentent toujours abandonnés, et les jeunes de gauche qui étaient très attachés au droit de vote des étrangers et aux mesures contre le contrôle au faciès.

Dans le meilleur des scénarios (lire notre article), la gauche obtiendrait un « 2001 réduit », soit 150 villes de plus de 10 000 habitants qui basculent, dont 80 vers la droite et 30 vers la gauche. Si Marseille en fait partie, « on pourra dire qu’on a bien travaillé », sourit Christophe Borgel. Le pire cauchemar du PS serait 150 villes perdues, pour 50 villes gagnées, 4 villes pour le FN et Marseille qui reste à droite. Une débâcle qui rappellerait celle de 1983.

Élus et candidats interrogés estiment qu’une partie de leurs sympathisants peut aller glisser un bulletin Front de gauche ou extrême gauche dans l’urne, mais dans des proportions limitées. Ils ne croient pas tellement à une « vague bleue » pour l’UMP. La droite, disent-ils, ne fait pas franchement rêver les électeurs. L’image donnée par le principal parti d’opposition ces derniers mois ne peut que les conforter. « La vague bleue, je n’y ai jamais cru. Et je n’ai toujours pas l’impression que l’UMP soit en position d’être l’incarnation de l’alternative locale », analyse Stéphane Le Foll.

« Je ne sens nulle part un appétit féroce pour la droite républicaine. Il y a même une certaine démobilisation de leur côté : dans certaines villes de Saône-et-Loire, la droite n’arrive pas à boucler des listes », témoigne le député Philippe Baumel. D’autant que l’UMP est concurrencée parfois localement par des listes « très à droite, pas étiquetées FN mais qui en sont très proches ». « Dans les quartiers populaires d’Annonay, l’ancien maire de droite est bien plus mal reçu que moi », explique Olivier Dussopt.  

Les socialistes cauchemardent encore de leur débâcle législative de 1993. Ils ne sentent pas encore le même climat : leur électorat est fatigué, déçu, parfois consterné, mais pas dans cet état de colère violente qui pourrait profiter à la droite.

À l’époque, se souvient le ministre du travail Michel Sapin, les sympathisants changeaient de trottoir ou les insultaient. « Jean Glavany (député, ancien ministre) raconte que quand il montait dans l’avion, les gens le sifflaient ! Là, ce n’est pas comme ça, ils sont sympas », témoigne Christophe Borgel.

« Quand ils parlent du national, en fait, ils me plaignent », souffle, sous couvert d’anonymat, une députée socialiste. Olivier Dussopt rapporte tout de même que « certains élus de grandes villes ont entendu des “socialistes dehors !” dans les cages d’escalier le week-end dernier ».

Les socialistes craignent d’autant plus une démobilisation de leur électorat qu’ils se méfient de l’effet déformant des sondages. Pour l’instant, dans des villes que la droite espérait accrocher comme Toulouse ou Quimper, ils sont favorables aux maires sortants. Mais les instituts mesurent très mal l’abstention. Des dernières enquêtes, ressort un taux qui va de 10 à 20 %. Aux municipales de 2008 et de 2001, 38 % des électeurs s’étaient abstenus dans les villes de plus de 3 500 habitants.

« Il faut dire que le national ne donne pas très envie à un électeur de gauche d’aller voter et qu’il donne très envie à un électeur de droite d’y aller », résume Borgel. Au PS, c’est l’heure de la mobilisation générale : les candidats sont priés d’investir massivement le terrain et de multiplier le porte-à-porte pour aller chercher leurs électeurs.

Face à leurs électeurs, certains n’hésitent pas à dire leurs gros doutes sur la politique du gouvernement, afin d’enrayer la machine à perdre et de se déconnecter le plus possible de la politique nationale. « Moi, je ne manie pas la langue de bois, explique Philippe Doucet, député et maire sortant d’Argenteuil (Val-d’Oise), ouvertement critique à l’égard du gouvernement. Quand on me parle des rythmes scolaires, je ne cache pas que pour nous c’est la galère ! » Des aveux de sincérité peut-être utiles en temps de campagne municipale, mais qui risquent de nourrir le vote sanction aux européennes de mai. 

BOITE NOIRENous avons interrogé une dizaine de socialistes pour cet article, de sensibilités différentes au PS. Leurs témoignages reflètent leur état d’esprit et leurs retours de terrain du moment. Tout peut encore changer - il ne s’agit bien entendu pas d’une prédiction de résultat.

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Mediator: l'étrange effet Méditerranée

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En 2008 et 2009, juste avant d’être retiré du marché, le Mediator a atteint des records de consommation dans les départements du sud méditerranéen, d’après des données inédites qui viennent d’être divulguées par la Caisse nationale d’assurance maladie. L’analyse de ces données suggère que les prescriptions de Mediator ont été fortement influencées par la proximité des plages de la Côte d’Azur. La relation ne saute pas aux yeux pour un médicament qui était censé être un traitement d’appoint destiné aux patients diabétiques. Elle se comprend nettement mieux si le Mediator, dont la structure chimique est celle d’un anorexigène, a été massivement utilisé comme coupe-faim, notamment pour permettre aux adeptes des bains de soleil de garder la ligne.

Les données qui révèlent le « tropisme méditerranéen » des prescriptions de Mediator ont été rendues publiques par la Cnamts à la suite d’une demande du collectif Initiative Transparence Santé. Ce dernier regroupe des acteurs qui militent pour le libre accès aux données de santé détenues par les caisses d’assurance maladie. Il compte parmi ses participants la société Celtipharm, spécialisée dans le traitement des données sur les médicaments.

En 2013, Initiative Transparence Santé a demandé à la Cnamts de lui communiquer des données détaillées sur la consommation de Mediator entre 1999 et 2009, notamment le nombre de patients consommateurs du produit, la durée moyenne du traitement et le taux de prescription hors AMM (autrement dit ne respectant pas les indications officielles du médicament). L’un des objectifs de cette demande était de chercher à savoir dans quelle proportion le Mediator avait été utilisé comme coupe-faim.

Dans un premier temps, la Caisse nationale a refusé de répondre, en avançant l’argument selon lequel les questions posées par le collectif étaient aussi débattues dans le cadre de la procédure pour tromperie aggravée sur le Mediator, ouverte auprès du tribunal de grande instance de Paris. La Cnamts estimait donc que les données demandées étaient couvertes par le secret de l’instruction. Le collectif Initiative Transparence Santé a alors saisi la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs), qui a rendu un avis favorable à la publication des données en novembre 2013. À la suite de cet avis, la Caisse nationale d’assurance maladie a accepté de répondre partiellement à la demande du collectif.

La Cnamts a fourni un tableau indiquant, pour chaque département, l’effectif des consommateurs de Mediator entre le 1er novembre 2008 et le retrait du médicament (le document, à consulter ici, porte la date du 31 octobre 2010, mais le Mediator a été retiré du marché fin 2009). Mediapart a pu analyser ce tableau, et en tirer une carte qui représente le nombre d’utilisateurs de Mediator par millier d’habitants, dans chaque département (carte à gauche ci-dessous ; pour calculer les proportions, nous nous sommes fondés sur les populations légales 2011 des départements établies par l’Insee, lesquelles ne diffèrent pas significativement des populations en 2008-2009).

Cette carte des prescriptions du Mediator a été confrontée à celle de la prévalence du diabète (carte de droite ci-dessous), tirée d’une étude de l’Invs (Institut national de veille sanitaire) publiée en 2010. Les taux données par l’Invs sont ceux de l’année 2009, et correspondent donc à la période des prescriptions de Mediator.

À l’époque considérée, la seule indication du Mediator conforme à l’AMM (autorisation de mise sur le marché) était « adjuvant du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale ». Si le Mediator, censé être un traitement d’appoint du diabète, avait été prescrit uniquement dans le cadre de son indication, on se serait attendu à trouver beaucoup plus de prescriptions dans les départements du nord et de l’est. L’écart entre la géographie des prescriptions et celle de la pathologie accrédite l’hypothèse selon laquelle le Mediator a été massivement prescrit hors de son indication officielle. Autrement dit, comme traitement amaigrissant (on ne voit pas d’autre indication plausible).

Lorsque l’on confronte les deux cartes, on remarque immédiatement que les plus hauts niveaux de prescription de Mediator sont concentrés sur le sud méditerranéen ; en revanche, les taux de prévalence du diabète les plus élevés se trouvent essentiellement dans les départements du nord et du nord-est de la France, et en partie du centre. En revanche, les deux cartes sont en accord pour la partie ouest du pays, notamment la Bretagne et la côte atlantique : on y constate simultanément une faible consommation de Mediator et une prévalence basse du diabète. À noter que les valvulopathies provoquées par le Mediator ont été détectées par Irène Frachon au CHU de Brest, dans le Finistère, l’un des départements où l’on consommait le moins de Mediator…

Le cas des départements d’outre-mer est à part : la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane affichent des niveaux très élevés de prescription de Mediator et sont aussi identifiés par l’Invs comme des départements où la prévalence du diabète est particulièrement élevée ; la Réunion, qui a le taux de diabète le plus élevé de toute la France, a un pourcentage intermédiaire de consommateurs de Mediator.

La concordance, pour les DOM, entre prévalence du diabète et prescription de Mediator souligne a contrario l’anomalie que constitue la divergence entre les deux cartes pour la France métropolitaine. Si l’on entre dans le détail, en 2008-2009, les cinq départements de France métropolitaine qui comptaient la plus forte proportion d’utilisateurs de Mediator (en fait, majoritairement des utilisatrices) étaient, dans l’ordre, les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, le Var, la Corse-du-Sud et les Pyrénées-Orientales ; le Pas-de-Calais s’intercale en sixième position, suivi par le Gard, le Vaucluse et l’Hérault, puis le Nord.

Autrement dit, sur les dix départements les plus consommateurs de Mediator, huit sont dans le sud méditerranéen. Qui plus est, les quatre premiers du classement sont les seuls de France métropolitaine où la proportion d’utilisateurs de Mediator dépasse 10 pour 1 000 habitants. Dans le Pas-de-Calais, elle est de 9,74 pour 1 000 et dans le Nord de 8 pour 1 000, alors qu’elle dépasse 14 dans les Alpes-Maritimes, pourtant beaucoup moins touchées par le diabète que les départements du nord.

Peut-on savoir exactement dans quelle proportion le Mediator a ainsi été détourné ? Dans sa réponse au collectif Initiative Transparence Santé, le directeur général de la Cnamts, Frédéric van Roekeghem, fournit une réponse partielle : « Le taux de “hors AMM” sur la période des deux dernières années de commercialisation peut être estimé à partir de la consommation concomitante de médicaments antidiabétiques, écrit-il. En 2008, parmi les patients consommant du Mediator, c’est-à-dire ayant eu au moins un remboursement de Mediator dans l’année, 19,6 % étaient des personnes traitées par médicaments antidiabétiques. »

Cela suggère que les 80,4 % restants correspondent à des prescriptions hors AMM. Le directeur de la Cnamts introduit cependant une nuance : il faut aussi prendre en compte les diabétiques traités par régime alimentaire seul (sans médicament), dont on ne connaît pas le nombre exact. Mais il est probable que ce nombre est faible et ne change pas fondamentalement le tableau. L’étude de l’Invs déjà citée indique que les diabétiques traités pharmacologiquement sont 5 à 6 fois plus nombreux que ceux qui suivent seulement un régime (prévalence de 3,4 % contre 0,6 %). En se fondant sur cette indication, on peut estimer autour de 4 % la proportion de consommateurs de Mediator qui sont des patients diabétiques traités par régime seul. Cela conduirait à supposer qu’en 2008, les trois quarts des prescriptions de Mediator étaient hors AMM.

Quelle que soit la valeur exacte, elle est vraisemblablement très élevée. De plus, le « tropisme méditerranéen » des prescriptions suggère fortement une utilisation massive à visée amaigrissante (une explication alternative, mais peu plausible, serait que les médecins du sud-est prescrivaient systématiquement plus de Mediator que leurs confrères des autres régions). Ce tableau affaiblit l’argumentaire du groupe Servier, qui a constamment soutenu que le Mediator n’était pas un anorexigène, justifiant ainsi qu’il n’ait pas été retiré du marché en 1997, en même temps que l’Isoméride et le Ponderal, deux coupe-faim du même laboratoire chimiquement proches du Mediator.

Il est difficile de maintenir que le Mediator n’était pas lui aussi un anorexigène, dès lors que les données de la Cnamts suggèrent fortement qu’il a été utilisé larga manu comme coupe-faim. Ce qui suppose aussi qu’un nombre non négligeable de médecins savaient que le Mediator avait des propriétés amaigrissantes (d’après les données de la Cnamts, en 2009, 92 % des prescriptions émanaient de généralistes).

Au demeurant, la crainte d’une utilisation du Mediator comme coupe-faim a été formulée dès 1995 par les autorités sanitaires, qui ont lancé une enquête de pharmacovigilance sur le Mediator, après la découverte des risques liés à l’Isoméride et au Ponderal. Ces derniers ont été retirés du marché en 1997. L’année suivante, la Caisse régionale (Urcam) de Bourgogne lançait un avertissement. Dans une étude sur un échantillon de 568 prescriptions de Mediator, l’Urcam relevait 35 % de prescriptions « hors AMM ». Mais la proportion montait à 43 % parmi les femmes, concernées par plus de deux tiers des prescriptions. Et 86 % des prescriptions hors AMM délivrées à des femmes étaient à visée amaigrissante. L’Urcam notait aussi que la majorité de ces patientes prenant du Mediator pour maigrir n’étaient pas obèses et que leur cas ne justifiait pas un tel traitement.

L’Urcam rappelait aussi que le principe actif du Mediator, le benfluorex, avait une dénomination en « orex », suffixe attribué aux anorexigènes. Elle posait plusieurs questions cruciales : « Quelle est l’utilité réelle du Mediator ? Pourquoi le Mediator n’est-il pas classé comme anorexigène ? Faut-il reconsidérer les conditions de la mise sur le marché du Mediator ? »

Ces questions sont restées sans réponse. Seize ans après, les informations livrées au compte-gouttes par la Cnamts confirment que l’usage réel du Mediator n’était pas conforme à l’indication de l’AMM, et que sa commercialisation comme antidiabétique relevait d’un tour de passe-passe. Les données de santé sont l’une des clés de la détection des risques médicamenteux. À l’avenir, rendre leur gestion plus transparente constitue l’une des conditions nécessaires si l’on veut éviter de nouveaux Mediator.

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L'eurodéputée Françoise Castex quitte le PS pour Nouvelle Donne

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De notre envoyé spécial à Bruxelles

Après avoir été écartée des listes PS pour les élections européennes, Françoise Castex a choisi d'entrer en « dissidence » en rejoignant Nouvelle Donne, la formation encore en devenir lancée par l'économiste Pierre Larrouturou. L'eurodéputée, qui termine son deuxième mandat cette année à Strasbourg, fera sans doute campagne comme tête de liste pour le Grand Sud-Ouest (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon) contre, notamment, ses ex-camarades socialistes.

« Je pars en dissidence, explique-t-elle à Mediapart. Après plusieurs semaines de réflexion, et au vu du désarroi actuel, j’ai décidé de prendre mes responsabilités et d’apporter ma contribution à Nouvelle Donne, le mouvement créé par Pierre Larrouturou et le collectif Roosevelt 2012. » Elle sera opposée, si elle est confirmée dans le Sud-Ouest, à Michèle Alliot-Marie (UMP), Louis Aliot (FN), José Bové (EELV), Virginie Rozière (PS-PRG) ou encore probablement – c'est loin d'être acté en interne – Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche).

© DR.© DR.

Après la députée écologiste Isabelle Attard, qui a rejoint Nouvelle Donne en décembre (lire son entretien dans Mediapart), Françoise Castex devient la deuxième parlementaire à quitter la majorité présidentielle et à répondre aux appels du pied de Pierre Larrouturou. Nouvelle Donne devrait être présent dans six des huit circonscriptions des européennes, mais ne dévoilera ses listes officielles que début avril, après les municipales.

Cette ancienne syndicaliste (qui avait dit « non » au traité constitutionnel en 2005) fait partie, avec Liêm Hoang-Ngoc, des eurodéputés socialistes sortants à avoir été « sacrifiés » par le PS national, au terme de tractations infinies entre les différents courants du PS et de ses alliés. C'est Virginie Rozière, une inconnue issue des rangs du parti radical de gauche (PRG), sans expertise particulière sur les questions européennes, qui briguera la tête de liste PS-PRG, au nom d'un accord passé entre le PS et le PRG. Fin novembre, les militants PS du Sud-Ouest avaient voté contre la désignation d'une tête de liste PRG, mais la direction de Solférino était passée en force.

Castex et Hoang-Ngoc, tous deux représentants de l'aile gauche du PS et proches de Benoît Hamon, ont été des élus plutôt très actifs à Strasbourg, surtout si l'on compare leur bilan à celui souvent désastreux des grandes figures du PS français (Vincent Peillon, Stéphane Le Foll ou encore Harlem Désir, ce dernier cumulant, encore aujourd'hui, la présidence du PS et son poste d'eurodéputé, et qui sera tête de liste en Ile-de-France). À titre d'exemple, Castex vient de manœuvrer pour obtenir, début février, une majorité sur un rapport difficile, au sein de sa commission des affaires juridiques, concernant la taxe sur la copie privée, à l'heure du numérique.

L'élue du Gers ne cache pas, aujourd'hui, son amertume. « Cet épisode est révélateur de la maladie qui ronge le parti socialiste, dans lequel les ambitions personnelles, les petits calculs individuels ont pris le pas sur l'action collective et l'intérêt général. » Mais elle veut croire à un sursaut : « Je ne m'attendais pas à ce que ces évictions provoquent autant de débat et de réactions indignées, chez les militants et ailleurs. Aujourd’hui, de plus en plus de citoyens se mobilisent pour ne plus être laissés pour compte des décisions qui se prennent en leur nom, et c’est une bonne chose. »

À sa manière, le cas de Françoise Castex relance un débat plus vaste sur la stratégie douteuse des grands partis politiques français, qui préfèrent souvent envoyer des ministres retraités à Strasbourg et autres personnalités médiatiques tentées par l'abstentionnisme, plutôt que reconduire des élus plus performants au sein de l'institution. Ce choix n'est pas sans conséquence sur l'influence de la France à Bruxelles, alors que les députés allemands construisent, eux, leur carrière politique entière autour du parlement européen (lire notre article sur le sujet).

Françoise Castex reconnaît avoir hésité, et discuté en amont avec la députée Isabelle Attard avant de prendre sa décision. Le PS n'a semble-t-il pas fait grand-chose pour la retenir. Elle sait que la partie sera difficile, sans la machine d'un grand parti pour l'aider à faire campagne sur le terrain. « Mais nous avons d'autres atouts. J'y vais pour gagner. Je ne suis pas naïve non plus », explique-t-elle. D'autant que sur des thématiques qui lui sont chères (le rejet des négociations de libre-échange avec les États-Unis, la dénonciation du budget européen d'austérité adopté l'an dernier, ou encore le rejet du traité anti-contrefaçon ACTA), elle sait aussi qu'un Bové ou un Mélenchon lui laisseront peu d'espace pour exister. « Sur ACTA, les services publics ou le TTIP, je ne les ai pas attendus », prévient-elle.

Le Grand Sud-Ouest enverra dix députés au parlement européen. En 2009, Jean-Luc Mélenchon, dernier candidat à avoir été élu dans cette circonscription, avait rassemblé un peu plus de 150 000 voix. Ce sera sans doute l'objectif.

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Nucléaire : un tiers du parc connaît des défaillances de sûreté

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Près d’un tiers du parc nucléaire français connaît des défaillances de sûreté. Cette fois, ce n’est pas un document interne à EDF qui le dit mais des notes officielles, publiées par l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) et son réseau d’experts, l’IRSN (à lire ici, et encore là). Mis en ligne dans la plus grande discrétion sur leurs sites internet respectifs, ces documents passent inaperçus la plupart du temps.

Des disjoncteurs électriques refusent de se fermer, ce qui entraîne un « accroissement non négligeable du risque de fusion du cœur » des réacteurs nucléaires, selon un avis de l’IRSN du 27 septembre 2013. Pour EDF, ce défaut est générique et concerne toutes les tranches de 1 300 mégawatts (MW) – à l’exception de Saint-Alban, dans l’Isère –, soit dix-huit réacteurs. Cela représente près d’un tiers du parc – qui en compte cinquante-huit. Ils sont répartis sur sept sites, indiqués sur la carte ci-dessous :

Carte des centrales de 1 300 MW concernées par les problèmes de disjoncteur (© Arthur Pivin).Carte des centrales de 1 300 MW concernées par les problèmes de disjoncteur (© Arthur Pivin).

L’électricien peine à expliquer la cause de ces défaillances. Dans un premier temps, les défauts de fermeture ont été attribués au graissage inadéquat d’une pièce. Mais les problèmes ont persisté (l’IRSN relève onze récurrences de défaillances au premier semestre 2013), malgré la mise en place de procédures de dégraissage. Cela « démontre que la caractérisation de l’écart n’est pas totalement établie », explique l’IRSN. Autrement dit, que l’on ne comprend toujours pas très bien ce qui dysfonctionne. « La totalité des causes conduisant à des refus de fermeture des disjoncteurs n’est pas connue et le seul dégraissage n’est pas de nature à résorber cette anomalie », poursuivent les experts dans leur avis, qui insistent sur « l’importance pour la sûreté de cet écart ».

Pourquoi ce problème technique est-il si important pour la sûreté ? Parce que ces disjoncteurs servent notamment à basculer l’alimentation en électricité de la centrale depuis la source externe principale vers la source auxiliaire interne, en cas de rupture d’alimentation du réseau (comme cela s’est produit par exemple à Flamanville, du fait des intempéries, lors du week-end des 8 et 9 février 2014). Un refus de fermeture de disjoncteurs peut se traduire par la perte de tableaux électriques, qui alimentent eux-mêmes un grand nombre d’équipements, notamment les pompes du système d’injection de sécurité. Or ce sont elles qui injectent l’eau servant à refroidir le cœur du réacteur, c’est-à-dire son combustible, en cas de problème. C’est un système de sauvegarde.

Depuis près de quatre ans, EDF rencontre des difficultés de fermeture de ces appareils. Entre août et septembre 2010, trois événements significatifs de sûreté ont dû être déclarés pour cette raison. Un an plus tard, en août 2011, à la suite de nouveaux refus de fermeture, EDF a considéré que le problème était générique au palier des 1 300 MW. En février 2012, nouvel événement significatif de sûreté. « Il y a deux voies redondantes d’alimentation électrique par centrale, équipées du même type de disjoncteur, explique Thierry Charles, directeur général adjoint de la sûreté à l’IRSN. La question est : en cas de perte d’alimentation extérieure, quel est le risque que ces deux disjoncteurs ne fonctionnent pas ? C’est un problème important. »


Système d'injection de sécurité dans une centrale nucléaire (IRSN).Système d'injection de sécurité dans une centrale nucléaire (IRSN).

Fabriqués par le groupe français Schneider Electric, ces disjoncteurs ont été installés à partir de 2010, en remplacement d’appareils plus anciens. La moyenne d’âge des réacteurs de 1 300 MW atteint 25 ans. Ils sont loin d’être les plus anciens du parc : la moyenne d’âge des 900 MW est de 31 ans. La centrale de Fessenheim, la plus vieille, a commencé à produire de l’électricité en 1977, il y a 37 ans.

Le ton est monté, début décembre, entre l’exploitant et son contrôleur. « Compte tenu des difficultés (rencontrées) jusqu’à présent pour identifier et traiter les causes des refus récurrents de fermetures observés depuis quatre ans », Thomas Houdré, directeur du contrôle des centrales nucléaires à l’ASN, a exigé qu’EDF fournisse dans les deux mois plusieurs réponses : un plan d’action pour identifier les causes des défaillances, des mesures compensatoires pour limiter l’impact en cas d’incident ou d’accident. Et aussi que le groupe engage « dès à présent » la recherche de matériel de remplacement. Avec une semaine de retard, la réponse d’EDF est finalement arrivée le 12 février au soir, alors que Mediapart enquêtait sur le sujet.

Joint au téléphone, Philippe Dupuy, directeur adjoint du contrôle des centrales nucléaires, temporise : « Nous ne sommes pas inquiets, nous sommes mobilisés et vigilants. » Selon lui, et contrairement à ce qu’écrit l’ASN dans sa lettre à EDF en décembre 2013 : « Ce n’est pas une défaillance mais une défiabilisation. » Le défaut de fermeture des disjoncteurs a été classé au niveau 0 de l’échelle INES de classification des incidents. « Ce n’est pas grave, le risque n’est pas énorme », insiste Philippe Dupuy.

Dans ses nouvelles réponses, EDF indique que les défaillances de disjoncteurs ne proviennent pas de causes communes mais de problèmes « différents et très localisés », comme l'explique l’ASN. Et propose, en guise de mesures compensatoires, de renouveler plusieurs fois les commandes et d’actionner les appareils manuellement, le cas échéant.

Qu’est-ce qui garantit que ces problèmes ponctuels ne se reproduisent pas sur tous les disjoncteurs des centrales concernées ? « Rien, répond Philippe Dupuy, d’où la régularité des essais sur ce matériel. »

Pierre-Franck Chevet, président de l'ASN, auditionné à l'Assemblée nationale, le 13 février 2014.Pierre-Franck Chevet, président de l'ASN, auditionné à l'Assemblée nationale, le 13 février 2014.

Selon le groupe, joint par Mediapart, « les expertises menées ont permis de démontrer que les défauts sur certains disjoncteurs sont des cas isolés. Les disjoncteurs concernés par ces défauts se remettent en service sur relance en manuel ». De nouveau contacté, après les réponses d’EDF, Thierry Charles de l’IRSN confirme que « c’est un sujet important. En revanche, il y a des parades : réarmer la commande ou y aller manuellement ». Il insiste aussi : « Un appareil doit remplir ses fonctions dès la première sollicitation. Il se peut qu’il fonctionne après plusieurs, mais ce n’est pas pour autant un bon fonctionnement. »

Ces échanges entre EDF et ses contrôleurs interviennent alors que Pierre-Franck Chevet, le nouveau président de l’ASN, s’inquiète ouvertement de l’incapacité d’EDF à conduire correctement les opérations de maintenance dans ses installations nucléaires. L’électricien est « débordé », s’est inquiété Chevet, lors d'une audition devant la commission d'enquête parlementaire sur la filière nucléaire (voir ici la vidéo) : « En cinq ans, le volume des travaux réalisés pendant les arrêts de tranche a été plus que doublé ! », a noté le président de l’ASN. « On constate, et EDF aussi, qu'entre la prévision de planning initial d'EDF et celui effectivement réalisé, il y a un écart de plus de 50 % » en termes de délai. « Il y a donc un problème d'organisation des travaux », qui met en cause la qualité de la réalisation, avec un risque potentiel pour la sûreté des installations, a-t-il résumé.

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L’avocat des Ben Barka traîné en correctionnelle

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Maurice Buttin sera-t-il la seule personnalité condamnée dans l’affaire Mehdi Ben Barka ? À 85 ans, l’avocat de la famille Ben Barka s’apprête en effet à être jugé mardi, devant le tribunal correctionnel de Lille, pour violation du secret professionnel. Un délit passible d’une peine d’un an de prison et 15 000 euros d’amende, ainsi que d’une interdiction d’exercer, et d’une privation des droits civiques, selon les articles 226-13 et 226-31 du code pénal.

Maurice ButtinMaurice Buttin

Les poursuites pour violation du secret professionnel sont rares, et celles qui arrivent jusqu’à un procès rarissimes (lire ici notre article sur le cas de la juge Isabelle Prévost-Desprez).

En l’espèce, la procédure contre l’avocat de la famille Ben Barka a été déclenchée après la diffusion d‘un reportage de France 3 annonçant, le 22 octobre 2007, l’émission par un juge français de plusieurs mandats d’arrêt internationaux contre des ressortissants marocains impliqués dans la disparition du célèbre opposant, et cela au moment même où Nicolas Sarkozy et Rachida Dati arrivaient pour une visite officielle de trois jours au Maroc.

Ce scoop au timing parfait avait déclenché la fureur du président français, et provoqué l’embarras des autorités marocaines.

L’affaire Ben Barka est en effet toujours instruite à Paris depuis 1965, et le juge alors saisi du dossier, Patrick Ramaël, est très motivé.

Les cinq personnes recherchées par le juge d’instruction parisien sont le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale marocaine, Habdelhak Kadiri, ex-responsable de la Direction générale des études et de la documentation, Boubker Hassouni, infirmier et ancien des services secrets marocains, Abdelhak Achaachi, ancien des services lui aussi, et enfin Miloud Tounzi.

Mehdi Ben BarkaMehdi Ben Barka

C’est ce dernier, commissaire de police en retraite, ancien officier de la Direction générale de la sûreté nationale, qui a saisi depuis le Maroc la justice française, faisant déposer une plainte à Paris par son avocat, le 13 novembre 2007. Dans cette plainte, Tounzi explique avoir été contacté au téléphone par le journaliste de France 3, qui lui annonçait l’émission du mandat d’arrêt le visant, tout en lui conseillant de s’enfuir et en se proposant de recueillir son témoignage.

Certainement de la plus haute importance, Tounzi ayant fait part de ses soupçons sur une fuite provenant certainement de magistrats parisiens, l’affaire a donné lieu, le 5 février 2008, à une ouverture d’information judiciaire du parquet de Paris pour « violation du secret professionnel ». Alors que le parquet dirigé par le procureur Jean-Claude Marin choisissait, à l’époque, d’ouvrir de simples enquêtes préliminaires sur certaines affaires politico-financières.

Cette affaire de fuite a été dépaysée vers le tribunal de grande instance de Lille en avril 2008. Entendu par un premier juge d’instruction en janvier 2009, Maurice Buttin a reconnu sans difficulté avoir donné des informations sur les mandats d’arrêt internationaux au journaliste de France 3. Interrogés en mars et en juin 2010, le journaliste Joseph Tual et le juge Patrick Ramaël se sont retranchés, l’un et l’autre, derrière le secret professionnel. L’affaire aurait pu en rester là.

Mais malgré des réquisitions de non-lieu du parquet de Lille, le juge d’instruction Mathieu Vignau a renvoyé Maurice Buttin devant le tribunal correctionnel, dans une ordonnance datée du 5 juillet 2013.

Sarkozy et Dati au MarocSarkozy et Dati au Maroc

Autre paradoxe de taille, selon les recherches de Maurice Buttin et les investigations du juge Ramaël, le plaignant Miloud Tounzi n’est autre que Larbi Chtouki, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace lors du procès d’assises de 1966, au cours duquel deux policiers français avaient été condamnés pour l’enlèvement de Mehdi Ben Barka. Tounzi alias Chtouki n’a, depuis lors, jamais été touché par la justice française. Ou presque...

Bien qu’ayant été émis en 2007 par le juge Ramaël, les mandats d’arrêt internationaux n’ont pas été diffusés par la justice française. En octobre 2009, c’est-à-dire deux ans plus tard, et après plusieurs interventions auprès du ministère de la justice, quatre de ces mandats d’arrêt sont enfin sur le point d’être diffusés... mais ils sont aussitôt gelés, au motif qu’Interpol et le parquet de Paris demandent « plus de précisions ».

En fait, il importe de ne pas fâcher le royaume marocain, qui est un partenaire important de la France.

Chose plus incroyable encore, le plaignant Miloud Tounzi a été interrogé au Maroc, le 9 décembre 2009, par un juge marocain et deux magistrats du tribunal de Lille, venus pour compléter sa propre plainte. Il s’agit du juge d’instruction Marc-Emmanuel Gounot, flanqué du procureur adjoint Dominique Moyal « en tant qu’observateur ». L’affaire devait décidément être importante.

Apprenant cette audition par la presse, le juge parisien Patrick Ramaël a, le 31 mars 2010, demandé à ses collègues lillois l’adresse de Miloud Tounzi, qu’il souhaitait toujours interroger sur la disparition de Mehdi Ben Barka, après un déplacement infructueux au Maroc en 2006.

Après avoir consulté le parquet, le 14 juin, le juge Marc-Emmanuel Gounot a répondu à son collègue Ramaël que « l’adresse de la partie civile et la copie de son audition intervenue dans cette affaire ne p(ouvai)ent pas (lui) être communiquées ». Comme si, aux yeux de la justice, une violation du secret professionnel importait plus qu’un enlèvement suivi d’un assassinat.

Mehdi Ben BarkaMehdi Ben Barka

Patrick Ramaël, qui a quitté l’instruction récemment, est considéré comme un juge fonceur et incontrôlable. Il a notamment réussi à effectuer une perquisition à la DGSE en 2010 dans l’affaire Ben Barka, et a également remué ciel et terre dans l'enquête sur la disparition du journaliste français Guy-André Kieffer, enlevé en 2004 en Côte d’Ivoire.

Bête noire de Nicolas Sarkozy (comme le fut son collègue Renaud Van Ruymbeke), faisant fi de la raison d’État, et en butte pour cela à des représailles de sa hiérarchie, le juge Ramaël a été déféré devant le CSM en 2011, sur décision du ministre de la justice Michel Mercier, et sous des prétextes bien peu solides. Un véritable règlement de comptes politique, qui s’est retourné à l’audience en faveur du magistrat, soutenu par de nombreux collègues (lire notre article ici). Patrick Ramaël a finalement été blanchi par le CSM le 21 février 2013 (lire la décision là).

Le juge RamaëlLe juge Ramaël

Quelques mois plus tard, le juge Ramaël a fini par changer de poste, devenant président de la XXIIIe chambre correctionnelle. Les dossiers Ben Barka et Kieffer sont désormais suivis par un nouveau magistrat.

L’opposant marocain Mehdi Ben Barka a été enlevé en plein Paris le 29 octobre 1965, et n’a jamais reparu. « Je suis certain qu’Hassan II avait donné l’ordre de le kidnapper, et que l’affaire a mal tourné », explique Maurice Buttin à Mediapart. « C’est ce que j’ai plaidé devant la cour d’assises de la Seine en 1966, et ça m’a valu de devoir quitter le Maroc, le pays où je suis né et où je vivais à l’époque. » Maurice Buttin, qui était alors avocat à Rabat, s’est donc inscrit au barreau de Paris en 1967, et n’a pu retourner au Maroc que 17 ans plus tard.

Dans ce contexte, le renvoi de Maurice Buttin en correctionnelle est stupéfiant. « C’est une décision très politique que va devoir prendre le tribunal », prévient Alexis Gublin, le défenseur de Maurice Buttin, très étonné du tour qu’a pris cette procédure. « D'autant, ajoute l'avocat, que nous n'arrivons toujours pas à savoir si ces mandats d'arrêt internationaux seront diffusés. »

« J’espère au moins que ce procès pourra relancer l’affaire Ben Barka », déclare pour sa part Maurice Buttin. « Si la France diffuse enfin les mandats d’arrêt internationaux, il y a une chance pour que l’un des cinq hommes recherchés soit arrêté lors d’un déplacement à l’étranger, et qu'il dise enfin la vérité. L’intérêt, ce n’est pas qu’ils aillent en prison si longtemps après les faits, mais qu’ils parlent. La veuve et les enfants de Mehdi Ben Barka attendent cela depuis près de 50 ans. »

Hosni Benslimane, par exemple, a ainsi été signalé en Espagne en 2009, puis aux jeux Olympiques de Londres en 2012, sans que le juge Ramaël parvienne à le faire arrêter ou même interroger.

Maurice Buttin, lui, ne se défilera pas. Il se rendra mardi au tribunal de Lille, et fera citer deux témoins pour sa défense : le journaliste Joseph Tual, et Bachir Ben Barka, l’un des fils de Mehdi Ben Barka.

« Tout cela est d’une grande hypocrisie, conclut Maurice Buttin. Si j’avais demandé à Bachir Ben Barka qui, en tant que partie civile, n’est pas tenu par le secret de l’instruction, de prévenir un journaliste à ma place, il n’y aurait pas de poursuites ni de procès. »

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Paris XIVe : l’arrondissement maudit de NKM

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C’est un des ces « arrondissements périphériques » que les personnages de Modiano aiment arpenter de manière somnambulique. Une « zone neutre », ordinairement associée aux mots « calme » et « paisible », que Nathalie Kosciusko-Morizet envisage comme l’« une des clés » de l’élection de mars. « Je pense qu'on peut gagner le XIVe arrondissement et je le sens sur le terrain », s’est-elle encore convaincue, le jeudi 13 février, au « Forum municipales » organisé à Sciences-Po.

Dans les faits pourtant, la bataille du XIVe s'annonce ardue pour la candidate UMP. Car ce « concentré de Paris » – pour reprendre les mots du député et actuel maire socialiste de l'arrondissement, Pascal Cherki – regroupe à lui seul l’ensemble des obstacles auxquels elle fait face dans la reconquête de la capitale.

Nathalie Kosciusko-Morizet en campagne dans le XIVe, en octobre 2013.Nathalie Kosciusko-Morizet en campagne dans le XIVe, en octobre 2013. © Flickr/nk_m

Dans une lettre adressée aux habitants du XIVe en juillet 2013, Nathalie Kosciusko-Morizet expliquait « y (avoir) des attaches familiales et amicales fortes, des souvenirs vivants, des projets d'avenir ». Au-delà des motivations teintées de nostalgie, le choix de se porter candidate dans cet arrondissement est avant tout stratégique. Car pour espérer reprendre Paris à la gauche, la droite doit expressément gagner les « arrondissements de la reconquête » que sont le XIIe et le XIVe. Et engranger ainsi le nombre de sièges de conseillers de Paris nécessaires pour faire basculer la majorité.

Sur son site de campagne, à la rubrique « racines », la candidate UMP – qui a en réalité grandi dans le XVe – rappelle que sa « grand-mère, Yanie, a longtemps tenu la Pharmacie des arts, boulevard de Montparnasse, dans le XIVe ». Une façon de contrer l’un des arguments phares rabâchés par ses adversaires : son « côté parachutage ».

« Ça n’est pas bien perçu par les habitants, commente Pascal Cherki. Sa technique, c’est de faire croire qu’elle est ancrée alors qu’elle ne l’est pas. La base a rallié sa dissidente (la conseillère de Paris, Marie-Claire Carrère-Gée, qui a été suspendue de l'UMP après s'être présentée sous l’étiquette « 100 % XIVe » – ndlr). Elle essaie de débaucher des responsables d’associations, mais ça ne prend pas des masses. Elle a confondu le fait qu’on soit un arrondissement calme avec le fait qu’on soit un arrondissement mou. »

Candidate de l’UMP en 2008, Marie-Claire Carrège-Gée n’est guère plus tendre avec celle qu’elle avait pourtant soutenue durant la primaire : « Elle voudrait prendre en otages les élus et les habitants du XIVe. C’est inadmissible et les gens ne sont pas dupes. Quand je suis arrivée, en 2007, la droite locale était à feu et à sang. Il a fallu reconstruire un lien de confiance avec les habitants parce que l’UMP avait une fort mauvaise image, notamment à cause des parachutages à répétition. Et aujourd’hui, ça recommence… »

Marie-Claire Carrère-Gée et Nathalie Kosciusko-Morizet dans le XIVe, en avril 2013.Marie-Claire Carrère-Gée et Nathalie Kosciusko-Morizet dans le XIVe, en avril 2013. © marieclairecarreregee.com

Face à ces critiques, le directeur de campagne de Nathalie Kosciusko-Morizet dans le XIVe, Bertrand Lesain, lève les yeux au ciel. « Nathalie est venue dans un arrondissement où François Hollande a fait 60 %, dit-il. Elle n’a pris la place de personne. Elle assume parfaitement de ne pas avoir vécu quinze ans dans le XIVe. Et alors ? Est-ce qu’il y a une date limite à partir de laquelle on a le droit de se présenter quelque part ? »

Déjà présent lors des précédentes élections, Bertrand Lesain assure n’avoir « jamais reçu un tel accueil avec un autre candidat ». « C’est elle qui nous présente aux commerçants, s’amuse-t-il. Les gens la reconnaissent immédiatement, l’accueil est chouette. » Les équipes du XIVe ont souhaité privilégier « le terrain » parce que « c’est une fille qui gagne à être connue en vrai », précise-t-il.

Pour ce faire, la candidate bourre son agenda de déplacements dans l'arrondissement. Des visites de marchés le week-end, des porte-à-porte « une à deux fois par semaine », des réunions d’appartement « où l'on parle de la politique nationale comme du morceau de trottoir qu’il faudrait refaire »… Dans le XIVe, comme dans tout Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet entend bien casser « l’image papier glacé que certains veulent lui coller ».

Des actions, baptisées « NKM près de chez vous », sont également organisées aux quatre coins de l'arrondissement : « On va se poser quelque part pendant deux heures, avec deux paquets de Pépito et une bouteille de Banga, et on attend que les gens viennent la voir », explique Bertrand Lesain.

Opération « NKM près de chez vous » devant la gare Montparnasse, en septembre 2013.Opération « NKM près de chez vous » devant la gare Montparnasse, en septembre 2013. © Flickr/nk_m

La candidate Europe Écologie-Les Verts (EELV) de l’arrondissement, Célia Blauel, reconnaît que la notoriété de Nathalie Kosciusko-Morizet est un avantage non négligeable : « Certains sont flattés de croiser une personnalité connue, mais beaucoup disent qu’ils ne veulent pas d’elle. Quand on la croise, elle commence toujours par citer dix noms de rues et trois noms de personnes pour montrer qu’elle est là et qu’elle connaît le XIVe. »

Connaître le XIVe. Une tâche d’autant plus ardue que cet arrondissement échappe à tout maillage sociologique. Ni vraiment populaire comme les quartiers nord de Paris, ni aussi « bobo » que ceux de l’Est, ni tout à fait bourgeois comme ceux de l’Ouest, le XIVe est non seulement l’un des arrondissements les plus peuplés de Paris – 138 299 habitants en 2011, selon les chiffres de l’Atelier parisien de l’urbanisme (Apur) –, mais il en est aussi l’un des plus mixtes.

« On a tout sauf la Seine, résume le député et maire socialiste de l’arrondissement Pascal Cherki. On est entre le Quartier latin et la banlieue Sud. On a des petites maisons individuelles, des immeubles haussmanniens et des tours du côté du quartier Plaisance. Des professions libérales, des universitaires et des contributeurs de l’ISF. Des services publics de santé, des quartiers très commerçants à Alésia ou rue Daguerre, la première concentration de cinémas avec Montparnasse, la deuxième de théâtres, un réseau de 500 associations… Le XIVe, c’est un militantisme très fort, mais moins radical dans ses modes d’expression. C’est un arrondissement très accueillant et tolérant pour l’immigration française et étrangère. »

« Il y a une grande diversité sociale, confirme Matthieu Jeanne, doctorant chercheur à l’Institut français de géopolitique (IFG). Le quartier très populaire de Plaisance, où beaucoup de logements sociaux ont été construits dans les années 80, côtoie celui de Montparnasse, où l’électorat conservateur a basculé lentement vers la gauche au milieu des années 90. »

Typologie des îlots regroupés pour l’information statistique (IRIS) de Paris selon le profil social de la population.Typologie des îlots regroupés pour l’information statistique (IRIS) de Paris selon le profil social de la population. © Anne Clerval

Comme les autres arrondissements de la capitale, le XIVe n’a pas échappé au phénomène de « gentrification » que la géographe Anne Clerval définit dans Paris sans peuple (Éd. La Découverte) comme « un embourgeoisement spécifique des quartiers populaires qui s’accompagne de la transformation du bâti et d’un quartier en général ».

Pour Matthieu Jeanne, ce mouvement de « gentrification » est « évident » dans le XIVe, quoique « plus diffus et moins caricatural que dans l’Est parisien ». Reste que les « artisans, les commerçants et les personnes âgées » qui constituaient, il y a encore vingt-cinq ans, le gros du quartier Montparnasse, ont été « remplacés petit à petit par de jeunes actifs diplômés qui votent plus à gauche ».

Selon les derniers chiffres de l’Apur, 48 % des ménages du XIVe sont désormais composés d’une seule personne et 68 % des habitants déclarent être locataires de leur logement. Des données qui confirment ce que la sociologue Sabine Chalvon-Demersay avait relevé dès 1984 dans son livre Le Triangle du XIVe : des nouveaux habitants dans un vieux quartier de Paris (Éd. Maison des sciences de l'homme).

« Apparemment préservé, épargné par les changements brutaux de la rénovation urbaine, ce quartier connaît depuis quelques années un certain nombre de modifications liées à l’afflux d’une vague d’habitants récents appartenant à ce qu’on pourrait appeler “les nouvelles couches moyennes” », écrivait-elle alors. Au début des années 2000, cette nouvelle génération d’habitants, majoritairement composée de jeunes diplômés, a été rejointe par des Parisiens plus fortunés, chassés du VIe arrondissement voisin par la flambée des prix de l’immobilier.

« NKM fait le pari de cet embourgeoisement du XIVe, indique le chercheur Matthieu Jeanne. Elle espère mobiliser l’électorat des “refoulés du VIe”. Sa chance, c’est que ce n’est pas le maire sortant qui se présente (Pascal Cherki a décidé de s’appliquer dès 2014 le non-cumul des mandats en étant numéro 2 de la liste PS, derrière son adjointe Carine Petit – ndlr). Il y a une brèche pour elle. »

Carine Petit, Pascal Cherki et Anne Hidalgo au marché Daguerre, en janvier 2014.Carine Petit, Pascal Cherki et Anne Hidalgo au marché Daguerre, en janvier 2014. © Flickr/Carine Petit

 « Les bobos sont très profondément ancrés à gauche, affirme pour sa part Pascal Cherki. Ils sont tournés vers les valeurs et attachés au fait que Paris soit une ville ouverte, antiraciste. NKM est tenante d’une droite parisienne qui relève de la bourgeoisie de Proust. Mais ce n’est pas parce que vous vous sapez en Zadig & Voltaire que vous plaisez aux bobos. »

De fait, ce phénomène de « gentrification », cumulé aux divisions qui gangrènent la droite parisienne depuis 15 ans, a fait basculer le XIVe à gauche en 2001, après trois mandats successifs du RPR Lionel Assouad. Depuis lors, l’arrondissement est une terre particulièrement fertile pour les socialistes : aux municipales de 2008, le maire PS Pierre Castagnou est réélu avec 57,37 % des suffrages, contre 28,09 % pour l’UMP Marie-Claire Carrère-Gée et 14,54 % pour la MoDem Marielle de Sarnez.

À la présidentielle de 2012, François Hollande possède plus de 13 000 voix d’avance au premier tour. Et aux législatives suivantes, dans les deux circonscriptions qui traversent l’arrondissement, Pascal Cherki bat l’UMP Jean-Pierre Lecoq, tandis que Denis Baupin d’EELV écrase littéralement son adversaire Chenva Tieu en engrangeant 62,49 % des suffrages.

La place des écologistes dans le XIVe n’est pas anodine. C’est cet arrondissement qui le premier porta un Vert – Jean-Louis Vidal – au conseil de Paris en 1989. « C’est aussi là que sont nées, à la fin des années 70, les associations parisiennes qui ont fédéré toutes les revendications écologistes de la ville », précise le chercheur Matthieu Jeanne. Ces mouvements écolos se sont créés en opposition à un projet élaboré au milieu des années 60 et connu sous le nom de « radiale Vercingétorix », lequel visait à doter la capitale d'un réseau d'autoroutes urbaines.

Retiré par Jacques Chirac dès son arrivée à la mairie de Paris en 1977, ce projet, défendu par les gaullistes, a permis à la gauche de fédérer un nouvel électorat sensible à la défense du patrimoine et au cadre de vie. « Nathalie Kosciusko-Morizet a pensé que cet héritage écolo pourrait lui être utile, ajoute Matthieu Jeanne. Le fait qu’elle ait été ministre de l’écologie lui offrait une certaine légitimité. »

Pour le député EELV Denis Baupin, l'ancienne casquette écolo-ministérielle de la candidate UMP ne suffit pas. « Contrairement à l’image qu’elle a essayé de se construire, NKM n’est pas une rénovatrice environnementale, assure-t-il. Elle est retombée dans les ornières qui ont fait l’échec de la droite à Paris depuis quinze ans. Rien ne sert de se battre pour le retrait de la voiture quand on sait que la majorité des ménages n’en possède pas. D’un point de vue environnemental, je n’ai rien entendu à part des trucs très généraux. Moi aussi je voudrais bien une ville à “énergie positive”, mais ça ne suffit pas de dire ça aux gens. Ça ne leur parle pas. »

Les équipes de Nathalie Kosciusko-Morizet dans le XIVe dénoncent le manque de propreté de l'arrondissement.Les équipes de Nathalie Kosciusko-Morizet dans le XIVe dénoncent le manque de propreté de l'arrondissement. © Twitter/Le 14ème avec #NKM

« Les habitants que nous rencontrons nous posent beaucoup de questions sur la santé, la pollution et le logement », indique de son côté Célia Blauel. La candidate EELV dans le XIVe se dit « très étonnée » des propositions avancées par Nathalie Kosciusko-Morizet. « Elle vient en disant qu’elle affiche une grande ambition pour Paris et les deux tracts qu’elle distribue dans le XIVe portent sur l’insécurité et la saleté. Il y a un côté village dans cet arrondissement. Donc la vision de l’insécurité version TF1, ce n'est pas parmi les sujets qui plaisent… »

La candidate du Front de gauche dans l’arrondissement, Leila Chaibi, raille également cet axe de campagne de NKM, qui « a essayé de surfer sur le thème de l’insécurité sans comprendre que le XIVe, ce n’est pas la Goutte d’Or ». Leila Chaibi prend pour exemple l’une des premières réunions de la candidate UMP, qui s’est tenue au café Plaisance. « Il y a eu une fusillade dans ce café il y a deux ans. Du coup, NKM a récupéré l’histoire pour parler d’insécurité. Les patrons du café étaient dégoûtés parce que ça leur a pourri leur commerce. » La candidate FDG a d'ailleurs relaté l'épisode sur son blog.

Bertrand Lesain, le directeur de campagne de la candidate UMP, en donne une tout autre version : « C’était une réunion globale sur la stratégie de campagne. On n’a pas cherché la symbolique, mais il se trouve que oui, il y a eu une fusillade dans ce bar il y a quelques années, due à des règlements de comptes entre bandes du quartier. L'insécurité est un des thèmes de campagne dont on parle parce que les gens se posent beaucoup de questions sur le sujet. Mais ce n'est pas le cœur de notre programme. »

Pour en savoir un peu plus sur ce programme, les habitants du XIVe devront patienter encore quelques jours. Pour le reste, Nathalie Kosciusko-Morizet a dévoilé, le vendredi 14 février, la liste de ses vingt-neuf colistiers. L'UDI Éric Azière y figure en deuxième position. « Elle ne prend même pas la peine d’indiquer qui sera maire en cas de victoire, moque la dissidente Marie-Claire Carrère-Gée. Ça fait huit mois qu'elle est en campagne et elle dit être encore dans “une phase d'observation”. Ça montre le mépris qu'elle a pour les habitants, mais aussi pour ses propres équipes ! »

La gauche du XIVe ne se fait, elle non plus, guère de souci quant aux échéances de mars. « Au départ, quand on a vu arriver NKM, on s’était dit qu’on allait axer la campagne contre la droite, explique Leila Chaibi. En fait, il n’y a rien à faire parce qu’elle se ruine toute seule. Les habitants de l’arrondissement se moquent d’elle. » Au mois de décembre, le Front de gauche a donc choisi de changer d’axe de campagne pour se concentrer sur « les électeurs qui sont dégoûtés des socialistes ».

Nathalie Kosciusko-Morizet au marché d'Edgar Quinet, le 18 janvier 2014.Nathalie Kosciusko-Morizet au marché d'Edgar Quinet, le 18 janvier 2014. © Twitter/Le 14ème avec #NKM

« Le plus gros risque pour nous, c’est l’abstention, poursuit la candidate FDG. On sent la déception. La première réaction des personnes qu’on rencontre, c’est souvent “Ouais mais la gauche, on en a marre”. Ils mettent le national et le PS du XIVe dans le même sac. Du coup, on cible désormais ceux qui regrettent d’avoir voté Hollande et qui ne veulent plus aller voter. Il y en a un paquet… »

Confirmé par les candidates Célia Blauel (EELV) et Marie-Claire Carrère-Gée (« 100 % XIVe »), ce climat de défiance vis-à-vis du gouvernement socialiste est nuancé par les députés Pascal Cherki et Denis Baupin. « Le contexte n’est pas favorable nationalement et ça peut peser, mais la relation des Parisiens à la gauche est saine localement. On n’est pas dans une municipalité usée », indique le premier. « Les Parisiens ne font pas le lien entre le national et le local », renchérit le second.

S'ils estiment qu’« il faut rester vigilants car une élection n’est jamais jouée d’avance », les deux hommes demeurent convaincus que le contexte national ne favorisera pas la candidate UMP. La dissidente Marie-Claire Carrère-Gée les rejoint sur ce point : « Elle mène une stratégie perdante avec un scénario central, celui d’une défaite honorable. Elle a des objectifs personnels qui sont bien supérieurs à ceux de gagner Paris. Et les habitants du XIVe l’ont bien compris. »

« Sa volonté de nationaliser le scrutin ne prend pas, conclut le député EELV Denis Baupin. Il peut y avoir une partie des gens qui protestent contre le gouvernement socialiste, mais ils voteront plutôt extrême droite. C’est dans les bords de Paris que le FN va faire ses meilleurs scores… »

Le Front national, qui a investi dans cet arrondissement Tiphaine Leost, une commerçante de 44 ans, semble invisible sur le terrain. « Ils n'ont jamais été très présents », raconte Célia Blauel d'EELV. Quant à la candidate FDG, Leila Chaibi, elle assure n'avoir croisé aucune équipe frontiste « depuis des semaines ». « Ils sont là, mais autrement... Comme ils visent aussi les abstentionnistes, ils doivent être un peu agacés de voir que notre campagne fonctionne bien. Du coup, ça les rend hargneux », dit-elle pour expliquer « les tags racistes » réalisés récemment sur certaines de ses affiches collées dans les quartiers Didot et Plaisance.

Les affiches taguées de Leila Chaibi.Les affiches taguées de Leila Chaibi. © Twitter/leilachaibi

BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes citées dans cet article ont été rencontrées ou jointes par téléphone entre le 9 et le 14 février.

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Tentative de putsch chez Veolia, saison 3

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Cela a commencé par une rumeur dans le petit monde parisien des affaires, comme d’habitude : les jours d’Antoine Frérot, P-DG de Veolia, seraient comptés, répétait-on d’un air de conspirateur. « Cela fait une dizaine de jours que le bruit circule. Son départ a l’air d’être considéré comme acquis, tout comme celui de Luc Oursel chez Areva d’ailleurs », commente un des habitués du microcosme parisien. Jeudi, Le Point rendait publique la rumeur, en révélant le projet d’évincer le P-DG de Veolia pour le remplacer par David Azéma, qui dirige aujourd’hui l’agence des participations de l’État (APE).

C’est presque une question d’habitude pour Veolia. Depuis qu’Antoine Frérot, numéro deux d’Henri Proglio pendant plus de dix ans, lui a succédé à la tête du groupe de services aux collectivités locales, quand ce dernier a pris la direction d’EDF, il fait régulièrement l’objet d’un procès en illégitimité. Ne faisant pas vraiment partie du club, il n’a pas, de l’avis du petit monde du CAC 40, la stature pour diriger un groupe dont l’influence fait fantasmer le monde des affaires et politique depuis que son dirigeant historique, Guy Dejounay, l’a érigé en puissance tutélaire et mystérieuse.

© Reuters

Son ancien président, Henri Proglio, a lui-même intenté le procès d’Antoine Frérot lorsque celui-ci, héritant d’un groupe croulant sous les dettes, a commencé à remettre en cause la stratégie passée. Les deux amis d’hier sont alors devenus les pires ennemis. Le P-DG d’EDF a tenté de le débarquer par un putsch éclair, en faisant nommer à sa place l’ancien ministre de l’environnement, Jean-Louis Borloo. Échec (lire notre article : « Alain Minc m’a tué »). Par la suite, des discussions sur un éventuel rapprochement entre Suez environnement et Veolia ont fuité dans la presse. Le président de Veolia y a vu une nouvelle tentative de déstabilisation de son prédécesseur (lire À Veolia, la guerre Frérot-Proglio repart de plus belle).

Cette fois, de l’avis des connaisseurs du dossier qui ont été interrogés, ce n’est pas lui qui est à la manœuvre même si, en coulisses, il a pu donner quelque avis. « Il a essayé de renverser Antoine Frérot, il n’y est pas parvenu. Depuis, il a décidé de se tenir à l’écart, même s’il n’en pense pas moins », dit un de ces connaisseurs du dossier. « Henri Proglio veut obtenir son renouvellement à la présidence d’EDF en octobre. Il sait que s’il se mêle à nouveau des affaires de son ancien groupe, cela ne peut que lui être défavorable », explique un de ses proches.

Mais la famille Dassault a pris le relais et est passée à l’attaque. Troisième saison de tentative de putsch chez Veolia. Entrée au capital de Veolia en 2008 à l’invitation d’Henri Proglio, elle est devenue l'un des premiers actionnaires du groupe avec 6,3 % du capital. La famille, cependant, n’est pas contente de son investissement : la valeur de sa participation – de 600 millions d’euros environ – a fondu comme neige au soleil : le cours de Veolia était à 22 euros quand la famille Dassault est entrée, il n’est plus qu’à 12. Même si elle a reçu, chaque année, entre 25 et 35 millions de dividendes, le compte n’y est pas du tout pour elle. 

S’il y a une chose que la famille Dassault déteste, c’est perdre de l’argent. Mais elle ne plaisante plus du tout quand il s’agit de l’argent de la famille. Car la participation dans Veolia est portée directement par le groupe industriel Marcel Dassault (GIMD), la holding familiale de tête qui contrôle l’empire. Déçue, elle voudrait bien maintenant sortir de Veolia. Mais à une condition : ne pas perdre d’argent, voire en gagner si possible. Ce qui pourrait prendre encore du temps. Et la famille, alors que Serge Dassault vieillit, que les difficultés judiciaires s’accumulent autour de lui, sans parler d’une succession qui n’est toujours pas réglée, est pressée. Elle a donc décidé de prendre les choses en main.

Même si la famille Dassault n’est qu’un actionnaire minoritaire chez Veolia, elle se considère un peu comme propriétaire en titre, comme à chaque fois où elle siège dans un conseil. Comme elle l’a fait chez Thalès, où elle a imposé par deux fois un nouveau dirigeant, elle pense qu’un nouveau président, plus attentif à ses intérêts et à ses vues, serait le bienvenu.

D’autant qu’une occasion rêvée se présente, qui peut permettre un changement naturel : le mandat d’Antoine Frérot arrive à expiration lors de la prochaine assemblée générale du groupe en avril. Un conseil d’administration est prévu le 12 mars sur la gouvernance du groupe. À cette date, les administrateurs doivent se prononcer sur le renouvellement ou non d’Antoine Frérot, ou sur le nom d’un autre candidat à présenter lors de l’assemblée générale. Il serait dommage de rater une telle occasion.

Selon nos informations, la famille Dassault a passé plusieurs semaines à consulter amis et proches pour trouver le candidat idéal. Ils ont finalement jeté leur dévolu sur David Azéma. À plusieurs occasions, notamment lors de la deuxième succession chez Thales justement et lors de la renégociation du pacte d’actionnaire chez EADS – Dassault était indirectement partie prenante puisque EADS détient 48 % du groupe, en place de l’État français –, ils ont pu apprécier les qualités du dirigeant de l’APE. Il n’a rien fait qui puisse les gêner. Au contraire, il a veillé à ce que l’État continue à se porter garant de la stabilité du groupe Dassault.

L’ancien directeur financier de la SNCF, nommé à ce poste par la gauche dès l’élection présidentielle, fait de toute façon l’unanimité chez les patrons. Tous félicitent ce haut fonctionnaire pour son pragmatisme et sa compréhension du monde des affaires. « Il comprend les problèmes. Il sait parler au marché », disent-ils. Ce qui dans la bouche des dirigeants n’est pas un mince compliment, bien que sa fonction première, en tant que représentant de l’État actionnaire, ne soit peut-être pas de savoir parler au marché.

Le choix de David Azéma est aussi présenté comme une politesse faite au gouvernement de gauche par la famille Dassault. « Alors qu’il n’y a plus beaucoup de postes disponibles. À part la RATP, car Pierre Mongin ne va pas être reconduit, il ne reste quasiment rien. Choisir un haut fonctionnaire, marqué à gauche, est une façon d’envoyer un signal amical à l’Élysée », explique un connaisseur du dossier. Mais qu’aurait donc de plus à demander la famille Dassault, elle qui vit en concubinage notoire avec l’État depuis des décennies ? Une clémence judiciaire alors que le dossier de Corbeil-Essonnes devient de plus en plus explosif pour Serge ? (Voir notre dossier : le scandale Dassault.)

Courant janvier, David Azéma a été approché pour se voir proposer le poste de P-DG de Veolia en remplacement d’Antoine Frérot. Après avoir refusé, il aurait finalement accepté il y a une dizaine de jours, selon nos informations. La présidence de Veolia ne se refuse pas. Nous avons tenté de vérifier ces informations auprès de lui. Il n’a pas répondu.

Selon nos informations, l’Élysée aurait aussi été informée du possible départ du président de l’APE et n’aurait pas fait d’objection à ce qu’un membre de son équipe parte aussi rapidement. Interrogé, Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de l’Élysée, qui est présenté comme celui qui aurait supervisé cette affaire, répond : « L’Élysée n’a pas à donner de feu vert sur ce sujet. L’État n’est pas actionnaire de Veolia. »

Le fait qu’un haut fonctionnaire navigue entre public et privé ne semble poser de problème à personne : le pantouflage fait désormais partie des usages bien établis de notre oligarchie républicaine. La commission de déontologie, selon les défenseurs de sa candidature, ne devrait mettre aucune objection à ce départ de Veolia. David Azéma n’a jamais eu à traiter un dossier concernant l’entreprise privée.

Charles Edelstenne et Serge Dassault Charles Edelstenne et Serge Dassault © Reuters

Pourtant, en dépit des assurances des uns et des autres, la situation est un peu plus complexe. David Azéma siège au conseil d’administration d’EDF en tant que représentant de l’État. À ce titre, il a eu à se prononcer sur le partage de Dalkia, la société commune entre EDF et Veolia dans la gestion de l’énergie. À l’issue de négociations compliquées, les deux groupes ont entériné leur divorce : EDF a récupéré les activités de la société en France, Veolia celles à l’international. De même, difficile de croire qu’il ait été complètement exclu des dossiers de la SNCM (transports maritimes entre la Corse et le continent), dont Veolia est actionnaire ou de Transdev, la filiale commune de transports entre le groupe privé et la Caisse des dépôts. Sans parler de la gestion des participations conjointes entre l’État et la famille Dassault dans l’industrie de défense.

Mais tout cela n'est que broutilles, à entendre les uns et les autres. Il n’y a que les suspicieux qui voient des conflits d’intérêts partout.

Dès l’accord de David Azéma, les administrateurs représentant la famille Dassault – Thierry Dassault et surtout Olivier Costa de Beauregard – se sont mis en action pour fomenter leur coup d’État au sein du conseil. Mais cela s’est fait de façon si voyante et si bruyante que tout Paris l’a su. Comme le raconte Le Point, un déjeuner, censé être secret, a été organisé avec certains membres du conseil dans un grand restaurant parisien. Des démarches ont aussi été entreprises auprès des administrateurs les plus influents afin de les convaincre de débarquer Antoine Frérot et du bien-fondé de la candidature de David Azéma.

« C’est un conseil qui ne ressemble à rien, tiraillé entre diverses parties. Chacun a son agenda, son candidat », résume un grand connaisseur du dossier, pour expliquer les querelles et les tentatives de débarquement à répétition de son président. « L’ennui pour ceux qui veulent renvoyer Antoine Frérot – et ils ne semblent pas être la majorité –, est qu’ils ne savent pas comment justifier ce débarquement. Antoine Frérot a rempli tous les objectifs que le conseil lui avait fixés », poursuit-il.

En moins de trois ans, Veolia a divisé par deux son endettement pour le ramener autour de 8 milliards d'euros. Il a abandonné des métiers comme le transport, cédant progressivement sa participation dans Transdev à la Caisse des dépôts. Dans les autres activités, Antoine Frérot a mis un terme à la vieille culture du groupe, cultivant l’expansion tous azimuts et les baronnies locales. Conscient que la rente de l’eau est en voie d’épuisement, il a imposé un nouvel modèle économique : le groupe s’internationalise et vise désormais les marchés de services à l’environnement (eau, gestion des déchets, gestion énergétique) auprès de grands groupes industriels. Avec un certain succès. Veolia vient de remporter plusieurs grands contrats auprès de Shell ou Novartis. C’est exactement ce que le conseil réclamait.

Tout ceci ne se fait pas sans heurt, ni sans sacrifice. Pour la première fois de son histoire, Veolia a réduit son expansion en France, réduit ses coûts et supprimé des effectifs. Un plan social de 1 600 personnes, dont 700 départs volontaires et départs naturels, a été imposé à la filiale eau française. Un choc. En décembre, l’intersyndicale du groupe (CFDT, CFE-CGC, CGT et FO) a violemment contesté la gestion du groupe. « Sachez qu'il nous faudra bien plus que des mots, mais bien des éléments économiques chiffrés, étayés et vérifiables, pour nous démontrer que l'entreprise est contrainte d'en passer par là pour garantir sa pérennité », avaient-ils écrit dans une déclaration commune. Ils demandaient à la direction de privilégier la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois « avant d’envisager tout licenciement », avant de réclamer la démission d’Antoine Frérot.

Aujourd’hui, les administrateurs représentant la famille Dassault s’appuient sur cette contestation sociale pour justifier le remplacement d’Antoine Frérot. « Si les salariés savaient ce que demandait Serge Dassault ! Il réclamait 4 000 suppressions d’emplois en France. "Moi, je supprime 10 % des effectifs au Figaro chaque année, Veolia peut bien en faire autant", expliquait-il », selon un membre du conseil.

De même, les partisans du remplacement d’Antoine Frérot mettent en avant sa gestion du dossier SNCM, la société qui assure la liaison entre la Corse et le continent. Matignon, expliquent-ils, n’aurait pas apprécié les rapports orageux avec le patron de Veolia dans la gestion du dossier. Et ce serait lui qui aurait demandé son remplacement. Matignon a démenti toute intervention dans Veolia. « Antoine Frérot a hérité d’un dossier pourri. Henri Proglio n’aurait jamais dû répondre à la demande de Dominique de Villepin (alors premier ministre) et engager Veolia dans cette aventure. Maintenant, il essaie de s’en sortir le moins mal possible. Mais si l'on avait écouté les représentants de Dassault, Veolia déposait le bilan de la SNCM en juin brutalement, sans mesure d’accompagnement. Vous imaginez le désastre », poursuit cet administrateur.

Au bout du compte, si les représentants de Dassault ont un reproche à faire à Antoine Frérot, c’est de ne pas aller assez vite, assez fort dans la restructuration du groupe. Des économies partout, des plans sociaux importants sont des signaux appréciés en Bourse. Cela fait remonter le cours.

À cela s’ajoute un autre grief, plus difficile à exprimer à haute voix : certains administrateurs critiquent la gestion des relations avec les collectivités locales de la nouvelle direction. Veolia n’aurait plus la même intimité, le même rapport d’influence avec les maires. Antoine Frérot ne saurait pas y faire avec les élus, expliquent-ils à voix basse. Bref, Veolia serait en train de changer d’ADN et de se dépolitiser. Il y a encore du chemin à faire dans ce sens (voir Marseille : les 350 millions de cadeau de Gaudin à Veolia). Mais ils y voient un grand risque pour le groupe de perdre de sa valeur et de son influence.

La nomination de David Azéma permettrait de rattraper cette dérive. Lui sait ce que sont les relations avec les collectivités locales : il a été dirigeant de la SNCF. Il connaît le monde politique. Ainsi, tout pourrait redevenir comme au bon vieux temps.

BOITE NOIRELe monde des affaires, guère courageux, fait un usage abusif du "off". Une fois de plus, tous les témoignages que nous avons pu obtenir l'ont été sous la stricte condition de l'anonymat. Nous regrettons, une nouvelle fois, cette pratique.

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MediaPorte : « Les idylles à paillettes »

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Cette semaine dans sa chronique pour Mediapart, Didier Porte commente la dernière information de Paris Match. Et se demande si toutes ces actrices proches de nos dirigeants ne seraient pas à la manœuvre pour sauver le statut des intermittents?

  • Didier Porte propose cinq séances exceptionnelles de son nouveau spectacle “Didier Porte... à droite”, du 19 au 23 février, au XXe Théâtre, à Paris. Réservations: 01 43 66 01 13.

Les précédentes chroniques de Didier Porte depuis septembre 2013:  «L'humour : toujours ou plus jamais» / «Le grand humaniste Alain Delon, soutien d'Anne Hidalgo!» / « On pensait avoir élu Guy Mollet, on a Nabilla » / « Tous mes vœux à Pierre Gattaz, NKM, Dieudonné... » / «Sois raisonnable Nicolas !» / «M. Dassault, moi j'vous aime!» / «Mais non, les Français ne sont pas racistes» / « Les mous ont déteint sur les Bleus ! »«Avec les insurgés fiscaux, contre les nervis de Bercy» / «Ils ont des bonnets rouges, vivent les Bretons!»Hollande, premier secrétaire de la République /MediaPorte : « Morano saloparde » / « Rama Yade entre dans le Mercato ! » / A D8-Canal+, « trop d'amour tue l'amour »« Claire Chazal, c'est du brutal ! » /  «Quelle bonne nouvelle !» / «Une bande de malades mentaux»

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Front de gauche : le temps du compromis

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« Je suis devenu un peu méfiant, et moins naïf. Je ne m’attendais pas à ce que les communistes nous abandonnent pour partir avec les socialistes », a lâché Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV, ce dimanche. Au-delà des formules médiatiques destinées à faire le buzz, on a du mal à croire qu’un homme politique aussi expérimenté, et aussi pétri d’Histoire que le fondateur du Parti de gauche, ait pu croire, un seul instant, que le Parti communiste allait le choisir lui, qui pèse un poids incertain pour les municipales, plutôt que le PS dont l’alliance représente une chance éprouvée de préserver des dizaines de mairies PC et des centaines de postes d’adjoints et de conseillers municipaux.

Au plan des idées, le Parti de gauche et le Parti communiste sont parfaitement d’accord vis-à-vis de François Hollande : ils lui reprochent d’avoir tourné le dos à la gauche, et de s’être rallié à la droite libérale. Mais si Mélenchon a rompu avec le PS, le Parti communiste entretient avec lui, depuis trente ans, une alliance de survie, qui se manifeste par de sévères critiques entre deux élections, suivies de rapprochements à l’approche des scrutins.

Ainsi le Parti de gauche imagine-t-il son avenir sur l’idée d’une rupture consommée avec les sociaux-libéraux, accusés d'avoir trahi la gauche, tandis que le Parti communiste n’entrevoit sa survie que dans le maintien d’une entente réaliste avec eux, parce qu’ils seraient une gauche édulcorée, et même une gauche compromise, mais au bout du compte électoral une certaine gauche quand même.  

Au fond, vu du côté Mélenchon, le PC serait un peu le social-démocrate des sociaux-libéraux, c’est-à-dire un courant prêt à des compromis avec le camp d’en face, au nom du moindre mal.

Le problème, c’est que ce principe de dépendance, et de réalité électorale, ne s’arrête pas au vieux couple PS-PC. Il opère aussi au sein du Parti de gauche, et on le mesure cette semaine. Jusqu’au bout, le Parti de gauche a tenté de combattre les alliances de son partenaire avec les socialistes, notamment à Paris. Puis il a fait du logo “Front de gauche” apposé sur les affiches d’Anne Hidalgo un marqueur de la dernière chance. Le PC devait le faire disparaître, où l’on verrait ce qu’on verrait.

Les communistes ont fait la sourde oreille et on a vu ce qu’on a vu, c’est-à-dire à peu près rien. Le Conseil national des amis de Jean-Luc Mélenchon a pris acte de la mauvaise manière du PC, en la dénonçant vivement, mais s’en est accommodé. Pour l’avenir, c’est-à-dire les régionales et les cantonales, le Parti de gauche demande solennellement à son partenaire de ne plus recommencer, mais pour les européennes, écrit le secrétaire national Éric Coquerel, « la main reste tendue ».  

Donc il y a du tangage, de la colère, mais pas de rupture irrémédiable… C’est que le pari de Jean-Luc Mélenchon, qui espère supplanter le PS aux européennes, passe par le maintien du Front de gauche, donc de l’alliance avec les communistes. Bruxelles valant bien une messe, il fallait fermer les yeux. Ou au moins les détourner...

Comme quoi, sauf à s’interdire toute entente électorale, en s’enfermant par exemple dans une radicalité du style LCR ou NPA, on finit presque toujours par devenir le social-démocrate de son social-démocrate…                 

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Le Parlement adopte la TVA à 2,1% pour les sites de presse en ligne

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Le Sénat, après l'Assemblée nationale, a adopté lundi 17 février la proposition de loi harmonisant le taux de TVA entre presse papier et numérique. La loi, votée dans les mêmes termes à l'Assemblée et au Sénat, à chaque fois à l'unanimité, est définitivement adoptée.

Selon cette proposition de loi examinée en urgence au Parlement, la TVA sur la presse en ligne, soumise jusque-là au taux normal de TVA de 19,6 % (20 % depuis le 1er janvier 2014), passe désormais à 2,1 %, le taux super-réduit auquel est soumis le reste de la presse.

Ce taux va s'appliquer dès le 1er février 2014, et concerne la TVA que les entreprises de presse en ligne vont acquitter à la fin de ce mois. Une instruction fiscale en ce sens a d'ailleurs été diffusée dès le 31 janvier, avant même le débat au Parlement.

« Le statu quo fiscal créerait une situation injuste », a souligné la ministre de la culture Aurélie Filippetti . « L'État ne doit pas entraver le développement du numérique (…) la presse en ligne contribue grandement à l'expression de la liberté d'informer, elle est une chance pour la démocratie. » Ce faisant, Paris va à l'encontre d'une directive fiscale européenne de 2006, en cours de révision. Mais la position française rejoint la jurisprudence de la Cour de justice européenne. Le Parlement européen et une dizaine de pays comme la Suède, l'Italie, la Belgique, et depuis peu le nouveau gouvernement allemand, sont favorables à la neutralité fiscale entre les différents supports de presse. 

La réduction de TVA coûtera à l'État « moins de 5 millions d'euros par an », selon le gouvernement, un coût qui sera « plus que compensé au bout de trois années »

« Une TVA dix fois plus élevée pour la presse en ligne relève du non-sens », a martelé la centriste Catherine Morin-Desailly. « C'est une mesure absolument nécessaire, mais tardive », a déploré Pierre Laurent (groupe communiste). Ces deux sénateurs ont déposé dans le passé plusieurs amendements sur le sujet, restés sans suite. 

L'écologiste Marie-Christine Blandin, présidente de la commission des affaires culturelles du Sénat, s'est elle aussi félicitée de la mise en cause « des règles fiscales myopes » qui justifiaient l'inégalité de traitement entre presse papier et presse numérique. « Il y a quelques mois encore on nous brandissait la menace de sanctions européennes pour nous débouter », a-t-elle souligné.

De fait, il aura fallu le déclenchement en décembre 2013 de contrôles fiscaux touchant plusieurs sites de presse en ligne, dont Mediapart, pour que l'État se saisisse à bras-le-corps du dossier, après avoir, sous la droite comme sous la gauche, longtemps refusé les amendements parlementaires sur ce sujet.

La loi, qui contient deux articles, ne dit toutefois rien des contrôles et éventuels redressements fiscaux dont font l’objet plusieurs sites d'information, qui appliquent la TVA réduite depuis des années au titre de l'égalité entre tous les supports. Parmi eux, Terra Eco, Indigo Publications, Arrêt sur Images et Mediapart. Le site Dijonscope, visé par un contrôle fiscal, a carrément mis la clé sous la porte mi-2013. « Il serait dommage que le délai pris par les pouvoirs publics pour appliquer le taux réduit de TVA conduise à mettre en danger l'existence de certains titres », a déploré David Assouline.

L'écologiste André Gattolin, qui a plaidé pour un « dispositif d'amnistie fiscale circonstancié », a rappelé que Mediapart pourrait se voir réclamer au total 6 millions d'euros. « La situation est même pire pour Arrêt sur Images : le directeur général des finances publiques est presque devenu le directeur de la publication d'Arrêt sur Images », a résumé André Gattolin.

L'UMP Sophie Primas, favorable à la loi, a demandé un « aménagement, un étalement » des sommes dues par les « sites en infraction », mais pas la remise en cause des « redressements fiscaux en cours ». « Quel signal donnerions-nous au monde économique qui pourrait décider de s'auto-administrer ses taux d'imposition ! » a-t-elle dit.

« Les enquêtes fiscales ne font l'objet d'aucune instruction du gouvernement, ni dans un sens ni dans l'autre. La loi discutée aujourd'hui s'applique à partir du 1er février mais ne sera pas rétroactive », a conclu Aurélie Filippetti.

La profonde crise industrielle de la presse était bien entendu au cœur de la discussion. « La mutation numérique est vitale pour l'ensemble du secteur »,a insisté le socialiste Didier Marie. Comme d'autres sénateurs, Pierre Laurent (groupe communiste) a évoqué la crise actuelle à Libération. « Pour sauver Libération, son actionnaire tue le journal. » « La presse française connaît une crise inédite », a argumenté la ministre de la culture Aurélie Filippetti, rappelant les très mauvais chiffres de la diffusion de la presse en 2013  (-7 % pour les quotidiens nationaux, -5 % pour les quotidiens régionaux, et une forte baisse des ventes au numéro).

Il n'en reste pas moins que « sur le quasi milliard d'aides à la presse, une petite partie est consacrée à la presse en ligne », a rappelé le sénateur socialiste David Assouline. Chaque année, la presse touche 1,2 milliard d’euros d’aides directes et indirectes dont seulement 20 millions d’euros pour la presse en ligne (et zéro euro pour Mediapart). Un maquis d’aides, souvent mal ciblées, qu’aucun gouvernement n’a jamais osé remettre en cause.

BOITE NOIREMediapart, qui a toujours appliqué la TVA à 2,1 %, taux appliqué à la presse imprimée, est d'ores et déjà l'objet d'un redressement au titre de la TVA pour les années 2008, 2009, 2010. Par ailleurs, notre site est actuellement l'objet d'un contrôle pour les années 2011, 2012 et 2013.

Mediapart est à l’origine d'un appel pour l’égalité fiscale. Lancé en décembre, il a réuni près de 30 000 signatures.

Pour plus de précisions, lire les billets de blog d’Edwy Plenel : « Qui veut tuer Mediapart ? » (27 décembre), « Presse : la mobilisation pour l’égalité fiscale s’amplifie » (9 janvier), « TVA : une victoire pour toute la presse (et pour ses lecteurs) » (18 janvier).

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Pourquoi Hollande veut séduire les grands patrons (et pas ses électeurs)

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« On a un gouvernement qui ne dit pas assez qu’on fait des trucs de gauche. Sur la lutte contre la pauvreté ou les allocations familiales… J’ai travaillé dans le privé, je n’ai pas de problème avec le pacte de responsabilité. Mais il faut expliquer qu’on ne va pas donner un blanc-seing au patronat. » Ces mots, prononcés en fin de semaine dernière par la députée de Rennes Marie-Anne Chapdelaine après une journée en circonscription, reviennent en boucle chez les socialistes à l’approche des municipales. Mais François Hollande n’en a cure : tout à sa stratégie de relance de l’économie, il préfère mettre en scène la réunion du « conseil stratégique de l’attractivité » et la réception à Paris de 34 chefs d’entreprise étrangers.

Ils sont arrivés dimanche, pour un dîner avec le premier ministre Jean-Marc Ayrault, avant d’être reçus lundi à l’Élysée, en grande pompe, par le président de la République, en présence de dix ministres. Ces patrons, venus des cinq continents et qui pèsent 850 milliards d’euros de chiffres d’affaires dans le monde, n’emploient que 100 000 personnes en France. Parmi eux, des géants comme Siemens, SAP ou Nestlé, des PME du numérique, mais aussi des fonds d’investissement comme Blackrock, la banque espagnole Santander, les cabinets de conseil Ernst and Young ou McKinsey, les fonds souverains du Koweït et du Qatar, ou encore le fondateur et président du Forum de Davos.

« Nous n’avons pas peur des capitaux qui viennent investir en France, nous ne voulons pas nous protéger, nous n’avons pas une conception qui serait étriquée de notre intérêt national », a expliqué lundi le président de la République, à l’occasion d’un discours dans la droite ligne de ses vœux du 31 décembre et de sa conférence de presse du 14 janvier, et de nouveau à mille lieues de celui du Bourget il y a deux ans.

Comme lors de son déplacement aux États-Unis la semaine dernière, François Hollande a vanté les réformes de compétitivité mises en place « depuis 20 mois ». Il a ainsi évoqué « la simplification, notamment du marché du travail » en citant l’accord dit de sécurisation de l’emploi (Ani) et la réforme de la formation professionnelle. « Nous continuerons à aller dans cette direction », a promis Hollande devant le parterre de PDG étrangers, avant d’encourager « la conciliation » en cas de licenciements. Le pacte de responsabilité « vise à poursuivre l’allègement du coût du travail, amorcé par le CICE » et « il faut aussi simplifier nos règles » ainsi qu’un « pacte de visibilité sur la trajectoire fiscale pour les entreprises et pour les ménages », a-t-il ajouté. Avant de lister les mesures concrètes pour attirer les investissements, notamment la fusion des deux agences qui s’en occupaient jusque-là et la création d’un « passeport talents » doté d’un visa de quatre ans.

Pour François Hollande, là est l’essentiel de sa mission. Lui qui a échoué à inverser la courbe du chômage avant la fin 2013 sait qu’il sera jugé à la fin de son quinquennat sur l’emploi. « François Hollande fait sa campagne de 2017 », analyse un député qui connaît bien le chef de l’État. Depuis le début de l’année, il veut se consacrer à cette seule tâche, quitte à jeter par la fenêtre la loi famille et à déstabiliser encore plus son électorat.

À l’Élysée, son entourage est convaincu que la France est à un tournant : 2013 a été mauvaise économiquement et les instruments mis en place, comme les emplois d’avenir et les contrats de génération, touchent à leurs limites. À défaut de marge de manœuvre budgétaire, parler aux entreprises et toper avec le Medef est à leurs yeux la seule issue. D’autant plus que les derniers chiffres sur les investissements étrangers en France sont mauvais, sans être catastrophiques (lire notre article). C'est la raison pour laquelle, dans ses discours récents, le président de la République choisit uniquement des mots et des références « pro-business », selon l'expression d'un ministre, et n'essaie pas de raccrocher ses mesures à l'imaginaire traditionnel du PS. 

« Aujourd’hui être de gauche, c’est créer des emplois, d’abord et avant tout », explique-t-on dans l’entourage de François Hollande. « Le pacte de responsabilité est plutôt accepté par les ouvriers. À part dans une gauche très idéologisée, le discours n’est pas si critique », veut croire le très fidèle ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll.

Le « pari » de François Hollande repose d’abord et avant tout sur la « confiance », notion chère au chef de l’État. « La croissance, elle reviendra si la confiance est là, et vous êtes – investisseurs étrangers – un élément de cette confiance », a-t-il encore dit lundi. D’où la réticence de l’Élysée et de Bercy à mettre en place les fameuses contreparties exigées vis-à-vis du Medef de façon trop contraignante. « En économie, on n’a pas de sanction judiciaire ! Même en Chine ! L’engagement moral peut tenir lieu d’évaluation de politique publique. Et si cela ne marche pas, c’est nous qui serons sanctionnés par le peuple », explique un ministre de Bercy.

Et tant pis si, dans l’intervalle, le peuple de gauche est déboussolé, comme en témoignent les candidats aux municipales. Lundi sur France Info, la tête de liste PS aux européennes Édouard Martin a également exprimé ses réserves. « Je constate que le président essaie par tous les moyens de renverser une situation qui n'est pas simple. Maintenant moi je suis dubitatif. Je regarde, j'espère que ça va marcher », a-t-il expliqué. « On ne peut pas attendre tout de la seule baisse du coût de la main-d'œuvre qui, de mon point de vue, est un sujet un peu tronquéJe suis gêné aux entournures car on ne parle plus que de ça. Le patronat européen donne le la », a ajouté l’ex-syndicaliste d’ArcelorMittal. Mais Édouard Martin est candidat aux européennes. François Hollande, lui, s'est déjà persuadé que les élections intermédiaires seront mauvaises et que seul compte le dernier scrutin, celui où son nom sera sur le bulletin. En 2017. 

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Le communicant-journaliste de Brigitte Barèges aux frais de la collectivité

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Après avoir perdu son siège de députée en juin 2012, la maire UMP de Montauban (Tarn-et-Garonne) ne veut pas que la ville qu’elle a arrachée en 2001 aux socialistes lui échappe. Présidente de la fédération UMP du Tarn-et-Garonne et membre de la Droite populaire, Brigitte Barèges aurait, selon son ancien directeur de campagne, « mis en place un système de communication pro-Barèges » pour contrer l'opposition, « aux frais de la collectivité », jusqu'en décembre.

Sous contrat avec la mairie depuis septembre 2012 comme « chargé de communication », Jean-Paul Fourment affirme qu’il est rémunéré par la ville « pour faire des articles contre l’opposition », sous pseudonymes, dans deux journaux locaux. Il assure par ailleurs être devenu en septembre le directeur de campagne de Brigitte Barèges « sans contrat ». Saisie par deux élus socialistes, la procureure de la République de Montauban va ouvrir une enquête.

Jean-François Copé et Brigitte Barèges, présidente de la fédération UMP du Tarn-et-Garonne.Jean-François Copé et Brigitte Barèges, présidente de la fédération UMP du Tarn-et-Garonne. © dr

Brigitte Barèges avait déjà fait parler d’elle à l’occasion de plusieurs polémiques. En 2011, elle lance, en commission des lois, sur l’ouverture du mariage aux homosexuels : « Et pourquoi pas des unions avec des animaux ? Ou la polygamie ? » En 2012, elle préconise la « préférence nationale » contre le chômage, puis explique, en juin, qu’elle serait « ravie » que Marine Le Pen « soit élue à l'Assemblée nationale ».

En octobre, elle refuse d’inscrire des enfants d’étrangers dans les écoles de la ville, malgré les rappels à l’ordre du préfet, de l’inspecteur de l’académie et la mise en demeure du Défenseur des droits. Vendredi, elle a suscité un tollé en parlant de son seul colistier noir comme étant « la tache (de sa) liste ». La maire de Montauban s’était aussi fait remarquer pour avoir triplé son salaire en août 2012 et pour ses méthodes locales (racontées par Mediapart dans cette enquête).

Mais lundi, ce sont pour des faits susceptibles de revêtir la qualification pénale de détournement de fonds publics que la procureure de Montauban, Alix-Marie Cabot-Chaumeton, a été saisie par deux élus socialistes. La magistrate explique à Mediapart qu'elle a « reçu un dossier et une lettre » et qu'elle va « procéder à une enquête ». Dans ce courrier, que Mediapart a consulté, la députée Valérie Rabault et le conseiller général et municipal Claude Mouchard, souhaitent « alerter » la procureure sur les faits exposés par M. Fourment « en remettant la totalité des pièces qui (leur) ont été transmises ».

J.-P. Fourment et B. Barèges, le 14 septembre 2013, lors de la présentation aux militants de la campagne.J.-P. Fourment et B. Barèges, le 14 septembre 2013, lors de la présentation aux militants de la campagne. © Catpure d'écran d'une vidéo.

Ancien collaborateur de la ville de Paris sous Tiberi, Jean-Paul Fourment, 50 ans, a reçu en décembre une convocation pour un entretien préalable en vue d'une sanction de la ville de Montauban, suite à un désaccord.

D’après les contrats de travail que Mediapart s’est procurés, il est, depuis le 3 septembre 2012, « chargé de communication au service communication », « à temps complet » à la mairie de Montauban. Un travail que la ville rémunérait à hauteur de 3070,30 euros brut, d’après son bulletin de paie.

Mais Jean-Paul Fourment affirme à Mediapart que « (son) poste à la mairie ne correspond pas au travail que la Maire (lui) a confié ». « Je n'avais pas de bureau en mairie, ni de matériel, je travaillais avec mon ordinateur et téléphone personnel, à mon domicile. Depuis septembre 2012,  je fais quasi uniquement des articles politiques nationaux et locaux qui passent dans le journal local : le Petit Journal du Tarn-et-Garonne », affirme-t-il.

« Lorsqu’elle m’a embauché, elle m’a dit: "Ce que je veux de toi, c’est que tu puisses réagir à tout ce que va dire La Dépêche du Midi, et mettre en place un vrai système de communication. Donc officiellement, tu seras à la com, mais officieusement tu écriras dans Le Petit Journal et tu feras les articles que je veux que tu fasses." Et là, on part dans un délire complet, et j’y ai participé, sans en voir les conséquences. Elle a monté un système de communication pro-Barèges », avec « une stratégie organisée et structurée », relate-t-il.

Il détaille : « Madame Barèges me téléphonait et m'envoyait des mails jour et nuit, tous les jours pour me demander des articles à sa convenance et validés par elle. Ces articles paraissaient le lundi et le samedi dans le Petit Journal, signés par un pseudo – Sébastien Duhem – pour ne pas être reconnu par l'opposition. »

Brigitte Barèges s'assurait de la large diffusion du Petit Journal, selon Jean-Paul Fourment. Il affirme que la mairie, qui subventionne abondamment le journal, en rachetait le samedi jusque « 2 000 exemplaires » et que ces numéros étaient « distribués gratuitement sur le marché de la ville ». Contacté, Alain Paga, propriétaire de ce journal décliné dans douze départements, confirme que la mairie achetait régulièrement ses exemplaires, à hauteur de « 800 à 1000 euros ».

Des élus de l’opposition avaient fait constater par un huissier cette « distribution gratuite » et le stockage de « paquets de ce journal dans un véhicule de la mairie ». Lors du conseil municipal du 19 décembre 2012, Claude Mouchard s’était étonné des « efforts de communication » déployés par la mairie et des « liens étroits entretenus avec certains médias locaux »« C’est justement dans ce numéro (du Petit Journal, ndlr) du samedi que nous trouvons des articles laudateurs de votre action et des articles critiques et désobligeants sur vos opposant-e-s », notait l'élu. Combien d’exemplaires sont achetés et pour quel montant ? À cette question précise, Brigitte Barèges n’avait pas répondu (lire le compte-rendu de la séance).

Mais selon M. Fourment, « ce n’était pas suffisant, la maire voulait un journal numérique. Elle m'a dit : "Je vais pouvoir leur cogner dessus encore plus. Je te donnerai les thèmes, et comment il faut les traiter" ». Le chargé de communication explique qu’il a aussi réalisé, à partir d’octobre 2012, sous « différents pseudos », L’Insolent de Montauban, « à l'initiative et sous la coupe de la maire ». « Je l’écrivais également durant mon temps de travail. Ce journal diffusé sur le net tous les mercredis était de nature uniquement polémique contre l'opposition locale. »

Dans Le Petit Journal (exemples ici ou ), comme dans L'Insolent de Montauban, le but est limpide : il s'agit de mettre en avant la gestion de Brigitte Barèges et de critiquer l'opposition.

Un article signé Sébastien Duhem saluant la gestion de B. Barèges, dans le Petit Journal du 23 mars 2013.Un article signé Sébastien Duhem saluant la gestion de B. Barèges, dans le Petit Journal du 23 mars 2013.

Pour appuyer ses affirmations, Jean-Paul Fourment étale ses articles politiques et les nombreux emails dans lesquels Brigitte Barèges adresse ses « demandes », « précisions » et « validations ». Ces échanges par mail entre Mme Barèges et M. Fourment, que Mediapart a consultés, ne laissent aucun doute.

« Très bon les sanglots longs », le félicite-t-elle le 26 avril 2013, en annonçant l’envoi d’« un mail de l’UDI qui peut faire un prochain sujet ». Le 16 mai, dans un mail intitulé « article fibre corriger », elle suggère : « J’aurais parlé de la préhistoire et de la modernité. C’est l’image de dinosaures que j’ai eue en voyant applaudir au premier rang leur gourou la brochette Ampociello Gonzales Mouchard (conseillers généraux de gauche, ndlr) ». Le "journaliste" s’exécute. Dans l’édition du 18 mai, les lecteurs ont ainsi pu lire que « les politiques de gauche de Tarn-et-Garonne donnent parfois l’impression d’être dans un vaste Jurassic Park, où la modernité est bannie ».

La maire restructure aussi à sa guise les articles. « La réforme des retraites début excellent mais trop long. Tu pourrais le traiter en deux parties : - composition de la commission : les dés sont pipés ; - propositions : ça continue », explique-t-elle le 19 juin au sujet d’un article intitulé « Une réforme des retraites faite par des fonctionnaires, pour des fonctionnaires ».

Article signé Sébastien Duhem critiquant le candidat socialiste, dans le Petit Journal, le 16 novembre 2013.Article signé Sébastien Duhem critiquant le candidat socialiste, dans le Petit Journal, le 16 novembre 2013.

Aucun détail ne semble être laissé au hasard par Brigitte Barèges : « Oui mais je mettrais les photos à gauche du texte », préconise-t-elle le 11 septembre 2012, lorsque Jean-Paul Fourment lui soumet une version test de l’Insolent, « en adéquation avec ce que tu voulais ». « À la fin du premier paragraphe je rajouterais (déficit prévisionnel pour 2013 : 6,4 millions d'€ ) », suggère la maire le 11 octobre dernier ; « Tu remplaces le dernier paragraphe par une conclusion sur la crise » (16 octobre) ; « Tu as complètement zappé Pinel et le Préfet » (8 novembre).

Le dernier article de l'Insolent de Montauban, le 6 novembre 2013, moquant la députée PS Valérie RabaultLe dernier article de l'Insolent de Montauban, le 6 novembre 2013, moquant la députée PS Valérie Rabault

Et l'élue n’hésite pas à distribuer les bons et mauvais points : « Je n’aime pas du tout ton deuxième article sur les élus » (30 septembre 2012) ; « Tu l'as publié sans que je l'ai corrigé. Mais je te pardonne il est excellent et mériterait Valeurs actuelles » (12 octobre 2013) ; « Cet article est vraiment à compléter » (15 octobre ); « Renvoie-le moi après correction » (18 octobre).

Alain Paga, le propriétaire du Petit journal, ne voit pas le problème. « Fourment travaille à la com de la mairie, il faisait des articles, on les prenait ou non, on était contents, il était payé par la mairie », dit-il en invoquant un « département tout à fait spécial », où « l'on est face à un monopole de presse. On est un petit groupe de presse qui survit, les trois quarts de nos journalistes écrivent bénévolement ». Questionné sur la validation des articles par Mme Barèges, il répond : « Ça, c'est entre eux. »

Brigitte Barèges.Brigitte Barèges. © La Dépêche du Midi.

« Pendant quinze mois, j’ai travaillé nuit et jour, je n'ai pris aucun jour de vacances », raconte M. Fourment. Sa compagne, Nadine Baron, confirme : « Il travaillait jusque 3-4 h du matin, il recevait des coups de fil et mails de Madame Barèges en permanence, à n'importe quelle heure. »

Le chargé de communication avait fait part de son désaccord à la maire. Dans un mail du 1er octobre 2012, il lui écrit : « Je ne comprends pas pourquoi tu veux taper aussi fort sur Claude Mouchard ! Personnellement,  je ne suis pas dans la haine de l'autre, je vais faire ce que tu me demandes, après tout tu es la patronne mais tu fais une erreur (...) pratiquer comme tu le veux une information agressive ne rapporte rien... »

Les avocats de M. Fourment, Mes Jean-Robert Nguyen Phung et Cyril Caron, estiment que la maire a « mis en place un véritable système de communication parallèle ». Leur client, disent-ils, a « été "utilisé" par Madame Barèges pour animer deux leviers de communication pour son bénéfice personnel » car « les articles ainsi rédigés servaient exclusivement sa "cause politique" ». Ils soulignent « l'affectation à des tâches non conformes à l'emploi prévu » de Jean-Paul-Fourment, et notent qu'il n'a pas « rencontré les membres du service communication avec lesquels (il était) censé travailler ».

Ce que confirment à Mediapart des collaborateurs et élus. « Il n’avait ni bureau, ni téléphone, ni mail de la mairie. C’était de notoriété publique qu’il écrivait dans ces journaux, explique un collaborateur, sous couvert d'anonymat. Cela permettait à Alain Paga, qui n'avait pas de quoi payer des journalistes, d’avoir un journaliste à l’œil. »

Brigitte Barèges semblait consciente de ce problème. Dans un mail du 26 avril 2013 adressé à Jean-Paul Fourment, elle écrit : « À propos, il faut que tu négocies avec Paga une rémunération de pigiste symbolique même si tu vaux davantage (...) pour des questions de compte de campagne. En plus tu le mérites puisque tu fais vivre sa feuille de chou sur plusieurs départements. » Dans la foulée, Jean-Paul Fourment reçoit donc une rémunération du Petit Journal. « Depuis quelques mois, je le paye 500 euros par mois. Pour être carré », confirme Alain Paga.

Sollicitée lundi midi par Mediapart, Brigitte Barèges a organisé dans l'après-midi une conférence de presse spéciale, en présence d'une partie de ses élus et colistiers pour « devancer une éventuelle affaire concernant une plainte qui aurait été déposée contre elle pour détournement de fonds public (source Mediapart) ». Aucune plainte n'a pourtant été déposée. La maire a aussi posté cette vidéo sur son site :

M. Fourment a été embauché « en mairie en septembre 2012 » et était « en parallèle pigiste au Petit Journal », c'est « tout à fait déclaré », a-t-elle dit. « La justice ne me fait pas peur »« on n'a rien à se reprocher ». À un journaliste qui lui demandait si elle savait que son chargé de communication écrivait l'Insolent de Montauban, elle a répondu : « Demandez-le-lui, à lui. »

Son attaché de presse de campagne, Thierry Deville, invoque auprès de Mediapart le « double statut » de Jean-Paul Fourment, « un statut de salarié à la mairie » pour ses tâches de « communication institutionnelle » et celui « de pigiste au Petit Journal » pour ses « articles politiques ». Questionné sur l'influence de Brigitte Barèges sur le contenu, il explique : « Si le journaliste accepte d'être amendé, c'est son problème. »

J.-P. Fourment (en blanc, avec la main sur l'oreille), fin septembre 2013, lors d'une conférence de presse de B. Barèges.J.-P. Fourment (en blanc, avec la main sur l'oreille), fin septembre 2013, lors d'une conférence de presse de B. Barèges. © dr

Dans ce dossier, un autre point interroge : les conditions dans lesquelles M. Fourment a exercé ses fonctions de directeur de campagne de Brigitte Barèges. Fin septembre, la candidate UMP a présenté à la presse son directeur de campagne à l'occasion du lancement de sa campagne municipale. Mais Jean-Paul Fourment assure qu'il s'est vu confier ce poste « sans contrat et sans salaire, en plus de (son) travail initial ». Il explique que son contrat de chargé de communication à la mairie a alors basculé en temps partiel. Mais d'après son bulletin de paie, son salaire n'est pas sensiblement modifié (2 936 euros brut). En interne, des collaborateurs auraient alerté la maire sur ce statut irrégulier. « Sur le contrat, je ne peux pas vous répondre. Je suis étonné », explique Thierry Deville.

M. Fourment affirme avoir manifesté à plusieurs reprises ses réticences à Brigitte Barèges. « Elle me répondait : “Et maintenant qui va vouloir de toi ? Tu continues” ou“Tu es sur la même barque, tu es obligé de rester” », rapporte-t-il. « J’ai vu le piège se refermer sur moi. Je ne savais plus comment faire. Je voulais partir mais je ne savais pas où aller », dit-il.

Après avoir signifié son envie « de ne plus écrire pour elle » en décembre, le chargé de communication a reçu une convocation pour un entretien préalable. Sa femme, sous contrat avec la ville entre octobre et décembre comme « chargée de mission “Veille de proximité” » a appris à Noël qu’elle n’était pas renouvelée. Le 10 décembre, La Dépêche du Midi annonce le « divorce » entre la candidate et son directeur de campagne.

Jean-Paul Fourment allonge la liste déjà très fournie des directeurs de cabinet et collaborateurs qui ont claqué la porte de la mairie, ou bien ont été démis de leurs fonctions par Mme Barèges. En 2011, son ancien adjoint et bras droit Pierre Poma, parti deux ans plus tôt à la suite de « désaccords », avait détaillé à Mediapart les méthodes de l'élue.

BOITE NOIRENous avons sollicité Brigitte Barèges lundi midi, à son cabinet en mairie, pour un entretien. En réponse, nous avons reçu un sms de sa directrice de cabinet, Laurence Got Villier, nous informant que la maire « tiendra un point presse cet après-midi à 16h30, en mairie ». Nous l'avons recontactée à plusieurs reprises. C'est finalement l'attaché de presse de campagne de Mme Barèges qui nous a répondu, en fin de journée.

Mediapart avait publié en mai 2011 un portrait-enquête de Brigitte Barèges. L'élue avait attaqué Mediapart en diffamation. Le tribunal correctionnel de Toulouse avait déclaré la citation irrégulière en août 2012. La maire de Montauban avait fait appel, avant de se désister, six jours avant l'audience.

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Hénin-Beaumont : l'Ifop joue Marine Le Pen

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Vous n’y échapperez pas. Voici le sondage Ifop le plus sensationnel, et le plus douteux de la campagne municipale. Dans les médias, il va alimenter jusqu’à plus soif les commentaires autorisés, et les questions bien informées, tout au long des débats de la journée. Or ce sondage n’a aucun sens. C’est l’Ifop lui-même qui le dit, mais à voix basse.

Parlons-en donc puisqu’on en parle. Il s’agit d’un sondage sur Hénin-Beaumont, et il frappera les esprits. Il est commandé par La Voix du Nord et par Europe 1, et contrairement au sondage CSA du 15 janvier qui donnait le Front national battu à 54-46, cette fois l’Ifop place en tête le candidat de Marine Le Pen, Steve Briois.

Briois l’emporterait au second tour avec 50,5 % des voix contre 49,5 % à Eugène Binaisse, maire sortant divers gauche, après être sorti en tête au premier tour avec 44 % contre 35 % à Binaisse, 5 % au Front de gauche, 8 % au divers gauche,  2 % au MRC, et 6 % à l’UMP.

Le candidat « bleu marine » élu dans la ville emblématique d’Hénin-Beaumont, tenue par le PS depuis la dernière guerre, vous imaginez l’impact ! Même un basculement de Paris, ou de Marseille, provoquerait moins d’émotion. Cette victoire, d’ailleurs possible, serait la preuve irréfutable d’un mouvement majeur dans la politique française : la fille de Jean-Marie Le Pen aurait donc réussi le pari de dédiaboliser le parti de son papa !

Le problème, c’est le sondage. Ou plutôt sa prétention millimétrique. Ainsi un institut en vue propose un résultat d’une précision d’un demi-point, et d’un écart total d’un point. À Hénin-Beaumont, si la participation devait être de 70 % le jour du vote, un point représenterait 140 électeurs, et le glissement d’un demi-point, celui qui ferait la bascule, serait de 70 voix !

Or que précise la notice établie par l’Ifop (tableau ci-dessous) ? Que le sondage est établi sur une base de 500 personnes, et que la marge d’erreur, pour un résultat qui flirte avec les 50 % est de 4,5 % !

4,5 en plus, ou 4,5 en moins.

Donc, à Hénin-Beaumont, la marge d’erreur est de 630 voix en plus ou en moins, et l’incertitude du sondage est de 1 260 voix.

Une erreur potentielle de plus de 1 260 unités mais un résultat proclamé avec un écart de 70 bulletins.

Répétons-le. Il se peut que le Front national emporte la ville d’Hénin-Beaumont, il se peut que l’événement ait une portée considérable, mais il se peut aussi le contraire.

Le problème n’est pas que des parieurs misent sur une hypothèse ou sur une autre, ils en ont le droit, c’est que ces bookmakers-là se fassent passer pour des sondeurs, c’est-à-dire des scientifiques, et qu’en dépit des marges d’erreur connues de tous mais négligées dans le même mouvement, les médias les plus sérieux donnent du crédit à ce qui est le pire ennemi de l’info, c’est-à-dire à l’intox…

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Ali Ziri : première victoire pour la famille devant la Cour de cassation

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Même ténue, c’est une victoire pour la famille d’Ali Ziri qui, depuis le 11 juin 2009, se bat pour savoir pourquoi ce retraité algérien de 69 ans est décédé, asphyxié, suite à son interpellation par la police d’Argenteuil. Mardi 18 février 2014, La chambre criminelle de la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui confirmait le non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par un juge d’instruction de Pontoise.

Comme souvent dans les affaires de violences policières, l’instruction s’est réduite à une bataille d’experts, sans aucun autre acte d’enquête. Alors qu’un premier cardiologue avait pointé une bien commode « cardiomyopathie méconnue », deux expertises ont ensuite mis en cause la technique du pliage. Un procédé que les policiers d’Argenteuil ont reconnu avoir utilisé pour maintenir le vieil homme durant le trajet vers le commissariat.

Dans son rapport de juillet 2009, l'ancienne directrice de l'institut médico-légal de Paris indiquait ainsi qu'Ali Ziri, fortement alcoolisé ce soir-là, était décédé « d'un arrêt cardio-circulatoire d'origine hypoxique par suffocation multifactorielle (appui postérieur dorsal, de la face et notion de vomissements) ». L’autopsie avait en effet montré une vingtaine d'hématomes sur le corps d'Ali Ziri, pouvant « correspondre à des lésions de maintien », ainsi que des signes d'asphyxie mécanique des poumons. En avril 2011, une nouvelle expertise confirmait : l'arrêt cardiaque d'Ali Ziri a bien été causé par « un épisode hypoxique (une diminution de la quantité d'oxygène apportée aux tissus – ndlr) en rapport avec les manœuvres d'immobilisation et les vomissements réitératifs ». Dans son avis de mai 2010, feu  commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait-elle dénoncé comme «inhumain et dégradant» le fait d'avoir laissé Ali Ziri et son ami, interpellé en même temps, «allongés sur le sol du commissariat, mains menottées dans le dos, dans leur vomi, à la vue de tous les fonctionnaires de police présents qui ont constaté leur situation de détresse, pendant environ une heure».

Malgré cela, aucun des trois juges d’instruction qui se sont succédé sur cette affaire n’a jugé utile d’auditionner les policiers concernés, ni les témoins présents ce soir-là au commissariat. Ils n'ont pas non plus visionné la bande des caméras de la cour du commissariat qui montre selon la CNDS comment Ali Ziri a été «littéralement expulsé du véhicule» puis «saisi par les quatre membres, la tête pendante, sans réaction apparente, et emmené dans cette position jusqu'à l'intérieur du commissariatAucune reconstitution n’a été réalisée.

Et, le 15 octobre 2012, le juge d’instruction Jean-Marc Heller refermait le dossier, écrivant tranquillement que l'enquête « n'a établi aucun acte de violence volontaire qui aurait été la cause directe ou indirecte du décès de M. Ali Ziri, ni aucune faute directe ou indirecte imputable à quiconque qui aurait involontairement causé sa mort ». Le 28 février 2013, la chambre de l’instruction confirmait ce non-lieu. Motif ? Les divergences entre les différentes expertises médicales et l’impossibilité de déterminer avec certitude la cause du décès. Dans la foulée, la chambre jugeait cependant inutiles les demandes de reconstitution, de visionnage des bandes des caméras du commissariat et d’audition des policiers…

Un peu court, l’a rembarrée, le 18 février 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation. « En se déterminant ainsi sans rechercher si les contraintes exercées n’avaient pas été excessives au regard du comportement de l’intéressé et si l’assistance fournie avait été appropriée, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision », tranche la plus haute juridiction. «C’est une première victoire depuis cinq années que cette affaire dure, se réjouit Me Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ali Ziri. Il s’agit d’un véritable camouflet au Juge d’instruction qui n’a pas instruit correctement ce dossier malgré mes demandes. C’est aussi un camouflet à la chambre de l’instruction de Versailles qui s’est cachée derrière son petit doigt.»

Pour Me Paul Mathonnet, qui a plaidé devant la Cour de cassation, «cette affaire est très révélatrice non tant des problèmes d'usage de la force publique, mais des difficultés de l'autorité judiciaire à gérer ce genre d'affaires en toute impartialité». Y aura-t-il un jour un procès dans l’affaire Ali Ziri ? C’est désormais à la Cour d’appel de Rennes, désignée par la Cour de cassation, de trancher. Elle peut soit à nouveau confirmer le non-lieu, soit l'infirmer, soit demander des mesures d'instructions complémentaires.

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Comment la famille Peugeot a perdu les commandes

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Jusqu’au bout, Thierry Peugeot a espéré pouvoir conserver le pouvoir de la famille sur le constructeur automobile. Jusqu’au bout, il s’est battu, face à ses cousins, face au gouvernement, face aux administrateurs, pour tenter de garder la main. Il a perdu. Le conseil d’administration du 18 février a entériné la perte de contrôle de la famille Peugeot sur le groupe. Une augmentation de capital de 3 milliards d’euros a été approuvée.

Désormais, ce sont le constructeur chinois Dongfeng et l’État français, apportant chacun 800 millions d’euros, ce qui donnera à chacun 14 % du capital, vont se partager le contrôle du groupe. La famille, malgré les exhortations de Thierry Peugeot, va se retrouver diluée, passant de 25,4 % à 14 %, et perdre ses droits de vote double qui lui donnaient 38,1 % des voix.

Ultime outrage : Thierry Peugeot ne conservera pas la présidence du conseil de surveillance du groupe, comme il l’espérait. C’est Louis Gallois, promu sage de la République et qui, à ce titre, collectionne les mandats et les missions, qui devrait être nommé à sa place.

Thierry Peugeot et Philippe VarinThierry Peugeot et Philippe Varin © Reuters

Dans l’histoire industrielle de la France, cet épisode constitue un tournant important. La famille Peugeot participe au paysage économique du pays depuis 200 ans. À de nombreux égards, l’événement ressemble au moment où la famille Wendel, en 1978, abandonna la sidérurgie. Là aussi, l’État fut appelé à la rescousse pour nationaliser partiellement les hauts fourneaux de Lorraine. La famille, moins déchirée que celle des Peugeot, avait décidé de tirer un trait sur l’industrie lourde pour préserver son capital et le faire fructifier dans la finance, sous l’impulsion des cousins Pierre Celier et Ernest-Antoine Seillière. Une évolution qui tente beaucoup une partie de la famille, emmenée par Robert Peugeot. Pour lui, Wendel est le modèle à suivre pour sauver la fortune familiale.

Ce dernier épisode, marqué par les cris et les déchirements, était inévitable à en croire de nombreux observateurs. Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement trouve le dossier PSA sur la table. Le constructeur automobile, qui produit et vend quasi uniquement en Europe, est l'un des plus affectés par la chute du marché automobile européen : en six ans de crise, le volume des ventes en Europe est retombé au niveau de 1995. PSA affiche des chutes à deux chiffres.

Le groupe a déjà lancé un vaste programme d’économies. La fermeture de l’usine d’Aulnay est prévue depuis juillet 2010, mais repoussé après l’élection présidentielle de 2012, afin de ne pas avoir d’interférences politiques. Un plan de licenciement de 8 000 personnes, soit près de 10 % des effectifs, est engagé. Malgré cela, PSA s’écroule. Les déficits s’empilent. PSA consomme plus de 3 milliards d’euros de trésorerie et menace de s’écrouler, asphyxié financièrement. 

Le point de non-retour est franchi en octobre 2012. L’État français est obligé dans l’urgence d’apporter une garantie de 7 milliards d’euros à PSA Finance, la banque du groupe qui assure le crédit auto et une partie du réseau de distribution. La garantie de l’État à la filiale bancaire du groupe est accordée jusqu’en 2016. Mais à partir de cette date, Bercy a tranché : l’État ne peut plus se désintéresser de PSA : « risque systémique », a déclaré le ministère des finances.  

À Matignon et au ministère du redressement productif, l’analyse est partagée, mais pour des raisons différentes. L’automobile représente encore le premier secteur industriel français. Plus de 245 000 personnes y travaillent. PSA compte à lui seul 80 000 salariés. Impossible d’abandonner le groupe. D’autant que tout le secteur en subirait le contrecoup. Derrière, il y a toute la chaîne de sous-traitance, les équipementiers. Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, reconnaît lui-même que les difficultés de PSA rejailliraient sur son groupe. Défait lors de la fermeture de Florange, Arnaud Montebourg réussit cette fois-ci à convaincre le reste du gouvernement : l’État est prêt à entrer au capital de PSA, de façon minoritaire, si cela peut éviter sa faillite ou sa prédation.

Dès lors, chacun s’active pour trouver une solution. Banquiers et conseils ont depuis longtemps dressé le constat de carence de PSA : le groupe est trop petit, trop européen dans un secteur qui est désormais mondialisé. Là où PSA produit 2,8 millions de voitures, Renault-Nissan en construit plus de 8 millions, Volkswagen plus de 9 millions. Dans une industrie à faible marge, les volumes font toute la différence.

« Il y a quinze ans, Volkswagen et PSA étaient au même niveau de production », remarque un connaisseur du dossier. « Entre temps, l’industrie automobile a profondément changé. Tous n’ont pas choisi le même modèle. Volkswagen a choisi la multiplicité des marques et internationalisation forcée, BMW a opté pour une politique de haut de gamme, Renault a fait alliance avec Nissan et choisi le low cost, Fiat a pris le contrôle de l’américain Chrysler. Peugeot n’a rien choisi du tout. Il est resté assis alors que tout le monde bougeait. »

Un ancien haut responsable de PSA fait le même constat d’immobilisme. « Depuis la mort de Pierre Peugeot, le groupe n’avance plus. Thierry a une vision passéiste du groupe. Sa préoccupation était d’assurer le contrôle familial, de se montrer à la hauteur de la tradition. D’une certaine façon, il pensait que la famille était indestructible. Il n’a pas vu ou pas voulu voir les changements. Car il a en plus un mal congénital à décider », explique-t-il.

Tous les connaisseurs du groupe et de ses arcanes familiales font remonter la paralysie du groupe à la mort de Pierre Peugeot et du compromis familial qui a suivi. Figure tutélaire du groupe, Pierre Peugeot meurt en 2002, sans avoir eu le temps d’organiser sa succession. Faute d’un successeur qui se distingue, les trois branches de la famille qui contrôlent PSA, au travers d’une cascade de holdings, décident de se partager le pouvoir en fonction de leur poids capitalistique. Thierry, qui représente le plus d’actions, obtient la présidence du conseil de surveillance ; Robert, le cousin, obtient la conduite de la FFP, la holding familiale chargée de la diversification de la fortune des Peugeot, mais devient en même temps membre du conseil exécutif de PSA avant de devenir membre du conseil de surveillance ; Jean-Philippe, le troisième cousin, est nommé vice-président du conseil de surveillance.

Philippe Varin dans l'usine de Dongfeng.Philippe Varin dans l'usine de Dongfeng. © Reuters

Si les dissensions sont fréquentes entre les cousins, tous se retrouvent et font bloc dès que l’essentiel est en jeu : le pouvoir familial ne se partage pas, ne se négocie pas. Plus de huit membres de la famille sont ainsi placés à différents postes de responsabilité du groupe. Cela finit par créer une hiérarchie parallèle, occulte chez PSA.

Tous les présidents du directoire du groupe s’y useront. En dix ans, le constructeur automobile a connu pas moins de trois dirigeants : Jean-Martin Folz, Christian Streiff, Philippe Varin. Tous venus de l’extérieur. « Des industriels qui connaissaient bien le monde industriel mais pas l’automobile », regrette un observateur. Car le groupe est incapable de trouver un dirigeant issu de ses rangs : « Aucun responsable ne peut émerger. Dans le groupe, il n’y a qu’un pouvoir, celui des Peugeot. Cela aurait été en quelque sorte les défier sur leur terrain », explique un ancien responsable. Les trois présidents extérieurs sont repartis, épuisés.

Car Thierry Peugeot a un mot sur tout, se mêle de tout, freine sur tout. Quand PSA gagne encore très bien sa vie, dans les années 2000, il préfère que le groupe verse des dividendes plutôt que d’investir. Le constructeur a dépensé, en outre, plus de 3 milliards d’euros de trésorerie entre 2002 et 2007 pour racheter ses propres actions, afin de permettre à la famille, qui s’était laissée diluer, de remonter dans le capital jusqu’à 25 % et renforcer son pouvoir, sans verser un centime.

Pour le reste, la famille entend faire comme avant, surtout ne rien bouger, ne rien précipiter. Le groupe, qui s’est développé sur le marché des berlines, met un temps infini à comprendre que ce segment est en perte de vitesse. Il faudra dix ans à Peugeot avant de lancer des modèles 4X4. Ils sortiront quasiment au moment où la mode est passée. Le groupe réagit avec le même retard sur les boîtes automatiques, la relance des marques, la reprise d’anciens modèles – la DS notamment – comme l’ont fait avant lui BMW avec la mini Cooper ou Fiat avec la Fiat 500. « C’est dommage. Les ennuis de PSA arrivent au moment où le groupe a fait de vrais efforts. Les modèles de Peugeot comme de Citroën, tant en termes de qualité, de design, de fiabilité, sont de vraies réussites. Ils soutiennent largement la comparaison avec les voitures allemandes », relève un patron du Cac 40.

Mais PSA manque toujours d’un moteur. Depuis plus de vingt ans, le constructeur a parié sans discontinuer sur le développement du diesel – un pari engagé sur une niche fiscale au début des années 1980 par son dirigeant d'alors, Jacques Calvet, par ailleurs ancien inspecteur des finances. Le moteur diesel est de plus en plus combattu, compte tenu de ses nuisances pour la santé et l’environnement.  PSA n’a aucune alternative, ni moteur hybride ni moteur électrique.

L’attentisme a encore été plus grand, dès qu’il s’est agi d’alliance. En vingt ans, Peugeot a envisagé de se marier avec tout le monde ou presque : Fiat, Toyota, BMW, Mitsubishi, General Motors, Ford, etc. Finalement, toutes les discussions n'ont abouti à rien ou, au mieux, à des coopérations techniques partielles dans les monospaces avec Fiat dans l’usine de Sevelnord à Valenciennes, avec BMW dans la fabrication de moteur à essence pour petites voitures. La première coopération a été dénouée à la fin de l’année dernière, la seconde en septembre. « BMW avait acquis le savoir faire pour les moteurs de petite cylindrée. Il n’avait plus besoin de PSA », dit un expert.

« L’alliance qui aurait fait le plus de sens était celle avec Mitsubishi. Les deux groupes étaient parfaitement complémentaires. Mais il y avait des problèmes de parité boursière. Il fallait que la famille accepte de se laisser diluer. Thierry Peugeot ne l’a pas voulu », raconte un ancien responsable.

Lorsque Philippe Varin propose une alliance avec GM en 2011, l’idée est accueillie tout aussi fraîchement par la famille Peugeot : elle ne voit pas l’avantage à se rapprocher du constructeur américain, alors tout juste convalescent. GM prendra finalement 7% du capital de PSA en février 2012. Mais l’alliance ne se portera aucun fruit. « Le rapprochement sur le papier faisait beaucoup de sens. Dans la réalité, ils se sont aperçus que c’était beaucoup plus difficile que prévu. L’automobile américaine est très différente des modèles japonais ou européens. À part Opel, il n’y a pas beaucoup de terrain d’entente. Mais le gouvernement allemand ne voulait pas qu’Opel se rapproche de PSA. Et puis, les hommes qui portaient le projet n’avaient plus le pouvoir. Le patron de GM, Dan Akerson, était parti. Ses successeurs ne voyaient plus l’intérêt d’une alliance avec PSA. Philippe Varin était déjà fortement déstabilisé par Thierry Peugeot », explique un banquier.

Au fur et à mesure que les difficultés financières s’accentuent dans le groupe, les tensions s’exacerbent dans le groupe. D’abord, au sein de la famille. Robert Peugeot conteste de plus en plus la voie suivie, et maintient qu’il est grand temps pour la famille de prendre du large pour aller faire prospérer sa fortune ailleurs. Thierry Peugeot, lui, veut maintenir coûte que coûte le contrôle familial. Pour aider le groupe financièrement très mal en point, il pense aller trouver des fonds souverains, solliciter le Qatar ou le Koweït, ou d’autres encore.

Mais les relations deviennent franchement mauvaises entre Thierry Peugeot et Philippe Varin. Tandis que le représentant familial cherche de nouveaux actionnaires bienveillants pour aider PSA, Philippe Varin lui va frapper à la porte du chinois Dongfeng.

Si Citroën a été le premier constructeur à tenter sa chance sur le marché chinois, dès le début des années 1990, il n’en a jamais vraiment tiré profit. Faute de suivi et d’investissement commercial, il s’est laissé devancer au fil des années par Volkswagen, Mercedes, BMW, GM. À partir de 2006, PSA a créé une Chine une co-entreprise avec Dongfeng. En 2010, le groupe français décide de pousser les feux pour accélérer son développement sur le marché chinois.

Dongfeng est tout à fait désireux de pousser cette alliance : le constructeur français lui apporte beaucoup en matière de technologies, de motorisation et de savoir-faire. Aussi, quand Philippe Varin va lui proposer d’approfondir les relations en nouant des liens capitalistiques avec PSA, le groupe chinois est tout à fait d’accord. Épaulé par GM d’un côté, Dongfeng de l’autre, PSA devrait être ainsi suffisamment équipé pour passer la tempête. D’autant que l’État, sur le qui vive depuis le sauvetage de PSA Finance, est prêt lui aussi à participer à une augmentation de capital.

Mais GM, qui a son propre calendrier chinois, n’est pas du tout d’accord. Les liens se rompent avec le constructeur français. Le divorce sera officiellement prononcé en décembre 2013.

© Reuters

Les négociations se poursuivent quand même entre PSA, Dongfeng et l’État. Refusant de donner carte blanche à la famille Peugeot, le responsable de l’agence des participations de l’État, David Azéma, se rend en Chine à l’automne négocier directement avec Dongfeng, sans en avertir les actionnaires familiaux. Il y obtient ce qu’il cherche : l’assurance d’une égalité parfaite entre l’État et le constructeur chinois, en capital, en droits, en membres au conseil, au moment de l’inévitable augmentation de capital. Chacun s’engage à ne pas bouger pendant dix ans. Mais chacun défend sa partie.

 Si l’État peut être satisfait de cette négociation, qui lui permet de consolider la présence et l’avenir du constructeur en France, chez PSA, c’est le drame. Un double drame, même. D’abord, Thierry Peugeot ne supporte pas l’idée que le groupe puisse échapper au contrôle familial. Car il le sait : la famille n’a ni les moyens ni la volonté de participer à l’augmentation de capital, évaluée au moins à 3 milliards d’euros. Voir l’État se substituer à la famille est la traduction de son échec…

De plus, il considère que Philippe Varin, le président du directoire, participe à la trahison. Il lui impute directement la responsabilité des mauvaises manières de David Azéma à son égard : que le représentant de l’État n’ait même pas pris la peine de l’informer de son voyage en Chine et de ses négociations avec Dongfeng sur l’avenir de PSA lui est insupportable. Dès lors, la rupture entre Thierry Peugeot et Philippe Varin est consommée.

Le dénouement a lieu fin novembre, lors du conseil d’administration de PSA. La réunion, qui devait porter sur les plans d’économie et le futur rapprochement avec Dongfeng, se transforme en règlement de comptes. Thierry Peugeot a inscrit par surprise la destitution de Philippe Varin, qui venait juste d’être renouvelé, et son remplacement par Carlos Tavares.

Numéro deux chez Renault-Nissan, celui-ci avait déclaré en juillet qu’il se sentait de taille de prendre la direction d’un grand groupe automobile. Mais on ne peut pas vouloir être calife à la place du calife quand on travaille avec Carlos Ghosn, très ombrageux quand il s’agit de son pouvoir. Il avait démissionné son numéro deux sur le champ. « C’est  Thierry Peugeot qui est allé chercher seul Carlos Tavares », assure un banquier. Et une fois encore, le conseil de PSA suit le chef de la famille Peugeot.

Ultime vengeance de Thierry Peugeot : le président du conseil de surveillance, qui a toutes ses entrées auprès des salariés du groupe et

Carlos TavaresCarlos Tavares © Reuters
des syndicats, fait fuiter discrètement le montant de la retraite chapeau que le conseil de PSA avait accordée à Philippe Varin au moment de sa venue. La révélation d’une retraite de 310 000 euros, alors que le groupe licencie et que l’État est obligé de voler à son secours, a l’effet escompté : c’est la polémique.

Très courageusement, les membres de l’association française des entreprises privées (AFEP) pressent Philippe Varin de renoncer à cette retraite, afin d’éteindre au plus vite l’incendie et d’éviter des « mesures préjudiciables pour tout le monde ». Philippe Varin annonce très vite qu’il renonce à tout avantage, en dehors de ses droits légaux. Thierry Peugeot se réjouit en secret que le groupe n’ait pas à payer un centime de plus à l’ancien président du directoire. « Les syndicats ont compris après combien ils avaient été utilisés. Certains n’en sont pas très fiers », raconte un salarié.

La petite satisfaction de Thierry Peugeot sera de courte durée. Car l’affrontement reprend au sein de la famille. Thierry, qui ne veut pas être celui qui a perdu le contrôle familial chez PSA, cherche tous les moyens pour éviter cet affront. Contre toute vraisemblance, alors que la capitalisation boursière de PSA ne dépasse pas 4,5 milliards d’euros, il maintient qu’une augmentation de capital de 3 milliards d’euros est possible sur le marché, sans le recours de Dongfeng et de l’État français, la famille assurant un peu sa part. Son cousin, Robert Peugeot, appuyé par Jean-Philippe, soutient qu’il est temps pour la famille de passer à autre chose.

Le conflit est tranché le 17 janvier, lors d'un nouveau conseil dramatique. Avec l’appui d’administrateurs « indépendants », notamment Louis Gallois et Patricia Barbizet, la position de Thierry Peugeot est mise en minorité. La voie est libre pour l’entrée de Dongfeng et de l’État français au capital de PSA.

Le conseil du 18 février a entériné la solution, qui devrait être officiellement présentée le 19, avec les résultats certainement encore catastrophiques du groupe. L’augmentation de capital devrait être lancée dans les prochaines semaines. Dans le même temps, PSA Finance, la banque du groupe, va être adossée à la banque espagnole Santander. Ce qui va diminuer d’autant les risques pour l’État.

Mais PSA n’en a pas encore fini avec les velléités de la famille. S’inspirant de l’exemple de la famille Wendel, qui avait su retirer avant la débâcle de sa sidérurgie quelques actifs très rémunérateurs, Robert Peugeot aimerait bien soustraire au groupe une ou deux sociétés de qualité qui sont dans le giron du groupe. Il lorgne notamment sur l’équipementier automobile Faurecia. Un analyste de JP Morgan a justement préconisé la semaine dernière la sortie de l’équipementier du groupe. Hasard, JP Morgan est justement la banque conseil du conseil de surveillance de PSA, c’est-à-dire de la famille.

Désireux d'en finir vite, Philippe Varin a démissionné de ses fonctions de la présidence du directoire pour laisser la place à Carlos Tavares, qui piaffe d’impatience. Beaucoup regardent avec doute et inquiétude l’arrivée de cet homme qui connaît certes fort bien l’automobile, mais qui a été formé à l’école de Carlos Ghosn, faite de brutalité et d’ego surdimensionné. Ils se demandent si son parachutage dans un groupe à la culture très discrète, traumatisé par les restructurations, les licenciements, la crainte de la faillite, est une bonne chose. Bref, si la greffe peut prendre et s’il sera l’homme providentiel annoncé.

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Pierre Serne : « L'écologie politique, trente ans de mille-feuille politico-culturel »

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C'est un opuscule qui se lit comme on se promène dans un panthéon vert. À la place de grands hommes, on y croise des figures écolos (ce qui n'est pas forcément incompatible) : de René Dumont à Cécile Duflot, en passant par Alain Lipietz, Antoine Waechter, Brice Lalonde, Dominique Voynet ou Noël Mamère…

À l'occasion des trente ans de la naissance des Verts, le politiste Pierre Serne (qui est aussi un récent candidat d'ouverture d'Europe Écologie-Les Verts – EELV –, devenu vice-président chargé des transports de la région Île-de-France) revient sur le cheminement des écologistes en politique, entre luttes internes de pouvoir, progressif ancrage à gauche et permanence du rapport de force avec le PS. Il insiste sur l'idée que « l'écologie s'est toujours construite dans la résistance… ». Jusqu'à la prise de conscience : « Avec ses premiers élus régionaux et municipaux à la fin des années 1980, les écolos estiment qu'il faut être dans les endroits où se prennent les décisions, car, pour un écolo, “on ne peut pas attendre”. » Et d'expliquer pourquoi, désormais, les écologistes ont pour ligne conductrice « la volonté d'appliquer (leurs) solutions chaque fois que c'est possible partout où c'est possible ».

Des Verts à EELV, 30 ans d'histoire de l'écologie politique (éditions Les Petits Matins), 120 pages, 5 euros.

Retrouvez en cliquant ici nos précédentes chroniques d'essais dans la Boîte à idées

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« Tumeurs et silences » autour de l'étang de Berre

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Extrait de « Tumeurs et silence » de Jacques WindenbergerExtrait de « Tumeurs et silence » de Jacques Windenberger

 À Martigues, Fos-sur-Mer, Port-de-Bouc... , pétrochimie et sidérurgie sécrètent dans le même temps la majorité des emplois du secteur... et les pollutions industrielles.

Dans les années 1970 puis quarante ans plus tard, de 2010 à 2013, le photoreporter Jacques Windenberger a réalisé 50 heures d'entretien et pris des milliers de photos autour de l'étang de Berre, non loin de Marseille. Ici, mercure, amiante, émanations de la cokerie, provoquent des cancers. Mais « on ne parle pas de ça, on se cache », dit une habitante. « On n'a pas de chiffres », renchérit un médecin. « On a une évaluation, mais pas de comptage réel de la pollution de l'air », poursuit un expert. Pourquoi une telle omerta ? Parce que les emplois priment sur la santé ? Parce que les maladies ont d'abord touché les sous-traitants principalement immigrés ?

Le documentaire Tumeurs et silences de Jacques Winderberger assemble les pièces accablantes d’un puzzle d'où il ressort que les politiques sont quasi impuissants face aux multinationales. Nous vous proposons ci-dessous un montage de 21 minutes du film. 

La version longue du film Tumeurs et silences (78 min) sera prochainement projetée au Pavillon Carré de Baudouin, 121, rue de Ménilmontant, 75020 Paris. En effet, du 7 avril au 26 mai prochain, le collectif de journalistes, rédacteurs et photographes Argos – dont Jacques Windenberger est membre – organisera une exposition dans ce pavillon autour du projet Gueule d'Hexagone.

Gueule d'Hexagone est une enquête menée en France entre l'automne 2010 et l'été 2011 : six duos de journalistes ont enquêté sur six territoires. Un livre préfacé par Gérard Mordillat a été édité en 2012.   

 

Jacques Windenberger est aussi l'auteur du livre Un même monde (parution 2011) qui en quatre cents photographies raconte les bouleversements de la société française depuis les années soixante. Ce travail a été exposé en 2010 aux rencontres photographiques de Sète, Images singulières.

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Les réseaux russes de Marine Le Pen

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Marine Le Pen ne se contente pas de défendre une « alliance stratégique poussée » avec la Russie et de dire toute son « admiration » pour Vladimir Poutine. Son parti et son entourage cultivent de solides réseaux russes, à Paris comme à Moscou, dans des cercles politiques et économiques. Ces liens dépassent la géopolitique.

Au cœur de ces réseaux franco-russes, on trouve Aymeric Chauprade. Éminence grise de Marine Le Pen depuis quatre ans, ce géopoliticien tient depuis l'automne un rôle officiel : il est devenu son conseiller spécial, le responsable de la fédération des Français de l'étranger, mais aussi la tête de liste FN en Île-de-France aux européennes. La présidente du FN l'a présenté le 22 janvier comme « celui qui (l’)appuie depuis plusieurs années dans (sa) réflexion sur les relations internationales » (voir la vidéo).

Ses liens avec le FN sont étroits. La trésorière de son association de financement pour la campagne des européennes de 2014, déclarée en préfecture le 30 décembre, est Yann Maréchal, la sœur cadette de Marine Le Pen, à la tête de la direction des grandes manifestations au siège du FN. 

Ludovic de Danne, Marine Le Pen et Aymeric Chauprade lors de la conférence de presse internationale du FN, le 22 janvier.Ludovic de Danne, Marine Le Pen et Aymeric Chauprade lors de la conférence de presse internationale du FN, le 22 janvier. © Capture d'écran de la vidéo du FN

Également consultant international, Chauprade bénéficie de nombreux réseaux dans les milieux militaires et de défense nationale, jusqu'à Moscou. En juin, il lance devant la Douma, le Parlement russe, son « appel de Moscou » pour soutenir « les efforts de la Russie visant à résister à l’extension mondiale voulue par l’Occident des “droits” des minorités sexuelles ». Trois mois plus tard, il est l’invité du Club Valdaï, forum international sous l’égide de Poutine

À l'université d'été du FN, il évoque la Russie à neuf reprises et dénonce sous les applaudissements « l'acharnement de nos médias contre Poutine », « qui a pourtant redressé la Russie de manière spectaculaire depuis 1999 » (voir les images à 14'50). Partisan d'une alliance franco-russe, il s'est dit en octobre « très heureux de travailler de plus en plus avec la Russie ».

« Nos intérêts coïncident avec ceux de la Russie. Nous avons un certain nombre de Français expatriés à Moscou qui sont des relais. Nous avons aussi des contacts en France », confirme à Mediapart le député européen FN Bruno Gollnisch. Chauprade fait le lien avec la Russie, avec deux autres personnages clés : Xavier Moreau, à Moscou, et Fabrice Sorlin, à Paris. Tous se retrouvent sur le site de géopolitique du conseiller de Marine Le Pen, Realpolitik TV, dont Moreau dirige l’antenne russe (aucun des trois n'a donné suite à nos demandes d'entretien – lire notre boîte noire).

Entretien d'Aymeric Chauprade par Xavier Moreau, en février 2013.Entretien d'Aymeric Chauprade par Xavier Moreau, en février 2013. © Capture d'écran du site realpolitik.tv

Saint-cyrien et ancien officier parachutiste, Xavier Moreau s’est reconverti dans la sécurité privée en créant la société « de conseil en sûreté des affaires », Sokol, basée à Moscou. Installé en Russie depuis 2000, c’est autour de lui que les réseaux d’extrême droite se structurent à Moscou. Il voit en la Russie un « modèle alternatif de développement social » mais aussi un réel intérêt pour les investisseurs français. Il livre ses thèses à l’occasion de conférences, chroniques, ouvrage, ou d’interviews sur des sites d’extrême droite (ici ou )

Xavier Moreau sur le site d'Aymeric Chauprade, Realpolitik TV.Xavier Moreau sur le site d'Aymeric Chauprade, Realpolitik TV. © Capture d'écran Realpolitik TV.

Entre le FN et le chef d'entreprise, Bruno Gollnisch parle de « relations amicales ». « C’est un homme d’affaires, un garçon influent. Il a des amitiés là-bas et notamment chez M. Poutine. Je crois que c’est toujours l’un de nos contacts en Russie. Il a servi dans certaines circonstances d’intermédiaire », explique l'élu FN, qui coupe court lorsqu'on l'interroge sur la nature de ces liens : « Si on ne veut pas griller les contacts et les relations, cela requiert une certaine discrétion. On va s’arrêter là. »

Sollicité par Mediapart, Xavier Moreau a refusé tout entretien en affirmant qu'il « écri(vait) et conseill(ait) uniquement sur les questions stratégiques et de politique étrangère » et qu'il n'avait « pas de lien avec les partis politiques français en dehors des élus de (s)a circonscription ».

Fabrice Sorlin et Jean-Marie Le Pen, en 2007.Fabrice Sorlin et Jean-Marie Le Pen, en 2007. © FN Gironde

Dernier personnage du trio, Fabrice Sorlin. Candidat FN aux législatives de 2007 et aux cantonales de 2008 en Gironde, il est à la tête de l'Alliance France-Europe Russie (AAFER). Piégé en 2010 par « Les Infiltrés », sur France 2, avec son mouvement catholique radical Dies Irae à Bordeaux, Sorlin a rebondi sur le front russe. C’est lui qui conduisait la petite délégation qui a accompagné Chauprade à Moscou, en juin. Il a lui aussi lancé son appel à la Douma, en dénonçant la « perte des valeurs traditionnelles », « l’idéologie mortifère et la dictature des lobbies minoritaires »

Emmanuel LeroyEmmanuel Leroy © dr

L'AAFER veut œuvrer au « rapprochement » de l'Europe et la Russie, par la « réinformation » sur la « réalité de la politique russe ». À la communication, on retrouvait Emmanuel Leroy, idéologue et plume de Marine Le Pen pendant la pré-campagne de 2012. Issu du GRECE (le Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne), ce défenseur d’un axe Paris-Moscou dispose de contacts en Russie. En juillet 2007, son nom apparaît sur la liste des intervenants du “White Forum”, rassemblement d'ultra-droite à Moscou, où étaient aussi invités des négationnistes comme David Duke, un ancien chef du Klu Klux Klan.

Un autre conseiller officieux de Marine Le Pen ne cache pas son attrait pour la Russie. L'ex-leader du GUD, Frédéric Chatillon, prestataire du FN avec sa société de communication Riwal, est régulièrement emmené à Moscou pour ses affaires. Lors de la tournée russe de la présidente du FN, du 18 au 23 juin, il est d'ailleurs présent à Moscou, d'où il poste plusieurs photos sur les réseaux sociaux. « Début de soirée à Moscou. Je lève mon verre au président Poutine ! J'envie les Russes d'avoir un vrai chef ! » écrit-il sur Facebook le 18 juin.

Frédéric Chatillon à Moscou. Photo postée le 20 juin 2013 sur ses comptes Twitter et Facebook.Frédéric Chatillon à Moscou. Photo postée le 20 juin 2013 sur ses comptes Twitter et Facebook. © Twitter / fredchatillon

Ces réseaux ne sont pas étrangers aux positions de Marine Le Pen par rapport à la Russie et son alliée, la Syrie. La présidente du FN a toujours défendu une Europe des nations « élargie à l'ensemble du continent, de Brest à Vladivostok » et un partenariat avec la Russie pour des « raisons civilisationnelles et géostratégiques ».

À son arrivée à la tête du FN, elle explique que « la crise donne la possibilité de tourner le dos aux États-Unis et de se tourner vers la Russie ». En octobre 2011, dans un entretien au quotidien russe Kommersant, elle ne cache pas qu'elle « admire Vladimir Poutine ». Ce qu’elle redira sur RTL en rendant hommage à sa maîtrise des « oligarques » « qui étaient en train de voler le peuple ».

À l’époque, elle se vante déjà d’être « peut-être la seule en France qui défend la Russie ». Depuis, elle n'a de cesse de dénoncer sa « diabolisation » par les médias français. En décembre, elle affirme même que les homosexuels ne sont pas persécutés en Russie, alors que les agressions homophobes se multiplientPendant la campagne présidentielle, elle prône « une alliance trilatérale Paris-Berlin-Moscou »

Marine Le Pen, Louis Aliot et Thierry Légier reçus par Sergueï Narychkine, un proche de Vladimir Poutine, le 19 juin 2013.Marine Le Pen, Louis Aliot et Thierry Légier reçus par Sergueï Narychkine, un proche de Vladimir Poutine, le 19 juin 2013. © dr

La fascination du FN pour la Russie n’est pas nouvelle. Jean-Marie Le Pen s’était rendu plusieurs fois en Russie et entretenait une amitié avec le sulfureux ultranationaliste Vladimir Jirinovski. C’est d’ailleurs celui-ci qui encense Marine Le Pen lors de son entrée dans le classement du magazine Time. Les deux hommes « avaient les rapports amicaux et la sympathie des gens qui se retrouvent à la marge », explique à Mediapart Christian Bouchet, autre russophile du FN et candidat à Nantes aux municipales. Mais pour lui, « sur le fond, Jean-Marie et Marine Le Pen disent quasiment la même chose ».

Marine Le Pen reçue par Dmitri Rogozine, vice-premier ministre russe, le 21 juin 2013.Marine Le Pen reçue par Dmitri Rogozine, vice-premier ministre russe, le 21 juin 2013. © Twitter / Ludovic de Danne

Sauf que désormais, c’est des cercles du pouvoir que tente de se rapprocher la présidente du FN. En juin 2013, elle réalise avec Louis Aliot une tournée de dix jours en Russie et en Crimée (racontée ici par Mediapart), dont elle a fait une large publicité. Marine Le Pen est successivement reçue par le président de la Douma et proche de Poutine, Sergueï Narychkine, le vice-premier ministre Dmitri Rogozine et le président de la commission des affaires étrangères de la Douma, Alexeï Pouchkov.

À chaque fois, elle exprime ses « valeurs communes » avec la Russie, son opposition au mariage pour tous et explique que son parti a été le « seul mouvement politique français à s'être opposé à toute intervention en Syrie ». Elle prône un « combat » commun avec les Russes « contre l’effondrement culturel » et « les deux nouveaux totalitarismes du XXIe siècle, le mondialisme et l’islamisme ».

Cette ligne s'est imposée au Front national, qui compte de nombreux admirateurs de Poutine. C'est « un patriote, il aime son pays », « il fait beaucoup de bien à son pays. On peut le saluer », a estimé le 10 février Wallerand de Saint-Just, trésorier du FN et candidat à Paris.

Quant aux députés frontistes, Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard, ils sont tous deux membres du groupe d’amitié France-Russie. La députée du Vaucluse s’est rendue à Moscou en décembre 2012, où elle a été reçue par le président de la Douma, à l’occasion d’un forum international de parlementaires. Cette année, elle était présente à l’ambassade de Russie pour le 20e anniversaire de la fédération russe.

Comme sa tante, Marion Maréchal-Le Pen voit en Poutine « un patriote » qui « défend les intérêts de son pays » et « ça fonctionne plutôt bien », dit-elle le 4 février sur iTélé. Lors de la commission parlementaire France-Russie, en février 2013, elle salue un « grand pays », un « partenaire vital », et dénonce la « diabolisation systématique » de son président par la France à travers des « désinformations régulières » (voir la vidéo). Le conseiller culture de Marine Le Pen, Karim Ouchikh, lui, n'hésite pas à parler d'un « activisme russophobe » en France.

Bruno Gollnisch reçu à la Douma en mai 2013.Bruno Gollnisch reçu à la Douma en mai 2013. © gollnisch.com

Autre frontiste russophile, Bruno Gollnisch était en visite en mai à Moscou comme président de l’Alliance européenne des mouvements nationaux (l’AEMN, qui regroupe des partis d’extrême droite européens). Il a été reçu à la Douma avec une délégation d’élus européens. Sur son blog, il parle de « modèle russe » et fait l'éloge du « patriotisme intransigeant » de Poutine.

Pour le président du FNJ, le président russe est aussi le modèle à suivre. Dès 2008, Julien Rochedy saluait l’« homme à poigne » et sa politique « virile et puissante ». En janvier, il s'est prononcé pour l'interdiction, comme en Russie, de la « propagande LGBT ». Plusieurs candidats frontistes défendent le régime russe et fustigent la « propagande anti-russe » des médias, comme l'universitaire Catherine Rouvier à Aix-en-Provence – qui a aussi raillé Obama et sa dénonciation de « l'homophobie supposée de Poutine » –, ou l'ex-cadre dirigeant du FNJ Antoine Mellies dans le Rhône.

Sur le compte Twitter D'Antoine Mellies.Sur le compte Twitter D'Antoine Mellies. © Twitter / @AntoineMellies

Pourquoi ce rapprochement ? « Au départ, il y avait à la fois un anti-communisme du FN et une fascination pour la Russie éternelle, la grande nation », explique la chercheuse Magali Balent, spécialiste des extrémismes et nationalismes en Europe.

Pour l'auteure de Le Monde selon Marine (2012), il s'agit aussi de « montrer que ce que fait la Russie, c’est ce que voudrait faire Marine Le Pen pour la France. La ligne de conduite de Poutine, ce sont des causes strictement nationales (la guerre déclarée au terrorisme et à tout ce qui menace les “Russes originels”), et l'hostilité à l'UE »

Chez Jean-Marie Le Pen, cela relevait d'une « démarche essentiellement idéologique ». À l'inverse, Marine Le Pen « est dans une démarche pragmatique et veut le pouvoir. Elle ne veut pas défendre une cause idéologique, mais utiliser l’international pour gagner des voix dans son pays. Elle vise les cercles de pouvoir, qui peuvent la crédibiliser ». Même si ces connexions se limitent aux « échelons inférieurs » du pouvoir, la chercheuse voit un « intérêt réel » pour Le Pen à « laisser entendre qu’elle a des relations avec les dirigeants de la Russie ».

Le livre de Vladimir Bolshakov.Le livre de Vladimir Bolshakov. © dr

La présidente du FN profite de l'accueil qui lui est réservé là-bas. « Vous êtes bien connue en Russie et vous êtes une personnalité politique respectée », lui avait lancé Sergueï Narychkine lors de sa visite, selon Le Figaro. Elle met aussi en avant dans sa bibliothèque le livre élogieux de l'ancien correspondant de la Pravda à Paris, Vladimir Bolshakov (Marine Le Pen – Pourquoi la Russie en a besoin ?). Elle a d'ailleurs rencontré l'auteur en juin.

« Marine Le Pen est considérée comme quelqu’un de sulfureux en France, et peut-être en Europe, mais pas à l’étranger, et notamment en Russie. Son côté autoritaire ne déplaît pas aux Russes. Jean-Marie Le Pen lui-même était reçu à l’étranger comme un homme d’État – par Reagan, par les chef d’État africains », rappelle Magali Balent. 

Le Kremlin voit-il en Le Pen une alternative à droite pour l'avenir ? « Il n’est pas improbable que des dirigeants russes considèrent qu’elle a toutes ses chances en France et pourrait mieux réussir que la droite », estime la chercheuse. Ils misent aussi sur un « basculement de l'opinion publique occidentale vers un paradigme nationaliste »,dont pourrait profiter la présidente du FN, a rapporté au Figaro
le politologue Dmitri Orechkine.

Le site ProRussia TVLe site ProRussia TV © Capture d'écran de prorussia.tv

Les Russes courtisent en tout cas l’extrême droite française. La Voix de la Russie, radio d’État russe diffusée à l’étranger, propose depuis septembre 2012 une web télé, ProRussia TV, où l'on retrouve plusieurs anciens du FN. L'objectif ? Présenter les actualités russes, françaises, internationales « sous l’angle de la réinformation », à rebours d'une « vision tronquée et manichéenne » que délivrerait « le mainstream médiatique français ». Pour ses antennes locales, la radio russe met les moyens : en Allemagne, elle a, selon Slate, financé des émissions en alignant plus de 3 millions d’euros, en 2012.

BOITE NOIRESollicités, ni Marine Le Pen, ni ses conseillers aux affaires européennes et internationales (Ludovic de Danne et Aymeric Chauprade), n'ont donné suite à nos demandes.

Contacté, Xavier Moreau a décliné notre demande d'entretien. Sollicité via le site de son association l'Alliance France-Europe Russie, Fabrice Sorlin n'a pas donné suite.

Magalie Balent est chercheuse associée à l'IRIS (institut de relations internationales et stratégiques) et à la fondation Robert Schuman. Elle est l'auteure de Le Monde selon Marine – La politique internationale du Front national, entre rupture et continuité (2012).

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