Dans une tribune publiée vendredi par Libération, deux députés proches de Martine Aubry, Christian Paul et Jean-Marc Germain, ainsi que la première vice-présidente PS de l'Assemblée nationale, Laurence Dumont, annoncent qu'ils ne voteront pas « le pacte de stabilité de François Hollande ».
« Pour la première fois depuis juin 2012, nous n’apporterons pas notre suffrage au gouvernement issu de la majorité à laquelle nous appartenons », écrivent-ils. « Où est la justice quand, pour financer la baisse des prélèvements des entreprises, on envisage la baisse du pouvoir d’achat des pensions de retraite, des allocations familiales, des aides au logement et du traitement des fonctionnaires, y compris les plus modestes ? Car il faut appeler un chat un chat, c'est bien de cela qu'il s'agit quand on gèle des prestations alors que les prix augmentent. »
« Nous avons toujours voté, cette fois nous décidons de ne pas le faire, explique à Mediapart Jean-Marc Germain. Quand ça ne va pas, on dit non. Dire non, c'est parfois salutaire. Nous disons oui aux économies de structures, non aux reculs sociaux. » Mardi, ils devraient s'abstenir.
À quelques jours du vote consultatif sur le plan de réduction des déficits publics de 50 milliards d'euros sur trois ans, mardi 29 avril à l'Assemblée nationale, le gouvernement est confronté à la plus grande fronde de sa majorité depuis deux ans. Mercredi, sitôt le plan de Manuel Valls confirmé, de nombreux députés PS ont exprimé leurs frustrations et leur colère lors d'une réunion très mouvementée du groupe socialiste (lire notre reportage ici).
Plusieurs dizaines de députés PS, hostiles au montant du plan et au gel des prestations sociales, pourraient s'abstenir. À ce stade, une majorité n'est pas acquise. Il y a deux semaines, onze députés PS s'étaient abstenus de voter la confiance à Manuel Valls, du jamais vu dans l'histoire de la VeRépublique.
Jeudi, le président du groupe PS, Bruno Le Roux, a tenté de dramatiser l'enjeu, au risque d'aggraver encore les tensions. « Quand on est un groupe, une majorité, on assume ses responsabilités », a-t-il dit sur RTL. « Il n'y a pas de vote sans conséquence », a-t-il rappelé, laissant entrevoir d'éventuelles « mesures » contre ceux qui s'abstiendraient ou voteraient contre la trajectoire de réduction des dépenses publiques, vaste programme d'économies qui doit être adressé à Bruxelles début mai, et sera ensuite décliné dans plusieurs lois (à commencer par une loi de finances rectificative en juin pour faire voter le pacte de responsabilité cher à François Hollande). « Si on n'accompagne pas le gouvernement, celui qui fait ça doit se poser la question d'appartenir à la majorité, au groupe, et au Parti socialiste », affirme Le Roux.
« Chaque député de la majorité est là parce qu'il y a une majorité. Et chacun sait que cette majorité est issue d'une majorité présidentielle. Chacun doit être en cohérence. Mais chacun a droit à ses colères », a également prévenu jeudi le ministre des comptes publics, Michel Sapin. Depuis plusieurs jours, les responsables de la majorité multiplient SMS et messages envers les députés hésitants, maniant la menace d'une éventuelle dissolution en cas de vote négatif, mardi – alors même que le vote n'est que consultatif. « Une absence de majorité conduirait à une crise dont personne ne peut prévoir toutes les conséquences », explique ces derniers jours Bruno Le Roux aux réticents.
« Les mesures disciplinaires sont décalées par rapport aux enjeux que nous défendons. Le sujet, ce n'est pas l'autorité au sein du parti, c'est l'austérité dans notre pays », explique à Mediapart Jean-Marc Germain, un des signataires du texte, qui est aussi l'ancien directeur de cabinet de Martine Aubry. « C'est un mouvement profond de la base des députés auquel nous assistons, dont de très nombreux "hollandais" ou des amis de Manuel Valls », assure Germain. S'il dément que la maire de Lille soit à l'initiative de ce texte, il rappelle toutefois qu'elle « était au courant de sa position » et qu'elle a publiquement soutenu la révolte des parlementaires, initiée au soir de la débâcle des municipales.
Pour tenter d'apaiser sa majorité, Manuel Valls a annoncé jeudi « une mesure forte » pour les retraités modestes. De nouvelles annonces pourraient être faites dans les prochains jours. Vendredi, la ministre de la santé Marisol Touraine a par ailleurs opportunément annoncé la revalorisation de certaines prestations sociales pour les familles nombreuses modestes et les parents isolés. Mais ces gestes semblent encore insuffisants, une partie de la majorité plaidant pour une réorientation de la politique européenne, une réduction substantielle du plan d'économies, des mesures en faveur de l'investissement et du pouvoir d'achat, etc.
Une réunion extraordinaire du bureau national du Parti socialiste est prévue lundi soir. « Nous demanderons que l'ensemble des parlementaires, que nous avons écoutés, que nous avons entendus (...) respecte la décision du BN. Et j'ai confiance, je pense que, très très largement, ceci sera entendu », assure le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui se rendra mardi à la réunion du groupe PS de l'Assemblée, quelques heures avant le vote.
Plusieurs centaines de militants PS, de diverses tendances, ont publié vendredi un appel contre l'austérité, où ils apportent leur « soutien aux députés “pour une autre politique” ».
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