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Des dizaines de milliers de personnes défilent à Paris contre l'austérité et pour une « alternative à gauche »

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Pendant de longues minutes, le trio pose pour les photos et les caméras. Le coprésident du parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, chemise blanche et écharpe rouge, lève les bras et salue les manifestants sur le bord qui crient « Résistance ». Le communiste Pierre Laurent fait des coucous plus timides. Au milieu, le Grec Alexis Tsipras, candidat de la gauche radicale européenne pour diriger la commission européenne après les élections du 25 mai, est la star du jour. 

À l'appel du Front de gauche, du NPA, de plusieurs dizaines de syndicats et collectifs, mais aussi de personnalités, des milliers de personnes (25 000 manifestants selon la police, 100 000 selon les organisateurs) ont manifesté samedi 12 avril à Paris « contre l'austérité, pour l'égalité et le partage des richesses ». Il s'agit de la première mobilisation après la déroute socialiste des municipales, qui a vu les électeurs de gauche déserter les urnes. Une réponse, aussi, de la gauche radicale à la déclaration de politique générale du nouveau premier ministre Manuel Valls, qui a confirmé l'objectif de 50 milliards d'euros d'économie en trois ans et la mise en œuvre du très décrié pacte de responsabilité, une baisse massive du coût du travail sans contreparties tangibles.

« Il faut lutter, s'organiser, c'est pas à l'Élysée, à Matignon, dans les salons qu'on obtiendra satisfaction », chantent des musiciens, juchés sur un char. Raquel Garrido, porte-parole internationale du PG et candidate du Front de gauche en Île-de-France aux européennes, et Danielle Simonnet, élue PG au Conseil de Paris, entonnent une Carmagnole aux paroles détournées : « François Hollande a rien compris (…) Son plan pour les patrons, pour nous c'est toujours non ! » « La gauche au pouvoir ! » entend-on dans le carré de tête.

Dans le cortège, les socialistes en prennent pour leur grade : « PS-Medef, même combat » ; « Pseudo-socialistes, par respect pour Jaurès ou Allende, abandonnez le bô (sic) vocable socialisme, merci ! » « Les socialistes ne sont plus socialistes », a simplement écrit sur sa pancarte Sabrina, orthophoniste venue du Pas-de-Calais. « Valls et Hollande sont dans la lignée de Sarkozy. Les petites gens ne sont plus défendues, déplore-t-elle. Elles sont taxées, alors qu'on devrait taxer l'exil fiscal. Moi je m'occupe d'enfants, j'ai peur que les moyens pour l'école ne suivent pas. »

République, samedi 12 avrilRépublique, samedi 12 avril © Mathieu Magnaudeix

La tonalité anti-Hollande et anti-Valls est très prononcée. « Hollande, ça suffit ! » proclame une grande banderole rouge hissée sur la statue de la place de la République. « Hollande = trahison », dit une autre, près du carré des personnalités. On remarque même un « Hollande dégage », slogan qui rappelle les manifestations des dernières années du quinquennat Sarkozy. « Envoyons vallser l'austérité », lit-on sur la traditionnelle pancarte du manifestant au masque d'Anonymous, figure des rassemblements de la gauche radicale (ci-dessus).

République, samedi 12 avrilRépublique, samedi 12 avril © Mathieu Magnaudeix

« Hollandréou, pas de régime grec. Femmes compris ! » a écrit sur sa pancarte Josée Pépin, militante du collectif Tenon, qui s'est battue pour le maintien d'un centre IVG dans le XXe arrondissement de Paris. « La nomination de Valls aggrave la situation car c'est un homme de pouvoir, autoritariste. Le PS n'est pas la gauche : il n'en a plus les valeurs. »

Place de la République, samedi 12 avrilPlace de la République, samedi 12 avril © Mathieu Magnaudeix

« C'est un front du peuple qui se constitue » assure Jean-Luc Mélenchon. Derrière la banderole, les nombreuses personnalités du Front de gauche côtoient les anciens candidats du NPA à la présidentielle, Olivier Besancenot et Philippe Poutou ; des syndicalistes (Annick Coupé, porte-parole de Solidaires) ; mais aussi des élus socialistes ou écologistes.

Parmi eux, Liêm Hoang Ngoc, eurodéputé socialiste sortant et membre du bureau national du PS, qui a récemment invité François Hollande à « rompre avec TINA ». « La France s'apprête à appliquer des politiques d'austérité qui ont échoué partout ailleurs », avertit le parlementaire, écarté des listes PS pour les européennes. Il réclame un « congrès extraordinaire pour clarifier la ligne politique » du PS. « Hollande s'est trompé de premier ministre et nous impose un virage qui n'a pas été discuté, il y a un grand trouble dans l'aile gauche du PS », assure-t-il.

« Cette manifestation n'est pas une lame de fond, mais une démonstration de force, analyse le syndicaliste Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic et membre du conseil scientifique d'Attac. L'important, c'était déjà de la faire, pour ne pas laisser la rue à la droite et montrer qu'il y a une opposition de gauche à la politique menée. La claque des municipales est en train de faire bouger les lignes dans la majorité. Et cela va s'amplifier après les européennes, qui vont voir les listes de la gauche de transformation sociale progresser. »

De fait, plusieurs organisations présentes samedi se sont divisées sur l'opportunité de manifester. Des fédérations et des unions départementales de la CGT défilent avec camions et drapeaux. L'ancien secrétaire général, Bernard Thibault, a appelé à manifester (mais ne s'est pas montré dans le cortège samedi). Mais pas l'actuel dirigeant, Thierry Le Paon, ce qui lui a valu un houleux débat interne. Des syndicalistes de la FSU sont venus, mais la direction du syndicat enseignant est restée chez elle. 

On trouve également quelques drapeaux verts. EELV, qui ne participe plus au gouvernement mais reste dans la majorité, n'a pas appelé à défiler, mais plusieurs élus ou responsables écologistes sont là. Par exemple Caroline Mecary, conseillère régionale EELV en Île-de-France, le maire du IIe arrondissement de Paris Jacques Boutault (juste réélu), l'ancienne porte-parole du parti, Élise Lowy. Annie Lahmer, cosecrétaire régionale d'EELV Île-de-France, déplore que les écologistes « ne soient pas beaucoup plus nombreux à être venus manifester ». Elle assure que, malgré la fin de non-recevoir d'EELV au Parti de gauche, « des passerelles sont en train de se créer » sur le terrain entre les deux formations. 

République, samedi 12 avrilRépublique, samedi 12 avril © Mathieu Magnaudeix

Parmi les manifestants, la volonté est au rassemblement. « Nous connaissons les solutions pour en finir avec l'austérité, mais jusqu'ici nous avons échoué à les rendre visibles, explique Khalfa. Nous devons mettre désormais ces alternatives dans le débat public. Cela va de pair avec un regroupement politique de la gauche antilibérale. » « L'austérité conduit à l'échec et au chômage de masse, assure la députée communiste Marie-George Buffet. Est-ce qu'on reste sans rien faire, dans le désespoir et l'abstention, ou est-ce qu'on recrée de l'alternative à gauche ? Tous ceux qui veulent faire la campagne des européennes avec nous sont bienvenus. Nous pouvons par exemple travailler avec les écologistes qui n'ont pas voté la confiance. » 

« Quel bonheur de manifester avec le NPA ou avec le maire écologiste du IIe arrondissement de Paris », se réjouit Raquel Garrido. La responsable du PG ne ferme pas la porte à quelques candidatures NPA sur les listes Front de gauche aux européennes, officiellement bouclées. Elle explique aussi que des représentants de l'aile gauche d'EELV devraient rencontrer bientôt les responsables du PG. « Ce genre d'entretien bilatéral ne s'était pas produit depuis des années. » Le PG aimerait discuter avec EELV d'alliances éventuelles l'an prochain aux régionales. Une option que les dirigeants écologistes n'envisagent pas, même si certains militants plaident en ce sens. 

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Morts dans la nature


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