Récemment réélue, la maire UMP d’Aix-en-Provence Maryse Joissains n’est jamais en gêne pour arranger les carrières de ses affidés au sein de l’administration de la ville et de la Communauté du Pays d'Aix (CPA). Mardi 8 avril, l’élue, 71 ans, a été mise en examen pour « prise illégale d'intérêts » par un juge d’instruction aixois dans une affaire d'emplois de complaisance. Il lui est reproché la promotion express de son chauffeur Omar en catégorie A, le plus haut grade dans la fonction publique (révélée par Marsactu), ainsi que le recrutement à la Communauté du Pays d'Aix d'une collaboratrice de son cabinet, chargée d'une mission concernant les animaux.
D’autres soupçons d’emplois de complaisance semblent avoir été abandonnés en cours de route, selon les déclarations de Maryse Joissains à l’AFP mardi 8 avril. « On a gagné à moitié, il y avait une imputation sur quatre fonctionnaires et il demeure une imputation sur deux fonctionnaires, a indiqué à l'AFP la maire UMP en sortant du bureau du juge. C'est un soulagement, et je suis persuadée que les nouveaux éléments que nous allons apporter entraîneront un non-lieu global. »
Cette enquête, pour laquelle Maryse Joissains avait déjà été entendue en garde à vue le 26 décembre 2013 par la brigade financière de la police judiciaire de Marseille, ne semble pas avoir changé ses pratiques. Mediapart s’est en effet penché sur le cas d’une autre ex-collaboratrice de cabinet de Maryse Joissains, Danielle Brunet. Recasée à la CPA le 1er mars 2014 juste avant le scrutin municipal sur un poste créé ad hoc, cette fonctionnaire territoriale de 48 ans a été dans la foulée réélue conseillère municipale et communautaire sur la liste de Maryse Joissains. En contradiction flagrante avec la loi qui interdit aux employés d’une collectivité territoriale de siéger en tant qu’élus dans cette même collectivité.
Mais la CPA assure avoir bordé son tour de passe-passe auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Tout est légal, nous indique son secrétaire général de la CPA, Marc Berard, joint le 7 avril. « Le conseil communautaire ne sera installé que le 17 avril, donc Danielle Brunet a dix jours pour prendre ses dispositions et faire valoir ses droits à démission d’une des deux fonctions, soit à la CPA, soit au conseil communautaire », explique-t-il. « Ma lettre de démission du conseil communautaire part lundi, nous assurait de son côté le même jour l’intéressée. Je suis droite dans mes bottes, nous avons tout balisé auprès de la préfecture. »
Ce montage baroque, symptomatique des petits arrangements des élus locaux pour accommoder la carrière de leurs affidés, reste toutefois intéressant à décrypter. Après avoir travaillé au cabinet de Maryse Joissains, puis à la communication de la CPA, Danielle Brunet, 48 ans, s’est présentée aux côtés de Maryse Joissains en 2008. Elle est devenue adjointe délégué au village de Luynes et élue au conseil communautaire de la CPA. La fonctionnaire territoriale explique alors avoir été commodément détachée de la CPA au centre hospitalier d’Aix-en-Provence (dont le conseil d'administration est présidé par Maryse Joissains) pour pouvoir garder son poste de conseillère communautaire. « C'était pour permettre à Maryse Joissains de conserver sa majorité à la CPA », justifie Danielle Brunet. Au centre hospitalier, la fonctionnaire s'est occupée pendant six ans des marchés publics. Cumulant au passage son salaire de fonctionnaire sur un poste catégorie C (simple agent d’exécution), plus ses indemnités d’élue municipale et communautaire.
Le 1er mars 2014, juste avant le scrutin, la voilà rapatriée à la CPA, sur une « cellule infrastructure de santé » apparue deux mois plus tôt dans l'organigramme et non pourvue jusqu'alors. Depuis fin 2013, Maryse Joissains a en effet doté la CPA de la compétence de la santé, afin de restructurer et de renflouer l’hôpital de Luynes, en grosse difficulté. Un posté créé ad hoc ? « Il n’y pas de création pour Mme Brunet, j’ai postulé comme plusieurs personnes », proteste Danielle Brunet. Ce n’est pas tout à fait la version du secrétaire général de la CPA qui indique qu’elle a décroché ce poste grâce à « son droit naturel à réintégration de son administration d'origine, suite à sa mise à disposition ».
Danielle Brunet dit avoir démissionné dès le 1er mars de son poste d’élue communautaire, qui était incompatible avec celui d'employée de cette même CPA. Pour dans la foulée figurer en dixième position sur la liste Joissains sur un poste fléché élue communautaire. Et en démissionner à nouveau une fois réélue le 30 mars 2014. Clair comme de l’eau de roche, mais puisque c’est légal…
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