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Secrétaires d’Etat: l’occasion encore ratée du renouvellement

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Quinze hommes, quinze femmes : le gouvernement de Manuel Valls est parfaitement paritaire, comme le furent ceux de Jean-Marc Ayrault. Mais pour le renouvellement, il faudra repasser.

Cinq ministres d’Ayrault recyclés secrétaires d’État

Ministres de Jean-Marc Ayrault, Frédéric Cuvillier et Valérie Fourneyron, deux proches de François Hollande, ont accepté d’être rétrogradés et de devenir secrétaires d’État de Manuel Valls.

Cuvillier garde les transports, sous les ordres de Ségolène Royal — il ne partage pourtant pas la position de sa ministre de tutelle sur l’écotaxe, qu’elle juge « punitive ». Valérie Fourneyron, jusqu’ici ministre de la jeunesse des sports et de la vie associative, travaillera avec Arnaud Montebourg à Bercy. Elle reprend le commerce, l’artisanat, la consommation et l’économie sociale et solidaire.

Trois autres ministres délégués sont recyclés : Fleur Pellerin (qui passe du numérique au commerce extérieur); Geneviève Fioraso (elle garde la recherche, malgré une fronde des universitaires et la perte de sa ville de Grenoble par les socialistes aux municipales) et Kader Arif (anciens combattants). Au total, sur les 30 membres de l’équipe Valls, 19 sont des sortants.

Un gouvernement tout-PS ... et trois radicaux

C’est confirmé : le gouvernement Valls a tout l’air d’un parc à éléphants socialistes. Les écologistes n’y participant pas, ce sont les radicaux de gauche qui jouent les supplétifs. De quoi sécuriser plus de 300 voix (plus que la majorité absolue) à l'Assemblée nationale...

Mis en examen récemment, le chef du parti radical de gauche (PRG), le sénateur Jean-Michel Baylet, s’est vu refuser un maroquin. Sylvia Pinel, transparente ministre du commerce d’Ayrault, a en revanche remplacé Cécile Duflot au Logement et à l’égalité des territoires.

Le PRG compte par ailleurs deux secrétaires d’État. Annick Girardin, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, nommé au développement et à la Francophonie (elle remplace à la fois l’écolo Pascal Canfin et Yamina Benquigui). Le 18 octobre 2012, l’élue, favorable au mariage pour tous (elle a voté pour), nous avait indiqué par courriel être opposée à l’adoption pour les couples homosexuels.

Autre radical, Thierry Braillard : ce radical de gauche lyonnais, ex-adjoint aux Sports de Gérard Collomb, supporter de l’Olympique lyonnais (OL) et souvent de ses intérêts financiers, a décroché son siège à l’Assemblée en 2012 en tractant avec le logo du PS alors qu’il n’avait pas l’investiture du parti, écrasant le candidat soutenu par Solférino, l’écologiste Philippe Meirieu, vite écœuré par ses méthodes. Les partisans de Braillard avaient même manifesté contre deux ministres, Hamon et Duflot, descendus à Lyon soutenir Meirieu. Le départ des écolos aura donc facilité son entrée au gouvernement. Avocat, il a notamment défendu Sidney Govou, un joueur de l’OL, balayant des accusations de conflits d’intérêts. Elu député, Thierry Braillard a continué jusqu’ici d’exercer. À l’automne dernier, il s’était mobilisé contre la taxe à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros dans les clubs.

Les jeunes députés PS rongent leur frein

Vincent Feltesse, Régis Juanico, Olivier Dussopt, Jérôme Guedj, Nicolas Bays, Matthias Fekl, Thomas Thévenoud, Audrey Linkenheld, Sébastien Denaja, Valérie Rabault, Karine Berger, etc. Ces derniers jours, plusieurs trentenaires ou quadras avaient été évoqués pour entrer au gouvernement. Tous restent dehors. Mercredi soir, l’un d’eux se dit « écœuré », surtout au vu du casting complémentaire annoncé ce mercredi.

Sur Twitter, Sébastien Denaja préfère l’ironie :

Deux exceptions toutefois : Axelle Lemaire, députée des Français de l’étranger de 39 ans est nommée (au numérique, un sujet qu’elle connaît bien). En 2012, elle avait refusé d’entrer au gouvernement, invoquant des raisons personnelles.

Ségolène Neuville, députée de 43 ans, prend en charge l’exclusion et les personnes handicapées. À l’Assemblée nationale, elle s’est beaucoup impliquée sur la lutte contre le harcèlement sexuel et sur la prostitution, dossier sur lequel elle a défendu la position abolitionniste majoritaire au PS. C’est une proche du président de la région Languedoc-Roussilon Christian Bourquin, incarnation du baron socialiste – condamné notamment pour favoritisme.

Le « club des 3 % » au pouvoir : Cuvillier, Arif, Vallini

C’est le surnom que s’étaient donné ironiquement les partisans de François Hollande quand il s’était lancé dans la pré-campagne de la primaire : 3 %, comme le pourcentage d’opinions favorables que récoltait alors François Hollande dans les sondages. Ils sont désormais tous au gouvernement ou presque (hormis Thierry Repentin, ex-ministre des affaires européennes peu visible qui quitte le gouvernement). En plus des ministres Stéphane Le Foll, Jean-Yves Le Drian, Michel Sapin et François Rebsamen, Frédéric Cuvillier et Kader Arif restent au gouvernement – aux transports et aux anciens combattants – et sont rejoints par André Vallini, nommé secrétaire d’État à la réforme territoriale.

Vallini avait été ulcéré d’être écarté de l’équipe de Jean-Marc Ayrault en 2012 : il lorgnait la justice, prise par Christiane Taubira, dont il a plusieurs fois critiqué la réforme pénale (par exemple en proposant de transformer ses principales mesures en expérimentation). Depuis le Sénat, il ne masquait guère depuis son impatience. À chaque rencontre avec un journaliste, lui ou ses collaborateurs demandaient : « Alors le remaniement, c’est bientôt à votre avis ? »

À de nombreux médias, il envoyait chaque année un sac de noix – à Mediapart inclus jusqu’à la publication d’une enquête le concernant. En janvier 2012, Mediapart avait révélé qu’il était poursuivi devant les prud’hommes par une de ses plus fidèles collaboratrices pour « licenciement abusif, discrimination et harcèlement moral ». À l’époque, Vallini se défend de façon véhémente mais, sur le conseil de François Hollande, il accepte finalement en mars 2012 de transiger et de verser un dédommagement financier à son ex-attachée parlementaire pour éviter la condamnation. Cette affaire avait conduit d’autres anciens collaborateurs de Vallini à raconter les méthodes de leur ex-patron, qu’ils jugeaient brutales.

À la réforme territoriale, auprès de Marylise Lebranchu, Vallini aura la lourde charge de porter les promesses de Manuel Valls (division par deux du nombre de régions et suppression, à terme, des départements).

L’aile gauche portée disparue…

Personne ne rejoint finalement Benoît Hamon, bien esseulé au gouvernement. Plusieurs noms étaient pourtant cités ces derniers jours, dont celui de Jérôme Guedj. Son abstention sur le vote de confiance, mardi, a scellé son sort.

… Valls sans soutien...

Aucun proche de Manuel Valls n’entre au gouvernement. Cette fois non plus. Jean-Jacques Urvoas est toutefois cité pour remplacer Christiane Taubira, qui pourrait quitter le gouvernement dans quelques mois.

… mais deux soutiens d’Aubry rejoignent le gouvernement

Membre de la "Gauche durable" (le club parlementaire des proches de la maire de Lille) et porte-parole du parti socialiste, Laurence Rossignol remplace à la fois Michèle Delaunay (personnes âgées et autonomie) et Dominique Bertinotti (famille) comme secrétaire d’État rattachée à Marisol Touraine. Après le départ forcé de Delphine Batho l’an dernier, elle avait déjà été pressentie pour la remplacer mais, à l’époque, elle avait payé le lancement d’un appel à une réforme fiscale de plusieurs sensibilités du PS critiques sur la politique gouvernementale. Cette fois, elle s’est dispensée de signer l’appel des 90 députés pour une réorientation du pacte de responsabilité

Sénatrice de Picardie, Rossignol (qui a été à la fac de Tolbiac avec Manuel Valls) est par ailleurs une des féministes les plus combatives du PS. Elle est devenue une des cibles de choix des anti-mariage pour tous et des partisans du retrait de l’école. En pleine polémique sur le genre, elle a même été accusée (faussement) d’avoir dit que les « enfants appartiennent à l’État ». Les plus réactionnaires sont furieux de sa nomination, comme l'UMP Hervé Mariton qui a déjà crié à la « provocation ».

Autre soutien d’Aubry à la primaire socialiste, Christian Eckert est nommé au budget. Un domaine qu’il connaît bien : prof de maths de formation, Eckert est depuis 2012 rapporteur général du budget à la commission des finances de l’Assemblée nationale. Depuis deux ans, ce vrai homme de gauche, gros travailleur, a avalé plusieurs couleuvres à ce poste. À commencer par la reculade du gouvernement face aux "Pigeons", première fronde fiscale à laquelle François Hollande a été confronté à l’automne 2012. Eckert a souvent tenté d’infléchir la ligne très orthodoxe de Bercy et de l’Élysée. Pas toujours avec succès, tant il se plaignait d’être systématiquement exclu des arbitrages importants. Ce week-end, il avait signé la tribune des 90 députés menaçant de ne pas voter la confiance. Mardi, dans les couloirs de l’Assemblée, il s’inquiétait encore des 11 milliards supplémentaires de coupes dans les prestations sociales annoncées mardi par Manuel Valls. C’est à lui, désormais, qu’il revient de les faire.

À noter également l’entrée au gouvernement du strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen, en tant que secrétaire d’État aux relations avec le parlement. Un poste clé, d'autant que la majorité devient de plus en plus remuante.

Spécialiste de santé, connu pour être favorable aux salles de shoot à Paris, le député de Paris pestait de ne pas avoir été nommé en 2012 au gouvernement : Ayrault s'y était toujours opposé. Entre autres faits d’armes, Le Guen fait partie de ces élus socialistes (Jack Lang, Henri Emmanuelli, etc.) qui ont toujours soutenu l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo (lire nos articles, ici et ).

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Morts dans la nature


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