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Enseignement supérieur: Hollande soutient fermement Fioraso

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« Et je vous le dis, non seulement merci beaucoup, mais à bientôt », la petite phrase lancée par Benoît Hamon lors de la passation de pouvoir rue Descartes le 2 avril dernier – laissant penser que l’actuelle ministre de l’enseignement supérieur Geneviève Fioraso serait maintenue comme secrétaire d’État à l'enseignement supérieur et à la recherche – a plongé dans la consternation ceux qui depuis deux ans attendent en vain un changement de politique par rapport à celle initiée sous le quinquennat Sarkozy.

Pétitions, lettres ouvertes, tractations en coulisses… La fronde contre la reconduction de Geneviève Fioraso à la tête du secrétariat d’État à l’enseignement supérieur et de la recherche s’est rapidement organisée. Malgré cette mobilisation – la pétition « le changement à l’université et dans le recherche, c’est maintenant ? » ayant recueilli en quelques jours plus de 6 000 signatures –, le changement n’est a priori pas pour tout de suite. Selon nos informations, François Hollande, qui lui reconnaît le considérable mérite de n’avoir « mis personne dans la rue » ces deux dernières années, la soutient fermement. Son conseiller pour l’enseignement supérieur et la recherche, Vincent Berger, ancien président de Paris Diderot, est un proche de Fioraso, qui lui avait d'ailleurs confié la mission de rapporteur général des Assises de l’enseignement supérieur en 2012. L’idée d’un tandem entre un ministre de tutelle Benoît Hamon, représentant l’aile gauche du PS, et une « strauss-khanienne » ne déplairait pas non plus à François Hollande, toujours adepte des synthèses.

Les arguments de ceux qui réclament un réel changement à la tête du ministère ne manquent pourtant pas. La situation financière des universités est aujourd’hui dramatique. Près d’une vingtaine sont en déficit et celles qui ne le sont pas ont dû opérer des coupes drastiques dans leur budget. 

D’ordinaire très prudente, la Conférence des présidents d’universités (CPU) a ainsi alerté le ministère il y a quelques mois estimant qu’« aujourd’hui, les solutions utilisées et les efforts consentis atteignent leurs limites (...) la situation à laquelle nous sommes confrontés sera bientôt intenable pour la majorité de nos établissements. À court terme, l’ensemble des universités françaises risque de ne plus pouvoir assurer les missions de service public que l’État leur a assignées ». Si les cas de l’université Versailles Saint-Quentin ou de l’université de Béziers ont défrayé la chronique, la première en quasi-faillite menaçant de fermer ses portes, la seconde, de supprimer son antenne de Béziers et de tirer les étudiants au sort faute de pouvoir tous les accueillir, bien d’autres établissements sont aujourd’hui tout aussi exsangues.

Sur le fond, aucun des grands équilibres – ou déséquilibres – engendrés par la LRU (loi dite d’autonomie) et le Pacte de recherche de 2006 n’a été modifié par la loi Fioraso sur l’enseignement supérieur et la recherche adopté en juillet dernier.

« Le changement de majorité représentait une opportunité pour discuter sur le fond des missions de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une consultation a certes été organisée mais pour n’aboutir pratiquement à rien, déplore Marc Neveu, co-secrétaire général du Snesup en référence aux Assises de l’enseignement supérieur qui servirent surtout de défouloir collectif dont bien peu de propositions ont été reprises. « Au lieu de cela, la ministre a persévéré dans la politique initiée par Valérie Pécresse qui considère que l’autonomie des universités est un bon moyen pour l’État de faire des économies drastiques en déléguant le sale boulot aux universités. »

Face à ces attentes, le discours de la ministre a été strictement gestionnaire, avec des sorties pour le moins étonnantes dans la bouche d’une ministre d’un gouvernement socialiste comme lorsqu’elle assurait aux Échos que les universités devaient apprendre à être des « centres de coûts et de profits ». Pour Geneviève Fioraso, les établissements dans le rouge seraient non pas victimes d’un désengagement de l’État mais coupables de mauvaise gestion. Comme elle le déclarait dès son arrivée à  Mediapart : « On ne peut pas dire qu’il n’y a pas d’argent dans l’université française. Qu’elles soient en déficit ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’argent. Il y a des niches d’efficience : elles peuvent mieux s’organiser, mutualiser des moyens, faire du redéploiement. »

« C’est une ministre qui n’est pas complaisante avec la gestion de l’argent public, quand les universitaires ont parfois tendance à penser qu’il s’agit de leur argent, elle tient toujours à rappeler que c’est le contribuable qui paie », reconnaît un de ses collaborateurs qui estime que certains présidents d’université ont aussi « une gestion cynique » de leur établissement et « laissent filer les déficits en se disant qu’au final l’État paiera toujours ».

Celle qui dénonçait le double discours de ses prédécesseurs sur le budget des universités, a déclenché la colère du monde universitaire en annonçant la création d'un millier de postes qui, dans la plupart des établissements, étaient en réalité gelés, pour parvenir à boucler le budget (lire ici notre article sur le sujet). Le glissement vieillesse technicité (GVT), qui plombe les comptes des universités, n’est à ce jour compensé que pour moitié par l’État.

« Si je devait résumer d’un mot son bilan pour la recherche ce serait : "consternant " », assène le chercheur Alain Trautmann, figure de la mobilisation de 2009 et signataire de la pétition d’universitaires et de chercheurs pour un vrai changement de politique. « On attendait un infléchissement majeur et l’on n'a rien vu, accuse-t-il. Son travail a été de mettre en place la politique de Sarkozy dont elle a été une fidèle exécutante », explique-t-il. Le maintien du très coûteux crédit impôt recherche – 7 milliards d’euros – accordé largement aux entreprises pratiquement sans contrôle est l’un des signes les plus manifestes de cette absence de changement de cap. « Pendant la campagne, Hollande avait laissé entendre qu’il serait au moins conditionné à l’embauche de doctorants. Tout cela a complètement disparu », regrette ce chercheur à l'Inserm. Au CNRS, les recrutements sont en chute libre alors qu’un tiers des personnels sont désormais des précaires, un chiffre en hausse constante. « Les crédits récurrents n’ont cessé de diminuer et se réduisent toujours comme peau de chagrin », rappelle-t-il. « Elle n’a tenu aucun compte des Assises de la recherche sur ces points, mais elle a par contre toujours eu une oreille très attentive à la valorisation de la recherche, à ses débouchés économiques. »

Celle qui fut, jusqu’à sa nomination au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, PDG de la société d'économie mixte Minatec entreprises, une société qui propose de la valorisation industrielle au sein du grand complexe grenoblois regroupant chercheurs et industriels autour des micro et des nanotechnologies, a inscrit dans sa loi « l’exercice des activités de transfert pour la création de valeur économique » comme une nouvelle mission des organismes de recherche publique. Une vision utilitariste et à court terme de la recherche, presque uniquement appréciée selon sa capacité à créer des emplois et de la richesse, que dénonce une grande partie des chercheurs.

« Ces deux dernières années, le dialogue social a été une catastrophe », juge aussi Marc Neveu. « Mme Fioraso n’a jamais daigné venir aux discussions sur le statut des enseignants chercheurs, ce qu’aucun ministre avant elle n’avait osé manquer, pas même Valérie Pécresse. En revanche, lorsqu’il s’agissait de faire la VRP auprès des entreprises, elle a toujours trouvé le temps. »

La montée en puissance des régions, introduite par la loi Fioraso, inquiète également : « On va se retrouver avec des régions qui vont pouvoir dire aux universités quelles formations peuvent ouvrir, lesquelles sont inutiles. » Une vison pragmatique de l’offre défendue par son cabinet : « Quand on ouvre un département de génie mécanique, il est important de regarder si cela correspond à un besoin de compétence réel sur le territoire », affirme un conseiller.

Rue Descartes, on soutient que Geneviève Fioraso a surtout été depuis deux ans « la ministre des étudiants, plus encore que celle des enseignants-chercheurs ». Dans le contexte budgétaire actuel, son cabinet se félicite d’avoir pu dégager 118 millions pour la revalorisation des bourses étudiantes, à la rentrée 2013, tout en s’engageant à doubler cette somme pour la rentrée prochaine. Avec pour objectif la « démocratisation de l’enseignement supérieur », sa loi prévoit aussi la refonte de la licence avec une spécialisation plus progressive, répondant par là, aussi, à une ancienne revendication des organisations étudiantes.

Si l’Unef récuse tout rôle dans la reconduction annoncée de la ministre – « L’unef ne fait pas de choix de personnes et n’a évidemment pas de candidat », assure le président de l’Unef William Martinet –, la proximité de l’organisation étudiante avec la ministre n’est sans doute pas pour rien dans sa possible reconduction. L’Élysée, persuadé qu’une fronde des universitaires et des chercheurs – après le cuisant échec de la mobilisation de 2009 – n’est pas pour demain, ne craint vraiment qu’une mobilisation étudiante.

Celle qui s’était présentée comme la ministre de l’« apaisement » devra ainsi sans doute son maintien moins à sa capacité à convaincre et à rassurer chercheurs et universitaires, qu’à l’incroyable découragement suscité par sa politique.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Morts dans la nature


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