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Le vote de confiance, premier test du « soutien vigilant » des écologistes à Valls

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Leur colère est retombée. Mais les parlementaires écologistes qui souhaitaient rester au gouvernement, alors que leur parti en a décidé autrement cette semaine, en ont gros sur le cœur. « Tout ce qui s’est passé va laisser des traces », assure l’un d’eux.

Mardi 8 avril, à l’issue de la déclaration de politique générale de Manuel Valls, députés et sénateurs écolos devront dire s’ils votent la confiance à un gouvernement tout-PS auquel ils n’appartiennent plus. « Nous n’avons pas encore arrêté notre position », affirme François de Rugy, coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée nationale. Comme la majorité des parlementaires, ce dernier était favorable à une participation au gouvernement de Manuel Valls. Mardi 1er avril, le bureau exécutif du parti a pourtant voté la non-participation au gouvernement.

EELV se veut désormais un « partenaire vigilant » au sein de « la majorité ». Mais cette formule ne dit pas comment le parti va travailler à l’avenir dans la majorité. Elle ne dit pas non plus si cela implique de voter la confiance mardi.

Le sujet sera abordé samedi 5 avril lors du conseil fédéral d’EELV, le parlement du parti, à l’occasion d’un « débat de politique générale », mais sans vote.

Un vote pourrait toutefois intervenir dimanche, à huis clos, car un amendement d’une des ailes gauches du parti propose de trancher une « position des écologistes quant au vote de confiance ». Une large majorité du mouvement n’entend toutefois pas imposer de mandat impératif à ses élus. « Nous ne sommes pas dans le centralisme bureaucratique, mais plutôt attachés à notre tradition libertaire, explique Nicolas Dubourg, membre du bureau exécutif. Et de toute façon, le conseil fédéral n’a pas vocation à donner consigne aux parlementaires, encore moins sur une déclaration que personne ne connaît. »

Cécile Duflot et Manuel VallsCécile Duflot et Manuel Valls © Reuters

Pour autant, personne n’était affirmatif ce vendredi sur l’issue du débat dominical, certains évoquant un rejet en bloc, d’autres l’adoption d’une liste de conditions nécessaires à une approbation de la confiance gouvernementale… François de Rugy plaide pour un « oui sous conditions », notamment si une loi de transition énergétique est programmée rapidement. D’autres députés envisagent de s’abstenir. « Le choix est cornélien. Ce serait logique de s’abstenir. Mais ne pas voter, c’est mettre un pied dans l’opposition. Est-ce le mandat que nous ont donné nos électeurs ? » s’interroge Christophe Cavard.

À l’aile gauche, Sergio Coronado plaide pour une « abstention bienveillante ». « La composition intégrale du gouvernement ne sera connue qu’après le vote de confiance ! Si ça se trouve, une flopée de nucléocrates rentreront le lendemain. Comment voter “oui” dans ces conditions ? » Le groupe devrait tenter d’arrêter une position commune mardi matin, quelques heures avant le discours de politique générale de Manuel Valls. Voire juste avant le vote. « Seul le prononcé fera foi... », prévient François de Rugy. « De toute façon, il y a toujours une position de groupe, et des exceptions… », fait-on remarquer dans l’entourage d’Emmanuelle Cosse.

Au sein d’EELV, la question de la participation a révélé ces derniers jours l’ampleur des divergences stratégiques entre la majorité des parlementaires, élus dans la foulée de l’élection de François Hollande en 2012 grâce aux accords électoraux passés avec le PS, et les militants. Depuis deux ans, jamais la direction du parti ne s’était retrouvée face à une telle fronde de ses élus au Parlement. « Nous sortons de cette affaire assez divisés », admet de Rugy.

« Jusqu’ici, la ligne de fracture dans la majorité du parti portait sur la date de la sortie du gouvernement, beaucoup pensant qu’il fallait attendre la loi sur la transition écologique, décrypte un dirigeant du parti. Mais désormais, nous ne sommes plus au gouvernement, et à l’exception de quelques individualités, tout le monde est soudé derrière Cécile. Pour autant, le juste milieu qui fait tenir la majorité de la direction, c’est de rester dans une attitude constructive, même en dehors du gouvernement. »

L’annonce des ministres démissionnaires, lundi, a pris de cours les députés ou sénateurs écologistes, autant furieux d’être mis devant le fait accompli que de se voir d’un coup écartés de la course aux maroquins ministériels. Et quand le lendemain matin, Manuel Valls fait un « pont d’or » à la délégation écolo (un grand ministère de l’écologie avec l’énergie et les transports, trois postes au gouvernement, une réflexion sur une dose de proportionnelle), les esprits s’échauffent chez les députés et sénateurs pro-participation.

La discussion dure six heures (lire ici), et malgré les messages de la base, les potentiels ministres n’en démordent pas. Emmanuelle Cosse choisit de s’abstenir, tandis que François de Rugy et Barbara Pompili, coprésidents du groupe à l’Assemblée, Denis Baupin (vice-président de l’Assemblée nationale) ou Jean-Vincent Placé plaident pour entrer au gouvernement, avec une clause de revoyure dans quelques mois. Mais le bureau exécutif décide qu’il n’y aura pas de ministre écologiste, à une « nette majorité » (même si les résultats divergent selon les personnes interrogées).

Barbara Pompili, à l'AssembléeBarbara Pompili, à l'Assemblée © Reuters

Illico, les grands médias se déchaînent : les mêmes qui brocardaient les écologistes parce qu’ils restaient au gouvernement leur reprochent désormais d’être partis sur un coup de tête. Un diagnostic encouragé par les sorties furibardes des parlementaires. « Nos ministres (…) ont décidé de poser un oukase sur Manuel Valls, ce qui nous a mis dans une situation compliquée », déplore Barbara Pompili. Moins diplomate, le député François-Michel Lambert obtient son quart d’heure de célébrité et se répand dans les médias pour déplorer la « stupidité » et « l’immaturité » de son parti. « Leur réaction est un manque de sens des responsabilités hallucinant », se désole un dirigeant, pourtant partisan de la participation gouvernementale.

Les partisans de la participation ont en commun d’être des écologistes très pragmatiques. Depuis deux ans, ils défendaient au Parlement la position officielle du parti, martelée par la ministre Cécile Duflot : rester à tout prix au gouvernement. En un claquement de doigts, les voilà contraints d’adopter une ligne inverse. La pilule passe mal. « Pendant deux ans, on nous explique qu’il faut serrer les dents, qu’on est mieux au gouvernement parce que nous servons de garde-fous. Et d’un coup, les mêmes changent de pied, au bulldozer. Nous aurions pu prendre le temps d’un débat un peu plus large », regrette Christophe Cavard, député proche de Daniel Cohn-Bendit, qui n’a pas eu de mots assez durs pour la décision d’EELV.

« Ce parti se rétrécit sur sa base, sur les hypermilitants qui sont les plus motivés et les plus exigeants, déplore un autre député, Éric Alauzet. Si l'on avait fait un référendum interne, est-on sûr que la majorité aurait voulu sortir ? En tout cas, notre électorat, lui, était pour que nous restions. » Pour le porte-parole Julien Bayou, proche d’Eva Joly, cela ne fait pas un pli : « La décision de nos ministres a vraiment reboosté beaucoup de nos militants, on reçoit un nombre de messages de soutien impressionnant. » Un point de vue confirmé par d’autres bons connaisseurs du parti, de diverses motions. Pour Bayou, « les parlementaires veulent soit être ministres, soit réélus. Ils ont tous été dans la cogestion avec le PS, dans les régions, les villes ou les agglomérations. » Et de considérer : « Leur vision tactique est donc surdéterminée par cette proximité, dans le rapport de force, mais toujours ensemble. Du coup, face à un grand ministère “coquille vide”, ils ne voient que le “grand ministère”. »

D’autres parlementaires, eux, se réjouissent de cette nouvelle situation politique, inédite pour les écolos depuis 1997. Sergio Coronado applaudit. « Hollande a mis un terme à la synthèse qu’il incarnait : Valls est un libéral sur le plan économique, un néoconservateur et un sécuritaire sur le régalien, et pas vraiment un libéral sur les questions de société. Le choix de le nommer est un pied-de-nez aux électeurs de dimanche dernier, aux abstentionnistes et aux écolos. Point final. »

« Participer, c’était se jeter dans la gueule du loup, analyse la sénatrice Esther Benbassa. Valls a beaucoup d’énergie… mais l’énergie, c’est aussi faire la transition énergétique, lutter contre le nucléaire et les OGM. C’est la lutte contre les contrôles au faciès, en faveur du droit de vote des étrangers, la politique d’immigration, les Roms. Sur ces sujets, Valls a été très dur. Ces idées ne sont pas écolo-compatibles, et pas non plus compatibles avec notre gauche. » Benbassa se dit « libérée de ne plus faire partie du gouvernement, même si l'on peut faire moins de choses quand on est dehors ».

Pas de regret non plus pour Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. « Nous aurions eu des ministres, mais ils auraient dû garder le doigt sur la couture du pantalon. » « Je suis atterrée de voir que pour des postes, certains peuvent encore tout justifier », fustige même Isabelle Attard, apparentée au groupe écolo de l’Assemblée, depuis qu’elle a fondé le parti Nouvelle Donne avec Pierre Larrouturou.

« Le problème, c’est qu’on se retire quand notre ligne politique gagne, juge un proche d’Emmanuelle Cosse. Et en même temps, ce que représente Valls est clairement contraire à nos valeurs. Mais on constate aussi que Cécile et Pascal sont bien seuls à le dire à gauche. À part Mélenchon. Donc c’est emmerdant. »

Les parlementaires écologistes vont désormais devoir traduire en actes le fameux « soutien vigilant ». « Nous n’entendons pas participer à ce nouveau gouvernement, que nous assurons de notre vigilance la plus haute mais aussi de notre solidarité chaque fois que le cap choisi sera le bon », théorise Emmanuelle Cosse. Mais concrètement ? « Nous restons dans la majorité, mais allons faire du cas par cas en fonction des textes proposés. Cela nous permettra peut-être d’être mieux écoutés par le groupe socialiste », dit Danielle Auroi. De fait, la majorité absolue du groupe socialiste à l’Assemblée ne tient plus qu’à un fil.

Éric Alauzet, spécialiste des questions financières à l’Assemblée nationale, s’inquiète d’un « risque d’affaiblissement de nos parlementaires ». « Notre travail va être profondément modifié. Nous avions jusqu’ici une relation naturelle avec les ministres et leurs cabinets, cela permettait de travailler nos amendements. Depuis deux ans, j’ai l’impression d’avoir servi à quelque chose », explique ce député très engagé sur la loi bancaire.

Emmanuelle CosseEmmanuelle Cosse © Reuters

Ancien membre du parti communiste, Christophe Cavard craint que la non-participation n’inaugure une période difficile. « Quand on décide à moitié, on peut le payer cher. Le risque, c’est l'inutilité, et la traversée du désert, comme les communistes à partir de 1983… » Les dirigeants écolos évitent d’ailleurs soigneusement d’utiliser le terme « soutien sans participation », formule utilisée par les communistes quand ils refusèrent de participer au gouvernement Fabius, deux ans après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand.

Autre inconnue : la place à l’Assemblée de Cécile Duflot. La « patronne », comme l'appelle un élu, revient dans un mois à l’hémicycle. Son retour est vu avec un peu méfiance. « Ça promet d’être un peu compliqué », craint Alauzet. « Si elle revenait ces jours-ci, l’accueil serait froid, dit Christophe Cavard. Nous ne voulons pas nous mettre au service de la candidate Cécile Duflot. C’est elle qui doit se mettre au service du collectif. » François de Rugy, actuel coprésident, relativise, et assure que « personne n’a envie d’entretenir des querelles ».

« J’entends jouer pleinement mon rôle de députée de la majorité », dit simplement Cécile Duflot, citée par Libération, alors que l’ancienne patronne des écolos laisse encore ouverte toute candidature aux prochaines régionales, voire à la présidentielle de 2017. « Elle était la seule à pouvoir donner du sens à une nomination ministérielle, dit Julien Bayou, porte-parole d’EELV. C’est aussi pour cela que les socialistes ne feront pas de débauchage. Les débauchés potentiels n’incarnent pas grand-chose aux yeux du grand public, il faut être lucide… » « Cécile n’a pas besoin de la présidence du groupe pour être la plus légitime à s’exprimer », dit de son côté Nicolas Dubourg, membre de la direction écolo.

Si les échanges ont été aussi virulents ces derniers jours, c’est aussi parce que le départ du gouvernement repose crûment la question des alliances électorales futures. Lorsqu’ils sont partis sans le PS aux municipales, les écologistes ont fait de bons scores, comme à Grenoble, où EELV a emporté la mairie en s'alliant au Parti de gauche et à des mouvements citoyens. Une alliance qui pourrait s’approfondir lors des régionales de 2015, comme le propose Jean-Luc Mélenchon, prêt à voir son PG se ranger derrière EELV, avec ou sans les communistes. Mais cette perspective laisse encore beaucoup de monde dubitatif chez les écologistes.

« On s’est peut être un peu pris la grosse tête avec Grenoble et nos bons scores aux municipales, assure Alauzet. On ne gagnera pas sans le PS, ni avec un PS effondré. Si la gauche s’effondre l’an prochain, on perdra tous ensemble. » « Certains ont la volonté de s’allier avec Mélenchon, ils ont toujours été minoritaires et ils se sentent pousser des ailes. Il va falloir des clarifications », exige de Rugy.

Un point de vue que n’adopte pas Julien Bayou, qui participe pourtant régulièrement aux marches du Front de gauche. « Personne au parti ne veut basculer dans l’alliance avec Mélenchon », dit-il. Samedi, Emmanuelle Cosse va d'ailleurs tenir devant les cadres du parti un discours ménageant toutes les sensibilités, défendant autant la radicalité que l'expression de celle-ci dans la participation au pouvoir. Selon un proche, il s'agit aussi de « tuer dans l'œuf » l'hypothèse d'une « majorité alternative » avec le PG, et d'adresser une fin de non-recevoir à son « adresse » (lire ici).

Sans pousser à une alliance avec Mélenchon (« il conçoit la politique comme une violence »), le député Sergio Coronado estime toutefois que des « alliances locales » ne sont pas à exclure d’emblée. « L’an prochain, une alliance EELV-PG nous mettrait au moins à 10 % dans toutes les régions », explique ce proche d’Eva Joly.

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