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Pascal Durand (EELV): «La majorité des socialistes vivent dans le déni»

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Les municipales signent une débâcle pour le PS. À sa gauche, les écologistes ont mieux résisté et ont même triomphé, avec le Parti de gauche, à Grenoble. « Il existe un espace politique pour une politique écologique de transition, alliée à une gauche de changement », analyse Pascal Durand, ex-secrétaire national d'Europe Écologie-Les Verts, tête de liste écologiste pour les européennes en Ile-de-France. Entretien. 

Quels enseignement tirez-vous de la victoire de la liste EELV-Parti de gauche menée par Éric Piolle à Grenoble ?

Cela prouve qu'un espace politique s'ouvre lorsqu'on porte une campagne ouverte, campagne qui n'a jamais été agressive et a été menée en posant les questions de fond. À la différence de la gestion traditionnelle des socialistes.

La victoire EELV/PG à Grenoble peut-elle dessiner une alternative à gauche à la politique menée par le PS ?

On n'essaie pas de construire une majorité alternative à gauche. On essaie de démontrer qu'il existe un espace politique pour une politique écologique de transition, alliée à une gauche de changement, telle que Léon Blum l'appelait de ses vœux. Une gauche qui soit un vrai réformisme de transformation, avec des solutions nouvelles, et pas une gauche d'accompagnement ou d'adaptation. En France, il est indispensable d'ouvrir de nouvelles voies, avec les écologistes et ceux qui veulent faire bouger les lignes. Les Français ont rejeté dimanche les vieilles solutions et les vieilles recettes qui ont échoué.

Cécile Duflot et Pascal DurandCécile Duflot et Pascal Durand © Reuters

Quelle signification donnez-vous à la débâcle des socialistes au second tour ?

C'est d'abord et avant tout la sanction claire d'une politique mise en œuvre depuis deux ans et qui, pour l'essentiel, ne correspond pas aux politiques pour lesquelles ce gouvernement a été élu. Il y a bien sûr des exceptions, comme le ministère du logement (de Cécile Duflot, ndlr) ou celui de la justice (de Christiane Taubira, ndlr). Mais globalement, les Français ont dit ce soir : « Nous ne vous avons pas élu pour cela. »

Les Français ne sont pas des idiots, ils voient bien que le pays est en crise. Mais ce qu'ils ne supportent pas, et ils ont raison, c'est que les élus n'essaient pas de mettre en œuvre des politiques nouvelles et courageuses, qui changent le réel. La majorité des socialistes vivent dans le déni en s'accrochant à de vieilles lunes, en attendant que la croissance revienne, en défendant le productivisme et en ne parlant de la compétitivité que sous l'angle du coût du travail, sans comprendre que le monde a changé.

Peut-on résumer le message des urnes en disant que les électeurs de gauche veulent une politique plus à gauche et plus écologique ?

Les électeurs ont voulu dire au gouvernement et à François Hollande que la politique menée n'est pas, à ce stade, de nature à transformer le réel. C'est une politique d'accompagnement, et c'est l'incapacité à prendre en compte les réalités du monde moderne pour reconstruire les solutions de redistribution. Il faut une vraie transformation des politiques publiques.

Que doit contenir un remaniement, s'il a lieu, comme message politique ?

Ce remaniement n'a aucun intérêt s'il n'est qu'une question de personnes et si l'on n'explique pas en amont quelles politiques publiques seront mises en œuvre. Il faut maintenant un contrat de gouvernement : les écologistes ne peuvent plus se contenter de paroles sur la prise en compte des questions écologistes. La question qui reste aujourd'hui est la suivante : que fait-on ensemble ? Quel changement pour la vie quotidienne des gens ? Personne n'attend un coup de baguette magique, mais il faut fixer un horizon commun et s'y tenir. On a le droit d'échouer, on n'a pas le droit de ne pas tenter.

Un « contrat de gouvernement », c'est la condition que vous posez à un maintien des écologistes au gouvernement ?

Ce n'est pas à moi de dire s'il faut rester ou quitter le gouvernement, car ce doit être une décision collective. Mais je pense que nous ne parviendrons pas à créer une nouvelle dynamique dans le pays si le nouveau gouvernement ne dit pas clairement où il veut aller et s'il ne s'engage pas dans le respect de ses partenaires. Ce n'est pas possible de se rappeler l'importance des écologistes seulement au soir d'élections. Nous devons être intégrés pour ce que nous sommes et pour ce que nous portons. Il faut donc un contrat de gouvernement clair.

Quel doit être le contenu de ce contrat de gouvernement ?

D'abord la transition énergétique. Mais cela ne veut pas seulement dire la baisse du nucléaire ; cela ne suffit pas. Il faut dire comment la France peut y parvenir. Quels moyens seront donnés aux énergies renouvelables ? Quel financement pour l'isolation des bâtiments, pour la voiture à 2L annoncée par le premier ministre, pour développer les transports en commun publics ?

Je refuse que le gouvernement, comme le fait Bernard Cazeneuve (le ministre du budget, ndlr) depuis un an, réponde seulement qu'il n'a pas de marge de manœuvre. C'est faux. Il faut aller chercher l'argent dans d'autres budgets, ceux de la défense, de la dissuasion nucléaire, chez les pollueurs, pour être capable de financer une nouvelle industrie et la formation des jeunes. Ce sont des sujets vitaux.

Les choix ne doivent pas être ceux du Medef. Parce que la démarche du Medef, ce n'est pas l'intérêt général, ce sont les intérêts particuliers de quelques actionnaires. Il faut revenir à la notion de bien commun, et à la question majeure des nouvelles solidarités à construire.

Un Manuel Valls premier ministre serait-il compatible avec ce projet ?

Si Manuel Valls est sincère politiquement, s'il n'a pas menti aux Français et qu'il défend toujours la ligne de la primaire pendant laquelle il s'est revendiqué de Tony Blair, c'est une catastrophe qui ne peut pas résoudre les problèmes des Français. L'homme n'est pas en question, mais sa politique l'est. Après, Manuel Valls a peut-être changé. S'il explique que Schröder n'est pas la solution, il peut redevenir un interlocuteur habilité.

C'est la même chose pour Arnaud Montebourg. Si c'est le Arnaud Montebourg qui nous explique qu'il faut le gaz de schiste, le nucléaire et le “made in France” à la papa, il ne pourra pas diriger un gouvernement dans lequel les écologistes auront une place active.

Mais j'ai compris il y a longtemps que ce sont parfois des hommes politiques de droite qui mènent des politiques de gauche, et inversement. Il ne suffit pas de regarder les étiquettes des gens mais les politiques qu'ils veulent mettre en œuvre. Et si l'on en revient à Manuel Valls, pour l'instant, il n'a jamais manifesté la volonté de mener la transition énergétique et écologique. Sans même parler de sa pratique de ministre de l'intérieur. J'ai toujours défendu les politiques de Christiane Taubira contre les positions conservatrices, pour ne pas dire réactionnaires, portées par Manuel Valls.

L'équation politique de la gauche au pouvoir est compliquée si elle respecte le cadre européen, notamment en matière de déficit public. Vous qui serez tête de liste aux européennes en Ile-de-France, pensez-vous qu'il faut désormais renverser la table européenne et changer les critères du pacte de stabilité ?

Les cadres formels européens sont pour une part difficiles à supporter. Mais quand il a fallu les dépasser, ils l'ont été. L'Allemagne l'a fait avec les 3 % de Maastricht. L'Europe l'a fait pour sauver les banques, en acceptant une intervention directe de la Banque centrale européenne.

Quand, cet hiver, le budget européen a été baissé, le président de la République François Hollande avait la capacité de ne pas céder. François Hollande devrait faire de la politique en Europe, et pas seulement de la cuisine. On a laissé la main à quelques égoïsmes nationaux, ceux de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de la Pologne, sans être capable de dire l'intérêt général européen. L'Europe n'est pas un espace à rejeter, mais à reconquérir politiquement.  

BOITE NOIREL'entretien a eu lieu dimanche soir au téléphone. Il n'a pas été relu par Pascal Durand.

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