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Une autre politique pour conjurer la catastrophe!

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D’abord, il y a la colère ou l’exaspération ! Par-delà le décompte précis des municipalités perdues par la gauche et de celles qui ont été gagnées par la droite et par l’extrême droite, c’est avant tout cela l’enseignement majeur de ces élections municipales. Elles sont le révélateur de l'indignation d’une bonne partie du pays contre un pouvoir socialiste qui, depuis l’alternance, n’a cessé de piétiner les promesses de changement et qui, depuis le soir du premier tour, se refuse à admettre l’urgence d’un changement de cap. Cette dernière semaine, il n'a eu qu'un seul et pauvre argument de campagne, celui du Front républicain, consistant à appeler à voter pour l'UMP de Jean-François Copé – lequel Jean-François Copé restera à tout jamais célèbre pour avoir barboté dans la piscine du marchand d'armes Ziad Takieddine et pour avoir préempté nombre de thèses du Front national.

A quels autres résultats les dignitaires socialistes pouvaient-ils s’attendre ? Après tant de mensonges, tant de promesses bafouées, que pouvaient-ils escompter d'autre que ces résultats sinistres, et même souvent inquiétants ?

Durant la campagne présidentielle, le candidat socialiste François Hollande a fait entendre une petite musique de gauche qui, même si elle n’était guère enjouée ou dynamique, a au moins donné l’assurance au pays que la page des années Sarkozy serait tournée. Que la politique économique et sociale inégalitaire du président sortant serait suspendue. Que l’affairisme qui avait marqué le dernier quinquennat prendrait fin.

Si le candidat François Hollande n’a pas fait de nombreuses promesses – et surtout pas de promesses véritablement audacieuses –, il a  pourtant marqué les esprits. Ne serait-ce qu’à cause de sa célèbre phrase : « Mon ennemie, c’est la finance. » Si la formule était passablement elliptique, elle résonnait au moins comme une promesse de résistance, contre toutes les injustice générées par un capitalisme financier de plus en plus tyrannique.

On sait ce qu’il en est advenu ! Fait sans précédent dans la longue histoire de la gauche, François Hollande a tourné casaque le jour même où il a accédé au pouvoir. Pas six mois, pas deux mois, pas un mois ! Non, le jour même ! À la différence du Front populaire, qui a attendu six bons mois en 1936 pour décréter la « pause », selon la formule de Léon Blum ; à la différence aussi du gouvernement d’union de la gauche qui, en 1981, a attendu aussi un bon semestre pour annoncer « la pause dans l’annonce des réformes », selon la formule de Jacques Delors, et une bonne année avant d’engager le premier plan d’austérité ; François Hollande, lui, a négocié son « virage »… le jour même où il a accédé à l’Élysée.

Aussitôt, il a jeté à la poubelle toutes les promesses en lesquelles les électeurs de gauche avaient eu l’imprudence de croire. La grande réforme fiscale, prévoyant notamment la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, a été enterrée ; la partition promise des banques, entre activités spéculatives et activités commerciales, s’est transformée en mascarade ; la promesse faite aux ouvriers de Florange de sauver leur site industriel a été honteusement oubliée – et le Conseil constitutionnel vient de jeter aux oubliettes ce qu'il restait de l'ersatz de protection pour les ouvriers ; la grande réforme démocratique, avec notamment l’organisation d’une justice indépendante, l’indépendance du Parquet ou encore la suppression de la Cour de justice de la République, a été enterrée...

C’est une sorte de hold-up démocratique qui est intervenu, car les électeurs ont été privés de leur victoire. Et ils en ont été privés de manière d’autant plus spectaculaire que François Hollande ne s’est pas borné à oublier quelques-unes de ses promesses de campagne. Il s’est aussi appliqué à désespérer chaque jour un peu plus les électeurs qui l’avaient porté au pouvoir en mettant en œuvre la politique du camp d’en face : la politique néolibérale défendue par l’UMP et revendiquée par le Medef.

Comme s’il n’y avait pas eu d’alternance, comme si le suffrage des électeurs ne comptait pas, François Hollande a poursuivi, dès le premier jour, la politique de rigueur salariale et budgétaire conduite auparavant par Nicolas Sarkozy. Pis que cela ! Il l’a même aggravée, en portant à 50 milliards d’euros le montant des économies budgétaires promis à Bruxelles. En clair, la promesse d’un quinquennat en deux temps – deux années d’effort, puis trois autres années pour en récolter les fruits – a très vite été balayée. Et François Hollande a fini par faire au pays une promesse radicalement différente : l’austérité à perpétuité.

François Hollande a même été piocher dans la boîte à outils des officines du patronat – l’Institut de l’entreprise et l’Institut Montaigne – pour inventer le plus scandaleux des transferts : financée en partie par le plus injuste des impôts, la TVA, la somme de 20 milliards d’euros a été apportée aux entreprises, sans la moindre contrepartie ni le moindre contrôle.

En somme, le gouvernement a mis en œuvre non pas une politique sociale-libérale, qui impose un donnant-donnant entre les entreprises et les salariés. Dans le cas présent, il n’y a pas eu de donnant-donnant : il y a juste eu un cadeau en pure perte apporté aux entreprises. Comme l’a écrit Christian Salmon (lire L’économie zombie et la politique de l’offrande), ce n’est pas même une politique de l’offre qui a été mise en œuvre, mais bien plutôt une politique… de l’offrande !

Et les 20 milliards d’euros n’ont pas suffi. Très vite, François Hollande a fait un geste de plus. Toujours dans le même sens, en faveur du patronat. Après le « choc de compétitivité », il a donc promis un « pacte de responsabilité » qui s’emboîterait à ce premier gigantesque cadeau et qui porterait au total à 30 ou 35 milliards d’euros le total des allègements de cotisations sociales ou fiscales en faveur des entreprises.

Et ce n’est pas tout ! Le gouvernement ne s’est pas contenté de poursuivre la politique économique et sociale inique de Nicolas Sarkozy. Sous la houlette de Manuel Valls, il s’est aussi appliqué à poursuivre dans ses grandes lignes la politique sécuritaire de Claude Guéant ou de Brice Hortefeux. Avec les mêmes résonances xénophobes, un jour contre les Roms, le lendemain contre « l’ennemi intérieur »

Enfin, François Hollande n’a rien fait pour sortir de cette insupportable culture monarchique française, qui a nécrosé la démocratie. « Moi, je… », « moi, je… »: tout s’est joué à l’Élysée, autour d’un président omnipotent, désordonné et cafouilleux, mais tout-puissant, décidant de tout, selon son bon plaisir. Encore et toujours, le « coup d’État permanent »…

Dans un pays rongé par un chômage qui atteint des niveaux historiques, touchant plus de 5,5 millions de personnes toutes catégories confondues, et miné par une pauvreté qui englobe désormais plus de 10 millions de personnes, sur quoi pouvaient donc déboucher de nouvelles élections, fussent-elles locales ? Il n’était guère besoin d’être un politologue chevronné pour le pressentir : sur la colère, précisément. Ou sur l’indignation.

Au soir de ce second tour des élections municipales, la question qui est posée aux dirigeants socialistes – mais tout autant, pour des raisons qui ne sont pas les mêmes, à ceux des autres composantes de la gauche ou du mouvement écologiste – est donc d’une triste évidence : fallait-il que le Front national progresse encore, pour qu’un nouveau cap soit enfin choisi ? À l’instar de Hénin-Beaumont, fallait-il que d’autres villes tombent entre les mains de l’extrême droite, avant que les dirigeants socialistes comprennent qu’ils doivent se ressaisir ? C’est l’avenir de la gauche qui est durablement menacé. Plus même que l’avenir de la gauche : c’est la République qui vacille et qui est en danger. La République, avec ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité…

Si ces questions prennent au soir de ce second tour une si forte acuité, c’est que les dirigeants socialistes ont fait mine, dans la semaine de l’entre-deux tours, de ne pas comprendre la gravité de l’alerte. Et c’est à un théâtre d’ombre proprement surréaliste auquel on a assisté.

On a ainsi appris, mercredi, à l’issue du conseil des ministres, que pour François Hollande il fallait « entendre les Français » et que la « leçon » à tirer du scrutin consisterait à « travailler au redressement du pays avec plus de force, plus de cohérence et plus de justice sociale ». Phrases creuses qui, par leur vacuité même et leur imprécision, sont terriblement inquiétantes.

Dans une authentique démocratie, où le peuple a la parole, une sanction aussi grave aurait été prise en compte. Au pays du « coup d’État permanent », le monarque républicain, aussi minoritaire soit-il dans le pays, aussi désavoué soit-il, peut décider ce que bon lui semble, contre l’avis même de tout le pays. Ainsi le permettent les institutions très anti-démocratiques issues du coup d’État à froid du général de Gaulle, en 1958, et que la gauche n’a jamais véritablement réformées : c’est celui-là même qui a été sanctionné par les électeurs qui a les pleins pouvoirs pour tirer les enseignements de la sanction. Voire… pour n’en tirer aucun enseignement, ou alors seulement cosmétique.

François Hollande décidera, seul, des enseignements à tirer de cette sanction démocratique qui le vise personnellement. Et il en décidera dans quel sens ? Tout au long de la semaine écoulée, comme dans une monarchie malade, les supputations de la cour ont été bon train, suggérant de multiples hypothèses. Avec selon les variantes, le maintien de Jean-Marc Ayrault à Matignon ou son remplacement par Manuel Valls. Mais de l’un à l’autre, quelle différence ? En termes de politique économique et sociale, aucune ! Lors des primaires socialistes, Manuel Valls est celui qui, le premier, a défendu l’idée de relever la TVA et d’engager une politique pour stimuler la compétitivité des entreprises. En quelque sorte, dans la politique néolibérale que suivent aujourd’hui les socialistes, il a joué les précurseurs.

Quant à sa politique sécuritaire ou en matière d’immigration, il a si fréquemment joué de l’emphase, marchant avec délectation sur les brisées de la droite, sous les applaudissements de certains caciques de l’UMP, jusqu’à Serge Dassault, que sa promotion à Matignon aurait des allures de provocation. A l'époque, ses camarades socialistes lui avaient fait amèrement grief de dupliquer le programme de la droite ultra-libérale.

L’autisme dans lequel semble enfermé François Hollande a d’ailleurs d’autres manifestations. Car, dans le prolongement de ces rumeurs de cour sur le nom du possible futur premier ministre – le même ou un autre encore plus marqué à droite –, on a appris les mesures que pourrait prendre le nouveau gouvernement, au lendemain d’un probable remaniement.

Le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, a ainsi lâché que des mesures fiscales « à destination des plus modestes » seraient prises dans les tout « prochains jours » tandis que la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a souligné mercredi que « l'objectif à terme est d'aller vers une baisse de la fiscalité des ménages », sans s'engager sur un quelconque calendrier.

En clair, rien de nouveau sous le soleil socialiste. Car voilà des mois, dans la foulée des vœux de fin d'année de François Hollande, que le gouvernement évoque une possible baisse de l’impôt sur le revenu, sans jamais préciser à quelle échéance. De surcroît, une baisse de l’impôt sur le revenu, même ciblée sur les tranches basses du barème, profiterait par construction aussi à toutes les autres tranches du barème, y compris aux plus riches. Et cette baisse n’aurait aucun effet sur les 50 % des Français qui n’y sont pas assujettis, et qui sont… les plus modestes !

En clair, si le gouvernement avançait vers une telle solution, ce serait toujours tourner le dos à la justice fiscale. Car une telle disposition contribuerait à démanteler encore un peu plus l’impôt sur le revenu, l’un des rares prélèvements progressifs en France avec l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Ou si l’on préfère, cela équivaudrait à prendre exactement le chemin inverse à celui que préconisait autrefois le Parti socialiste, au travers de cette fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, pour refonder un impôt citoyen et progressif.

L’autre piste évoquée vise à modifier le plan d’allègement des cotisations sociales et fiscales envisagé par le gouvernement en faveur des entreprises. Jusqu’à présent, on sait que le gouvernement avait en effet prévu d’abord un allègement de 20 milliards d’euros, sous la forme d’un crédit d’impôt, baptisé « CICE », pour créer un soi-disant « choc de compétitivité ». Et, dans un deuxième temps, François Hollande avait annoncé une possible suppression des cotisations familiales payées par les employeurs, venant se cumuler aux 20 milliards d’euros. Au total, sous une forme ou sous une autre, les entreprises devaient y gagner de 30 à 35 milliards d’euros.

C’est donc cette articulation entre le « choc de compétitivité » et le « pacte de responsabilité » qui pourrait être revue, sous des modalités qui sont encore mal connues. Ce qui a filtré, c’est juste que le gouvernement maintiendrait cette enveloppe globale de 30 à 35 milliards d’euros d’allègements, mais préférerait l’utiliser au travers d’un élargissement du système de crédit d’impôt plutôt qu'au travers d’une suppression des cotisations familiales.

Mais, là encore, d’un système à l’autre, quelle différence ? Le débat sur l’efficacité supposée d’une modalité plutôt que l’autre fait peut-être rage entre quelques chapelles néolibérales, mais n’a, en vérité, aucun véritable enjeu. Car dans un cas comme dans l’autre, on sait à l’avance ce que seront les effets de ces différents dispositifs : d’abord et avant tout des effets d’aubaine pour les employeurs, mais pas ou peu d’effet en termes d’emploi ou d’investissement.

Cet aveuglement de François Hollande et de ses proches, qui veulent poursuivre dans la même direction, a d’ailleurs eu une autre traduction spectaculaire. Dans un article qui n’a pas profité de la publicité qu’il méritait, publié par Les Échos, sous le titre explicite « Sur les économies, nous ne changerons pas de cap », le ministre du travail, Michel Sapin, qui est aussi un intime de François Hollande, a dit le plus important : en dehors de quelques ajustements de détail, rien ne changera. Le plan d’austérité de 50 milliards d’euros – qui est le cœur de la politique néolibérale française, et qui plonge la France dans une situation de déflation en même temps qu’elle nourrit une explosion du chômage et de la pauvreté – n’est pas négociable. Quoi qu’en pensent les électeurs qui ont sanctionné François Hollande.

Il n’est pas besoin d’être expert budgétaire pour le comprendre : la mise en œuvre de ces 50 milliards d’euros d’économies constituerait un saccage majeur, auquel rien ne résisterait. Pas de politique de l’emploi ! Y en a-t-il seulement eu une depuis l'alternance ? Pas de politique culturelle ! Pas même de politique de refondation de l’école publique ! Pour ceux qui en douteraient, les mêmes rumeurs alimentées par Bercy sont venues confirmer ces derniers jours que même la promesse phare de François Hollande visant à créer 60 000 emplois dans l’éducation nationale d’ici la fin de son quinquennat risquait d’être passée à la broyeuse de l’austérité – ici un écho de presse qui rapporte ce que prépare le ministère du budget.

De surcroît, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a eu beau démentir qu’il avait proposé le gel de l’avancement automatique des fonctionnaires, l’information est avérée, comme l’a révélé une enquête de Mediapart (lire Salaires des fonctionnaires : le poker menteur de Vincent Peillon). En somme, tout se passe comme si François Hollande n’avait plus le moindre tabou : converti à une politique économique radicalement de droite, il donne le sentiment d’être indifférent à scandaliser son électorat, jusqu’aux enseignants, dont les gros bataillons ont toujours été fidèles à la gauche.

Au soir du second tour des élections municipales, c’est ce qu’il y a de plus inquiétant. Dans une véritable démocratie, les élus du peuple chercheraient sur-le-champ à prendre en compte le message des urnes. Message en l’occurrence transparent ! D’urgence, il faudrait fixer un cap nouveau ; renouer avec les promesses  de la campagne du candidat socialiste ; engager une véritable réforme fiscale pour refonder un impôt progressif ; desserrer l’étau de l’austérité et conduire une politique salariale et budgétaire plus dynamique…

Bref, il faudrait un cours nouveau. Pour conjurer la catastrophe qui se dessine. Pour refonder notre démocratie. François Hollande semble tourner le dos à cette aspiration. Alors qu’il faudrait réinventer la gauche, lui redonner une doctrine et un espoir, il s’est claquemuré dans les pouvoirs insupportables que lui confèrent les institutions de la Ve République. Seul face au peuple…

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : .bzh l’extension web de la bretagne


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