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Défaite majeure pour le PS, enracinement pour le FN

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Les élections municipales n’ont pas dérogé à une règle vérifiée six fois depuis trente-cinq ans : 1977, grosse défaite de la droite,1983, fort recul de la gauche, 1995, percée du Front national, 2001, reflux socialiste, 2008, échec de la droite, 2014, enfin, claque en vue pour le Parti socialiste. Quoi que disent et répètent les sondages, les électeurs ne se déterminent donc pas uniquement en fonction des salles polyvalentes et des impôts locaux, mais sanctionnent plus ou moins sévèrement le pouvoir en place.

À ce titre, le résultat du premier tour, s’il devait se confirmer dimanche prochain, pourrait rester dans l’histoire comme une fracture à deux niveaux. Premièrement, le Front national s’est ancré dans le tissus local. Deuxièmement, le PS est affaibli partout, quand il ne s’effondre pas. La France des notables roses, bien implantés dans leurs bastions, a été emportée, ou se retrouve affaiblie, contrairement à ce que leur laissaient espérer des batteries de sondages locaux.

Ce qui frappe dans la percée du Front national, au-delà des résultats spectaculaires et symboliques d’Hénin-Beaumont ou Béziers, c’est sa capacité à démultiplier le résultat de Marine Le Pen aux élections présidentielles de 2012. Dix points de mieux à Avignon, où le candidat d’extrême droite est en tête, neuf points de plus à Forbach où Florian Philippot réalise le meilleur score, deux points de mieux à Limoges, même phénomène à Laval, à Mulhouse, à Saint-Étienne, à Dijon où le FN peut se maintenir au second tour avec presque 13 % des exprimés, soit 5 points de mieux que le record municipal de 1995 (lire ici notre analyse du résultat du FN).

 

L’analyse des résultats, ville par ville, prouve que le parti de Marine Le Pen a mordu sur sa droite, en affaiblissant de nombreux candidats UMP, mais pas seulement. Dans bien des municipalités, Strasbourg ou Nancy par exemple, la droite se maintient sans briller, mais le PS perd jusqu’à 10 points, et les amis de Marine Le Pen en récupèrent presque autant. Est-ce le signe d’un transfert entre certains sortants PS et le Front national, il est périlleux de l’affirmer à chaud, mais la question se pose et devra être élucidée.

Donc une montée en puissance indiscutable de la droite de la droite, et un reflux général des candidats socialistes, même les mieux implantés. Certes Gérard Collomb ne paraît pas menacé à Lyon, mais son élection sera moins facile que prévu. À Paris, Anne Hidalgo, même devancée en voix, semble en mesure de succéder à Bertrand Delanoë, mais le résultat sera serré. À Toulouse, Pierre Cohen peut encore espérer garder son siège de maire, mais les profondes divisions de la gauche ont éparpillé les voix, et le placent à sept points derrière son rival UMP. À Lille, Martine Aubry dont la réélection était censée aller d’elle-même perd onze points par rapport à 2008, où le Front national en gagne autant, tandis que la droite classique fait du surplace.

 

À Amiens, en perdant plus de six points en cinq ans le PS pourrait perdre la ville. À Laval, où Guillaume Garot, le ministre délégué à l’agroalimentaire, était passé au premier tour, son successeur laisse quinze points sur le carreau. À Quimper, le conseiller de François Hollande, Bernard Poignant, baisse de huit points et se retrouve en position inconfortable. À Rennes, que le PS peut espérer conserver, Nathalie Appéré perd onze points par rapport au score de Daniel Delaveau.

Le PS pourra mettre en avant la bonne tenue d’Adeline Hazan à Reims, ou le possible gain d’Avignon où l'ancienne députée Cécile Helle, même arrivée derrière le candidat Front national, paraît disposer des réserves nécessaires, mais dimanche prochain ces îlots de résistance risquent de paraître ternes quand la victoire de Jean-Claude Gaudin à Marseille sera confirmée. Car au-delà de la saignée générale, dans toutes les villes de France ou presque, le score très bas de Patrick Mennucci, devancé au premier tour par le Front national, restera comme le résultat le plus symptomatique et le plus éclatant du double événement du jour : la puissance du FN, et la faiblesse du PS.

On peut donc parler d’échec notable du Parti socialiste, mais on doit se garder de généraliser ce jugement pour toute la gauche. Avec des résultats quelquefois en dents de scie, les alliés d’Europe Écologie, et les concurrents du Front de gauche, quand il s’est présenté en son nom, ont plutôt sauvé les meubles, et même créé l’événement, comme à Grenoble, où la liste d’Europe Écologie associée au Parti de gauche devance de quatre points la liste socialiste associée aux communistes.

Face à de tels résultats, que le président de la République devra bien analyser, et inscrire à son débit personnel, la droite classique aurait tort de pavoiser. Jean-François Copé pourra toujours mettre en avant sa réélection au premier tour, ou le score de Jean-Claude Gaudin dans la deuxième ville de France, et se féliciter pudiquement de la victoire de François Bayrou à Pau, les résultats de l’UMP sont médiocres compte tenu du recul du PS. Il n’y a pas eu de vase communicant, comme d’ordinaire, entre un parti majoritaire durement sanctionné, et le principal parti d’opposition : recul à Angers, addition fragile à Metz entre les deux listes de droite de 2008, surplace à Quimper, stagnation à Nîmes où la gauche vole pourtant en éclats, recul spectaculaire à Perpignan, ou à Béziers… Le score plutôt brillant, et supérieur aux attentes de Maryse Joissains à Aix-en-Provence ne suffira pas à embellir ces résultats en demi-teintes, d’autant que la multiplication des triangulaires risque d'atténuer au second tour l’affaissement des socialistes.

Car la consigne de non-désistement en direction du FN, et de refus du Front républicain en faveur des socialistes, sera difficile à appliquer. Le PS est prêt à demander l’appui de l’UMP à Avignon en échange d’un appel à voter UMP à Béziers… Partout des marchandages vont s’engager, et il serait étonnant que les cloisons vertueuses proclamées à Paris ne deviennent pas « un peu » poreuses en s’approchant du terrain.

Le résultat de ce premier tour est sans doute le plus mauvais pour le PS depuis 1983. Cette année-là, une mobilisation inattendue au second tour avait permis de limiter les dégâts. Compte tenu de l’impopularité record du couple exécutif, il semble peu probable que le cru 2014 conduise à la même inversion de tendance.

Il faudrait pour cela que les électeurs de gauche reviennent massivement aux urnes. L’abstention redoutée par le PS a produit ses effets. Au niveau national, comme nous le disons par ailleurs, on a encore moins voté qu’en 2008, où des records avaient déjà été battus. Mais hier, comme par hasard, on s’est moins abstenu à Hénin-Beaumont ou Béziers que dans le reste de la France, et à Limoges l’effondrement socialiste s’explique d’abord par ce phénomène incontournable : un grand nombre d’électeurs, notamment les jeunes, n’y croient plus ou sont désabusés.

Cette défaite socialiste aux élections locales, même si Paris, Toulouse, ou Strasbourg peut-être devaient rester à gauche, créera forcément une onde de choc sur un pouvoir central déjà fragilisé. Cette abondance d’échecs locaux, qui se transformera peut-être en cascade quand on analysera le résultat des plus petites villes, désigne en fait un responsable. Il n’est pas maire et ne perdra pas son siège puisqu’il est président de la République, mais il devra bien en tirer les conclusions les plus urgentes, s’il veut éviter d’être emporté par la vague, comme son prédécesseur...

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