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L'association d'une élue UMP de Paris condamnée par les prud'hommes

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Décidément, la gestion de l’ARA 18 (Association Relais Autonomie 18) n’aura pas été une sinécure pour Roxane Decorte, candidate dissidente UMP à la mairie du XVIIIe. Après une condamnation pour abus de confiance en 2011, l’association que présidait la conseillère de Paris a été condamnée par le Tribunal des prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Plus d’un an après le jugement, elle ne s’est toujours pas acquittée de sa condamnation.

Abordée au conseil municipal du XVIIIe arrondissement où elle siège dans les rangs de l’opposition, Roxane Decorte nous a dit ne pas être au courant, arguant que l’association avait été liquidée. Mais la liquidation a été décidée début 2013, plusieurs mois après le jugement prud'homal.

Roxane Decorte pose avec sa fille sur ses affiches de campagne.Roxane Decorte pose avec sa fille sur ses affiches de campagne. © DR

Les faits remontent à 2007. Fouzia Benzouine aurait bien voulu éviter les prud’hommes. Mais Roxane Decorte ne lui a pas beaucoup laissé le choix. Cette auxiliaire de vie travaillait pour l’ARA 18 au service de personnes âgées. En tant que mandataire, l’association faisait le lien avec les bénéficiaires : elle rédigeait les contrats des employés, produisait les fiches de salaire et les certificats de travail. C’est donc l’ARA 18 qui était considérée comme son employeur.

Après quelques mois de travail, Fouzia Benzouine constate des irrégularités sur ses contrats et des heures non payées. Elle réclame à l’association le paiement des heures dues et des certificats de travail établis en bonne et due forme. L’employée ne comprend pas pourquoi elle a parfois été payée 9 euros brut de l’heure alors que ses contrats prévoyaient un tarif horaire à 9,5 euros. Elle reproche aussi à l’association d’avoir fourni des certificats de travail dans lesquels elle est qualifiée « d’aide-ménagère » et non d’auxiliaire de vie. « Cela m’a porté préjudice dans ma recherche d’emploi, explique-t-elle. J’ai dû recommencer comme femme de ménage. »

À la suite de ce courrier, Roxane Decorte reçoit Fouzia Benzouine deux fois à sa permanence d’élue du XVIIIe, laquelle ne parvient pas à se faire entendre. L’auxiliaire de vie saisit alors l’inspection du travail. Laquelle ne tarde pas à rappeler à l’ordre l’ARA 18 et sa présidente. Dans une lettre adressée à Roxane Decorte, le contrôleur du travail en charge du XVIIIe arrondissement est catégorique : « Vous voudrez bien procéder à la régularisation des bulletins de paie et des attestations de travail de Mme Y. dans les plus brefs délais, conformément à la réglementation et m’adresser les justificatifs », ordonne le contrôleur du travail, qui pointe les mêmes irrégularités que l’employée.

Mais Roxane Decorte conteste les faits reprochés par le contrôleur du travail. Elle affirme que les bulletins de salaire de Madame Benzouine ont été rectifiés et maintient que le taux applicable pour son salaire est de 9 euros brut de l’heure.

Fouzia Benzouine porte donc l’affaire devant les prud’hommes et obtient gain de cause par un jugement du 19 juillet 2012. Le juge départiteur condamne l’association à lui verser 5 500 euros d’indemnités de salaires et dommages et intérêts, et à prendre en charge les frais de justice. Et trouve peu de circonstances atténuantes. Dans son jugement, il estime « nécessaire de souligner les graves insuffisances de l’ARA 18 et de sa présidente en matière de gestion administrative, comptable et juridique des contrats de travail qu’elle établissait ». 

« Je n’étais même pas au courant de cette audience », se défend Roxane Decorte. L’avocate de Fouzia Benzouine a plutôt l’impression que l’association joue à cache-cache avec ses responsabilités. « J’avais déjà envoyé un huissier à la première adresse, rue de Trétaigne, où était initialement enregistrée l’association, sans succès », explique maître Cacheux. La nouvelle adresse rue de La Chapelle n’a d’ailleurs pas été enregistrée à la préfecture. Et lorsqu’un huissier y passe le 15 janvier 2013 pour faire exécuter la décision du tribunal, nulle trace de l’association. « Le nom de l’association Relais Autonomie 18 ne figure nulle part », précise son procès-verbal. À cette adresse se trouve la permanence UMP de Roxane Decorte. Cette dernière a bien du mal à expliquer ce mélange des genres : « Mais non, l’association n’était pas domiciliée à ma permanence. C’est juste qu’on avait une boîte aux lettres pour recevoir le courrier. »

Permanence UMP du 34, rue de La Chapelle, Paris XVIIIPermanence UMP du 34, rue de La Chapelle, Paris XVIII © VO

Et balaie toute responsabilité : « Je ne suis plus présidente de cette association. Elle a été liquidée fin 2012. » Plus précisément, elle a été liquidée le 28 février 2013, soit sept mois après le jugement des prud’hommes. Sept mois pendant lesquels l’ARA 18 ne s’est pas acquittée de sa condamnation, la seconde du genre.

Il y a un an, Le Canard enchaîné dans son édition du 24 octobre 2013 révélait la condamnation en décembre 2011 de Roxane Decorte à 4 mois de prison avec sursis et 6 000 euros d’amende pour abus de confiance : la justice lui reprochait d’avoir indûment touché 30 000 euros. « C’est une erreur administrative que j’ai payée très cher », déclarait alors Roxane Decorte au Parisien

Est-ce cette condamnation qui a valu à l’élue d’être éjectée de la liste UMP pour le XVIIIe arrondissement, portée par Pierre-Yves Bournazel ? Elle estime plutôt que son profil atypique dérange : « Nathalie Kosciusko-Morizet me considère comme une femme de ménage, parce que je ne fais pas partie de la "France" des châteaux, de la grande bourgeoisie. Il y a un problème de classe. On n’est pas dans le même monde, moi je suis une maman seule qui élève sa fille », écumait-elle dans les colonnes du Journal du dimanche après son éviction, n’hésitant pas à poser avec sa fillette sur ses photos de campagne.

Fouzia Benzouine, elle aussi, est une maman qui élève seule ses enfants. Et quatre ans après les faits, la seule option pour cette ex-employée lésée est de se lancer dans une nouvelle procédure auprès des organismes compétents pour obtenir le recouvrement de sa créance.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Histoires de hackers


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