Effets immédiats mais temporaires. Le plan de circulation alternée mis en place à Paris et dans 22 communes de la petite couronne lundi 17 mars a amélioré la qualité de l’air et réduit les bouchons, deux conséquences saluées par le ministère de l’écologie lundi après-midi, notant « une amélioration globale de la situation notamment en Ile-de-France ». Airparif, l’organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air, prévoit « une nette amélioration » en Ile-de-France pour mardi. Et « les premières tendances disponibles pour la fin de la semaine laissent entrevoir une amélioration sensible en raison de l'arrivée d'un épisode pluvieux qui dissiperait en grande partie les polluants », a précisé Philippe Martin. Matignon a donc décidé de lever le dispositif de circulation alternée dès lundi soir à minuit, heure à laquelle les transports en commun redeviendront payants.
Impact indirect, la congestion des axes routiers en Ile-de-France s’est réduite de 62 %, selon le ministère de l'écologie. Le Centre national d'information routière comptait 90 km de bouchons dans la région à 8 h lundi matin, deux fois moins que d’habitude. À midi, la préfecture de police de Paris annonçait avoir distribué 4 000 contraventions pour non-respect de la circulation alternée et de la réglementation par les poids lourds en transit.
Mais pour Michel Dubromel, pilote du réseau transports et mobilités durables à France Nature Environnement (FNE), la circulation alternée n’était qu’« une mesure d’urgence, un cache-misère ». Une fois levée, quelles suites lui donner pour réduire la pollution de l’air aux particules fines, jugée responsable de 42 000 morts par an en France par l’ONG, impliquée dans une campagne de mobilisation « Le diesel tue » ?
Pour Dubromel, c’est l’usage de l’automobile qu’il faut repenser, pas seulement le parc de véhicules qu’il s’agit de réduire. Sinon « tout le monde se sent coupable ». En plus de la mise en œuvre de l’écotaxe, réclamée par l’ensemble du mouvement écologiste, il cite d’autres exemples de politiques structurantes, à l’état encore balbutiant en France : les plans de déplacement d’entreprises, par lesquels des employeurs organisent l’acheminement de leur personnel depuis leur logement et jusqu’à leur lieu de travail. Ou encore du « transport à la demande » : grâce à un système d’abonnement, un particulier est assuré de trouver un bus ou un taxi pour le transporter à l’heure souhaitée pour la destination voulue. La gratuité des transports en commun ne crée pas les lignes inexistantes et n’aide en rien les personnes travaillant en horaires décalés, insiste-t-il. Ces politiques sont moins coûteuses et plus rapides à mettre en œuvre que les investissements dans les transports publics, selon l’ONG.
Abandon des projets de zones d’action prioritaire pour l’air (les « Zapa »), maintien de l’avantage fiscal du diesel, flou sur la future écotaxe : le gouvernement s’est montré jusqu’ici incapable de prendre des mesures de fond pour protéger l’air des villes et réduire le trafic automobile. La France échoue à sortir du « tout voiture », alors qu’en Europe les politiques alternatives foisonnent. Selon les décomptes des ONG européennes regroupées dans la campagne pour des villes sans carbone suie, contenu dans les particules fines (voir ici), les villes championnes de la réduction des émissions de PM 10 (des microparticules de 10 micromètres ou moins) sont : Berlin, Zurich, Vienne et Glasgow. Passage en revue des mesures les plus exemplaires.
- À Berlin : une « low emission zone »
Une zone de faible émission (« low emission zone » en anglais, soit « LEZ ») a été mise en place en 2008. Elle couvre Berlin intra-muros, sur une superficie de 88 km2. Plus un véhicule est polluant, moins il peut entrer dans la ville. À la différence du péage urbain (instauré à Londres, par exemple), il obéit à des critères environnementaux. Et il fait l’objet de contrôles policiers. Les émissions de microparticules (PM 10 et PM 2,5) ont baissé de 58 % depuis 2008 et celles d’oxyde d’azote d’un cinquième, selon l'organisation environnementale Deutsche Umwelthilfe. Le nombre de jours de dépassement des seuils européens de surveillance s’est aussi réduit. Et le parc automobile a changé : à 90 %, les véhicules circulant dans Berlin portent une étiquette verte, au meilleur niveau environnemental. Le transport de marchandises s’est aussi transformé : les poids lourds de plus de 3,5 tonnes déchargent désormais leurs marchandises à l’entrée de la zone, où elles sont réparties et transportées par des véhicules plus légers et moins émetteurs (voir ici et là concernant la LEZ de Berlin).
De nombreuses villes européennes ont adopté des formes de « low emission zones » : Düsseldorf en 2009, Stuttgart en 2008. Amsterdam impose une zone de faible émission aux poids lourds et véhicules commerciaux depuis 2008, pour son centre et le quartier du port. Vienne interdit les camions fabriqués avant 1992. Stockholm interdit les poids lourds de son centre depuis 1996. Milan et Rome limitent l’accès de leur centre-ville aux véhicules. Et Londres a banni les plus de 3,5 tonnes de son périmètre, en plus de son système de péage urbain.
- À Zurich : une « zone trente »
Zurich limite la vitesse de circulation à 30 km/h dans toutes ses rues secondaires. C’est une mesure de sécurité routière, de réduction d’émissions automobiles mais aussi de confort pour les cyclistes et les piétons. La ville s’est fixé un objectif de réduction du transport motorisé individuel (27 % au lieu de 35 % en 2005), sans échéance temporelle. Elle veut tripler la place du vélo à 12 % contre 4 % des transports en 2005. Par ailleurs, elle doit réduire de 2 % chaque année sa consommation en carburant, afin de diminuer ses rejets de CO2. Le stationnement en parking coûte cher, et le nombre de places est en constante diminution. En Autriche, Vienne a aussi limité la vitesse à 30 km/h sur ses voies secondaires.
- À Copenhague : plus de vélos
Copenhague réserve de plus en plus d’espaces de sa voirie aux transports doux : vélos et piétons. En 2009, elle disposait de 35 000 places de stationnement pour vélos (pour 2 millions d’habitants) et de 360 kilomètres de pistes cyclables. Des autoroutes de vélo sont en projet. Les cyclistes traversent en priorité à de nombreux carrefours, et ils peuvent transporter leur monture dans tous les trains et dans le métro (avec quelques restrictions pendant les heures de pointe). Un système de partage de bicyclettes fonctionne depuis 1995. Depuis 2006, le trafic automobile s’est réduit, et la part des usagers de transports en commun a augmenté (voir plus ici).
- À Stockholm : un péage urbain
Stockholm a introduit une forme de péage urbain en 2006 : pour entrer en ville, les automobilistes doivent acquitter un droit d’accès. À la suite de cette mesure, le trafic a diminué de 18 %. Le stationnement dans la rue coûte cher. Par ailleurs, une zone de basse émission s’applique aux poids lourds depuis 1996 dans tout le centre de la ville. Entre 2004 et 2010, 14 % des habitants ont abandonné leur mode de transport motorisé au profit du vélo et des transports en commun.
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