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Les affaires plongent l'UMP dans le chaos

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Jean-François Copé accusé de favoritisme envers ses proches, Nicolas Sarkozy enregistré à son insu par son ancien conseiller Patrick Buisson, l’avocat de l’ancien président perquisitionné dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre X pour « trafic d’influence », Serge Dassault entendu par la justice dans l’affaire des achats de vote de Corbeil-Essonnes… À trois semaines des municipales, l’UMP fait face à une succession d’affaires retentissantes. Plus d'un an après le psychodrame de son élection interne, le parti continue à se déchirer sur fond de règlements de comptes et d’ambitions présidentielles.

Ça ne s’arrête plus. Moins d’une semaine après les révélations du Point sur l’affaire Copé et Bygmalion, Le Canard enchaîné et Atlantico publient ce mercredi des extraits d’enregistrements, réalisés au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, par son conseiller de l'époque, Patrick Buisson. On y entend notamment les conseillers de l’ex-président de la République s’inquiéter du remplacement de Claude Guéant au secrétariat général de l’Élysée. « L’avantage de Guéant, là depuis 3 mois, c’est qu’il connaissait un petit peu les dossiers, notamment pour les affaires auprès du parquet. Il se mouillait un petit peu. Il va falloir expliquer tout ça à (Xavier) Musca », expose Buisson.

Mercredi toujours, L’Express révèle qu’une enquête « contre X » pour « trafic d'influence » est actuellement en cours à Paris. Elle vise à établir si M. Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, ont tenté de s'attirer les faveurs d’un haut magistrat – Gilbert Azibert, avocat général près la Cour de cassation –, alors que la Cour de cassation doit se prononcer le 11 mars sur la validité de l'enquête menée par le juge Gentil dans l'affaire Bettencourt (lire l'article de Michel Deléan).

Mi-février, c’est l’affaire Dassault qui occupait la scène judiciaire. Au total, cinq personnes sont désormais mises en examen dans ce dossier, dont l'actuel maire de Corbeil-Essonnes et bras droit de Serge Dassault, Jean-Pierre Bechter. Les policiers ont trouvé chez le sénateur UMP des listings détaillant les faveurs dont ont profité certains habitants de la ville. Le 12 février, son immunité parlementaire a été levée par le Sénat.

Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy le 8 juillet au siège de l'UMP.Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy le 8 juillet au siège de l'UMP. © Reuters

À l’UMP, un climat de méfiance règne depuis la crise de 2012 et l’apparition de plusieurs « écuries » en vue des primaires de 2016. « On se demande “qui a intérêt à balancer” », rapporte un candidat UMP aux municipales. Pendant sa « déclaration solennelle » de lundi, Jean-François Copé a déploré le fait de porter « seul » le chapeau des dépenses de campagne de la présidentielle 2012. « On me demande, à moi, et à moi seul, de me justifier sur tout et sur rien », a-t-il déclaré, avant de préciser qu’il mettrait sous scellés non seulement les archives de 2012, mais également celles de 2007. « C'était la petite carte postale de Jean-François à Nicolas Sarkozy », a commenté pour Atlantico un cadre de l'UMP qui a participé à la réflexion préparatoire de la contre-offensive.

Le député UMP Gérald Darmanin, proche de Xavier Bertrand et candidat aux municipales à Tourcoing, regrette que Jean-François Copé ait décidé seul de son allocution : « Cette déclaration engageant l’ensemble de l’UMP, un minimum de collégialité aurait été préférable. Organiser un bureau politique exceptionnel aurait été le minimum. Or, ça n’a pas été le cas. » De fait, dimanche soir, après le communiqué de l’UMP annonçant l’intervention de Copé, aucune des figures du parti contactées par Mediapart n’était en mesure de dire ce que leur patron allait déclarer.

Autre point d’accroche soulevé dans la défense de Copé : ses propos virulents contre les médias. « Je pense qu’on n’a jamais à gagner à attaquer la presse », regrette Gérald Darmanin. Un avis partagé par l’entourage d’Alain Juppé qui juge cette stratégie « maladroite ». Également proche du maire de Bordeaux, le député Benoist Apparu reconnaît aussi ne pas être « un grand fana de ce type d’interventions, du verbatim utilisé, de la charge anti-presse ».

Selon Le Canard enchaîné, François Fillon s'est adressé à ses proches en ces termes : « Copé a donné une image tragique. S'il avait cherché à couler l'UMP, il ne s'y serait pas pris autrement. » L'hebdomadaire satirique rapporte également une conversation téléphonique entre le bras droit de Copé, Jérôme Lavrilleux, et l'un des lieutenants de Fillon, Éric Chomaudon. « Attention si vous nous attaquez, ce sera la guerre totale ! » a prévenu Lavrilleux.

De Brice Hortefeux à Jean-Pierre Raffarin, aucun responsable de l’UMP n’entend défendre Patrick Buisson. « Un viol » (Henri Guaino dans une comparaison déplacée), des « pratiques détestables » (Nathalie Kosciusko-Morizet), un « procédé incompréhensible et inacceptable » (Claude Guéant)... Aucune formule n’est trop forte pour condamner les enregistrements effectués par l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, à l’insu de ce dernier. En revanche, les défenses sont plus discrètes dès lors qu’il s’agit de parler de l’affaire Copé.

« À ce jour, il n’y a pas d’affaire Buisson », tranche Benoist Apparu, qui estime que « l’affaire Copé, elle existe, oui ». Du côté des sarkozystes, on prétend en revanche qu'« il n'y a pas d'affaire Copé ». « Certains au parti pensent que le papier du Point est le résultat d'une guerre Copé/Sarkozy, mais ils pensent ce qu'ils veulent. Moi, je ne fais pas de politique fiction », jure ce responsable de l'UMP. Seuls les très proches de Jean-François Copé montent au créneau pour le défendre et faire monter la sauce sur l’affaire Buisson : « Oui, cette affaire peut nuire au retour de Nicolas Sarkozy », a ainsi déclaré son ami Charles Beigbeder, exclu de l’UMP en janvier après être parti en dissidence à Paris face à Nathalie Kosciusko-Morizet.

À trois semaines des municipales, la succession des affaires tombe mal. Et les candidats le savent bien. « Au lieu de nous faire gagner trois points, l’étiquette UMP va nous les faire perdre, se plaint Gérald Darmanin, qui brigue la mairie de Tourcoing. Les représentants nationaux n’aident pas les candidats. Il est temps qu’il y ait une régénérescence politique et de nouvelles méthodes. » Depuis les premières révélations du Point la semaine dernière, le jeune député est en contact régulier avec Xavier Bertrand. « On parle des élections municipales et on se dit que ça tombe très mal tout ça… Ça ne sert par notre famille politique. Merci à l’UMP pour l’ensemble de son œuvre ! »

« Je ne suis pas copéiste, mais tout ce qui affaiblit Copé nous affaiblit collectivement à l’UMP ! On doit faire bloc », rappelle la sarkozyste Aurore Bergé, tête de liste à Magny-Les-Hameaux (Yvelines). La conseillère politique de l’UMP « (s’) étonne » au passage que « certains qui se revendiquent très copéistes ne montent pas au créneau pour défendre Copé ».

« Le sujet, c’est les municipales. Si on veut gagner 2017, cela passe d’abord par 2014, estime Aurore Bergé. Le PS a gagné la présidentielle par la reconquête des collectivités. Aujourd’hui, la marque UMP reste forte malgré tout. Mais est-ce que certains à l’UMP ont intérêt à ce qu’on ne gagne pas les municipales ? »

D’autres ont opté pour la stratégie du « dos rond ». C’est le cas du député Thierry Solère qui fait campagne à Boulogne pour un dissident UMP soutenu par Juppé, Le Maire et Bertrand (lire notre article)« À dix-huit jours du premier tour, l’urgence c’est de se consacrer aux municipales, explique ce proche de Bruno Le Maire, qui s’est entretenu par téléphone le matin même avec lui à ce sujet. Nous avons choisi de ne pas commenter les petites polémiques parisiennes, pour rester très concentrés sur le scrutin local. »

Contrairement à Gérald Darmanin, Thierry Solère ne « pense pas que ces affaires auront un impact sur les municipales ». S’il trouve « pénible » de voir émerger « ce type de polémiques à la veille d’élections », il estime que les responsables de l’UMP ne devraient pas les alimenter en commentant à tout-va. « On parlera de tout ça, mais après les municipales. » « Cela donne un climat malsain qui alimente le tous pourris et favorise le Front national », ajoute un sarkozyste.

« Ni Fillon, ni Baroin, ni Sarkozy n’ont intérêt à ce qu’on gagne les municipales, glisse un candidat UMP, lui aussi sous couvert de "off". Pour les anti-copéistes, ce serait reconnaître que Copé a réussi à remettre le parti en ordre de marche. Les sarkozystes ont intérêt à un FN fort pour montrer que Sarko est le seul rempart contre le FN. »

Jean-François Copé et François Fillon au dernier conseil national de l'UMP, le 25 janvier 2014.Jean-François Copé et François Fillon au dernier conseil national de l'UMP, le 25 janvier 2014. © Reuters

Alors que le PS redoute une débâcle aux municipales, et que le gouvernement a reculé devant les mouvements réactionnaires contre le projet de loi famille, l’UMP manque une occasion de reprendre l’avantage après cinq années de défaites électorales. 

Ce n’est pas la première fois que la droite loupe le coche. À l’automne 2012, le parti ne parvient pas à exploiter les nombreuses fenêtres de tirs : mariage pour tous, Mittal, budget 2013, plan de financement de la sécurité sociale. L’élection du président de l’UMP, qui devait être un grand « moment démocratique », donne un spectacle désastreux. Des semaines de crise, quatre proclamations de victoire, et deux camps qui s’insultent et se menacent de poursuites judiciaires dans les médias.

« On n’avait pas besoin d’être bons, il fallait juste ne pas être mauvais ! » ; « On avait des fenêtres de tir sur tous les sujets ! » ; « On n’est pas en capacité de le faire. Chaque jour qui passe est un jour gagné par la gauche et par le FN », déploraient alors plusieurs responsables locaux du parti, interrogés par Mediapart.

Au printemps 2013, même scénario. Entre l’affaire Cahuzac, les renoncements de l'exécutif, la descente de la droite réactionnaire dans la rue contre le mariage pour tous, l’UMP a un boulevard devant elle. Mais divisée, elle s’avère incapable de constituer une véritable opposition. Le mouvement anti-mariage pour tous lui échappe. Sa primaire à Paris pour désigner son candidat aux municipales, qui devait être une formalité, est un nouveau raté (lire notre article).

Ce n’est pourtant pas la première fois que la droite connaît des luttes fratricides. Giscard-Chirac en 1981. Balladur-Chirac en 1995. Villepin-Sarkozy en 2004. Mais jamais le niveau actuel d’affrontement n’a été atteint, à écouter plusieurs ténors.

Le problème est d’abord celui du leadership. Sans chef naturel depuis la défaite de Sarkozy, l’UMP est déchirée par les batailles d’écuries dans la perspective de la présidentielle de 2017. Mais la crise est bien plus profonde. Le parti n’a pas réalisé son inventaire après cinq ans de défaites électorales. « On refuse de remettre en question la présidentielle et le quinquennat, car Sarkozy c’est sacré, et car tous ont participé à la mise en œuvre de sa politique », déplore ce candidat UMP qui refuse de voir son parti « dans la situation du PS post-Jospin ».

« Les européennes ont lieu le 25 mai et on ne sait pas quelle ligne on va défendre ! » explique Benoist Apparu. « Si on veut permettre le retour de Nicolas Sarkozy, il faut faire un inventaire du quinquennat et de la présidentielle. Sur quelle base idéologique s’appuiera-t-il sinon ? » renchérit la sarkozyste Aurore Bergé.

La crise de l’UMP est bien programmatique et idéologique. D’un côté, l’UMP se trouve dans une impasse politique face au Front national, de l'autre elle s'avère incapable de proposer un projet de société et une réponse au chômage massif. Et, fait nouveau, les libéraux, famille pilier de l'UMP, sont eux aussi en crise profonde, comme l’a expliqué à Mediapart l’historien Gilles Richard, pour qui cette « crise s’aggrave » depuis un an. En témoignent la reconstruction d’une sorte d’UDF et la consolidation du Front national à l’extrême droite.

Depuis sa victoire en 2007, la machine à idées de l’UMP est en panne. Une situation créée par Nicolas Sarkozy lui-même. Le patron de l’UMP avait verrouillé le parti en supprimant le poste de président pour le contrôler depuis l’Élysée et éviter qu’un autre leader n’émerge. Résultat : des fédérations endormies, un parti sclérosé et un travail programmatique inexistant.

Jean-François Copé, François Fillon, Alain Juppé.Jean-François Copé, François Fillon, Alain Juppé. © Reuters

Dans cet affrontement entre sarkozystes, fillonistes et copéistes, Alain Juppé tente de tirer son épingle du jeu. L’ancien premier ministre, qui n’a de cesse de se poser en recours, a été accueilli à Boulogne aux cris de « Juppé président ! ». « Pour l’instant, je les laisse s’écharper entre eux, mais je vais me lancer. Je suis le plus capé. Il n’y a pas photo », aurait déclaré Alain Juppé en mai 2012, selon Paris-Match (des propos démentis par l'intéressé).

Mais la stratégie du maire de Bordeaux et ses proches fait elle aussi des vagues. « Les écuries présidentielles commencent à se phagocyter les unes les autres, estime dans Le Monde le sarkozyste Pierre-Christophe Baguet, candidat UMP face au dissident Pierre-Mathieu Duhamel, ex-directeur de cabinet de Juppé. Aujourd'hui, la stratégie des Juppé, Le Maire, Bertrand consiste à faire exploser le syndic de copropriété de l'UMP que codirigent Fillon et Copé, tout en empêchant le retour de Nicolas Sarkozy. »

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