Une diffusion dans une vingtaine de salles seulement, essentiellement dans le circuit indépendant : autant dire qu'il faudra aux réalisateurs de Se battre (Jean-Pierre Duret et Andrea Santana) s'armer eux aussi pour la bataille de la sortie de leur film, mercredi 5 mars. Depuis des semaines d'ailleurs, d'avant-première en avant-première, ils parcourent la France afin d'assurer la visibilité de leur film (Yves Faucoup, dans le Club de Mediapart, en avait rendu compte dès décembre).
L'une de ces séances était organisée à Paris, avec Mediapart, lundi 24 février. Edwy Plenel a salué à cette occasion toute « l'élégance et la bonté » de ce film : « l'élégance de ceux qui savent se tenir » et « la bonté, celle qu'Aimé Césaire, après avoir refusé “de livrer le monde aux assassins / d’aube” », appelait de ses vœux (lire ici son poème). Au-delà de la qualité des images, il a aussi souligné le miroir que ce film nous tend, le miroir d'une France diverse, solidaire, « celle que ceux qui opposent les pauvres entre eux, les origines entre elles, voudraient nous voir oublier ».
Nous vous le présentions ici : plus qu'un documentaire sur la précarité, Se battre est un film sur la fraternité, la générosité qui permettent à ceux dont les fins de mois se pensent en fin de journée, en fin de semaine, de vivre encore avec des rêves, sans être complètement reclus. Jean-Pierre Duret et Andrea Santana ont tourné pendant trois mois à Givors, non loin de Saint-Étienne et Lyon, ville ouvrière au passé révolutionnaire, victime depuis les années 1970 de la désindustrialisation. Leur caméra rencontre ceux qui ne mangent plus que grâce aux colis du Secours populaire.
Autour de ces ombres s'affairent d'autres ombres, la foule des bénévoles des associations d'entraide qui vont aider au jardin d'insertion, récupèrent les invendus des grandes surfaces, tiennent l'épicerie solidaire, chargent et déchargent tout ce que l'on jette pour l'offrir à quelques-uns des 13 millions de Français pour qui la vie se joue chaque mois à 50 euros près. La bagarre pour aider face à la bagarre pour survivre.
Pour Mediapart, les producteurs du film offrent quatre séquences non montées, quatre rushes que l'on ne verra donc pas à l'écran et qui donnent un aperçu de l'humanité et la générosité du film.
Jean-Pierre Duret et Andrea Santana savent prendre le temps qu'il faut pour que les images leur adviennent :
– Le geste délicat d'une femme qui prend un sac plastique pendu à une branche, cette femme qui n'a plus les moyens de se payer les lunettes grâce auxquelles, auparavant, elle se réfugiait dans une bibliothèque ;
– Le visage d'Élisabeth devant ses peluches et bougies, comme autant de chaleur passée : ancienne cadre au chemisier blanc impeccable, Élisabeth partage aujourd'hui son colis alimentaire avec son chien et ses chats et coupe la chasse d'eau pour limiter ses factures ;
– Les gestes de Felixia qui « plante des patates, ramasse des patates, mange des patates », et n'achète des chaussures à ses enfants qu'une fois déduits de son salaire le loyer, l'électricité, les courses au supermarché ;
– Le franc sourire de cette mère dont les 600 euros de sa fiche de paye sont un premier pas pour reprendre la vie avec son fils.
– L'inquiétude de Jean-Paul qui se démène pour trouver un ami électricien pour sécuriser le squat d'une famille de Roms, et son plaisir lorsqu'il joue de l'accordéon avec l'un des enfants, lui promettant que la musique les emmènera « en Amérique, Brésil, Algérie, Roumanie, Norvège… ».
Et aussi, qui ouvre et ferme Se battre, la rage de ce jeune champion de kickboxing qui vit en HLM avec sa mère. Vainqueur jusqu'à présent de tous ses combats, il a une stratégie pour gagner.
Ci-dessous, la bande-annonce du film.
A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : GooglePlay Downloader 0.5