Ville royale en déclin, majorité présidentielle éclatée. À Pau (Pyrénées-Atlantiques), les élections municipales sont l’occasion de voir s’affronter tout un nuancier de candidats ayant tous appelé à voter François Hollande au second tour en 2012. François Bayrou, le député PS David Habib, les communistes ici emmenés par le porte-parole national du PCF, Olivier Dartigolles, écologistes (représentés par une jeune doctorante, Eurydice Bled) partent désormais chacun de leur côté.
Seul Yves Urieta, l’ancien maire socialiste ayant assuré l’intérim à la mort d’André Labarrère, et passé un temps par la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel, a soutenu Sarkozy. Quant au Front national, on ne sait pas encore s’il sera en mesure de faire une liste, après avoir changé de tête de liste il y a trois mois. Et son influence sur le scrutin pourrait être relative, dans une zone où ses meilleurs scores tournent autour des 10 %.
« Le Béarn a une tradition marquée par le vote chrétien-démocrate, la modération et la tolérance, décrypte le professeur de sciences politiques à l’IEP de Bordeaux, Jean Pétaux. Mais il y a aussi une culture politique paroissiale assez clanique, et très irrédentiste. On ne se mélange pas avec ceux de la vallée d’à côté… » Et on se dispute toujours entre héritiers d’André Labarrère, le maire historique de Pau, décédé en 2006.
La maire sortante, Martine Lignères-Cassou, a tenté de tourner la page et d’imposer son style un brin cassant, mi-Aubry, mi-Royal, trop en rupture avec la bonhommie des années d’avant. Finalement, elle a jeté l’éponge, pour cause de lassitude devant la bataille politique (« C’est un peu comme Voynet à Montreuil », dit l’une de ses proches). Mais à deux semaines du premier tour, l’incertitude reste grande et cette préfecture de 80 000 habitants ne s’enflamme guère pour la municipale, et les débats clivants sont rares. Tout juste les candidats se confrontent-ils par voie de presse sur la rénovation des halles ou la politique de transports urbains. Il faut dire que chacun a surtout été jusqu’ici occupé à rassembler son camp.
François Bayrou doit encore faire face à l’UMP, au niveau national. Jean-François Copé n’en finit plus d’affirmer son hostilité et combien il ne voterait pas pour lui, tandis que beaucoup assurent, à l’image d’Yves Urieta, qu’« au moins un tiers de l’électorat de droite ne lui pardonnera pas ». « Ça n’avait pourtant rien de clandestin », s’amuse l’intéressé, avant de se faire plus sérieux : « Avec le temps, les gens comprennent que mon choix était de raison et que j’ai pris mes responsabilités, par refus du choix de Sarkozy de cliver la société. Un choix que fait aussi Hollande d’ailleurs, sur d’autres sujets… »
Le président du MoDem certifie « ne plus avoir aucune question sur le sujet de la part des habitants », puis corrige : « Si, la semaine dernière dans une réunion publique, mais la question a aussitôt entraîné un murmure de réprobation de la salle. » Un de ses proches confie de son côté qu'à l’inverse, « dans une ville qui est à 60 % à gauche, ce qu’il a fait en a touché beaucoup à gauche ». Bayrou, lui, parle de sa « liberté totale », signe de son « irrédentisme béarnais ». Et lance, en patois : « Biarnes qu’ey praube, mes no baxe cap » (« Le Béarnais est pauvre, mais il ne baisse pas la tête »).
Localement, le héraut centriste dit faire une « campagne de ré-enracinement », refusant la plupart des demandes des médias nationaux, et multipliant les réunions en petit comité et les porte-à-porte. Serein, il estime que « pour gérer une communauté en crise, il faut réunifier divers courants de pensée ». En plus de l’UMP, il a rallié à son panache trois adjoints sortants de la maire socialiste. Son modèle municipal, c’est Alain Juppé à Bordeaux, qu’il fera venir pour le soutenir.
« Vous voyez bien comme Toulouse décline, car personne ne connaît Cohen, lance-t-il. Alors que la notoriété de Baudis, ou même de Douste-Blazy, tirait la ville vers le haut. Pau a un problème de rayonnement, et manque d’une voix pour la porter et la faire connaître. » Et cette voix, c’est évidemment la sienne. « La seule question, c’est de savoir si la ville dans sa profondeur veut un changement. Si c’est la résignation qui l’emporte, alors le “tout PS” continuera. »
Cible de tous les candidats, il ne cache pas son ambition ni sa haute idée de lui-même. Et n’hésite pas à personnaliser fortement sa campagne, parlant de sa « passion » pour l’architecture (« Le seul bâtiment contemporain de Pau, le conseil général, c’est moi qui l’ai fait construire quand j'en étais le président »), de son projet pour la rénovation des halles, de la création d’un salon des idées politiques (où il entend inviter Luc Ferry, Alain Finkielkraut ou Edwy Plenel…), ou encore d’une amélioration de la vie théâtrale et musicale.
Son message est simple : pour enrayer la « perte d’image considérable » de la ville, il faut faire confiance à son « discours de renaissance ». Preuve qu’il est l’homme idoine pour permettre à Pau de ne plus être « une ville malheureuse », « la ville est identifiée au château d’Henri IV » et il en est « le principal biographe ».
Son principal adversaire, le socialiste David Habib, s’irrite de cette façon de faire de la politique. En réunion publique, il fait référence, sans la citer, à la célèbre sortie de Jospin pour définir Chirac en 2002 (« vieilli, usé, fatigué ») : « Bayrou pense que le rayonnement de la ville passe par lui et sa stature nationale. Mais il représente un Pau fossilisé, conservateur et immobiliste. Il était déjà candidat en 1983 ! Son pari est de faire le bon père de famille, ce qui peut avoir un écho, notamment chez les personnes âgées. Mais nous n’avons pas la même façon de concevoir le travail de maire et la relation aux habitants. » Lui oppose à cela sa vision d’une ville « moderne, numérique, innovante culturellement », et prend comme exemple le Grenoble de Hubert Dubedout : « Il était moderne et discret, et pourtant il a transformé sa ville. »
Fabiusien, Habib s’est fait un nom dans le coin, en coordonnant et réussissant la reconversion du site gazier de Lacq, comme maire de Mourenx et président de la communauté de communes. Devant les électeurs, il se présente comme « le fruit de la culture d’entreprise » et se dit « paramétré par la notion d’efficacité », qui lui fait rejeter toute folie des grandeurs (« Pau, ce n’est pas Bilbao, il faut conserver un certains sens des réalités géographiques »).
Entourés de divers élus de la région, lors d’un raout de grands élus, il insiste : « Souvent la gauche, au niveau national, est porteuse d’une image sociale. Mais localement, c’est aussi le dynamisme. » Ce profil centre-gauche très économiciste, Habib l’assume, mais le nuance : « Je viens d’une ville, Mourenx, très à gauche, avec 66 % de logement social, mais où on me demandait de parler d’économie. » Avant de faire remarquer qu'il a été « le député le mieux élu en 2012 ».
Même s’ils sont feutrés, François Bayrou ne retient pas ses coups quand il parle de son adversaire : « Je suis sûr d’une chose : Pau ne veut pas devenir Mourenx. Avec ses 14 % de chômeurs, la perte de 8 % de ses habitants ces cinq dernières années, et son urbanisme de dalles de béton, qui n’a rien de joli ni de charmant. Et ce, en étant assis sur un coffre-fort. » Et de juger qu’Habib « a choisi un angle hautain avec le développement économique, alors même qu’il n’a fait qu’accompagner la transition de Lacq, qui est avant tout l’œuvre de Total ». Pour Bayrou, « Habib ne fait que du PS, PS, PS et se revendique du “socialisme municipal”… Franchement, rien ne fait plus fuir que le “socialisme municipal” ».
David Habib a dû, lui aussi, composer avec les proches de la maire sortante, Martine Lignères-Cassou, pour s’imposer. Après l’arbitrage de la direction du PS, il a fallu du temps pour que cicatrisent les plaies internes de sa rivalité avec André Duchateau, adjoint sortant et favori de Lignères-Cassou. Et une médiation d’Henri Emmanuelli en personne, venu jouer le Salomon réconciliant tout le monde : à Habib la mairie, à Duchateau la troisième place sur la liste et la présidence de la communauté d’agglomération en cas de victoire. « La médiation s’est très bien passée, car tout le monde voulait sortir de la situation, explique l’ancien premier secrétaire du PS. Personne n’avait fait preuve de grande finesse, entre des sortants estimant n’avoir besoin de personne et d’autres ayant mal analysé le moment politique. Mais ça s’est réglé très simplement. »
Pourtant, encore aujourd’hui, la situation n’est pas simple. « Les travaux de voiries laissés en suspens, ça ressemble à une peau de banane », sourit ainsi un concurrent. La maire sortante entend ne pas laisser piétiner son bilan, et se rend très souvent dans les réunions publiques de son potentiel successeur, sans qu’il en soit prévenu, rendant plus compliqué encore la tâche du socialiste. Le candidat confie alors s’en sortir toujours par la même pirouette : « Je m’interdis de parler du passé. »
Habib juge toutefois que les problèmes sont derrière lui, et que le duel peut désormais vraiment commencer. « Mon problème principal a été de ne pas être palois, reconnaît-il. Il m’a fallu du temps pour m’affranchir de mes repères et comprendre la société. Oui, j’ai été entravé pendant un moment dans ma campagne, mais désormais j’ai la liste et le programme que je voulais. Je n’ai donc plus d’excuses. »
Son désormais comparse, à défaut d’être complice, André Duchateau, acquiesce : « On a appris à se connaître, à travailler ensemble, à dégager une complémentarité entre nous. Moi davantage sur les questions de transport et le social, lui sur l’économie. » Et lui-même admet la difficulté d’assumer un bilan plutôt décrié en ville, tout en jouant la carte du renouvellement : « On est le plus objectif possible. On évoque les réussites, et les choses moins réussies, on les reconnaît aussi. »
À leur gauche, le communiste Olivier Dartigolles espère « faire la démonstration que l’énergie positive au Front de gauche, ça rapporte des résulats ». « La composition de la liste a été décidée en dix minutes, toutes les formations étaient d’accord », opine Frédéric Scibor, l’un de ses co-listiers.
Déjà proche des 10 % aux législatives, il espère que le contraste entre un Front de gauche soudé et d’autres listes dont les divisions sont étalées dans la presse va lui permettre d’amplifier son score, espérant même terminer troisième du scrutin.
« Pour l’instant, tout s’est déroulé comme prévu, explique-t-il. Nos porte-à-porte sont fréquents et bien ciblés, nos réseaux bien mobilisés, ce qui risque d’être décisif dans un scrutin où la mobilisation peut être faible. » Quant à sa mesure phare, la gratuité des transports publics, il affirme qu’elle « cartonne quand on prend la peine d’en discuter avec les électeurs ».
Le dirigeant communiste, adjoint sortant à la jeunesse, a déjà indiqué que le second tour ne poserait pas problème : « une fusion avec le PS, avec un nombre de places strictement proportionnel à notre score de premier tour ». Le ralliement paraît moins évident côté écolo. « On veut rompre avec l’idée des supplétifs écolos », dit la tête de liste Eurydice Bled, conseillère municipale sortante.
Alors que des élus EELV sortants ont décidé de se représenter sur la liste de Habib, cette thésarde en sciences de gestion de 25 ans s’est permis de recadrer la secrétaire nationale de son parti, Emmanuelle Cosse, en expliquant que le désistement ou le rassemblement dans l’entre-deux tours n’était pas aussi automatique qu’elle le laissait entendre. « On décidera avec les colistiers et ceux qui ont fait la campagne, assène-t-elle. Il n’est pas question de les perdre en appliquant des consignes nationales ou en faisant un accord d’arrière-boutique. »
Contre la souffrance animale, contre les grands travaux, pour la suppression du grand prix automobile ou pour l’aide à l’agriculture biologique et aux circuits courts, Eurydice Bled ne croit pas au porte-à-porte, « trop chronophage », et mise davantage sur les réseaux sociaux pour faire entendre la voix spécifique de l’écologie politique. À Pau, les écolos sont les seuls à défendre le projet de “bus-tram” de la maire sortante (en réalité un grand bus de 150 personnes), au contraire de tous les autres candidats, socialistes compris.
Elle-même un brin atypique, Eurydice Bled se dit proche de Cohn-Bendit (qui a préfacé son ouvrage La Dictature de la liberté). Elle compte faire venir Corinne Lepage pour la soutenir, et critique vertement Jean-Vincent Placé : « C’est difficile avec lui de ne pas apparaître comme ceux qui vont à la soupe. »
À ses yeux, la question de l’éthique en politique n’est pas assez présente dans la campagne. « Seule parmi les candidats à ne rien devoir à la politique », elle a signé la charte de l'association anci-corruption Anticor et estime que « la liberté d’expression accordée aux partenaires sera déterminante » pour un accord d’entre-deux tours à gauche. Elle redoute le socialiste Habib et son « profil dur » : « Il met la vidéosurveillance avant tout… Quand on le voit, on se demande où est passée la gauche… », soupire celle qui juge cette campagne municipale « très dépolitisée ».
Parti en campagne dès le soir du second tour de 2008, Yves Urieta aimerait profiter à plein de cette dépolitisation. À 67 ans, il se verrait bien jouer le troisième homme qui crée la surprise, et se dit même « persuadé de finir en tête à l’issue du premier tour ». « Je suis le seul à connaître les dossiers, le seul à pouvoir répondre à toutes les questions dans aucune fiche !, s’enorgueillit-il. Bayrou ne peut pas gagner, il s’est mis trop de monde à dos. » Lui se veut « en dehors des partis », se dit « humaniste depuis 1984 et le tournant de la rigueur, j’ai bien vu que les chocs frontaux que l’on a connus entre 1981 et 1983 n’étaient pas la solution ».
Mais il admet avoir « commis une bêtise en 2008 », quand il fut investi UMP par Sarkozy himself. Pour autant, il ne regrette pas d’être le seul des candidats en lice à avoir appelé à voter pour le président déchu en 2012. « S’il n’avait pas été là, la crise financière aurait fait de nous l’Espagne ou la Grèce, dit cet ancien socialiste qui a connu le congrès d’Épinay. Mais si ça avait été Strauss-Kahn, ça aurait été différent. Hollande, je le connais depuis trop longtemps. »
« Il est dans une position de faiseur de roi, estime Jean Pétaux, professeur de sciences politiques à l’IEP de Bordeaux. Il croit qu’il a une cote, mais il a avant tout une capacité de nuisance. Cela dit, il peut espérer profiter du vote de ceux qui ne pardonnent pas à Bayrou son crime de lèse-majesté sarkozyste. »
Avec son allure de dignitaire de la fédération française de rugby, tendance gros pardessus, il égrène ses certitudes : ses commerçants « à 75 % pour moi », ces « gens de droite qui ne veulent pas de Bayrou », ces « gens de gauche qui ne veulent pas d’un maire venu d’ailleurs ». Cependant, il est nettement plus offensif à l’encontre du centriste, et il se murmure en ville qu’un deal serait déjà passé avec Habib : en échange de son maintien au second tour afin de diviser les voix de droite, Urieta serait reconduit au conseil économique, social et environnemental (CESE), où il avait été nommé par Sarkozy peu après les municipales de 2008. Juste après avoir fait, déjà, perdre le président du MoDem.. Sous couvert d’anonymat, un socialiste admet avoir « tout intérêt à ce qu’Urieta se maintienne au second tour, car il a un électorat plus à droite qu’à gauche ». L’intéressé balaie les suppositions : « On verra bien, mais je ne suis pas pour les fusions de listes, je préfère que chacun aille au bout avec son équipe devant les électeurs. »
Ils sont nombreux à se revendiquer d'André Labarrère, maire historique de Pau, surnommé « toque-manettes » pour son talent à serrer inlassablement les mains de ses administrés. Yves Urieta lui a succédé après sa mort, David Habib a été son directeur de cabinet au conseil régional et son suppléant, Bayrou est « le seul à l'avoir mis en ballottage » et brandit l’éloge funèbre qu’il a prononcé lors de ses obsèques… « Chacun essaie de raccrocher un épisode de sa vie à Labarrère, soupire la députée Nathalie Chabanne, proche de l'aile gauche du PS. Ce n’est pas certain que ça fonctionne. En tout cas, moi qui ne l’ai pas connu, je n’en ai pas eu besoin pour être élue… »
Ancien proche de Mitterrand et apôtre d’un paternalisme municipal sans complexe, la figure de Labarrère demeure incontournable, huit ans après sa mort. « Il ne vivait que pour sa ville, qu’il a dirigée pendant plus de 35 ans. On est encore dans les répliques du tremblement de terre qu’a été sa disparition, et la tectonique des plaques électorales est encore mouvante », juge Jean Pétaux.
Mais si tous se veulent successeurs du charismatique baron du Béarn, sa pratique du pouvoir ne s’encombrait pas d’une quelconque transmission, lui qui aimait à prononcer au crépuscule de sa vie la maxime suivante : « Les dauphins ont vocation à s’échouer sur les plages. » « Il avait une relation très affective à sa ville, et y a développé un “autoritarisme convivial” et ouvert à toutes les sensibilités », se souvient Henri Emmanuelli. D'autres estiment, plus secrètement, qu'il a surtout contribué à dépolitiser le débat, comme souvent les grands barons locaux ayant passé une vie entière à la tête d'un exécutif…
Du coup, c'est un peu comme si tout aurait déjà été fait : personne n’ose s’affranchir réellement des années Labarrère. « André, c’était les grands travaux, les grands investissements, dit André Duchateau. Aujourd’hui, on se concentre sur l’essentiel de l’existant. Les logements de qualité, les réhabilitations d’écoles, la revitalisation du centre-ville. Les bases ont été posées par le mandat précédent, mais il faut aller plus loin. » « David doit faire une double rupture, une avec Martine, qui elle-même avait fait une rupture avec Labarrère », confie un proche du candidat socialiste.
Ancien suppléant du député-maire-sénateur-président du conseil régional, Habib accompagne ses très mesurées critiques sur l’ère Labarrère d’un luxe de préventions (« Quand je porte un jugement gris sur son bilan, croyez bien que c’est dans un respect très grand de sa mémoire », dit-il en réunion publique). Et il insiste sur le fait qu’« André m’a appris à aimer les gens, et cette part d’héritage je l’assume pleinement ». Pour Nathalie Chabanne, « tout le discours de David sur le pôle métropolitain allant des Landes au Pays basque, c’est un moyen de s’inscrire sans le dire dans une phase post-Labarrère, en allant au-delà de Pau ».
Grand absent des discussions locales : le contexte national avec la petite forme de la gauche gouvernementale. En réunion publique, Habib n’évoque que les sujets locaux et, comme bien d’autres socialistes en France, il ne montre pas le logo du PS sur ses affiches. Mais il n’a pas le hollandisme honteux non plus, preuve en est la quatrième position de la sénatrice Frédérique Espagnac, une très proche du président. Ici, on reproche surtout à Hollande de ne pas s’assumer.
Vendredi 21 février, lors d’une réunion de grands élus socialistes voulant démontrer l’importance du socialisme municipal aquitain, le président de région Alain Rousset en profite pour mettre les pieds dans le plat. « Nous n’avons pas suffisamment tenu un langage de vérité, a-t-il lancé. On a trop cru que le chômage se retournerait trop facilement. C’était une formule stupide ! M. le président, rappelez donc pourquoi vous êtes social-démocrate. Et assumons ! » Côté socialiste, la question de la politique gouvernementale est pourtant taboue. Tout juste admet-on qu’« il y a quand même des risques que ça plombe un peu la participation de notre camp ».
Plus à gauche, Olivier Dartigolles dit ne pas axer sa campagne là-dessus, bien qu’il assume évoquer « une politique de droite » quand il est interrogé sur le gouvernement. Mais il explique être frappé par le nombre de personnes résignées, rencontrées en porte-à-porte. « On ne nous parle pas de colère ou de ras-le-bol, plutôt de déception, de mise en retrait ou d’une forme d’épuisement, dit-il. “Il n’est pas question de nos vies dans cette politique”, ai-je par exemple entendu. » « Vu qu’on n’a aucune fierté de ce qu’on fait nationalement, on préfère la boucler », résume de son côté l’écolo Eurydice Bled. Même son de cloche chez Bayrou et Urieta, qui disent de concert « très peu sentir le contexte national », et expliquent tous deux avoir des gens de gauche sur leur liste, donc ne pas en rajouter.
Localement, alors que le clivage politique est loin d’être affirmé au sens idéologique, il n’est pas question d’adhérer à la “majorité centrale” que Bayrou appelait de ses vœux et que Hollande met peu à peu en œuvre. Par tous, Bayrou est décrit comme « quelqu’un qui ne travaille pas », ou qui a formé « une équipe municipale de bric et de broc ».
L’an dernier déjà, alors que dès le lendemain du second tour, plusieurs futurs ministres (comme Laurent Fabius ou Marisol Touraine) avaient exprimé leur souhait d’un soutien à Bayrou en guise de remerciement et afin qu’il puisse accéder à l’Assemblée nationale, les socialistes locaux avaient fait corps. « À l’époque, ça avait beaucoup resserré les liens entre nous, se souvient Nathalie Chabanne. Sur les marchés, pas un électeur ne m’a dit “Désistez-vous !” Et Habib, comme Espagnac ou Lignères-Cassou, m’avaient tous soutenue. » Chabanne avoue sa « surprise » de voir revenir Bayrou. « On pensait qu’il allait devenir un nouveau Rocard, accepter une commission ou une nomination… Et puis non, il revient. Et désormais, il redouble de violence contre les socialistes… »
Les deux principaux candidats s’accusent aussi mutuellement de se servir de cette municipale comme d’un tremplin vers d’autres ambitions nationales, la présidentielle pour Bayrou, un poste de ministre pour Habib. Ce dernier jure le contraire : « Pour cela, il était beaucoup plus confortable de me faire largement réélire à Mourenx. C’est justement en relevant le défi de Pau que je m’empêche d’être en situation de rentrer au gouvernement… » Bien qu’apôtre revendiqué du cumul des mandats, s’il est élu, il ne démissionnera de son poste de député qu’en 2017, il se veut « maire à plein temps » et très investi sur le moindre des dossiers. « Ma différence avec Bayrou, par exemple, c’est que lui fera confiance à ses services administratifs. Moi, ce ne sera pas le cas. »
François Bayrou, quant à lui, cherche surtout à se relégitimer par l’onction du suffrage universel. « Il veut retrouver une validation électorale, juge l’universitaire Jean Pétaux, nécessaire pour le remettre dans le jeu national, et servir son ego surdimensionné, sa détermination à toute épreuve. » À ceux qui sous-entendent qu’il se sert de Pau pour se relancer vers la présidentielle, abandonnant alors la gestion de la ville dans un an, Bayrou botte en touche : « Est-ce que vous pensez franchement que j’ai besoin des municipales pour être présent dans les médias ? » Il insiste : « C’est vrai qu’après ma défaite en 2008, suite au traquenard alors monté par l’UMP et le PS, je me suis tourné vers la vie politique nationale. Mais je n’ai jamais quitté le pays, et j’ai toujours habité ici. »
Désormais, tout le monde s’interroge sur les résultats du premier tour. En 2008, Martine Lignières-Cassou avait emporté l'élection avec moins de 400 voix d'avance (39,8 %) face à François Bayrou (38,8 %) et à Yves Urieta (21,4 %). Cette fois-ci, Urieta passera-t-il les 10 % et pourra-t-il se maintenir au second tour ? Le FN présentera-t-il une liste et celle-ci peut-elle également se maintenir ? Quel sera l’écart entre Bayrou et Habib ? « Notre objectif, c’est entre 5 et 7 points de retard maximum », ose Habib. « C’est mécaniquement compliqué d’être devant, ajoute Duchateau. Mais nous, on a des réserves de voix pour le second tour. Lui n'en a aucune. » Bayrou réfute toute spéculation arithmétique : « Si je suis devant au premier tour, je gagnerai. »
BOITE NOIREJe suis resté à Pau du 21 au 24 février. Tous les candidats cités ont été rencontrés en face-à-face, pendant une heure environ à chaque fois.
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