« Je suis devenu un peu méfiant, et moins naïf. Je ne m’attendais pas à ce que les communistes nous abandonnent pour partir avec les socialistes », a lâché Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV, ce dimanche. Au-delà des formules médiatiques destinées à faire le buzz, on a du mal à croire qu’un homme politique aussi expérimenté, et aussi pétri d’Histoire que le fondateur du Parti de gauche, ait pu croire, un seul instant, que le Parti communiste allait le choisir lui, qui pèse un poids incertain pour les municipales, plutôt que le PS dont l’alliance représente une chance éprouvée de préserver des dizaines de mairies PC et des centaines de postes d’adjoints et de conseillers municipaux.
Au plan des idées, le Parti de gauche et le Parti communiste sont parfaitement d’accord vis-à-vis de François Hollande : ils lui reprochent d’avoir tourné le dos à la gauche, et de s’être rallié à la droite libérale. Mais si Mélenchon a rompu avec le PS, le Parti communiste entretient avec lui, depuis trente ans, une alliance de survie, qui se manifeste par de sévères critiques entre deux élections, suivies de rapprochements à l’approche des scrutins.
Ainsi le Parti de gauche imagine-t-il son avenir sur l’idée d’une rupture consommée avec les sociaux-libéraux, accusés d'avoir trahi la gauche, tandis que le Parti communiste n’entrevoit sa survie que dans le maintien d’une entente réaliste avec eux, parce qu’ils seraient une gauche édulcorée, et même une gauche compromise, mais au bout du compte électoral une certaine gauche quand même.
Au fond, vu du côté Mélenchon, le PC serait un peu le social-démocrate des sociaux-libéraux, c’est-à-dire un courant prêt à des compromis avec le camp d’en face, au nom du moindre mal.
Le problème, c’est que ce principe de dépendance, et de réalité électorale, ne s’arrête pas au vieux couple PS-PC. Il opère aussi au sein du Parti de gauche, et on le mesure cette semaine. Jusqu’au bout, le Parti de gauche a tenté de combattre les alliances de son partenaire avec les socialistes, notamment à Paris. Puis il a fait du logo “Front de gauche” apposé sur les affiches d’Anne Hidalgo un marqueur de la dernière chance. Le PC devait le faire disparaître, où l’on verrait ce qu’on verrait.
Les communistes ont fait la sourde oreille et on a vu ce qu’on a vu, c’est-à-dire à peu près rien. Le Conseil national des amis de Jean-Luc Mélenchon a pris acte de la mauvaise manière du PC, en la dénonçant vivement, mais s’en est accommodé. Pour l’avenir, c’est-à-dire les régionales et les cantonales, le Parti de gauche demande solennellement à son partenaire de ne plus recommencer, mais pour les européennes, écrit le secrétaire national Éric Coquerel, « la main reste tendue ».
Donc il y a du tangage, de la colère, mais pas de rupture irrémédiable… C’est que le pari de Jean-Luc Mélenchon, qui espère supplanter le PS aux européennes, passe par le maintien du Front de gauche, donc de l’alliance avec les communistes. Bruxelles valant bien une messe, il fallait fermer les yeux. Ou au moins les détourner...
Comme quoi, sauf à s’interdire toute entente électorale, en s’enfermant par exemple dans une radicalité du style LCR ou NPA, on finit presque toujours par devenir le social-démocrate de son social-démocrate…
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