De notre envoyé spécial à Bruxelles
Après avoir été écartée des listes PS pour les élections européennes, Françoise Castex a choisi d'entrer en « dissidence » en rejoignant Nouvelle Donne, la formation encore en devenir lancée par l'économiste Pierre Larrouturou. L'eurodéputée, qui termine son deuxième mandat cette année à Strasbourg, fera sans doute campagne comme tête de liste pour le Grand Sud-Ouest (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon) contre, notamment, ses ex-camarades socialistes.
« Je pars en dissidence, explique-t-elle à Mediapart. Après plusieurs semaines de réflexion, et au vu du désarroi actuel, j’ai décidé de prendre mes responsabilités et d’apporter ma contribution à Nouvelle Donne, le mouvement créé par Pierre Larrouturou et le collectif Roosevelt 2012. » Elle sera opposée, si elle est confirmée dans le Sud-Ouest, à Michèle Alliot-Marie (UMP), Louis Aliot (FN), José Bové (EELV), Virginie Rozière (PS-PRG) ou encore probablement – c'est loin d'être acté en interne – Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche).
Après la députée écologiste Isabelle Attard, qui a rejoint Nouvelle Donne en décembre (lire son entretien dans Mediapart), Françoise Castex devient la deuxième parlementaire à quitter la majorité présidentielle et à répondre aux appels du pied de Pierre Larrouturou. Nouvelle Donne devrait être présent dans six des huit circonscriptions des européennes, mais ne dévoilera ses listes officielles que début avril, après les municipales.
Cette ancienne syndicaliste (qui avait dit « non » au traité constitutionnel en 2005) fait partie, avec Liêm Hoang-Ngoc, des eurodéputés socialistes sortants à avoir été « sacrifiés » par le PS national, au terme de tractations infinies entre les différents courants du PS et de ses alliés. C'est Virginie Rozière, une inconnue issue des rangs du parti radical de gauche (PRG), sans expertise particulière sur les questions européennes, qui briguera la tête de liste PS-PRG, au nom d'un accord passé entre le PS et le PRG. Fin novembre, les militants PS du Sud-Ouest avaient voté contre la désignation d'une tête de liste PRG, mais la direction de Solférino était passée en force.
Castex et Hoang-Ngoc, tous deux représentants de l'aile gauche du PS et proches de Benoît Hamon, ont été des élus plutôt très actifs à Strasbourg, surtout si l'on compare leur bilan à celui souvent désastreux des grandes figures du PS français (Vincent Peillon, Stéphane Le Foll ou encore Harlem Désir, ce dernier cumulant, encore aujourd'hui, la présidence du PS et son poste d'eurodéputé, et qui sera tête de liste en Ile-de-France). À titre d'exemple, Castex vient de manœuvrer pour obtenir, début février, une majorité sur un rapport difficile, au sein de sa commission des affaires juridiques, concernant la taxe sur la copie privée, à l'heure du numérique.
L'élue du Gers ne cache pas, aujourd'hui, son amertume. « Cet épisode est révélateur de la maladie qui ronge le parti socialiste, dans lequel les ambitions personnelles, les petits calculs individuels ont pris le pas sur l'action collective et l'intérêt général. » Mais elle veut croire à un sursaut : « Je ne m'attendais pas à ce que ces évictions provoquent autant de débat et de réactions indignées, chez les militants et ailleurs. Aujourd’hui, de plus en plus de citoyens se mobilisent pour ne plus être laissés pour compte des décisions qui se prennent en leur nom, et c’est une bonne chose. »
À sa manière, le cas de Françoise Castex relance un débat plus vaste sur la stratégie douteuse des grands partis politiques français, qui préfèrent souvent envoyer des ministres retraités à Strasbourg et autres personnalités médiatiques tentées par l'abstentionnisme, plutôt que reconduire des élus plus performants au sein de l'institution. Ce choix n'est pas sans conséquence sur l'influence de la France à Bruxelles, alors que les députés allemands construisent, eux, leur carrière politique entière autour du parlement européen (lire notre article sur le sujet).
Françoise Castex reconnaît avoir hésité, et discuté en amont avec la députée Isabelle Attard avant de prendre sa décision. Le PS n'a semble-t-il pas fait grand-chose pour la retenir. Elle sait que la partie sera difficile, sans la machine d'un grand parti pour l'aider à faire campagne sur le terrain. « Mais nous avons d'autres atouts. J'y vais pour gagner. Je ne suis pas naïve non plus », explique-t-elle. D'autant que sur des thématiques qui lui sont chères (le rejet des négociations de libre-échange avec les États-Unis, la dénonciation du budget européen d'austérité adopté l'an dernier, ou encore le rejet du traité anti-contrefaçon ACTA), elle sait aussi qu'un Bové ou un Mélenchon lui laisseront peu d'espace pour exister. « Sur ACTA, les services publics ou le TTIP, je ne les ai pas attendus », prévient-elle.
Le Grand Sud-Ouest enverra dix députés au parlement européen. En 2009, Jean-Luc Mélenchon, dernier candidat à avoir été élu dans cette circonscription, avait rassemblé un peu plus de 150 000 voix. Ce sera sans doute l'objectif.
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