À l’heure où les Suisses veulent limiter l’immigration des ressortissants de l’Union européenne et où la Grande-Bretagne envisage de plafonner les entrées d’Européens de l’Est, une meilleure compréhension des mécanismes migratoires internationaux est indispensable. C’est à cette remise à plat que s’emploie Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des questions d’immigration en France et dans le monde.
Dans son livre Faut-il ouvrir les frontières ? publié aux Presses de SciencesPo, la directrice de recherche du CNRS au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) rappelle que le renforcement des contrôles aux frontières est non seulement inefficace mais aussi coûteux. Inefficace car la multiplication des barrières et des législations répressives n’a jamais empêché quiconque de migrer. Tout juste les personnes désireuses de quitter leur pays, quelles qu’en soient les raisons, prendront plus de risques pour parvenir à leurs fins.
Ces politiques sont par ailleurs coûteuses, humainement, tout d’abord, comme en témoignent les drames à répétition aux abords de Lampedusa. Mais aussi économiquement : l’auteur liste les millions d’euros utilisés par les pays d’accueil pour les reconduites à la frontière (de l’interpellation des sans-papiers aux expulsions en passant par l’enfermement dans des centres de rétention) et la surveillance des frontières extérieures de l’UE via Frontex notamment. Elle constate que le faible rythme des régularisations, en particulier de déboutés du droit d’asile pourtant non expulsables, représente un manque à gagner pour les finances publiques.
Catherine Wihtol de Wenden estime enfin que ces politiques sont contre-productives. À court terme, elles peuvent apparaître aux responsables politiques comme la réponse adéquate aux interrogations d’opinions publiques tentées par le repli sur soi, mais à long terme, estime-t-elle, elles mettent en péril les économies du vieux continent, vouées à péricliter sans l’apport de main-d’œuvre étrangère. Anticipant les critiques qui pourraient lui être adressées, elle explique pourquoi les systèmes de protection sociale n'en pâtiraient pas, malgré les idées reçues.
Pour finir de convaincre les lecteurs réticents à l'idée d'une ouverture des frontières, la chercheuse propose d'inverser la logique, en appelant les États à considérer que la liberté de circulation des personnes est un droit universel, tout en leur laissant la possibilité de restreindre l'entrée sur leur territoire. Ni plaidoyer ultra-libéral (au sens où toute frontière serait un frein à l'enrichissement capitalistique), ni « angéliste » (selon l'une des expressions favorites de la droite pour désigner les politiques migratoires et sécuritaires de la gauche), ce livre se veut une alternative pragmatique, fondée sur le droit international et les intérêts bien compris de chacun.
Catherine Wihtol de Wenden, Faut-il ouvrir les frontières ? Presses de SciencesPo, 99 pages, 15 euros, décembre 2013.
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