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Nouvelle donne : de l'ambition mais quelle stratégie?

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« Nouvelle donne a vocation à devenir une véritable alternative politique », a lancé l’économiste Pierre Larrouturou à la tribune de la première réunion parisienne de Nouvelle donne, dimanche 9 janvier, au théâtre Dejazet. Deux mois après le lancement du parti, sur le modèle du « New deal » américain des années 1930, plusieurs têtes de proue du mouvement, issu de la plateforme Roosevelt 2012, ont organisé un rassemblement politique pour compter leurs forces, esquisser les grandes lignes d'un projet européen qui peine à émerger et lancer une série de trois réunions thématiques dans la capitale. Objectif : construire et structurer une alternative de gauche à seulement quelques mois des européennes.

Réunissant quelque 650 personnes, le meeting a duré plus de deux heures. Plusieurs leaders du mouvement, engagés au côté de l'ancien militant socialiste et écologiste Pierre Larrouturou, ont tour à tour expliqué les raisons de leur adhésion, salué la dynamique militante de la jeune formation, qui compte désormais « plus de 5 500 adhérents à jour de cotisation » et donné les grandes pistes d'une alternative de gauche aux européennes de mai, où le parti compte proposer des listes dans six des huit circonscriptions.

Venus interroger les « 20 solutions » du nouveau parti, qui veut « dépasser le PS et créer un électrochoc à gauche » aux européennes, les militants ont découvert, lors de deux tables rondes sur l'emploi et la démocratie, les axes idéologiques de Nouvelle donne. Les orateurs qui se sont succédé dans l'enceinte du théâtre l’ont plusieurs fois répété : l'objectif de Nouvelle donne est de sortir de l'impasse économique et démocratique dans laquelle droite et gauche se sont « enfermées depuis 30 ans » au niveau européen. Sans toutefois définir la stratégie et les alliances électorales (PS, EELV, Front de gauche) à mettre en œuvre après les élections pour parvenir à peser sur la politique du parlement européen.

Le 9 février au Théâtre Dejazet, à ParisLe 9 février au Théâtre Dejazet, à Paris © Guy Baudon

« Depuis les années 1980, on nous parle de croissance pour résoudre les problèmes de l'emploi. C'est un leurre. Il n'y aura plus de croissance en Europe », a déclaré l'acteur et cinéaste Serge Karmann, en ouverture de la table ronde sur l'emploi. « Ce parti doit s'engager pour une société qui parle du progrès sans la croissance, c'est la seule solution. » Face aux échecs successifs des politiques pour l'emploi fondées sur la croissance, Nouvelle donne est le seul parti à offrir de « véritables solutions » contre le chômage, a martelé Isabelle Maurer, la désormais célèbre chômeuse de Mulhouse, soutenue par la sociologue Dominique Méda : « Nous devons repenser les questions du temps de travail et de la répartition des richesses dans une Europe qui connaît un chômage de masse. »

À rebours du pacte de compétitivité du gouvernement, qualifié de « mystification libérale » par Pierre Larrouturou, Mme Méda a prôné un partage du temps de travail “civilisé” pour lutter contre le chômage et développer l'emploi : « Tous les pays opèrent un partage du temps de travail. En Allemagne, 25 % des travailleurs sont à temps partiel, mais ils le subissent, c'est une répartition sauvage. Nous devons proposer à l'Europe un partage du temps de travail civilisé, en le réduisant pour certains, et en l'augmentant pour d'autres (...), en fonction de la demande. » Une politique économique bien éloignée de celle de l'offre, majoritaire en Europe et mise en œuvre par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

« Mais nous ne sommes pas pour autant des “néo-keynesiens”», a précisé toutefois Pierre Larrouturou. « Il y a une partie de la gauche qui court après le Medef et l’autre qui ne propose qu’une augmentation des salaires, (...) nous rejetons ces deux solutions. Relancer la croissance ne sert plus à rien, Ben Bernanke l'a dit le mois dernier : “J'ai investi 900 milliards de liquidités dans l'économie et la reprise n'est pas là, il n'y a pas de croissance, pas d'emplois”. »

Pour Nouvelle donne, la gauche est déconnectée des réalités de l'emploi. « Penser que l'on peut continuer avec le même modèle de production des richesses est une erreur (...), la solution est à trouver du côté d'un modèle plus écologique et sorti de la contrainte financière », a insisté Mme Méda. À l'image de ce que défend l'ancien PDG d'une filiale de Rhône-Poulenc, Alain Godard, pour qui il est « choquant de constater l'absence de distinction du gouvernement entre multinationales et petites entreprises » dans l'attribution des aides publiques et le traitement du chômage. Cet ancien dirigeant d'entreprise, qui a vu s'opérer « la prise de contrôle des financiers dans l'industrie », militait déjà au sein du collectif Roosevelt 2012. Convaincu de la nécessité de séparer les activités des banques d'affaires et de dépôts, il a rejoint Nouvelle donne pour mettre en œuvre un programme qui permettrait aux entreprises « d'accéder au crédit sans rentrer dans des logiques purement financières, destructrices d'emplois ».

Dominique Méda, Alain Godard et Isabelle Maurer au théâtre DejazetDominique Méda, Alain Godard et Isabelle Maurer au théâtre Dejazet © Guy Baudon

À côté des questions d'emploi, « l'absence de réforme de la justice et l'affaire Cahuzac sont également symptomatiques du manque de vitalité de notre démocratie », a déclaré le magistrat Éric Alt, membre des associations Anticor et Sherpa, lors de la deuxième table ronde, consacrée à la démocratie. « J'étais dans ce même théâtre il y a deux ans, face au futur chef de l'État, François Hollande. Indépendance du parquet, statut du chef de l'État, suppression de la CJR. Des annonces, mais peu d'actes. Et il y a les paradis fiscaux, l'affaire Cahuzac, un véritable choc. Encore une fois, on est très loin des objectifs en terme d'exemplarité démocratique, (...) notre combat doit se mener au niveau de l'Europe pour renforcer la justice et assurer plus de transparence démocratique. »

« Qui connaît l'accord “Tafta” ? » a de son côté lancé la présidente d'honneur d'Attac, Susan George, très engagée sur l'instauration de la taxe “Tobin” et militante contre les paradis fiscaux. « Ce traité de libre-échange négocié entre l'Europe et les États-Unis est probablement l'un des plus grands scandales démocratiques de l'histoire, (...) le peuple n'est pas consulté, tout est fait à l'abri du regard des citoyens. » Le traité transatlantique, qui prévoit un accord de libre-échange entre les États-Unis et l'UE, « ouvrira la voie à une justice d'exception, réservée aux multinationales qui pourront attaquer les États en cas de réglementation affectant leurs chiffres d'affaires, (...) il faut lutter contre ce type de négociations et obtenir de l'Europe, si nous sommes élus, que ce type de négociations cesse. »

Lancé en novembre, dans l'optique des élections européennes de mai, pour dépasser le PS et créer un « électrochoc à gauche », le parti Nouvelle donne ne veut plus seulement proposer des solutions et essayer de peser sur la politique du gouvernement socialiste. Comme le rappelle M. Larrouturou, ses membres ont l’ambition d’offrir une alternative européenne aux déçus du PS, qui ne souhaitent ni rejoindre Europe Écologie-Les Verts, ni le Front de gauche, prônant des alliances de circonstance avec les députés susceptibles de les soutenir sur des projets dans l'hémicycle européen. « Nous ne savons plus où est la gauche. La crise a rebattu les cartes », a abondé M. Karmann, justifiant son choix par l'adhésion aux idées de rupture avec l'ancien programme socialiste. « De l’action naît l’espoir, l’espoir que les citoyens puissent se réapproprier la démocratie », a-t-il lancé à la tribune, « raison pour laquelle nous devons nous engager pour envoyer des députés au parlement européen ».

Après Lyon, Toulouse et Mulhouse, où Nouvelle donne a réuni des centaines de militants, signe de la « demande des citoyens », les leaders du mouvement ont réaffirmé leur volonté de réussir le pari de créer une base programmatique européenne d'ici le 10 avril, en faisant remonter les idées des cellules militantes qui se constituent, pour lancer le parti et l'installer durablement dans le paysage politique français. La jeune formation entend présenter des candidats dans six des huit circonscriptions européennes et proposer, dans le cadre de ces élections, cinq grands principes de gouvernement adossés aux « 20 solutions » du parti, pour refonder, dans le cadre d'une mandature, la fiscalité, le marché du travail (chômage partiel), la politique environnementale, la lutte contre le dumping social et les institutions européennes.

« On va dans le mur, ce n’est plus un problème droite/gauche, il faut changer de système avant qu’il ne s’effondre, et les élections européennes en sont l'occasion », a conclu Pierre Larrouturou. Inspiré par la figure de Hamlet, l'économiste a interpellé l'auditoire sur le caractère historique de la crise et la nécessité d'y apporter des solutions « courageuses » et « en rupture avec les idées du passé »Filant la métaphore shakespearienne et en défi à la gauche, le leader de Nouvelle donne a lancé : « “To be or not to be”, telle est la question de l'ambition que nous voulons incarner. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Si j’étais un terroriste


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