Plusieurs associations attaquent les arrêtés sur l’eau et la destruction des espèces protégées signés par l’État en décembre pour lancer les travaux préalables à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Les recours portent notamment sur la méthode de compensation des dommages causés à la faune et à la flore, jugée très insuffisante. Ils sont déposés lundi 3 février devant le tribunal administratif de Nantes, conjointement par l’Acipa, l’association historique des opposants au projet, le Cédépa, un collectif d’élus, la Confédération paysanne, la Ligue de protection des oiseaux (LPO), Bretagne vivante, Europe Écologie-Les Verts, ainsi que des particuliers. Sans caractère d’urgence, leur examen pourrait durer de trois à six mois, au minimum, selon Raphaël Romi, professeur de droit à la faculté de Nantes, qui insiste sur la « complexité » technique du dossier.
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Retrouver ici notre dossier complet sur « l'aéroport de la discorde »
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Pour les requérants, il faut revoir toute la méthode d’évaluation de la qualité environnementale du site, bâclée selon eux. Ils dénombrent sur le terrain une bonne trentaine d’espèces animales et végétales oubliées par le maître d’ouvrage et ses bureaux d’études, parmi lesquels Biotope (voir notre enquête à son sujet). Ils attaquent aussi la méthode destinée à « compenser » le déplacement des espèces protégées et la destruction d’une partie de leur habitat.
En avril 2013, les experts mandatés par l’État avaient disqualifié le mode opératoire choisi par AGO, la filiale de Vinci chargée de construire l’équipement (voir ici). La zone concernée par le transfert de l’aérogare est une zone humide très étendue. Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) oblige à en préserver le double de la superficie en compensation du bétonnage. Une telle surface est impossible aujourd’hui à trouver. Pour contourner cette difficulté, Vinci veut calculer la valeur de l’écosystème concerné, et le compenser de façon qualitative et non quantitative. Une méthode expérimentale réprouvée par une partie de la communauté scientifique (voir ici).
En décembre dernier, plusieurs juristes ont signé un appel contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qualifié d’« horreur juridique » : « L’État se prévaut sans cesse du droit pour justifier son projet. Mais le droit a été "modernisé" pour précisément permettre ce projet. En réalité, il est devenu bien plus difficile de construire une éolienne qu’un aéroport. »
L’exécutif s’est engagé à ne pas lancer les travaux sur la zone d’aménagement différé (ZAD), occupée depuis 2009 par un nombre variable d’opposants, tant que tous les recours n’ont pas été jugés. Or une fois passé ce délai, certains déplacements d’espèces ne seront sans doute plus possibles (leur calendrier est très encadré car il faut respecter les périodes de reproduction, etc.). Si bien que les travaux pourraient rester bloqués jusqu’aux derniers mois de l’année.
Mais en décembre, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a déclaré qu’« après une étape de dialogue qui a duré ces derniers mois, pendant laquelle l'utilité du projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été plutôt confirmée, confortée, il est temps en effet de passer aux travaux préalables avant la réalisation du projet ». Après la parution des arrêtés, Mikaël Doré, sous-préfet en charge du dossier, a renchéri : « Désormais, on a toute latitude pour réaliser les travaux. Sur le terrain, des repérages sont actuellement menés en vue de préparer l’opération de transfert des espèces protégées. Rien ne nous interdit de passer à l’action. »
De leur côté, les opposants assurent que si les pouvoirs publics décidaient d’intervenir sur le terrain avant l’épuisement des recours, ils riposteraient aussitôt devant les tribunaux, en référé cette fois. La destruction d’espèces protégées est un délit pénal. Une nouvelle manifestation d’opposition au projet d’aéroport s’organise pour le 22 février.
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