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Affaire HSBC: de nouvelles personnalités apparaissent dans les listings

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Plusieurs personnalités publiques, dont les noms apparaissent dans les listings de l’affaire HSBC, ont reconnu lors d’entretiens avec Mediapart être liées à la filiale genevoise de la banque de gestion de fortune, actuellement au cœur d’une vaste enquête judiciaire pour « fraude fiscale et blanchiment en bande organisée ».

Parmi elles figurent le célèbre patron de salons de coiffure Jacques Dessange, deux monstres sacrés du cinéma français, les comédiens Michel Piccoli et Jeanne Moreau, ou encore un ancien représentant permanent de la France à l’ONU, Luc de Nanteuil. Tous ont indiqué avoir régularisé leur situation fiscale ces dernières années.

Les enquêteurs ont par ailleurs recueilli plusieurs éléments précis sur les avoirs détenus à la HSBC Genève par d’autres personnalités françaises, comme l’ex-footballeur vedette Christophe Dugarry ou l’ancien préfet Jean-Charles Marchiani, qui n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

Un homme politique, le député UDI Meyer Habib, qui apparaît également dans les listings HSBC, assure de son côté ne pas être lié à la banque, tout en suggérant qu'il pourrait s'agir d'un vieux compte paternel dont il dit avoir ignoré l’existence jusqu’aux questions de Mediapart cette semaine.

Tous ces éléments proviennent des données brutes fournies par l’ex-informaticien de la HSBC Private Bank de Genève, Hervé Falciani, qui fut à l’origine, fin 2008, de l’une des plus grandes fuites de documents bancaires. Après l’hebdomadaire Challenges et le quotidien Le Monde, qui ont déjà révélé l’identité de certaines personnalités citées dans ces listes, Mediapart a décidé de rendre publics de nouveaux noms connus du grand public après plusieurs semaines d’enquête.

Jacques DessangeJacques Dessange

Certains cas ne souffrent d’aucune contestation. Hubert Dessange, alias Jacques Dessange, fondateur de la célèbre chaîne de salons de coiffure, et dont le nom apparaît dans les listings Falciani, a reconnu avoir fraudé le fisc pendant plusieurs années. « M. Dessange a régularisé sa situation courant 2012. Tout est en ordre, il a payé ce qu'il devait. Je ne peux vous dire depuis combien de temps il détenait ce compte en Suisse, ni son montant », explique à Mediapart son avocat, Me Charles-Emmanuel Soussen.

Comme lui, ils sont nombreux à avoir régularisé leur situation lorsque l’existence de ces fichiers a été révélée, il y a quatre ans et demi, par l’ancien ministre du budget Éric Woerth (UMP). C’est aussi le cas d’un ancien diplomate de haut rang, Luc de Nanteuil.

Énarque, ex-ambassadeur à l'ONU, auprès de l’Union européenne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas dans les années 1980 et 1990, ce dernier a également présidé le groupe de presse Les Échos de 1991 à 2003. Il est aujourd'hui « très malade », et c'est son épouse qui nous répond : « Le compte est déclaré désormais. Il avait un compte qui a été régularisé, ça doit faire 3 ou 4 ans. Il n'y avait pas plein, plein de chiffres sur ce compte. C'était un héritage, comme beaucoup de gens malheureusement. »

La comédienne Jeanne Moreau confirme avoir détenu de l’argent, « quelque chose comme 100 000 euros », et avoir régularisé sa situation, contre paiement d’une amende, à la demande du fisc qui l’a approchée au printemps 2013. « J’avais de l’argent et j’ignorais que je l’avais », indique l’actrice. Elle raconte que cette somme lui avait été versée en deux fois, « pour un travail effectué au Japon il y a douze ou quinze ans, puis pour ma participation à une émission de télévision anglaise, plus récemment ». L'argent avait été déposé sur un compte ouvert il y a de nombreuses années et laissé dormant depuis. « J’ai été la première étonnée lorsqu’on m’en a parlé, et j’ai bien sûr réglé la situation dès que l’administration me l’a demandé », indique-t-elle.

Régularisation tardive également pour Ludivine Piccoli, l’épouse de l’acteur Michel Piccoli. Les noms des deux époux figurent dans les listings. « Dans ma période d’étudiante à Genève, mes parents m’aidaient financièrement. Ce compte, non alimenté depuis longtemps, a été régularisé il y a un an et demi. Je n’ai pas été entendue par les autorités, j’imagine que la somme paraissait insignifiante. » Elle explique avoir transféré 29 000 euros dans une banque française, après paiement de pénalités. « Je me suis aperçue que ce n’était pas une bonne idée de garder ce compte aussi longtemps sans l’utiliser, et puis cela aurait pu rejaillir sur mon époux. » De fait, Michel Piccoli apparaît lui aussi comme étant ayant droit du compte suisse. « Qu’il apparaisse sur ces listings est normal, explique son épouse, puisque je l’ai mis comme bénéficiaire au cas où il m’arriverait quelque chose. »

Christophe DugarryChristophe Dugarry © Reuters

Pour d’autres personnalités, qui n’ont pas souhaité répondre aux questions de Mediapart malgré de très nombreuses relances, les liens avec la HSBC Private Bank Genève ont été établis de façon formelle par les enquêteurs. Parmi elles : le footballeur Christophe Dugarry, ancien joueur international et vainqueur de la coupe du monde en 1998.

L’homme figure sur les listings et son cas avait même été considéré comme prioritaire, en 2010, par le procureur de la république de Nice, Éric de Montgolfier, à l’époque où le magistrat était chargé du dossier. D’après un procès-verbal de gendarmerie de juillet 2010 obtenu par Mediapart, les enquêteurs indiquent que M. Dugarry, considéré par HSBC comme un “VIP”, est le bénéficiaire économique d’un compte à l’étranger sous le couvert d’une société écran, Faroe Capital Limited. Le compte, ouvert en mars 2005, était créditeur de 67 731,97 euros au moment de sa découverte par la justice. Dans leur PV, les enquêteurs notent que Christophe Dugarry, aujourd’hui consultant sportif, est fiscalement domicilié à Bordeaux et n’a déclaré aucun compte à l’étranger, alors qu’il en reconnaît treize en France.

Contacté à de très nombreuses reprises, l'ancien footballeur n’a pas répondu à nos questions. La date de création de la société écran utilisée par M. Dugarry – mars 2005 – n’a rien d’anodin. Elle intervient quelques mois avant l’entrée en vigueur d’une directive européenne prévoyant de taxer à la source les revenus d’épargne des comptes à l’étranger. Cela ne concernait que les comptes de personnes physiques. À ce moment-là, nombreuses sont celles qui ont basculé leur argent vers des sociétés écrans créées pour l’occasion.

Les noms de quelques rares hommes politiques apparaissant dans les listings Falciani retiennent également l’attention. À commencer par celui de l’ancien préfet du Var et proche de Charles Pasqua, Jean-Charles Marchiani.

Dans plusieurs documents officiels, les enquêteurs le présentent comme « lié à la banque HSBC PB de Genève depuis le 20/05/1983 », au travers d’un compte numéroté, dont le solde maximum pour la période allant du 9 novembre 2006 au 31 mars 2007 est monté jusqu’à 1 844 073, 38 euros. Sont également liés à ce profil son épouse, ses deux fils et son frère, eux aussi présents dans les listings.

L'ancien préfet Marchiani avec Charles Pasqua.L'ancien préfet Marchiani avec Charles Pasqua. © Reuters

Les enquêteurs relèvent notamment un mouvement suspect le 8 mars 2007 : « Un dépôt de 482 000 euros sur un compte à terme. » D’où vient cet argent ? A-t-il été déclaré au fisc ? Dans un rapport de synthèse de décembre 2010, les gendarmes sont formels : « Outre le fait que [son] origine demeure inconnue, il apparaît que cette somme [de 482 000 euros] est ignorée des services fiscaux », ce qui « laisse supposer la possibilité d’une fraude fiscale dont le compte bancaire suisse permettrait le blanchiment ». Les enquêteurs recommandent des investigations complémentaires pour « identifier formellement le ou les auteurs de cette fraude fiscale, ainsi que le ou les auteurs de son blanchiment ».

Interrogé sur ces éléments, l’avocat de Jean-Charles Marchiani, Me Jacques Tremolet-de-Villers, dément catégoriquement les faits et prévient qu’il poursuivra pour diffamation quiconque en fera état.

Le député UDI Meyer Habib apparaît aussi dans ces listings. Élu en juin dernier dans la 8e circonscription des Français de l’étranger (qui comprend Israël, la Grèce, Malte, Chypre, la Turquie, l’Italie et le Vatican), il dit découvrir cet héritage. Manifestement embarrassé par les questions de Mediapart, il affirme n’avoir jamais entendu parler de compte : « Pour moi il n’y a pas de compte, et je n’en avais jamais entendu parler avant votre appel. Mes frères et sœurs non plus d’ailleurs, je le leur ai demandé. Je vais être très clair : je n’ai pas de compte en Suisse. Vous me dites qu’il y a mon nom sur ces listings. Si tel est le cas, alors c’est peut-être que mon père m’aurait mis il y a très longtemps sur un compte familial, à mon insu. Mais mon père est mort il y a dix ans. Ses comptes ont été fermés, ils sont revenus à ma mère, qui est très souffrante. »

Né en France d’une famille originaire de Tunisie, il conclut : « De toute façon, ce n'est en aucun cas de l’évasion fiscale : mon père, juif réfugié, était apatride puis il a pris la nationalité israélienne. »

© Reuters

Le sénateur UDI du Gers Aymeri de Montesquiou apparaît lui aussi dans ces listings, ainsi que son épouse Éliane. Contacté par Mediapart, celui qui avait hébergé dans son château Jérôme Cahuzac en pleine tempête, répond avec agacement : « C’est extrêmement désagréable, ce genre de questions, quand même ; il y a un côté inquisiteur. Je suis très surpris d’être questionné là-dessus. Je n’ai pas de compte en Suisse, je n’en ai jamais eu. Ma réponse est catégorique. Ma femme non plus. » Pourtant, un des enquêteurs de la DNEF qui a traité le dossier HSBC se souvient d’un compte ouvert dans les années 1990.

Ces nouvelles révélations s’ajoutent à celles du Monde, qui a publié en début de semaine une première liste d'évadés fiscaux aujourd’hui en règle. Avec, à chaque fois, à peu près le même argument : fraudeurs malgré eux. Le réalisateur Cédric Klapisch, le diplomate Jean Lévy, le médiatique psychanalyste Gérard Miller, l’ex-président du CRIF Richard Prasquier, l’avocat Michel Tubiana. Fraudeurs “passifs”, ils étaient héritiers de comptes ouverts par leurs parents. D’autres, comme le chef étoilé Paul Bocuse, ont plaidé « l’étourderie ». Il aurait « oublié » qu’il détenait 2,2 millions d’euros sur un compte non déclaré avant de régulariser sa situation.

D’autres font l’objet de plaintes du fisc, comme le révélait il y a quelques mois le magazine Challenges : Arlette Ricci, l’héritière de Nina Ricci, l’avocat toulonnais Jean-Claude Giudicelli, plusieurs dirigeants de PME comme Simon Benharrous, créateur de la marque de vêtements pour enfants Du Pareil Au Même, ou encore le galeriste David Lévy.

Mais au cours de son enquête, Mediapart a été confronté à plusieurs éléments incitant à manipuler ces données avec un luxe de précautions. Ainsi, d’autres personnalités se trouvent sur ces listings mais leur compte, déclaré ou non, a été ouvert ailleurs qu’à la HSBC.

Emmanuel de Brantes, figure people et chroniqueur mondain, confirme par exemple avoir détenu un compte non déclaré, « ouvert en 1998 à l'initiative d'un client suisse à qui je fournissais des prestations de conseil : une somme, minime, a été versée en une fois, et m'a ensuite servi pour mes frais courants lorsque je me rendais en Suisse. Le compte a été fermé en 2003, et les faits sont largement prescrits ». Mais il s’étonne « tout de même qu’en cette période de chasse aux sorcières », Mediapart dispose « d’informations qui datent d'il y a une quinzaine d'années, et qui ne concernent même pas directement HSBC, puisque le compte avait été ouvert à la Republic National Bank of New York », rachetée en 1999 par HSBC.

Bernard Roux, cofondateur de l’agence de communication Euro-RSCG, s’étonne quant à lui de nos questions : « J’ai eu un compte en Suisse parfaitement officiel et déclaré chez Hyposwiss. Tout ça, c’est terminé. Je l’ai ouvert dans les années 1990 et fermé au début des années 2000, de mémoire, parce que j’avais fait des investissements en Suisse parfaitement officiels. »

L’homme d’affaires Jean-Louis Bouchard, un des actionnaires de Mediapart, fait savoir qu’il est, lui aussi, très surpris : « Je vous confirme n'avoir jamais eu de compte chez HSBC. J'ai donné une procuration à mes avocats pour qu'ils obtiennent des informations auprès de cet établissement et ne manquerai pas de vous tenir informés. Ayant résidé plusieurs années à Genève de 1984 à 1988, il est possible que j'aie eu à l'époque un compte dans une banque rachetée ultérieurement par HSBC. Si tel était le cas, ce compte serait dormant depuis de nombreuses années et serait immédiatement régularisé. »

Depuis avril 2013, les deux juges d'instruction parisiens Renaud Van Ruymbeke et Charlotte Bilger sont chargés d'une information judiciaire qui vise à établir l'éventuelle responsabilité pénale de fraudeurs fiscaux, mais aussi celle de la banque HSBC, aujourd'hui soupçonnée d'avoir incité ses clients à échapper à l'impôt en France. 

BOITE NOIREMathilde Mathieu, Dan Israel, Mathieu Magnaudeix et Fabrice Arfi ont contribué à cette enquête.

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