Elle est la rampe de lancement pour une éventuelle candidature de Nicolas Sarkozy en 2017. Créée en 2012 après la défaite de l’ancien président, l’Association des amis de Nicolas Sarkozy regroupe les sarkozystes historiques (Brice Hortefeux, Christian Estrosi, Nadine Morano, Claude Guéant, Alain Carignon) et se veut un « un véritable outil (...) de valorisation de l’action et du parcours de Nicolas Sarkozy ».
« L'association a aujourd’hui zéro centime de ressources », affirmait à Mediapart son président, Brice Hortefeux, en juillet 2012. Alors depuis sa création, ses membres tentent de promouvoir leur action à moindre frais, en recourant en partie à l’argent du contribuable.
En juillet 2012, Christian Estrosi, le secrétaire général de l’association, a promu l’organisation aux frais de l’Assemblée nationale. Comme l’avait révélé Mediapart, le député et maire de Nice a profité du bureau de poste de l'Assemblée nationale pour adresser un courrier aux milliers d'électeurs de sa 5e circonscription des Alpes-Maritimes, en glissant, au passage, un bulletin de l’Association des amis de Nicolas Sarkozy, dont il est secrétaire général. Une initiative que proscrit le règlement du Palais-Bourbon. Une plainte avait été déposée pour « détournement de biens publics » par un militant d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) et membre de l'association anti-corruption Anticor. Le parquet de Nice avait ouvert un enquête préliminaire, mais classé l’affaire.
Un mois plus tard, le premier grand rassemblement de l’association, organisé dans la ville d'Estrosi, a suscité des interrogations sur son financement. La mairie a mis à disposition, pendant deux jours, le jardin public des Arènes de Cimiez et déployé la police municipale pour sécuriser la manifestation. Une élue socialiste et le responsable d'Anticor 06 avaient saisi le procureur de Nice pour des « faits susceptibles d’être qualifiés de prise illégale d’intérêts et de concussion ».
Mais ces signalements ne semblent pas avoir freiné l’association. D'après nos informations, son dernier grand rassemblement, à Arcachon (Gironde), les 1er et 2 septembre, a été en partie pris en charge par la collectivité. Aucun hasard : le député et maire de la ville n’est autre que l’UMP Yves Foulon, membre de l'association, proche de Nicolas Sarkozy et ami de Brice Hortefeux. C’est son directeur de cabinet, Franck Laugier, lui aussi ami d’Hortefeux (ils se sont côtoyés à Vichy), qui a chapeauté l’organisation côté mairie.
L'association a facturé l'organisation de ce rassemblement 45 000 euros à une agence d’événementiel parisienne. Mais la ville a mis à disposition gratuitement le « Tir-au-Vol », un espace municipal avec vue sur le bassin d'Arcachon. Surtout, des employés municipaux ont été mis à contribution pour la logistique du rassemblement. Pour Charles-Albert Lucas, candidat sur la liste divers droite aux municipales et adhérent UMP, ces faits relèveraient « d'un détournement de fonds publics puisque des employés municipaux ont été mis à disposition à des fins privées ».
« Une dizaine d’employés municipaux du service technique-logistique ont participé au montage des tentes et à la mise en place électrique de la manifestation, à la demande de la mairie », raconte à Mediapart un employé communal présent ce jour-là (lire notre boîte noire). Selon lui, l'intervention « s’est faite en catimini, dans la discrétion la plus totale. Ils n’ont pas eu le choix, certains ont râlé le lendemain en privé, en disant “ce n’est pas à nous de faire le job, il y a des bénévoles pour ça”. Cela pose problème, à gauche comme à droite, on ne doit pas utiliser un personnel municipal à des fins politiques ».
Un autre employé communal présent confirme : « Dix ou douze employés montaient le matériel, les tentes, les câbles électriques, ils ont installé les tables et chaises. » Ils ont « travaillé au montage le dimanche, de 19 h à près de minuit, puis le lundi à partir de 6 h du matin pour finir le travail » et ont « assuré le démontage le mardi entre 6 h et midi ». Selon lui, ils étaient présents « comme employés municipaux, pas comme bénévoles, c’est une certitude ».
Contacté, le gardien du « Tir-au-Vol » explique qu’il était « d’astreinte » pour cet événement et qu’il a « nettoyé la salle » avant et après l’événement, à la demande de son chef de service.
Sollicité à plusieurs reprises, ni le maire ni son directeur de cabinet n’ont répondu à nos questions (lire notre boîte noire). Lors du conseil municipal de septembre, des élus de l’opposition avaient questionné Yves Foulon sur l’organisation et le financement de ce rassemblement. Conseillère municipale passée dans l’opposition après un désaccord avec le maire, Françoise Visticot avait précisé, témoignages à l’appui, que des employés de la ville avaient travaillé à la logistique et à la mise en place de la manifestation. Maurice Granet, le chef de file des élus socialistes, avait quant à lui questionné le maire sur l'installation de barrières municipales devant le restaurant « Le Chantier », où avait lieu la conférence de presse des « Amis de Nicolas Sarkozy », le 1er septembre.
« Aucun personnel municipal n’a été mis à disposition », avait répondu Yves Foulon. Ce n’est pas la version que livre à Mediapart l'association : dans un mail (lire notre boîte noire), Brice Hortefeux et son bras droit Geoffroy Didier reconnaissent que « le montage des tentes a été effectué par le personnel municipal » et précisent que celui-ci était le « seul habilité à le faire, en application des règles de sécurité régissant ces équipements ».
Les élus de l’opposition se sont aussi interrogés sur le prêt du « Tir-au-Vol » par la mairie. « Une convention a été signée entre la Ville et l’association, et le Tir-au-Vol avait été mis à disposition gratuitement comme c’est le cas lors des réunions à caractère politique, quelle que soit la tendance », avait indiqué Yves Foulon en séance.
Dans cette convention, que Mediapart s'est procurée, l'article 3 (« prix de location ») souligne que la salle est mise à disposition gratuitement « comme pour toute formation politique ». Une précision qui ne figure pas sur les autres conventions de mise à disposition de la salle.
Pour le divers droite Charles-Albert Lucas, cette modification « est une justification de la déclaration du maire au conseil municipal. Jamais auparavant nous n'aurions pensé qu'une association parisienne disposerait de la gratuité de cette salle, d'habitude prêtée aux associations arcachonaises et sections locales des partis politiques ». « Le maire avait répondu très brièvement, nous n'avons pas pu avoir de précisions : en conseil municipal nous ne pouvons pas reprendre la parole après sa réponse... », explique Maurice Granet.
Autre problème : l’association ne semble pas avoir respecté toutes les clauses de la convention. Ainsi, le document précise que « toute vente à caractère commercial dans l’enceinte du “Tir-au-Vol” est interdite ». Or, les organisateurs ont installé un stand de vente de tee-shirts et goodies à l’effigie des « Amis de Nicolas Sarkozy ». Cette vente a eu lieu « à l’extérieur de la salle », précise Brice Hortefeux. Le stand était pourtant bien installé dans l’enceinte du « Tir-au-Vol », sous une tente.
La convention précise également que la « capacité d’accueil maximale » de la salle est de « 457 personnes debout ». Le rassemblement a pourtant accueilli quelque 2 000 personnes sur le site. Comment les organisateurs ont-ils pu s’assurer qu’il n’y avait pas plus de 475 personnes dans la salle ?
Enfin, le document stipule que l’association doit joindre à la convention « une attestation d’assurance en cours de validité couvrant sa responsabilité civile ». Mais lorsque l'opposition lui a réclamé cette attestation, le maire a brandi celle de la commune : « la ville bénéficie d'un contrat d'assurance de dommage aux biens permanent pour tous les équipements municipaux », écrit-il dans un courrier dont Mediapart a eu copie. Hortefeux, lui, affirme qu'« un contrat d’assurance a bien été souscrit », sans pour autant produire ce document.
Les organisateurs entretiennent aussi le flou concernant le paiement des chambres d’hôtels et consommations des participants. « L’association n’a pas payé de chambres à ma connaissance », explique d’abord Brice Hortefeux, sans vouloir dire qui les a réglées. Dans sa réponse écrite à Mediapart, il refuse de dire où ont été logés les participants. Il explique que « chacun gérait sa chambre » et précise désormais que « ni la mairie ni l’association ne les ont payées ».
Plusieurs membres du bureau ont été logés à La Corniche, luxueux hôtel avec des chambres coûtant jusqu'à 795 euros la nuit. Brice Hortefeux a été « invité », tandis que Nadine Morano et Alain Carignon ont bénéficié « de super tarifs », explique la direction. D'autres participants ont séjourné aux Bains d’Arguin, bel hôtel quatre-étoiles à proximité de la mer, qui dispose d'un centre de thalassothérapie et spa. « Cela a été géré de manière très très floue, raconte un employé des Bains d'Arguin. Brice Hortefeux et Franck Laugier étaient venus (en amont, ndlr). On nous avait demandé de mettre une trentaine de chambres en réservation. Des acomptes ont été versés. Mais nous ne savons pas comment et par qui ont été réglées les chambres. C'est passé en partie par le directeur. »
Contacté, Didier Vielfaure, le directeur des Bains d'Arguin, refuse de répondre en invoquant « un devoir de confidentialité » et se contente d'expliquer que « les factures ont été payées ». L'hôtelier est actuellement en discussion avec la mairie pour déterminer les conditions de l'agrandissement de son établissement, situé à proximité de terrains municipaux. Il projette d'ajouter 24 chambres à l’hôtel et de construire deux piscines nouvelles pour la Thalasso.
Le flou réside aussi sur le paiement des consommations au restaurant Le Chantier, à l’occasion de la conférence de presse de l’association. « Le Chantier a offert les boissons aux journalistes présents », répond Brice Hortefeux, sans évoquer les dépenses des membres de l’association eux-mêmes.
« Si tous les Arcachonnais avaient droit au même traitement, ce serait formidable ! » ironise Anny Bey, candidate divers droite à la mairie d'Arcachon. « Si effectivement la présence d'employés municipaux est avérée, cela voudrait dire qu'un élu de la République est coupable de parjure en pleine séance municipale », déclare-t-elle. Cette ex-déléguée de circonscription UMP explique qu'elle « (se) réserve le droit, après les élections municipales, d'agir, en tant que citoyenne ».
Son colistier Charles-Albert Lucas dénonce « un événement politique qui fait la promotion du maire et a engendré des dépenses importantes ». Pour lui, « il n'y avait aucune raison de mettre à contribution le personnel municipal. Pourquoi ne pas avoir loué des tentes ? ».
« Si ces faits sont avérés, tout cela est scandaleux et inacceptable », commente le socialiste Maurice Granet. Le contrôle de la légalité et la chambre régionale des comptes devront vérifier cela. Si des exactions ont été commises, la justice devra s'en saisir. »
BOITE NOIRELes employés municipaux cités n'ont témoigné qu'à la condition que leur anonymat soit respecté, étant donné le devoir de réserve auquel ils sont soumis. Plusieurs témoins ont précisé à Mediapart être prêts à confirmer leurs propos devant la justice, si nécessaire.
Brice Hortefeux a été joint le 13 janvier. « Je vois Yves Foulon demain soir, je lui demanderai, il vous passera les documents, je pense que tout a été fait dans les règles pour cette manifestation », nous a-t-il expliqué. Il a demandé à son bras droit Geoffroy Didier, « qui a suivi cela », de nous transmettre ses réponses précises : « On va vérifier, dans les 48 heures. » Après la réception de leurs réponses par mail le 17 janvier, nous leur avons adressé d'autres questions écrites, auxquelles ils n'ont pas répondu.
Sollicités à de multiples reprises, le maire Yves Foulon et son directeur de cabinet, Franck Laugier, n'ont pas donné suite à nos demandes d'entretien et n'ont pas répondu à nos questions adressées par email.
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