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L'ex-procureur Courroye épargné dans l'affaire des fadettes

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Au terme d’un délibéré anormalement long, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) vient enfin de statuer sur le sort de l’ex-procureur de Nanterre Philippe Courroye, et a décidé qu’il n’y avait « pas lieu  à prononcer une sanction disciplinaire » contre lui.

  • L'avis du CSM (18 pages) peut être consulté intégralement ici et (cet avis est en deux parties).
Philippe Courroye et Nicolas SarkozyPhilippe Courroye et Nicolas Sarkozy

Saisi par le journal Le Monde, le CSM était essentiellement chargé de dire si l’épluchage des factures téléphoniques détaillées (« fadettes ») de deux journalistes, décidé en 2010 par l’alors procureur de Nanterre, cela afin d’identifier l’auteur d’une fuite dans l’affaire Bettencourt, constituait une faute déontologique.

Depuis lors, l’enquête préliminaire qu’avait diligentée Philippe Courroye pour recueillir ces fadettes a été annulée avec perte et fracas par la cour d'appel de Bordeaux puis par la Cour de cassation : elle contrevenait en effet aux textes sur la protection des sources des journalistes, ainsi qu’aux décisions constantes de la Cour européenne des droits de l’homme sur le sujet.

Sur ce point, le CSM note que « la violation d'une règle de procédure a été constatée par une décision de justice devenue définitive ». Il estime également que Philippe Courroye a « gravement méconnu le principe de proportionnalité des actes d'enquête à effectuer au regard de la protection due aux sources des journalistes », et que « la gravité de la violation de la règle de procédure est dès lors établie ».

Cependant, le CSM relève que ni le parquet général de la cour d'appel de Versailles, ni la Direction des affaires criminelles et des grâces n'ont, à l'époque, réagi pour faire constater l'irrégularité de cette procédure. Clément, le CSM en conclut que la « précipitation » du procureur de Nanterre et sa « grave erreur d'appréciation » ne peuvent, à elles seules, « établir le caractère délibéré de la violation par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties ».

D'autres griefs retenus contre Philippe Courroye, accusé d'avoir fait pression sur deux policiers, et d'avoir sollicité leur chef, « pour fautifs qu'ils soient, ne justifient pas le prononcé d'une sanction disciplinaire », estime le CSM.

Quant aux derniers griefs, moins graves – des « déclarations publiques par voie de presse », un « abandon d'enquête » au profit de la police, et une information « insuffisante » de sa hiérarchie –, ils sont balayés par le CSM sans grande surprise.

Toutefois, en conclusion de son avis, le CSM se fend d'un passage assez perfide. « Si le Conseil est d'avis (...) de ne pas infliger de sanction disciplinaire à M. Courroye, il lui est apparu au vu de l'ensemble des éléments du dossier qui lui ont été soumis, que l'intéressé, dont le projet de nomination à la tête d'un des plus grands parquets de France a fait l'objet le 28 février 2007 d'un avis défavorable, et pour lequel le Conseil a également émis le 31 juillet 2012 un avis favorable à sa mutation dans l'intérêt du service, ne disposait pas des qualités requises pour diriger un parquet. »

Autrement dit : Philippe Courroye avait déjà été sanctionné, et il n'était pas besoin d'en rajouter. Du même coup, un éventuel retour à de hautes fonctions dans la magistrature semble maintenant impossible pour lui.

Lors de l’audience du 15 novembre dernier, le rapporteur du CSM Christian Raysséguier avait fait une lecture du dossier très sévère pour Philippe Courroye. Quant au représentant du ministère de la justice, Jean-François Beynel, il avait réclamé une sanction « importante » contre le magistrat, qui devait être « équivalente au retrait des fonctions de procureur de la République ».

Une tournure qui avait alors semblé alambiquée, l’ancien procureur de Nanterre ayant déjà été muté « dans l’intérêt du service » à la demande de Christiane Taubira, pendant l’été 2012. Philippe Courroye est aujourd'hui avocat général à la cour d’appel de Paris, chargé de requérir aux procès d’assises en banlieue.

Face au CSM, Philippe Courroye s’était présenté comme la victime d’une chasse aux sorcières, expliquant notamment qu’une décision juridictionnelle ne pouvait pas être poursuivie au disciplinaire. Ses avocats, Jean-Yves Dupeux et Francis Teitgen, avait surenchéri sur le thème de l’excellent magistrat devenu un homme « à terre », « abandonné de tous ».

Le CSM devait initialement rendre sa décision le 17 décembre, après un mois de délibéré. Mais un nouveau délai de plus d’un mois a été nécessaire, signe que la prise de décision au sein du conseil, composé de magistrats et de “laïcs”, s’est faite dans la douleur.

Dans un communiqué diffusé ce mardi, la ministre de la justice Christiane Taubira « prend acte » de l’avis rendu par le CSM, mais elle rappelle ceci : « Conformément à la loi organique, il appartient désormais à la garde des Sceaux de se prononcer sur la recommandation du Conseil supérieur de la Magistrature. »

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Google Glass : la fin des mots de passe?


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