De nos envoyés spéciaux à Alicante (Espagne)
« Nous voulons savoir où est passé notre argent et à qui il a servi », a déclaré, mercredi, Miguel Cancela, l’un des responsables de l’association des victimes du groupe immobilier espagnol Riviera, lors d’une conférence de presse tenue à Alicante. Le point presse était organisé en présence de leur avocat, à San Vicente del Raspeig, une résidence universitaire restée inachevée après l'interpellation des dirigeants de Riviera, en 2008.
Les victimes françaises du promoteur immobilier Roch Tabarot, frère de la secrétaire générale de l’UMP et députée des Alpes-Maritimes Michèle Tabarot, ont annoncé leur décision d’engager une procédure en France. Me William Bourdon s’apprête à déposer plainte en leur nom contre Roch Tabarot et X... pour « escroquerie en bande organisée », « complicité et recel » et « blanchiment ».
Mis en cause en 2008 pour une escroquerie immobilière estimée à 72 millions d’euros, le groupe dirigé par Claude Roch Tabarot, le frère de la secrétaire générale de l’UMP, a organisé l’évaporation des fonds placés par plusieurs milliers de particuliers dans l’achat d’appartements dans la région d’Alicante. Près de 8 millions d’euros en virements, et 13,5 millions en espèces sont en particulier sortis des caisses du groupe.
Miguel Cancela, agent immobilier français floué par Riviera, a précédemment témoigné du versement par Roch Tabarot de dessous-de-table via une société aux îles Caïmans. « Nous soupçonnons fortement que cet argent a servi à financer les campagnes électorales de Michèle Tabarot, a-t-il expliqué mercredi lors de la conférence de presse. Les dates coïncident (avec les élections municipales de 2008 - ndlr). Nous nous tournons vers la justice française pour qu’une enquête soit ouverte sur l’argent transféré en France » (voir la vidéo ci-dessous) :
Présent également à la conférence de presse, Robert Garcia, qui a perdu 340 000 euros dans cette escroquerie immobilière, et naguère proche de la famille Tabarot, a décidé de regrouper les plaignants français derrière lui :
« Nous allons chercher à engager des investigations judiciaires en France pour déterminer la destination de l'argent et savoir s'il a servi aux campagnes électorales », indique à Mediapart l’avocat de l’association des victimes, Me José Luis Escobar, présent à la conférence de presse. Nous allons aussi engager une procédure civile car ces victimes ont beaucoup perdu. »
En collaboration avec Me Escobar, William Bourdon a été chargé par les victimes françaises, qui seraient au total de l’ordre d’une vingtaine, de déposer plainte à Grasse (Alpes-Maritimes). «L’inertie de la procédure espagnole, en dépit d’un arrêt qui a relancé l’enquête en 2011, permet d’envisager une plainte en France sur un périmètre large», commente l’avocat, joint mercredi à Paris par Mediapart. « Nous préparons une plainte pour escroquerie en bande organisée, recel et complicité, et qui risque vraisemblablement de faire apparaître des faits de blanchiment d’escroquerie », ajoute-t-il.
Bien que les victimes s’apprêtent à faire parvenir les éléments de l’enquête espagnole dont elles disposent, il est vraisemblable que la justice française sollicite la coopération des juges de l’Audiencia nacionale espagnole, a souligné l’avocat.
La secrétaire générale de l’UMP Michèle Tabarot, députée et maire du Cannet (Alpes-Maritimes), risque d’être visée par ces développements, comme son frère Philippe, secrétaire national de l’UMP, conseiller général des Alpes-Maritimes et candidat à la mairie de Cannes. Tous deux sont proches de leur frère aîné, établi en Espagne. La présence de Roch Tabarot au Cannet et à Cannes, lors des campagnes électorales de Michèle et Philippe Tabarot est attestée par de nombreux témoins.
Cette proximité est renforcée par la présence, jusqu’en 2007, dans l’état-major du groupe immobilier Riviera, de Frank Mezzasoma, proche collaborateur de Michèle Tabarot et trésorier adjoint de l’UMP des Alpes-Maritimes.
« Il y a des preuves qu’une partie de l’argent des victimes espagnoles du groupe Riviera est allée en France et que cet argent a été détourné par un membre de la famille de responsables politiques, dans leur campagne électorale », avait déclaré à Mediapart Me José Luis Escobar.
BOITE NOIREPour poursuivre son enquête sur Michèle Tabarot, dont le premier volet est à lire ici, Mediapart s'est rendu à Alicante, en Espagne. Nous avons suivi la première initiative publique prise par les victimes françaises du groupe immobilier de Roch Tabarot.
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