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Le modèle social à quitte ou double

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Le « virage » ou « l’accélération » de François Hollande alimenteront longtemps la chronique politique. Entre le thème de « la trahison du discours du Bourget », celui de la « triangulation » qui déstabilise les partis de droite, celui des « cadeaux aux entreprises », celui de la politique « de l’offre » et de l’abandon d’une politique de la demande, les débats peuvent être alimentés à l’infini. Pourtant le plus important n’est pas les hypothèses d’école mais une certitude concrète : avec son « pacte », François Hollande a fait franchir le Rubicon à la France, et il ne pourra plus revenir en arrière. Ce n’est pas sa réélection en 2017 qu’il vient de jouer à quitte ou double, c’est le modèle social français.

Le Président socialiste a changé de logiciel. Il a beau dire que son seul but est de réduire le chômage, et qu’il est donc fidèle à son discours de campagne, ainsi qu’à l’histoire de la gauche, sa parade est une jonglerie. Car dans ce pays aux cinq millions de sans emplois, tous les partis ne parlent que de cela : de l’extrême gauche à l’extrême droite ils mettent en avant la lutte contre le chômage, les uns grâce à l’action de l’État, les autres grâce aux logiques du marché. 

Or François Hollande vient officiellement de passer d’une logique à l’autre. La gauche disait jusqu’à présent que la distribution de pouvoir d’achat, par exemple sous forme de salaire minimum ou d’allocations, mettait du carburant dans la croissance, et la relançait par la consommation. La droite assure au contraire que toute contrainte extérieure à l’entreprise, qu’elle soit réglementaire ou salariale, « charge son sac », la handicape sur le marché de la concurrence, et conduit à une hausse du chômage.

Deux cercles vertueux s’affrontaient depuis pas loin d’un siècle. John Maynard Keynes contre Friedrich Hayek. La relance par le pouvoir d’achat face à la croissance par la baisse des charges. Or François Hollande vient de passer de l’une à l’autre. Il a beau entonner le célèbre leitmotiv de Julio Iglesias « Non je n’ai pas changé », lui peut-être pas, mais la France bel et bien.

Car les trente-cinq milliards d’euros de cotisations familiales que ne paieront plus les entreprises, les cinquante-cinq milliards en tout, qui les financera désormais ? Personne à écouter le chef de l’État. Pourquoi ? Parce qu’en échange de cet allègement, les patrons embaucheraient, un million de personnes retrouveraient du travail, donc paieraient des cotisations au lieu d’être assistées, et le tour serait joué.

Exactement le raisonnement magique de la relance par la consommation, qui était allé dans le mur en 1983, mais à l’envers.

Que se passera-t-il si les entreprises, prises à la gorge par d’autres nécessités mondiales, expliquaient soudain qu’elles n’ont pas les moyens d’embaucher, et réclamaient au contraire des baisses de « charges » supplémentaires ? Faudrait-il renoncer aux allocations familiales, aux primes de rentrées, aux allocations logement, ou les maintenir en imposant des plans d’austérité draconiens, auprès desquels les sacrifices des dernières années passeraient pour des délices de Capoue.

On entrerait dans une logique qui ne tiendrait pas du miracle français mais de la tragédie grecque, ou portugaise, ou espagnole. Elle consiste à démanteler les États, en appauvrissant les peuples, pour sauver les économies. Au bout du compte, si l’échange « baisse des cotisations contre création d’emploi » ne relançait pas la croissance, il y aurait des gagnants, les entreprises, et un perdant, l’État, sans ressources et sans pouvoir, donc K.-O. pour le compte.   

Pour éviter cette perspective funeste, qui renverrait pour cent ans les socialistes et toute la gauche dans l’opposition, le président de la République a trouvé une parade. Il a inventé « l’observatoire des contreparties », composé de patrons et de salariés, qui suivrait l’application du pacte. Quelles seront les armes de cette espèce de police, si l’un des partenaires ne faisait pas ce qu’il a promis ? Nul ne le sait, et c’est la grande faiblesse du projet de François Hollande.

Il a rendu les armes en invitant ses « partenaires » à l’imiter. Il a fait le pari de la bonne volonté réciproque, plutôt que celui du rapport de force. Adieu la lutte des classes, bonjour Jean Yanne : Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil… Soit ça marche, et ce serait une première. Soit le monde va comme il va, le Président se fera plumer, et les Français seront tout nus.

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