Par les temps qui courent, une courbe qui s’inverse, ça se savoure. Vincent Peillon a annoncé ce mercredi 8 janvier que le nombre de décrocheurs, ces élèves qui sortent sans diplôme du système scolaire – environ 180 000 chaque année selon le ministère –, serait cette année en baisse. 23 000 jeunes qui avaient au cours de l’année 2013 quitté prématurément le navire ont ainsi été « raccrochés ». Une bonne nouvelle comme son ministère en attendait impatiemment, un mois après les piteux résultats de PISA. D’autant que le chiffre présenté aujourd’hui correspond exactement à l’objectif que s’était fixé le ministre de l’éducation nationale, il y a un an, en présentant sa politique de lutte contre l’une des plaies les plus profondes du système éducatif français. Sur le quinquennat, le gouvernement s’est engagé à diviser par deux le nombre des « décrocheurs ».
Vincent Peillon, en présentant au lycée professionnel Pierre-Gilles de Gennes de Paris ces résultats, n’a donc pas boudé son plaisir. Le décrochage scolaire, a-t-il expliqué, est « un drame pour la collectivité nationale (…) Un pays qui accepte qu’un quart de sa jeunesse – toujours la même – sorte sans diplôme, sans qualification, est un pays sur la pente du déclin, qui baisse les bras ».
Dans la continuité de ce qu’avait amorcé Luc Chatel en 2011, qui avait créé des plateformes pour recenser et identifier ces élèves souvent partis sur la pointe des pieds et dans l’indifférence totale du système, le ministère a mis en place depuis un an des structures pour proposer à ces jeunes, âgés de 16 à 25 ans, des solutions pour retrouver le chemin de la formation sous une forme ou sous une autre.
Depuis un an, sur l’ensemble de ces récents décrocheurs, 16 000 jeunes sont retournés en formation initiale « classique », 2 600 ont intégré des structures spécifiques type micro-lycées, lycées de la deuxième chance, etc., 3 000 effectuent leur service civique et 880 ont signé un contrat d’apprentissage. Par ailleurs, 11 000 jeunes se sont engagés dans un « parcours de retour en formation ».
Pour obtenir ces résultats, pas moins de « 100 000 jeunes ont été contactés au cours de l’année écoulée et 90 000 ont été reçus en entretien individuel pour faire le point sur leur situation », nous explique Daniel Assouline, le conseiller de Vincent Peillon en charge du dossier. Il assure par ailleurs que ces « raccrochés » sont a priori durablement revenus dans leur formation puisqu’ils ont signé des contrats de retour en formation et qu’ils seront désormais très régulièrement suivis par un tuteur.
Si les chiffres présentés sont encourageants, pour tenir l’objectif de diviser par deux le nombre de jeunes en rupture avec l’école, ce traitement a posteriori du décrochage ne pourra évidemment pas suffire. La faible proportion des jeunes raccrochés en témoigne et le nouvel objectif de 25 000 l’an prochain n’y changera pas grand-chose. S’attaquer véritablement au phénomène du décrochage implique de réduire, en amont, le nombre colossal et toujours stable de jeunes qui estiment chaque année qu’ils n’ont pas leur place à l’école. Cela nécessite donc d’engager des réformes autrement plus profondes que ce suivi personnalisé. C'est s’attaquer à l’orientation subie, la notation-sanction, le redoublement massif, les exclusions… Tout ce qui fait que l'école est devenue cette implacable machine à trier et à exclure. Vincent Peillon l’a lui-même reconnu aujourd’hui en indiquant que tout cela faisait partie de son projet de refondation globale de l’école. Sauf que sur ces sujets – d’autant plus sensibles qu’ils touchent aux habitudes les plus profondes de l’école française –, les choses, en dehors des déclarations d'intention du ministre, n'ont pas progressé depuis un an et demi.
Voir ce témoignage recueilli par le Pôle innovant lycéen (PIL), une structure qui aide ces jeunes à « raccrocher » :
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