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À Neuilly, la campagne « risquée » de l'UMP

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Neuilly serait-elle devenue la ville maudite de l’UMP ? La question peut prêter à sourire, tant on a entendu dans les Hauts-de-Seine (ici ou là) que même « un hamster avec une étiquette UMP sur le front se ferait élire à Neuilly ». Dirigée pendant près de vingt ans par Nicolas Sarkozy, la ville a longtemps été l'une des plus importantes sections UMP en France. Mais depuis 2008, et l'épisode tragicomique « Martinon, non non », le parti marche sur des œufs.

« La situation est compliquée, car ce n’est pas celle qu’on attendait », reconnaît Roger Karoutchi, interrogé par Mediapart. Le secrétaire départemental de l’UMP des Hauts-de-Seine ne cache pas la relative « confusion » dans laquelle se retrouve à nouveau son parti à Neuilly, à trois mois des municipales. Pas de candidat naturel, un maire sortant qui refuse l'étiquette UMP, plusieurs listes montées à droite, une ancienne ministre qui réfléchit à son parachutage, un sondage commandé pour la tester et une ville qui bruisse de rumeurs. Récit d'une équation à plusieurs inconnues.

« C’est une campagne électorale risquée », reconnaît la députée européenne UMP Constance Le Grip. Pour cette ancienne conseillère parlementaire de Nicolas Sarkozy, et ex-élue municipale à Neuilly, « il est urgent de ne pas se précipiter dans la prise de décision ». Dans cette ville clé des Hauts-de-Seine, « les listes sont toujours à construire avec beaucoup de délicatesse », dit-elle. Il y a toujours eu des histoires électorales pleines de rebondissements, Hersant vs Florence d’Harcourt (aux législatives de 1978, Robert Hersant, candidat du RPR, est sévèrement battu par Florence d'Harcourt - ndlr), Nicolas Sarkozy en 1983 (qui double Charles Pasqua et devient maire - ndlr)... ». Mais « les turbulences de 2008 ont particulièrement laissé des traces ».

Jean Sarkozy et David Martinon, alors secrétaire général de l'Elysée, le 22 octobre 2007, lors d'une visite officielle au Maroc.Jean Sarkozy et David Martinon, alors secrétaire général de l'Elysée, le 22 octobre 2007, lors d'une visite officielle au Maroc. © Reuters

Cette année-là, David Martinon, le candidat UMP, est rejeté massivement, malgré le soutien de Nicolas Sarkozy (et de son fils Jean). Après une élection fiasco, c’est un candidat divers droite qui l’emporte, avec plus de 60 % des voix : Jean-Christophe Fromantin. Ce quadra chef d’entreprise se félicite alors d’avoir « déverrouillé le système avec des acteurs de la société civile » et raconte par le menu les (vaines) tentatives de l’UMP de le ramener dans son giron.

Depuis, la prise de la « citadelle Neuilly » a fait tache d’huile dans le département. À chaque élection, les fissures de l’empire Sarkozy s'étendent un peu plus. En 2011, ce sont deux autres symboles qui sont battus aux cantonales : Marie-Cécile Ménard (successeure de Sarkozy au conseil général) à Neuilly, et Isabelle Balkany, l’amie de trente ans, à Levallois. L’année suivante, aux législatives, aucun baron UMP n’est élu au premier tour dans ce département où la droite détenait pourtant dix circonscriptions sur treize.

Pire, plusieurs proches de Sarkozy tombent au second tour : Claude Guéant (Boulogne), Philippe Pemezec (Plessis-Robinson), Manuel Aeschlimann (Asnières). Jean-Christophe Fromantin, lui, ajoute à ses mandats de maire et de conseiller général celui de député en s'emparant du siège de Joëlle Ceccaldi-Raynaud, qui avait succédé à Sarkozy.

Jean-Christophe Fromantin, député, maire et conseiller général de Neuilly.Jean-Christophe Fromantin, député, maire et conseiller général de Neuilly. © dr

Alors pour l’UMP, pas question de vivre une humiliation supplémentaire aux municipales, en mars. « Au début, on était plutôt dans l’état d’esprit de dire “on ne va pas se casser la tête, on va soutenir Jean-Christophe Fromantin”, car on a dans le département un accord ancien de soutien mutuel entre l’UDI et l’UMP », raconte Roger Karoutchi, en rappelant qu’« à Meudon, Issy-les-Moulineaux, Montrouge, Vanves, l’UMP soutient sans problème les maires sortants UDI ».

Dès juillet, Jean Sarkozy est missionné pour aller discuter avec Fromantin. « Il a répondu qu’il était indépendant et ferait sa liste comme il l’entendait », relate Karoutchi. De son côté, le maire de Neuilly affirme avoir refusé d'accueillir le fils Sarkozy sur sa liste : « À compétences égales, moi, je prends les plus loyaux. Ce sont ceux qui tractent avec moi depuis 2007 dans le froid, sans rien demander, qui seront sur ma liste. »

En octobre, Fromantin, désormais étiqueté par sa vice-présidence de l'UDI, annonce qu'il refuse tout soutien partisan, de l’UMP comme de l’UDI, dont il désapprouve le mariage avec le MoDem. Il lance même un label : les « candidats libres ». « On a tout fait, il a opposé une fin de non-recevoir. J’ai appelé les responsables de l’UDI, qui m’ont dit “On a le même problème que toi” », assure Karoutchi. « Cette stratégie de la main tendue a fini par nous donner des crampes », déplore Constance Le Grip.

Bernard Lépidi et Franck Keller, deux autres candidats à droite à Neuilly.Bernard Lépidi et Franck Keller, deux autres candidats à droite à Neuilly. © Capture d'écran de leurs sites de campagne.

Le 15 octobre, en marge du conseil national de l’UMP, c’est une ancienne ministre phare, Michèle Alliot-Marie, qui interroge : « Qu’est-ce que vous comptez faire à Neuilly ? Car j’habite Neuilly, ma famille habite Neuilly, et ce qui s’y passe m’intéresse. » « On a pris cela comme un intérêt manifeste », rapporte Karoutchi.

Un mois plus tard, en pleine « confusion », et « sans résultats », l’UMP patine. Plusieurs listes se montent : celle de Franck Keller, militant UMP de 42 ans, qui travaille dans l'immobilier ; et celle de Bernard Lépidi, ancien vice-président du CNIP, et adversaire de Fromantin aux législatives en 2012. « On s’est dit “attention à ne pas être ridicules non plus, on ne peut pas se permettre d’avoir trois listes à Neuilly”. On a dit à Michèle Alliot-Marie : “On te laisse jusqu'à Noël pour décider”, raconte le patron de la fédération des Hauts-de-Seine. 

Dans le brouillard, l'UMP « a voulu éclairer la décision avec un sondage, commandé à l’Ifop ». Préparé par le service des élections de l’UMP, ce sondage, révélé par le Journal du dimanche, teste trois candidats face au maire sortant : Michèle Alliot-Marie, Constance Le Grip et Bernard Lepidi. 

« Michèle Alliot-Marie nous a dit très clairement qu’elle voulait savoir si elle était en situation de faire campagne », explique Roger Karoutchi. « C'est une campagne marketing, où l'UMP fait une étude de marché pour savoir si le "produit MAM" va marcher, dénonce Franck Keller. Les Neuilléens veulent un maire, pas un jeu télévisé ! » Ce militant UMP déçu par « l'UMP locale », qui n'a « rien fait en six ans et s'est ridiculisée en 2008 », s'étonne de voir « MAM sortir du chapeau au moment où les négociations entre Jean Sarkozy et Fromantin échouent ».

Depuis, rumeurs et spéculations alimentent les discussions à Neuilly. « Il y a un bouillonnement qui fait jaser dans les rues de la ville », admet Constance Le Grip, qui affirme avoir appris par la presse l’existence de ce sondage et les noms testés. Le 12 décembre, un comité de circonscription sur les municipales a été organisé en dernière minute. Dans un mail dont Mediapart a eu copie, Anthony Dodeman, chargé de mission de l'UMP Neuilly, invoque l'accélération « du calendrier » pour justifier cette « convocation qui peut paraître tardive », trois jours avant la réunion. « Il semble important de nous réunir de nouveau », écrit-il.

Contacté (lire notre boîte noire), il explique que cette réunion a été organisée « à la demande des militants UMP de Neuilly, qui souhaitaient avoir davantage d'informations sur l'éventuelle arrivée de MAM à Neuilly » après l'« engouement » suscité par « l'article du Figaro ».

Michèle Alliot-Marie, alors ministre des affaires étrangères, à Sao Paulo, le 21 février 2011.Michèle Alliot-Marie, alors ministre des affaires étrangères, à Sao Paulo, le 21 février 2011. © Reuters

Les détracteurs de Michèle Alliot-Marie, eux, raillent le choix du parti d'aller « chercher une ancienne ministre, âgée, vêtue en Chanel. Pour eux, Neuilly, c'est ça. Mais la sociologie a changé, ce n'est plus le ghetto de personnes âgées riches qu'on décrit », déplore un UMP local.

À Neuilly, certains glissent que le sondage donnerait Michèle Alliot-Marie battue et qu’elle préparerait un retrait. Rumeurs ? Peut-être. Car d’après Roger Karoutchi, les résultats du sondage ne seront connus que « vendredi ». Mais l’affaire est assez sensible pour que l’entourage de MAM, mis au courant de la préparation de cet article, prenne son téléphone pour nous contacter avant même que nous ne le fassions. Son directeur de communication, Florimond Olive, rappelle que le sondage a été commandé « par l’UMP » et que « Michèle Alliot-Marie elle-même ne s’est pas exprimée » car « elle souhaite attendre que le texte sur le non-cumul soit voté ».

Emportée par la vague rose sur ses terres de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), lors des législatives de 2012, l’ancienne ministre cherche à rebondir, à 67 ans et plus de dix années passées en ministères. Le journal Sud-Ouest, qui lui reproche d'être « partie sans dire au revoir », décrit une « trajectoire politique en chute libre » : « chahutée par l’affaire de la Tunisie début 2011, affaiblie par son départ du gouvernement et sa défaite surprise aux législatives du printemps 2012 et une nouvelle fois secouée par l’ouverture d’une information judiciaire visant sa famille ».

Son “dir com”, lui, jure qu’elle « n’avait pas prévu de s’occuper des élections intermédiaires » mais qu’elle a été « plus que très sollicitée »« On lui a proposé beaucoup de choses : des nominations à l’international – y compris à la commission européenne –, une tête de liste aux européennes, plusieurs villes (Neuilly, Montpellier, Perpignan, Périgueux, Bayonne). »

« Aujourd’hui, il n’y a pas de candidature MAM, tempère Roger Karoutchi. Elle réfléchit, elle consulte, elle reçoit beaucoup de monde, tous les jours : des commerçants, des associations, les élus UMP actuels. Elle a voulu voir si ceux qui ont présenté leur candidature viendraient derrière elle. » L’ancienne ministre devrait dire « lundi ou mardi si oui ou non elle veut aller au combat ou si cela n’a pas de sens », selon le patron de l’UMP 92. On met en place le dispositif, elle décidera. »

Quant à Jean Sarkozy, dont le nom était cité pour un éventuel ticket avec MAM, il a expliqué mardi au Lab qu'il ne serait « candidat sur aucune liste à Neuilly » et que « sur ce terrain médiatiquement abrasif, (il) préfère rester en retrait ». Encore marquée par le fiasco de 2008 et la polémique de l'Epad en 2009, sa candidature aurait été un frein plus qu'un atout.

Nicolas Sarkozy et son fils Jean Sarkozy, en 2009.Nicolas Sarkozy et son fils Jean Sarkozy, en 2009. © Reuters

Mais ils sont nombreux, à l’UMP, à penser que l'ex-ministre n’ira pas. Comme ce poids lourd du département, qui « n’y croi(t) pas » car « on la donne partante aux européennes, dans le grand Sud-Ouest ». Ou ce parlementaire, qui glisse qu’elle a émis « un vif souhait pour les européennes ».

Sous couvert de "off", un dirigeant de l’UMP détaille le scénario : « Si elle a la certitude d’être éligible en bonne place sur une liste aux européennes, avec un mandat qui court jusqu’en 2019, et qu’il y a en face un combat incertain à Neuilly avec le maire sortant, c’est plus confortable de prendre un mandat européen que d’aller au combat à Neuilly. Surtout pour une ancienne ministre. » « Toutes les hypothèses sont sur la table. Il faut attendre les résultats du sondage, les étudier de près. Puis les instances de l’UMP décideront », explique de son côté Constance Le Grip, prudente.

Chez MAM, on ne semble pas encore avoir enterré l’hypothèse Neuilly. « Elle ira là où elle est le plus utile. Il y a un problème à Neuilly. Jean-Christophe Fromantin n’arrive à s’entendre avec personne. Dès mars, elle s’était inquiétée de savoir comment ça allait se passer à Neuilly, car une grogne monte, les gens le lui disent, à Neuilly. »

Roger Karoutchi pendant le discours de Jean-François Copé, lors de l'élection interne de l'UMP, le 26 novembre 2012.Roger Karoutchi pendant le discours de Jean-François Copé, lors de l'élection interne de l'UMP, le 26 novembre 2012. © Reuters

Si Michèle Alliot-Marie n’est pas candidate, l'UMP apportera-t-elle son soutien à une autre liste ? Ou préférera-t-elle se dispenser d'un candidat face à Fromantin ? « Il n’y aura peut-être pas de candidat UMP. Il est difficile de battre un maire sortant. Et c’est vraiment très compliqué en ce moment, il y a un vrai mécontentement des Français… », estime un ténor UMP du département.

Aux législatives de 2012, sûre de sa défaite, l'UMP n'avait pas osé présenter de candidat contre Jean-Christophe Fromantin. Cette fois, en agitant la menace Alliot-Marie, elle veut mettre la pression sur le maire de Neuilly. Mais Fromantin – qui a refusé de nous répondre pour ne pas « s'exprimer sur une rumeur » –, répète qu'il n'a « pas peur de MAM » : « Ils ont plus à perdre en faisant cela, parce que le parachutage ne réussit jamais. Surtout si c’est pour débarquer trois mois avant les élections. »

De son côté, Franck Keller assure qu'il « refusera » tout ralliement à l'UMP. « Cela fait six mois qu'on fait un travail de terrain, on les dérange. Les partis politiques sont grillés à Neuilly. Les habitants en ont marre des combines politiques, ils veulent un maire libre, indépendant, et à temps plein. »

BOITE NOIRESauf mention contraire, toutes les personnes citées ont été jointes les 17 et 18 décembre.

Contacté, Anthony Dodeman, chargé de mission à la section UMP de Neuilly, a refusé de nous répondre « pour le moment, sur la situation des municipales ». Il a fini par nous envoyer une courte réponse, par mail. Il a par ailleurs refusé de nous fournir le chiffre des adhésions de la section de Neuilly. S'il affirme qu'elle reste « la plus importante de France », d'autres UMP expliquent que le nombre de militants a chuté depuis 2008.

Sollicité, Jean-Christophe Fromantin a décliné notre demande d'entretien, en expliquant qu'il ne souhaitait pas « s'exprimer sur ce qui est encore une rumeur ».

Contacté via son site de campagne le 17 décembre, Bernard Lépidi n'avait pas donné suite, mercredi soir.

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