L’État s’empare de l’affaire des quotas. La ministre des sports Valérie Fourneyron a annoncé, mardi 18 juin, lors d’un bref entretien téléphonique avec Mediapart, qu’elle saisissait officiellement les instances dirigeantes du football français sur les propos du président de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF), Jean-Pierre Louvel, qui a reconnu l’existence de « quotas tacites ».
La ministre des sports les condamne sans détour : « Ce sont des propos d’un autre âge. Je demande à la Ligue de football professionnel et à la Fédération française de football de me communiquer les conclusions qu’elles tirent de ses propos qui tombent sans ambiguïté sous le coup de la loi. Il faut que ces instances me répondent. »
Dans un livre récemment publié, Racaille Football Club, puis dans Mediapart, Jean-Pierre Louvel, l’un des plus hauts dirigeants du foot français, a relancé l’affaire des quotas en assumant des propos qui n’ont pas manqué de déclencher la polémique : « Cessons d’être hypocrites, et pas un président n’osera dire le contraire, cette histoire de quotas, c’est du pipeau à côté de la réalité. On regarde tous de près qui vient dans nos clubs aujourd’hui. Tous les clubs dosent et font en quelque sorte des quotas, pas trop de ceci ou cela… Tous les staffs de France se réunissent et dans leurs réunions disent des choses qui pourraient être très mal interprétées, mal comprises. Le quota tacite existe. Le nier serait absurde », confiait-il au journaliste de RMC, Daniel Riolo.
Des propos que le président du club de foot du Havre a ensuite revendiqués « sans problème », lundi 17 juin, auprès de Mediapart, précisant son raisonnement par des exemples liés aux problèmes qui seraient notamment causés par une surreprésentation des joueurs d’origine africaine dans les clubs professionnels : « Il y a par exemple des joueurs qui viennent de tribus dominantes et, du coup, ce sont toujours eux qui décident et pas les autres. »
Contacté par l’Agence France-Presse, M. Louvel a évoqué des « lignes sorties de leur contexte » dans le livre de Daniel Riolo et un « article négatif » de Mediapart, qui, d’après lui, « ne cherche que ça ».
Si elle ne demande pas formellement la démission de Jean-Pierre Louvel – « ce n’est pas de ma responsabilité » –, la ministre Valérie Fourneyron dit attendre une réponse rapide des instances dirigeantes du football français face aux dérapages du président de l’UCPF.
Déjà invités par Mediapart à réagir cette semaine aux propos de Jean-Pierre Louvel, les présidents de la Ligue de football professionnel (LFP), Frédéric Thiriez, et de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, se sont murés dans le silence, refusant par conséquent de condamner publiquement ces déclarations. Pire : le second a même assuré « n’en avoir rien à secouer ».
Dans son livre, le journaliste Daniel Riolo, qui se dit « sûr de ses infos », a par ailleurs affirmé que le Stade rennais « a vu partir avec plaisir la majorité de ses joueurs musulmans, lors de l’été 2012 », ajoutant que leur « nombre est désormais est limité ». Contacté à de très nombreuses reprises, le club breton n’a pas réagi.
« Si les faits relatés sont avérés, déclare la ministre des sports, il s’agit très clairement de pratiques discriminatoires qui relèvent du code pénal. C’est la loi de la République. Elle s’applique à tous, y compris au monde du sport. J’ai même envie de dire surtout au monde du sport. » Valérie Fourneyron dit agir au quotidien, depuis sa prise de responsabilités, « contre toutes les constructions de propos racistes (qui existent) dans le monde sportif ».
Il y a deux ans, le football français avait été secoué une première fois par une affaire de quotas discriminatoires, impliquant plusieurs responsables de la FFF et le sélectionneur de l’équipe de France de l'époque, Laurent Blanc, qui avait dû s’excuser de propos tenus, après les avoir démentis. L’ancienne ministre des sports, Chantal Jouanno, avait alors évoqué des déclarations « à la limite de la dérive raciste ».
Désormais sénatrice (UDI), Mme Jouanno estime que Jean-Pierre Louvel, qui a été reconduit dans ses fonctions le… 17 juin, ne peut pas « théoriquement » rester à son poste après les propos tenus. Mais, selon l’élue, la puissance publique a peu de prises réelles sur le monde du football professionnel : « Les clubs vivent en vase clos », déplore-t-elle.
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