Officiellement, les candidats au futur poste de procureur de la République financier ont jusqu’à mercredi pour faire connaître leur candidature. Mais selon des informations recueillies par Mediapart de sources concordantes, le ministère de la justice a déjà fait son choix pour ce poste aussi sensible qu’emblématique.
Sauf incident de dernière minute, la candidature que la chancellerie va soumettre prochainement pour avis au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est celle de Catherine Pignon, 51 ans, actuelle procureure générale près la cour d’appel d’Angers. Un choix très révélateur des préoccupations qui sont celles du pouvoir pour tourner la page de l’affaire Cahuzac en affichant une volonté sans faille de lutter contre la délinquance en col blanc.
Sur le papier, Catherine Pignon a toutes les qualités requises pour devenir procureur de la République financier. Loin d’être néophyte, elle a notamment dirigé la section financière du parquet de Paris, où se concentrent les affaires les plus pointues, de 2002 à 2006. Catherine Pignon avait auparavant été détachée au Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) de 1995 à 1996. Enfin, elle est membre du comité de surveillance de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) depuis février 2012.
Il reste que la promotion programmée de Catherine Pignon fait grincer des dents à gauche, et au sein de la magistrature. Cette « parquetière » a, en effet, fait carrière sous la droite. Elle est ainsi décrite comme une protégée de l’influent procureur Yves Bot, sous les ordres duquel elle a travaillé au tribunal du Mans (de 1991 à 1993), puis à celui de Paris (de 2002 à 2004).
Elle a, par ailleurs, été promue au poste de procureure générale de Besançon par Rachida Dati en 2008, puis au poste de procureure générale d’Angers par Michel Mercier en 2011, faisant des jaloux à chaque fois.
Quoiqu’il en soit, des sources judiciaires assurent que l’Élysée et Matignon ont déjà donné leur feu vert à la nomination de Catherine Pignon, une personnalité d’ouverture aux compétences reconnues. Ce qui illustre la peur panique du pouvoir à l’idée d’être accusé de nommer un proche ou une personne de confiance à un tel poste, et de faire aussitôt naître le soupçon sur l’impartialité dans le traitement des affaires. Un reproche qui avait été récurrent sous les mandats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, où certaines nominations partisanes à des postes clés s'étaient faites contre l'avis du CSM, comme celle de Philippe Courroye à la tête du parquet de Nanterre.
En passant, la nomination annoncée de Catherine Pignon montre aussi à quel point la gauche judiciaire manque de cadres, tous les postes hiérarchiques ou presque ayant été pourvus par la droite depuis 1995, avec un léger bémol pendant la parenthèse cohabitationniste de 1997 à 2002.
Habile ou discutable, selon les points de vue, la promotion programmée de Catherine Pignon présente néanmoins un avantage certain : elle répond de façon légitime au manque criant de diversité dans une haute magistrature où les hommes sont surreprésentés, comme l’a rappelé le rapport annuel 2012 du CSM.
Les magistrats intéressés pour le poste de procureur de la République financier peuvent encore se faire connaître jusqu'au 11 décembre. Initialement présenté au conseil des ministres du 7 mai comme devant disposer de « moyens propres entièrement dédiés à la lutte contre la fraude fiscale et la corruption », « considérablement renforcés avec la création à terme d’une cinquantaine de postes de magistrats (notamment 22 magistrats du parquet et 10 juges d’instruction) et d’assistants spécialisés », le futur procureur de la République financier devra, en fait, se contenter de moins.
Le texte finalement adopté le 5 novembre ne prévoit, en effet, qu’un total de 15 postes de magistrats pour le parquet. Et encore : seuls 5 postes doivent être pourvus au 1er février (le procureur, son adjoint, un premier vice-procureur, un vice-procureur et un substitut), les 10 autres postes ne devant être pourvus qu’ultérieurement, « ce parquet ayant (...) vocation à monter progressivement en puissance au cours du second semestre 2014 », selon une note du directeur des services judiciaires dont Mediapart a pris connaissance.
Le futur procureur financier sera choisi par le pouvoir. « Il sera nommé par décret du président de la République, sur proposition du garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. » En outre, il « dépendra hiérarchiquement du procureur général de Paris ». Placé à côté du procureur de la République de Paris, François Molins, avec le même grade hiérarchique il va, de fait, dépouiller celui-ci de la plupart de ses dossiers sensibles. La répartition des dossiers étant la grande inconnue de cette dyarchie à venir.
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